lundi 5 décembre 2022

Voici venir la 6ème génération


Northrop Grumman et l'US Air Force ont très officiellement lancé vendredi 2 décembre, avec la présentation du bombardier stratégique furtif B-21, l'ère de la "6ème génération" de l'aviation militaire. La même semaine, en Europe, les projets SCAF et Tempest faisaient l'objet d'annonces significatives. 

Images: Northrop Grumman/US Air Force.


"6th Gen": ce terme très marketing (d'autant plus qu'on définit encore mal ce que sera cette fameuse sixième génération, la cinquième étant marquée par la consécration de la fusion de données), soyez prêts à l'entendre de plus en plus couramment désormais. 
Il concerne "notre" SCAF (système de combat aérien futur) et une pincée de projets semblables dans le monde. Il concerne surtout en premier lieu les programmes américains comme ce bombardier stratégique furtif B-21, ou le fameux NGAD (next generation air dominance), dont le chasseur de nouvelle génération, sorte d'anti-F35 dans l'idée, aurait bel et bien volé ces derniers mois, dans le plus grand secret. 

Développé depuis -seulement- 2015 par Northrop Grumman, le B-21 "Raider" se veut le successeur du mythique B-2 (et du B1) au sein de l'US Air Force. Nous parlons ici d'un bombardier stratégique furtif, capable donc de délivrer le feu nucléaire. Au même titre que le vénérable B-52, lorsque de tels appareils décollent, même pour des missions conventionnelles, c'est que l'Amérique envoie un message clair. 

Cette première sortie du B-21, teasée depuis des semaines, en a finalement peu révélé sur l'appareil, mais s'il s'agit bien comme attendu, d'une aile volante quadriréacteur, de taille plus réduite que celle du B-2. L'appareil reste -et restera- très secret, ses entrailles renfermant la grande partie de ses technologies clés. 

On peut cependant parier sur une furtivité améliorée, une allonge sans précédent, une électronique sans équivalent dans le monde… et, c'est important, la promesse d'une maintenance bien moins lourde (grâce aux technologies de l'industrie 4.0) que celle nécessaire pour le B-2.

Rappelons que le coût du programme s'élève à 80 milliards d'euros, que 80 à 100 bombardiers seront produits. Six sont actuellement à l'assemblage. Le coût d'un B-21 s'élèverait à 700 millions de dollars pièce (on parlait plutôt jusque ici, avec exagération sûrement, de deux milliards par avion)… ce qui ravira les fana de la loi d'Augustine !

Le B-21 devrait voler pour la première fois au début de l'année 2023. En attendant d'en savoir plus du côté du NGAD...


En Europe, accord conclu pour de bon sur le SCAF

Cette semaine historique dans l'histoire de la "6ème génération" de l'aviation de combat (je n'invente rien, les Américains le revendiquent ainsi dans leur communication) nous rappelle, presque brusquement, le niveau d'avance technologique des forces américaines. Vingt ans. Au bas mot. 

Brusquement car rappelez vous, sous la menace technologico-économique du F-35 (vendu à quasiment toute l'Europe) et de son écosystème, la France s'était montrée pro-active en poussant l'Allemagne à se lancer dans un programme de coopération européenne sur la 6ème génération, et ce dès 2017: le SCAF, ou FCAS à l'international (il y eu bien un premier FCAS, franco-britannique entre 201' et 2017). 
Un projet, pas encore programme, qui suit bon gré mal gré son cours aujourd'hui, malgré un embarrassant temps mort de plus d'un an. 

Après le vrai-faux accord de la mi-novembre, annoncé par Airbus et les partenaires allemands et espagnols, mais démenti par Dassault Aviation en France, l'accord sur la nouvelle phase d'études du SCAF a bel et bien été signé. C'est ce qu'a confirmé Dassault jeudi 1er décembre, par voie de presse puis par communiqué officiel.  

