vendredi 28 novembre 2025

Avec la fusée-sonde SyLEx, la France aiguise ses capacités hypersoniques

La Direction générale de l'armement annonce ce vendredi 28 novembre 2025 la réussite du premier test de la fusée-sonde SyLEx, développée en seulement trois ans par ArianeGroup. Le lancement a été réalisé depuis le Centre d'essais des Landes. Il marque le retour de cette capacité souveraine en France, alors qu'il avait fallu récemment avoir recours à des moyens américains. 

Images : DGA, le 28/11/2025, à Biscarrosse. 


Ce 28 novembre au petit matin (7h), la DGA et ses partenaires ont annoncé par communiqué avoir  mené avec succès le 1er vol de la fusée-sonde système de lancement d’expériences "SyLEx" pour des expérimentations en haute atmosphère et en exo-atmosphérique.

Ce premier test a été mené avec la version Block 1 de la fusée-sonde, constitué d'un bloc monoétage. Il a été réalisé depuis le Centre d'expertise et d'essais de missiles des Landes, à Biscarrosse, mobilisant également les capteurs du navire Monge de la Marine Nationale (radars, télémesure, optiques).

SyLEx marque le retour en France d’une capacité de lancement souveraine capable d’accéder aux conditions extrêmes de rentrée atmosphérique et d’essais exo-atmosphériques. Développée en un temps record  de trois ans par ArianeGroup, cette fusée-sonde des plus rustiques (guidage minimal et absence de navigation), mais capable d'atteindre 1 200 ou 2 400 km/h selon les versions, permettra aux forces armées de mener développements de démonstrateurs hypervéloces mais aussi d’applications civiles. Dans l'immédiat il vient à l'esprit le démonstrateur de planeur hypersonique V-Max2, attendu dans les prochains mois/années (?).

Faudra-t-il pour cela utiliser la version Block 2 (deux étages, identiques) de SyLEx, capable d'emporter une charge utile de 600 kg ? Et viser des altitudes allant de 140 jusqu'à 400 km ?   

Pour rappel, le premier test du planeur V-Max en juin 2023 avait nécessité de faire appel à une fusée-sonde américaine. 

Notons qu'ArianeGroup compte capitaliser sur cette capacité d'expérimentation, en proposant SyLEx sur le marché, pour des rentrées atmosphériques ou des expériences en microgravité (il est possible d'en embarquer plusieurs en même temps).

Mais attention, le vecteur n'a pas vocation à être "opérationnalisé" par les militaires, il ne sera donc pas le porteur affilié à la future force de frappe française dotée de planeurs hypersoniques (si celle-ci voit le jour à la suite des programmes de démonstration). 

Le test de la version Block 2 n'est en revanche pas attendu avant 2027, selon l'industriel. 



vendredi 21 novembre 2025

The Exploration Company inaugure son nouveau site bordelais


The Exploration Company, start-up franco-allemande, a inauguré jeudi 20 novembre son nouveau navire amiral français. La figure montante du new space européen (225 millions d'euros levées au total) a en effet repris les anciens locaux du groupe Steris, au Haillan. Ce site en parfait état et idéalement placé représente une surface de 7 500 m². The Exploration Company y développera notamment sa capsule Nyx, et y installera son centre de contrôle des missions spatiales. 

Ci-dessus: vue d'artiste d'un ravitaillement de l'ISS par la capsule Nyx. La mission est prévue en 2028  - The Eploration Company.


Retour des bonnes nouvelles. Quelques jours après la levée de fonds de 21 millions d'euros pour HyprSpace à Bordeaux, la nouvelle étape franchie ce 20 novembre par The Exploration Company confirme que les deux entreprises s'ancrent comme le fer de lance du new space dans le bordelais, alors que s'ouvre une ère pleine de défis dans le domaine: celle de l'industrialisation. 

