vendredi 8 décembre 2023

Arquus, Nexter et John Cockerill s'engagent sur le programme VBAE !


Le groupement momentané d’entreprises (GME) entre Arquus, Nexter-KNDS, et l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement (OCCAR) a signé le contrat de préconception du VBAE (Véhicule Blindé d’Aide à l’Engagement). Ce programme de succession au VBL associe la France et la Belgique.

Ci-dessus: le démonstrateur Scarabee d'Arquus, ne sera pas l'heureux élu, mais ses développements contribueront au programme VBAE - crédits Arquus.


Nous l'évoquions sur le blog il y a peine une semaine, le VBAE, successeur du VBL, sera le prochain grand programme terrestre à être lancé. Nous y venons donc.

Emmanuel Levacher, Président d’Arquus, Joachim Sucker, directeur de l’OCCAR, et Alexandre Dupuy, directeur des affaires publiques, de la communication et du commerce France de KNDS, ont signé le 6 décembre à Montrouge le contrat de préconception du futur Véhicule Blindé d'Aide à l'Engagement. 


La mise en place et la conduite du programme ont été confiées à l’OCCAR, agence d’acquisition intergouvernementale européenne chargée de la gestion de contrat de défense en coopération. "Cette signature marque la première étape permettant de converger sur les exigences opérationnelles et l’architecture de ce futur véhicule blindé dont le développement et la production sont attendus par les armées de Terre française et belge à l’horizon 2030", nous apprend le communiqué diffusé par Arquus, qui prend donc la direction de ce programme. 

"Le VBAE sera un système polyvalent adapté à un spectre de missions très varié. Un accent fort sera mis sur les performances essentielles de mobilité, de furtivité, de protection et de la fonction feu. Il alliera compacité et capacité d’emport optimisée".

Image conceptuelle de l'aérolargage d'un Scarabée - Arquus

Le programme, qu'on annonce européen depuis plusieurs années (c'était l'annonce de la ministre Parly en 2021)  réunira la France et la Belgique, qui renforcent ainsi encore leurs liens dans le terrestre, sur les plans opérationnels comme industriels. L’exécution du projet sera assurée par le GME constitué du mandataire Arquus et de son co-traitant Nexter qui sous-traitera certaines de ses activités à l’entreprise belge John Cockerill Défense (JCD).

Coupons court aux spéculations: nous savons, de la bouche des dirigeants de groupe, que le VBAE sera un nouveau véhicule, et non pas quelque chose que nous avons déjà vu, comme le Scarabée chez Arquus, ou l'i-X chez Cokerill. Les innovations touchant à ces véhicules (hybridité, compacité) seront toutefois prises en compte dans le développement du VBAE. 
Rappelons aussi que cette seconde entreprise tenterait actuellement d'acquérir la première. Un léger détail qui pourrait contribuer à revoir -et simplifier ?- toute l'architecture du programme ! 

A noter que le programme VBAE se veut inscrit en cohérence avec le projet FAMOUS soutenu par le fonds européen de défense (FED) financé par la commission européenne. FAMOUS (Future Highly Mobile Augmented ArMOUred Systems) couvre le développement de briques technologiques innovantes communes aux futurs véhicules blindés européens. Arquus, Nexter et JCD sont des partenaires majeurs de FAMOUS.

Cette phase de préconception représente un marché de 15 millions d'euros, et s'étalera sur deux ans. Le VBAE est attendu dans les forces en 2030. 

Concept "i-X" de John Cokerill, dévoilé lors du salon Eurosatory 2022 - crédits JCD.

mercredi 6 décembre 2023

Sur l'export du Rafale, les nouvelles ambitions de Dassault (et de la France)

Avec des contrats qui permettent à Dassault Aviation de prévoir un plan de charge jusqu'à 2032, au minimum, le Rafale constitue aujourd'hui le fer de lance du groupe. Alors qu'une nouvelle commande, française cette fois, devrait être officialisée avant le 31 décembre, l'avionneur français se tourne vers des marchés… plus exotiques. Au service de la diplomatie française.