Rappelant dans Le Figaro que « Le SCAF est un projet politique lancé par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel en 2017, et au point mort depuis l'été 2021 », Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a finalement annoncé l'accord qui confirme pour l'avionneur Français le rôle de maître d'œuvre et d'architecte du futur chasseur de 6ème génération, pièce centrale du futur système de combat aérien européen. 

L'accord ouvre la voie à la prochaine phase d'études, dite 1B, pour préparer le développement d'un démonstrateur, qui devrait voler vers 2029 (nous avons donc glissé de 3 ou 4 ans). 


Dassault Aviation, qui surfe à raison sur le succès du Rafale (la rumeur bruisse aujourd'hui sur un énorme contrat en Arabie Saoudite), aurait eu tort de lâcher prise, sur la propriété industrielle notamment, et semble se satisfaire de cet accord qui le confirme comme maître d'œuvre… tout en le consacrant donc comme champion de l'aviation de combat européenne, au sein d'un pays qui met en œuvre une force aérienne stratégique ainsi qu'une aéronavale. 

Ce qui nous amène donc à rebondir sur l'annonce américaine et la 6ème génération. La coopération européenne est un chemin semé d'embuches, de divergences culturelles, voire d'incompréhensions quand il ne s'agit pas  directement -et trop souvent- de contradictions ou de coups bas. 
Cependant, si le SCAF est bien le projet ambitieux "de 6ème génération" que ses initiateurs prétendent, celui-ci aura un coût: 80 à 100 milliards d'euros, soit le double du programme Rafale (qui a lui moins coûté que le programme de coopération Eurofighter). Il est donc vital de fédérer au plus vite autour d'une architecture politique et industrielle qui permettra de garantir la cohérence du projet, en particulier en ce qui concerne cette question du chasseur de nouvelle génération. D'autant plus que les coûts devront absolument être maitrisés si l'on tient à éviter l'écueil d'une réduction de la flotte de combat, qui ne doit pas être une fatalité.

Avec pourquoi pas l'intégration, plus tard, de junior partners, y compris hors Europe (pays du Golfe, Inde). 

Et oui, il y a toujours cette idée d'un plan B franco-français, autour par exemple, d'un "Super Rafale" qui couterait moins cher, et arriverait plus tôt. Mais le plan B est bien ce qu'il est: un plan de secours qui ne signifierait ni plus ni moins que l'abandon des ambitions technologiques initiales. 


Un mot sur la team Tempest

Décidemment. Ce vendredi 2 décembre fut aussi le jour de l'annonce d'une collaboration internationale sur le Tempest (pour résumer: le SCAF britannique). L'annonce d'une annonce en réalité, puisque nous devrions en savoir plus dans les jours qui viennent sur ce qui pourrait bien être l'intégration du programme japonais F-X (Mitsubishi) au programme britannique Tempest, dont BAE Systems a la maîtrise d'œuvre, et qui associe déjà officiellement l'Italie (via Leonardo).

Deux questions subsistent: la première concerne le véritable niveau d'ambition du Tempest, qui, même avec les Japonais (ou surtout avec les Japonais), ne pourrait au final constituer qu'un pilier international du futur NGAD américain. Tout cela reste aujourd'hui assez nébuleux et nous attendrons donc avec impatience de nouveaux éléments.

L'autre question est celle du rôle de la Suède, étonnamment absente de la dernière annonce sur le Tempest. Quelle sera sa place dans cette équation ? Le nouveau contexte stratégique en Baltique relance t-il Saab dans la recherche d'un meilleur partenariat en Europe ? 
Un axe SCAF-Stockholm n'est pas, ou plus, à écarter, car il y aura à court terme dans les forces européennes la place pour un appareil léger monoréacteur, le fameux "compagnon trainer" demandé par certains stratèges. Un appareil apte à la formation des pilotes, au red air, ou même à des missions de défense en environnement moins contesté.    


1 commentaire:

  1. Qui risquera ses précieux joujous à un nombre d'exemplaires riquiqui, quand des vieilles trapanelles bricolées font des merveilles ?
    http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2022/12/06/attaque-de-drones-ukrainiens-sur-le-territoire-russe-23516.html

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