lundi 22 juillet 2024

Nouvelle composition de la Commission Défense à l'Assemblée Nationale

Un bref message pour mentionner l'élection d'une nouvelle Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées à l'Assemblée Nationale. C'est un spécialiste du genre, Jean-Michel Jacques (Ensemble), fort de ses 23 ans dans les commandos marine, qui en prend la présidence pour cette législature issue des Législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet 2024. 


Et ce message aussi et surtout, pour répondre à un vieil article du blog datant de… plus de sept ans déjà ! Message pour regretter à l'époque que le 6ème circonscription de la Gironde, l'une, si ce n'est la circonscription la plus "défense" du pays (1 base aérienne à Mérignac, 1 base des forces spéciales, 2 salons de défense, un poumon industriel de la BITD avec Dassault Aviation, Ariane, Thalès, Sabéna.. et la multitude de PME, une activité académique, etc.), ne soit plus représentée en Commission Défense, le vainqueur de l'époque, Eric Pouillat, transfuge du PS vers LREM (nom du parti dominant la majorité présidentielle en 2017), s'étant en effet ouvertement inscrit en rupture de la "tradition" locale, pour des raisons assumées et expliquées dans l'article que je vous place en lien (disponible ici).  

Or, les cartes ont été rebattues avec la dissolution, et Marie Récalde (PS/NFP) a fait son retour sur les bancs de l'Assemblée, avec sa victoire du 7 juillet (élue avec 39,78% des voix, contre 32,58 pour Eric Pouillat, et 27,64 pour le RN Jimmy Bourlieux). La Députée s'était faite remarquée entre 2012 et 2017 pour l'intensité de son activité auprès des forces -avec quelques sauts en parachute avec les unités du "13"- et en particulier, avec un rapport parlementaire sur le MCO aéronautique qui allait précéder une grande réforme en la matière dans les armées
Au soir de sa victoire, Marie Récalde avait glissé aux journalistes de Sud Ouest qu'elle ferait, si possible, son retour en Commission Défense. C'est désormais chose faite. 

Pour revenir au général, et concernant les travaux de ladite commission, il s'agira avant tout de tenir la ligne budgétaire de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030 votée l'année dernière… Et pour le reste, le blocage politique en France laisse penser que peu de décisions stratégiques seront actées d'ici 2027 et la nouvelle Election Présidentielle.   

Ci-dessous la composition de la nouvelle Commission Défense à l'Assemblée. Il y a quand même quelques "noms"... mais ce ne sont généralement pas eux que l'on voit le plus lors des auditions. A voir désormais combien de temps survit cette législature. Ce sera au pire un an. Au mieux 3 ans. 


vendredi 19 juillet 2024

Des mortiers embarqués pour les M-RZR des forces spéciales Terre


Les forces spéciales Terre sont en passe d'équiper leurs véhicules M-RZR d'une plateforme pour mortier de 81 ou 120mm embarqué. C'est l'entreprise espagnole NTGS qui fournira son système Alakran, déjà en service en Ukraine. Les mortiers proviendront de chez Thales. 

Ci-dessus: un Polaris M-RZR du COS - © Armée de Terre


Sur la dernière décennie, il s'agit de s'accrocher si l'on veut suivre le dossier des livraisons de véhicules au sein du Commandement des Opérations Spéciales (COS). Je me revois encore en 2015, peu après la naissance de ce blog, écrire sur le lancement du programme VFS (véhicules des forces spéciales), plus tard divisé en PLFS (poids lourds) et VLFS (véhicule léger). Ces deux programmes ont connu des retards considérables, puisque les premiers véhicules ne sont en fait attendus que pour la fin de cette année 2024. La faute peut-être -et selon quelques concernés- à un ménage à trois COS-DGA-Arquus qui n'aura jamais réellement fonctionné.  