Cette inauguration, présidée par la PDG Hélène Huby, s'est déroulée en présence du ministre délégué chargé de l’Europe; Benjamin Haddad, et des plus hautes autorités locales. 


The Exploration Company avait déjà annoncé qu'elle investirait plusieurs dizaines de millions d'euros dans ses activités en France (outre Bordeaux, elle se développe dans le même sens en Allemagne, à Munich, tout en étant aussi présente en Italie, à Turin) d'ici 2028. Ayant acquis ce nouveau site du Haillan à bon prix, paraît-il, les autorités locales étant en demande après la défaillance du groupe Steris qui a abandonné ses locaux au premier semestre, la start-up hérite d'un espace de 7 500 m² idéalement situé et surtout assez vaste pour accueillir à la fois les activités d’ingénierie système et de fabrication des boucliers thermiques de la future capsule cargo Nyx (5000 m²), ainsi que le « Mission Control Center » où seront gérées en temps réel les opérations spatiales (2 500 m² en comptant les bureaux). Pour rappel, la société a remporté plusieurs contrats de ravitaillement de stations spatiales (ISS et privées) et devra agir de concert avec les agences spatiales américaine (NASA) et européenne (ESA). 

On attend aussi à Bordeaux les développements et essais sur plusieurs systèmes de propulsion dédiés aux lanceurs, et à un atterrisseur lunaire notamment. 

Côté RH, l'effet devrait être rapide avec une montée en puissance estimée à 120 personnes sur Bordeaux pour le court terme. Et jusqu'à plus de 300 d'ici 2028. 

A noter que dans le même temps, en Allemagne, The Exploration Company annonçait cette semaine se renforcer via l'acquisition de l'entreprise allemande Thrustworks, spécialiste de la fabrication additive de composants de haute performance pour le spatial et la défense. 

A ce jour, The Exploration Company a envoyé deux démonstrateurs dans l'espace (été 2024 et été 2025), mais pas encore n'a pas encore pu valider tous ses objectifs en matière de rentrée atmosphérique. Le vaisseau cargo Nyx à échelle 1:1, est attendue pour 2028. 


mercredi 19 novembre 2025

Des Rafale pour l'Ukraine ? Des planètes qui ne sont pas -encore- alignées



Ce lundi 17 novembre 2025, le président ukrainien Zelensky était à Paris pour renforcer le partenariat stratégique avec l'un de ses premiers soutiens: la France. Au cœur de la visite, la promesse d'achat d'armements français de premier ordre, à commencer par ce chiffre évoqué de 100 avions de combat Rafale. Un "contrat du siècle" qui a cependant de faibles chances d'aboutir… du moins à court terme. 

Ci-dessus: Emmanuel Macron et Volodymyr Zelenski à Villacoublay, devant un Rafale - Elysée.


En avril 2021, j'évoquais sur ce blog le pari impossible du Rafale sur le marché Ukrainien. Malgré la rumeur qui circulait à l'époque, on savait déjà en effet l'Ukraine financièrement exsangue, et l'invasion à grande échelle par la Russie n'avait même pas encore été déclenchée. Plus de quatre ans de dévastation plus tard, la donne a-t-elle changé ? 

Après avoir signé une lettre d'intention en octobre en Suède pour 100 à 150 chasseurs Gripen, le président Ukrainien réitère la manœuvre en France avec des drones (et c'est sûrement la partie la plus importante, notamment sur le segment anti-drone), de très précieux systèmes SAMP/T de MBDA, et donc ces 100 Rafale. 

L'annonce fait naturellement grand bruit, les politiques, la presse et les divers commentateurs s'emballent… quand dans le même temps, Dassault Aviation, tout de même l'un des premiers concernés, ne réagit qu'assez laconiquement à travers un très bref communiqué remerciant "les autorités ukrainiennes et françaises pour l’accord d’intention d’acquérir l’avion de combat Rafale, qu’elles viennent de signer, et pour la confiance qu’elles placent dans les capacités opérationnelles de cet appareil". Un degré d'enthousiasme plutôt révélateur. 