Ci-dessus: l'assemblage Rafale à Mérignac (33) - photo Dassault Aviation


Alors même que ce billet était encore au stade d'ébauche, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, rencontrait hier -et à huis clos- les journalistes de défense de la presse française. Une rencontre d'où sont sorties des déclarations "efficaces" (sur la participation et le statut autoproclamé des belges dans le SCAF par exemple), comme souvent avec le personnage, mais aussi et surtout un air d'optimisme comme rarement il en fut affiché.

Il faut dire que le Rafale, fleuron de l'aéronautique française autrefois décrié, est une affaire qui marche. L'avion de combat, aujourd'hui dans son standard F4, est mature, parfaitement opérationnel ("combat proven"), profite d'une disponibilité tout à fait honorable, et d'un coût d'utilisation défiant -largement- la concurrence. Des performances qui se ressentent directement sur le marché, d'autant plus que la concurrence patine complétement (russe, mais aussi l'Eurofighter et pire encore, le F-18 de Boeing). A ce stade, le Rafale n'a qu'un principal adversaire sur le marché premium: le F-35, un avion dit de "cinquième génération" vendu avec le parapluie américain. Mais le Rafale F5, presque annoncé comme le chef d'œuvre du groupe, se présente pour les années 2030 avec un potentiel de rattrapage technologique qui a de quoi faire frissonner certains compétiteurs, y compris Américains. 

Mais revenons au marché. Eric Trappier lui-même annonce que la barre des 500 appareils -commandés, puis produits- sera franchie sous peu. Les 600 commandes de la famille Mirage 2000 sont en ligne de mire. Cet objectif sera raisonnablement atteint dans les toutes prochaines années, peut-être même suite à ce surprenant intérêt saoudien, les négociations avec Ryad étant confirmées par Dassault. 

Sur le blog: Potentiel marché de 54 Dassault Rafale en Arabie Saoudite


En terme de production, les chaînes d'assemblage de Mérignac, d'où sortiront trois appareils par mois à partir de la fin 2024 (il aura donc fallu trois ans pour préparer cette montée en cadence avec les sous-traitants), sont occupées pour les 10 ans qui viennent. Un segment production tournant à plein pot qui permet de facto à l'avion de continuer à évoluer en bureaux d'études. Un vrai cercle vertueux.

Sur le plan de la géopolitique maintenant, chose qui concerne très largement le marché des avions de combat, nous avons vu la France réaliser de superbes coups stratégiques grâce à la "Team Rafale" (celle-ci réunit autour de Dassault Aviation d'autres industriels du GIFAS comme Thalès, Safran, MBDA... des opérationnels de l'armée de l'Air ou de la Marine, des sociétés de formation et conseil comme DSI), et ce dans des zones géographiques d'importance absolument majeure: en Asie (Inde, Indonésie), au Moyen-Orient (Qatar, EAU, Egypte), et en Europe dans les Balkans (Grèce et Croatie, la Serbie est intéressée).
Pour chacun de ces marchés, la France vent avec le Rafale un partenariat stratégique qui débute dès la formation des pilotes étrangers, avant de se concrétiser par des exercices communs avec nos forces aériennes.  

Cela, nous l'avons répété sur ce blog maintes et maintes fois, et c'est justement pourquoi il faudra regarder avec un œil attentif les nouveaux prospects. En premier lieu ceux qui concernent l'ex-URSS, dans le Caucase* et en Asie centrale, où l'appareil aurait été proposé aux forces du Kazakhstan (qui ont démenti, déclarant le Rafale au dessus de leurs moyens), et surtout de l'Ouzbékistan.  
Pourquoi ? Tout simplement car ces pays, dédormais très soucieux de leur indépendance, sont au centre d'enjeux de puissance qui intéressent ni plus ni moins que la Russie bien entendu, mais aussi la Chine, et la Turquie. Le Rafale est un outil stratégique et diplomatique, et pas seulement quand ce sont nos forces qui le déploient.


*il est peu probable que l'Arménie s'offre un jour le Rafale, mais d'autres armements français lui sont destinés. 


vendredi 1 décembre 2023

Texelis lance sa solution de mobilité CELERIS


Le spécialiste du terrestre Texelis a dévoilé ce 28 novembre CELERIS. Pas un simple châssis, mais une véritable solution de mobilité qui doit permettre aux industriels développant un véhicule militaire 4X4 de bénéficier de l'expérience de Texelis en s'épargnant de couteux investissements.