Ajoutons que depuis, le portefeuille du COS s'est épaissi -dans tous les sens du terme- avec l'achat chez les forces spéciales Terre, entre autres, sur étagère de 180 fardiers chez UNAC, de 4x4 Technamm VPS2, ou encore de nouveaux quads MV850 chez l'américain Polaris

Or, c'est justement de Polaris que l'on va parler. Après avoir mis à l'essai le petit véhicule (qui se rappelle du SOFINS 2019 et de la mode des buggys ?) M-RZR en 2019 et 2020, le COS avait fait le choix de commander 6, puis 8 exemplaires en versions 2 et 4 places. Et ce serait en fait aujourd'hui une "grosse vingtaine" de ces machines qui seraient en service, principalement au 1er RPIMa de Bayonne.
Le M-RZR est un side by side vehicle (SSV) conçu pour les militaires par la PME française RPM sur la base civile du Polaris-RAZOR. D'une masse de 950 kg, ce 4x4 peut emporter 680 kg de charge utile, et atteindre les 100 km/h. L'armée de Terre insiste sur le fait que son faible gabarit en fait un véhicule discret et autorise une mise en place facile par la voie des airs.

Il est donc désormais question de pouvoir équiper ces véhicules d'un mortier lourd de 81 à 120mm, grâce au système espagnol Alakran de la société NTGS. C'est ce qu'a dévoilé l'Agence pour l'Innovation de Défense (AID) en prévision de présentations de matériels effectuées aux Invalides pour le 14 Juillet à Paris.
Le système Alakran, combat proven puisque déployé par l'Ukraine sur la ligne de front avec des tubes de 120mm, est un porte-mortier robotisé qui permet le tir sans recul.    

Le mortier choisi serait selon les diverses sources le LLR 81 mm de Thales Group

Ici en image à Eurosatory 2024, un système Alakran monté sur un M-RZR 4 places (© NTGS):



Tout comme les fardiers, les petits véhicules tout-terrain semblent avoir démontré leur pertinence sur les théâtres de guerre, comme en Ukraine, où ils permettent régulièrement aux unités de forces spéciales de s'infiltrer avec du matériel anti-char ou anti-aérien.
En ce qui concerne les forces françaises, doter ces 4x4 de matériel lourd comme un mortier nous signale d'une part que les unités se préparent pour des engagements plus intenses, mais aussi d'autre part que ces dernières s'attendent à devoir agir avec encore plus d'autonomie, sans forcément pouvoir bénéficier du soutien sur lequel elle pouvait compter par le passé (en Afrique par exemple, où la France perd ses bases).  

Prochain dossier: celui d'un nouveau 4x4 à "haute mobilité" ? C'est en effet le HUTP (Haulotte Ultralightweight Tactical Platform) du français Haulotte qui est désormais étudié par le COS, l'AID et la DGA. 

Et je mettrai même personnellement une pièce sur un véhicule entièrement couvert et blindé comme le Scarabee chez Arquus. On se rappelle en effet qu'en Irak & Syrie, il avait fallu réquisitionner les quelques blindés Aravis de l'armée de Terre (12 tonnes !) afin de permettre aux FS de mener leurs missions contre Daesh. L'Ukraine n'a fait que confirmer cette tendance, il faut être mobile, mais aussi protégé face à une artillerie omniprésente. Sans parler des drones… 


mercredi 17 juillet 2024

Première mondiale ! HyprSpace valide l'essai de son moteur à propulsion hybride


HyPrSpace, l'un des principaux acteurs français sur le marché des micro-lanceurs, a réussi jeudi 11 juillet le premier essai de son moteur-fusée "Terminator". Cela valide l'innovation technologique maitresse de la start-up, la propulsion hybride. Un première mondiale. Cette campagne d'essais se déroule à Saint-Médard-en-Jalles sur le site de la DGA Essais missiles, avec qui HyperSpace a noué un partenariat. 

Images: © HyPrSpace


2024 marque assurément un tournant sur le marché global du spatial. Alors que tous les segments (lanceurs, satellites, services…) sont désormais confrontés à un tarissement des financements, notamment privés, et que des interrogations apparaissent -ce qui est sain- sur la réalité chiffrée de cette économie, finalement toujours ultra dépendante des programmes publics, et en particulier militaires, cette année pousse les grands acteurs à se restructurer (par exemple, Airbus & Thales) tandis que les jeunes entreprises financées doivent franchir le gouffre qui sépare la planche à dessin de la pratique. 

Et alors que l'on vient de voir Ariane 6 s'envoler, ou encore Dark réussir ses essais moteur, c'est au tour de la prometteuse HyprSpace de passer une étape considérable. 