Hors emphase médiatique, la prudence est donc de mise. Logique quand on parle d'un marché équivalent à 20 milliards d'euros environ, rien que pour la partie Rafale, que l'on ne sait pas comment financer d'un côté comme de l'autre, hormis via l'hypothétique déblocage des avoirs russes -ou de leurs intérêts- gelés dans l'Union Européenne. 

Il y a, de plus, la question essentielle de nos capacités de production, et tout autant, de la liste d'attente alors que le Rafale connaît son âge d'or sur le plan commercial. A Mérignac, où l'on produit l'équivalent de 3 avions par mois, et bientôt 4, on voit depuis quelques semaines apparaitre les premiers Rafale pour l'Indonésie (livraison attendue début 2026 pour le premier de ces 42 appareils), tandis qu'il y a également l'armée de l'Air française et les EAU (commande géante de 80 appareils pour ces derniers) à livrer dans les prochaines années. Puis ce sera -de nouveau- le tour de l'Inde… En bref, il n'y a probablement pas de place sur ligne d'assemblage pour un Rafale ukrainien avant 2029/2030, et ça sans compter sur la signature d'un autre contrat d'ici là (avec l'Inde, encore et toujours ?). Car rappelons le, l'Ukraine n'a signé qu'une lettre d'intention, pas un contrat. Un client peut donc toujours lui passer devant. 

Enfin, il faudra connaître le destin de l'Ukraine, déterminant. Je n'ai guère de doute sur la capacité de cette nation à survivre à ce conflit, mais lorsqu'il s'agira de signer la paix (ou du moins l'arrêt des combats), quelle marge de manœuvre, politique ou financière, restera t-il à Kiyv pour se réarmer ? Car c'est bien de cela dont il s'agit: se reconstituer post-conflit une puissante armée de l'air, cohérente, moderne, et surtout dissuasive. Une reconstruction qui demandera de surcroît de longues  années de formation pour le personnel dédié. En fait, Emmanuel Macron lui-même le précise : il s'agit d'un plan sur 10 ans. 

Comme en Suède il y a un mois, l'opération de communication diplomatique est néanmoins réussie, au point que l'on se demande même si la seconde annonce ne vient pas télescoper la première, mais pourquoi pas, Rafale et Gripen  ferait un joli duo, un duo européen. Car c'est peut-être là le principal message de cette séquence. Pour son futur encore incertain, et à l'inverse de tous ses voisins, l'Ukraine a coupé les liens avec l'armement américain. 

Pour ce qui est du présent, sur le front, c'est le Mirage 2000 qui fait le job. 


lundi 17 novembre 2025

Au sommet Choose France, HyprSpace annonce la levée de 21 millions d'euros


HyPrSpace profite d'être le seul constructeur de lanceurs invité au sommet Choose France ce 17 novembre pour annoncer la sécurisation d'une levée de 21 millions d'euros. Ces fonds seront consacrés à accélérer l’autonomie stratégique de la France dans l’espace, qui se matérialise ici par les étapes finales du développement du micro-lanceur Baguette One. L'aboutissement sera la construction d'une usine à Bordeaux d'ici 2028. 

Illustration: vue d'artiste du lanceur "Baguette One" - HyPrSpace. 


Le pari lancé en 2019 serait-il sur le point d'être remporté ? Dans un paysage économique où les sources de financements se tarissent, tant au plan macro (les finances de l'Etat) que micro (le domaine particulier du New Space, qui a franchi son apogée), les dirigeants de la start-up HyprSpace, basée à Saint-Médard en Jalles près de Bordeaux, peuvent se réjouir ouvertement ce lundi.  