Le 11 juillet à Saint-Médard-en-Jalles (33), sur le site de la DGA Essais Missiles, a donc eu lieu le premier tir du moteur "Terminator", avec pour objectif, ni plus ni moins que la validation d'une technologie (brevetée par l'entreprise) sur laquelle repose l'entièreté du projet: la propulsion hybride (liquide & solide). HyprSpace avait jusque là mené des essais avec un prototype "Joker", mais "Terminator" est un démonstrateur grandeur nature (6m), représentatif d'une version opérationnelle. 


L'entreprise a communiqué avec enthousiasme, hier: "Le modèle de performance de la combustion et des fluides, la capacité à fonctionner à l'échelle d'un étage complet, confirment expérimentalement la fiabilité et l'évolutivité de notre technologie. Il s'agit d'une démonstration technologique majeure pour le développement de notre lanceur OB-1, qui ouvre de nouvelles perspectives pour les applications spatiales et la défense, en raison de la simplicité et des avantages économiques offerts par notre moteur."



Le succès est au rendez-vous, et la campagne d'essais va désormais progresser, avec notamment l’intégration du réservoir d’oxygène liquide (LOX) dans le moteur, ou encore l'ajout de contraintes simulant un tir en conditions réelles.  

Il s'agit bien entendu d'un immense soulagement pour les équipes, et également d'une première mondiale car, bien qu'explorée partout dans le monde il y a des décennies (et de nouveau, maintenant que la France s'y intéresse. Bizarre !), la propulsion hybride pour les lanceurs a rapidement été jugée trop complexe. Or, une innovation majeure proposée par HyprSpace dès le départ de l'aventure a été de largement simplifier l'architecture du moteur. Un grand bravo donc !

Sur le plan économique, la start-up doit une belle partie de son développement au plan d'investissement France 2030 dont elle fut la première des lauréates sur le volet micro-lanceurs, mais son lien de confiance avec l'Etat ne s'arrête pas là, puisqu'elle peut bénéficier des structures et du soutien de la DGA et de l'AID depuis maintenant plusieurs années.

Ce qui m'amène au point opérationnel: il est selon moi trop tôt pour parler précisément de ce qu'est véritablement la réalité du marché commercial des micro-lanceurs, mais ces derniers offrent des capacités d'accès à l'orbite basse qui pourraient s'avérer intéressantes dans le cadre d'une stratégie de défense pour les lancements réactifs. D'autant plus quand on sait que l'innovation d'HyprSpace concernant l’architecture de son moteur à propulsion hybride permet de choisir le couple d’ergols, et donc éventuellement des ergols liquides stockables (par exemple non cryogéniques), évitant d'avoir à faire le plein du lanceur sur le pas de tir. Le gain logistique opérationnel concerne aussi la partie solide, puisque non pyrotechnique. 
Notons enfin que le Commandement de l'Espace n'a ouvertement déclaré s'intéresser aux solutions de lancements réactifs que depuis le mois de juin 2024, lors d'une visite chez Latitude à Reims.

HyprSpace prévoit le premier tir -suborbital- en 2026.  


lundi 15 juillet 2024

La start-up bordelaise Nimbl'Bot bientôt en orbite avec son bras robotisé ?


France 2030, grand plan d'investissement public mis en œuvre après la crise du COVID-19, aura été un formidable marchepied pour les entreprises du "new space" français, attisant même jalousies et appétits dans le reste de l'Europe. Et justement, une nouvelle vague de lauréats vient d'être annoncée, poussant la somme totale allouée au spatial à près de 930 millions d'euros. Aujourd'hui, intéressons nous donc au volet qui concerne les services en orbite. 

Au cœur de l'été, l'info passe un peu inaperçue, mais une nouvelle vague de lauréats a été annoncée pour le plan d'investissement France 2030. Et plus précisément sur son volet spatial avec 7 nouveaux projets et 3 achats de services. Les projets concernent le monde des lanceurs et du satellitaire (plus précisément les constellations), s'inscrivant dans la continuité des autres annonces (article en lien ci-dessous) avec déjà pas mal de têtes connues et bien ancrées dans le paysage, tandis que l'on s'aventure sur un domaine plus inédit -et particulièrement dual- avec les achats de services. Ceux-ci concernent en effet ce que l'on appelle les services en orbite, segment qui peut aller de l'extension de vie au convoyage de satellites, en passant par l'interception d'un objet dangereux ou même hostile".     