Au lendemain de la présentation de la stratégie spatiale nationale par le président de la République [à Toulouse la semaine dernière], l'annonce d'une levée de fonds sursouscrite de 21 millions d'euros en capitaux propres pour accélérer le développement et l’industrialisation de sa technologie de propulsion hybride pour les lanceurs spatiaux vient en effet confirmer la confiance des investisseurs, après avoir acquis celle de l'Etat (France 2030, DGA, CNES…).

21 millions d'euros qui viendront supporter le développement des solutions technologiques d'HyPrSpace, ainsi que la phase d'industrialisation à Bordeaux, avec la construction d'une usine à horizon 2028.  

Selon le communiqué de l'entreprise, cette levée de fonds permettra de :
  • Finaliser la qualification de son moteur à l’échelle, après trois campagnes d’essais réussies ayant levé le verrou technologique de la propulsion hybride ;
  • Réaliser le premier vol suborbital du démonstrateur Baguette One depuis un site DGA Essais de Missiles en France métropolitaine, une première historique ;
  • Accélérer le développement du lanceur orbital OB-1 et de son service de lancement ;
  • Lancer la production en série et préparer l’industrialisation complète de ses lanceurs ;
  • Développer les applications défense de la technologie de propulsion hybride.

A noter que cette série A est menée par Red River West et par le fonds DeepTech 2030 géré pour le compte de l’État par Bpifrance dans le cadre de France 2030, avec la participation des fonds SPI, French Tech Seed1, d’Expansion, et de NACO.


Devenir le champion mondial de la propulsion hybride

Il fut un temps pas si lointain ou HyPrSpace était la seule start-up (elles sont plusieurs aujourd'hui autour du monde) à miser sur la technologie du moteur « hybride » liquide/solide, concevant et révélant une architecture brevetée combinant les différents atouts des deux mondes: sécurité (non-pyrotechnique), poussée modulable et stockabilité. Et d'appuyer sur la simplicité du système: pas de pièces mécaniques complexes comme les turbopompes, fiabilité, industrialisation plus facile, carburants issus du plastique, possibilité de réaliser des moteurs pour toutes les gammes de puissance. De plus, ce moteur sûr et stockable permet de réduire les coûts logistique au sol et de gagner en flexibilité opérationnelle, que ce soit pour des missions planifiées ou des lancements réactifs. 
Au delà du discours, encore fallait-il prouver, et so far so good… puisqu'à ce jour, les essais moteur se déroulent sans encombre dans les installations de la DGA en Gironde, et que cette dernière accueillera même d'ici un an, et depuis la Métropole (dans les Landes ou le Var), le tir inaugural du démonstrateur

L'objectif affirmé désormais, est non seulement d'ouvrir la voie à une nouvelle filière industrielle stratégique au croisement du spatial civil et de la défense, mais également d'en devenir le leader mondial grâce à l'avance acquise ces dernières années. 

Dans le milieu, HyprSpace bénéficiait déjà d'une solide réputation (alors que bien peu y croyaient au commencement, l'idée de propulsion hybride ayant été mise au placard il y a un demi-siècle), induisant une certaine confiance accordée par les experts, alors que les temps s'avèrent de plus en plus difficiles pour les porteurs de projets, comme en témoigne le dépôt de bilan de Dark, le mois dernier. Mais en démontrant toute la pertinence de sa solution, et en ne s'étalant pas trop sur des ambitions commerciales ou opérationnelles démesurées, sa crédibilité n'a fait que se renforcer avec les années, à mesure que l'on défrichait les potentiels stratégiques de cette rupture technologique.    

HyPrSpace ne cache pas aujourd'hui son ambition de s'imposer sur différents marchés, qui ne se résument donc pas simplement à celui des lancements commerciaux civils. Il est question ici en premier lieu de suborbital, notamment pour la défense (expériences en microgravité, tests hypersoniques ou balistiques). D'ailleurs, dans son communiqué, la start-up mentionne les besoins stratégiques de l'Europe, mais aussi de l'OTAN.