Sur le blog: [France 2030] Le spatial français est en ordre de bataille


Et alors que j'attendais peut-être d'autres noms, en voilà un qui a retenu mon attention: Nimbl'Bot

Celle-ci, jeune start-up girondine, s'était faite notamment connaitre en 2022 pour sa technologie de bras robotisé dédié à la maintenance en milieu "exigeant" (typiquement, l'industrie SEVESO ou nucléaire). Or, le secteur spatial est à la recherche de roboticiens capables de rendre possible les opérations complexes en orbite pour de la maintenance, de la construction, voire de la capture. 

Et c'est ainsi que dans ce lot n°2 « Inspection rapprochée puis amarrage » de l’appel d’offres « Services en orbite Inspection » du Plan France 2030, révélé le 12 juillet, on découvre comme lauréat un tandem constitué de Thales Alenia Space et Magellium (Toulouse), qui propose de démontrer l’approche puis la capture directe, par un bras robotisé, d’un objet représentatif d’un satellite désactivé en orbite basse. Cette démonstration s’intègre dans le cadre de la mission EROSS (European Robotic Orbital Support Services) actuellement en cours de financement par l’Union Européenne. Elle impliquera un acteur européen, le DLR (l'Agence spatiale allemande), la start-up bordelaise Nimbl’Bot pour le développement d’un bras robotique hyper-agile pour l’inspection de la cible après sa capture ainsi que Telespazio, société conjointe entre Leonardo (67 %) et Thales (33 %).

A noter que sur ce segment précis, mais à usage plus clairement orienté vers le militaire, nous nous étions récemment penché sur l'actualité d'Agena Space à Mérignac

 

vendredi 12 juillet 2024

Dark achève la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan"

Dark, société parisienne qui doit s'installer sur l'aéroport de Bordeaux-Mérignac pour y développer ses activités de lancement orbital, a récemment communiqué sur le succès de la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan". L'affaire fait peu de bruit en France, probablement car les essais se sont déroulés… en Allemagne. 


Parmi la petite myriade de start-up françaises et européennes qui affichent des ambitions dans le lancement spatial, Dark ne passe pas inaperçue. L'entreprise se définit en effet comme un société de défense orbitale, son micro-lanceurs aéroportés constituant la base d'un système complet visant à assurant des lancements réactifs dans le but de désorbiter des objets hors de contrôle, et cela, non pas dans un but stratégique (lire mon précédent billet sur le sujet, en lien ci-dessous), mais bien afin d'assurer la sacro-sainte "durabilité" des orbites.
 

La première étape passe donc par le développement d'un micro-lanceur aéroporté. Pas une mince affaire quand on connaît les déboires d'autres acteurs célèbres sur ce segment précis. 

Mais so far so good… puisque Dark a annoncé sur son compte Linkedin avoir achevé une première campagne de tests de la chambre de combustion de son moteur-fusée Sheitan (a-t-on vraiment besoin de traduire ?), moteur qui équipera le lanceur Interceptor.
La campagne de tests, qui a duré deux semaines, a été réalisée dans les installations de l'agence spatiale allemande, le DLR, à Lampoldshausen. 

Une vidéo a été diffusée. Et pour les détails techniques, je vous invite à suivre ce lien



Dark précise que six essais de combustion à chaud ont été effectués. Au premier essai, la chambre de combustion a tout simplement été détruite. Mais lors du sixième essai, l’entreprise a réussi à atteindre un rendement de combustion de 99,4 % à une pression de 80 bars.

Comme je le disais en préambule, on a peu parlé de ces essais en France, probablement car ils se sont déroulés en Allemagne (et la confiance n'est pas au beau fixe, surtout dans le spatial). Toutefois, Dark n'est pas la première à réaliser sa campagne d'essais moteur à l'étranger, puisque Latitude, par exemple, l'a fait en Ecosse. Il faut aussi reconnaître que la start-up est un peu plus discrète que ses congénères, ce qui est en soi une qualité… et un défaut, car bien des observateurs me font régulièrement part de leurs interrogations sur le projet. Elle a tout de même levé 11 millions de dollars depuis sa création en 2021. 

A noter que si Dark ne fait pas partie -à ce jour- des lauréats "micro-lanceurs" du plan France 2030 (Latitude, HyprSpace, Maïa Space, Sirius), l'Elysée et autres institutions la mentionnent régulièrement dans leur communication sur l'avenir du spatial français.