Toute entreprise désirant aujourd'hui proposer un véhicule terrestre au monde militaire doit se poser les deux mêmes questions: la première consiste à développer son propre châssis de standard militaire, processus généralement long, complexe et donc couteux (et pas non plus rentable). La seconde solution consiste à se procurer un équipement déjà disponible en masse sur le marché, ce qui revient souvent à s'adresser au monde civil, où les performances ne sont pas toujours optimales compte tenu des spécifications demandées par les forces armées. 

Texelis propose donc "le meilleur des deux mondes" avec CELERIS une solution de mobilité de 4,5 tonnes (pour véhicule de 13 à 18 tonnes), modulaire puisqu'une douzaine de kits de base est disponible, assortie d'une trentaine de kits d'options, en accord avec les divers besoins. Plus qu'un châssis donc, un véritable environnement. 

Rappelons que Texelis, entreprise basée à Limoges, joue un rôle important d'équipementier dans le programme Scorpion,  collaborant très activement sur le véhicule Serval depuis six ans.

Avec CELERIS, Texelis tente de confirmer sa position sur le marché du terrestre de défense, grâce à une solution "sur étagère" qui pourrait lui permettre de s'imposer à l'export, ou même en France chez de nouveaux venus (comprendre du monde civil) désirant proposer un véhicule militaire. L'entreprise aurait déjà un premier client. 

Aussi, il est intéressant de voir que cette proposition contribue peut-être à un début de mouvement massif de recomposition de l'écosystème terrestre national, dont l'avenir est empli de doutes. 
Quel futur -en tant qu'intégrateur- pour le géant Nexter face à l'ogre allemand (lire l'article de Marc Chassillian dans le dernier numéro de RAIDS), tandis qu'Arquus -qui tend également à devenir plus équipementier qu'intégrateur- serait sur le point d'être racheté par John Cockerill (Belgique), ce qui, nécessairement, entrainera des fermetures de sites, Cockerill étant d'ailleurs très présent en France. 
Texelis semble ici, avec CELERIS, anticiper un nouveau monde, alors que la France ne devrait plus lancer de programme terrestre avant un certain temps, si ce n'est le VBAE (véhicule blindé d'aide à l'engagement). 


mercredi 29 novembre 2023

La Belgique annonce qu'elle rejoindra le programme SCAF en 2025

Après avoir s'être vu promis le statut d'observateur, la Belgique devrait pleinement rejoindre le programme SCAF en juin 2025. Mais dans quel but ?


Malgré les remous, voire petites tempêtes, médiatiques plus que politiques, industrielles plus que militaires, le SCAF (système de combat aérien futur) avance. 

Dernière nouvelle, d'ordre "architecturale": nous devrions connaître le choix définitif du chasseur de nouvelle génération au printemps 2025 (avec design révélé au Bourget ?), quatre concepts d'appareil -ou cinq, selon les sources- étant étudiés au sein du programme.

Mais le printemps 2025 serait aussi la date à laquelle un quatrième partenaire européen, la Belgique, pourrait officiellement rejoindre la France, l'Allemagne, et l'Espagne. C'est en effet ce qu'a annoncé la ministre de la Défense Ludivine Dedonder de façon très informelle -sur le réseau social Linkedin- après un discours devant les industriels belges de l'aéronautique durant un événement consacré au combat aérien futur.  
Rappelons que depuis juin 2023, la Belgique a obtenu le statut d'observateur du SCAF, statut qui n'a pas encore été formalisé d'ailleurs. Il devrait l'être d'ici la fin de l'année.
 

Mais établissons un double constat:

  • Tout d'abord, cela semble très unilatéral, et politique. 
La déclaration, tout à fait prématurée puisque le processus d'évaluation n'est pas achevé, a été faite presque en catimini avant que la presse nationale n'enquête et ne la reprenne, et elle n'est depuis globalement commentée qu'en Belgique, où Flamands et Wallons continuent de disserter sur leur destin stratégique.
Rien, pour le moment, du côté des partenaires européens. On sait que l'arrivée de la Belgique dans le SCAF plaît à l'Elysée, pour des raisons politiques évidentes, mais qu'elle est moins bien accueillie chez les industriels des trois pays, qui négocient déjà assez difficilement calendrier et charge de travail.

Mais soit, la Belgique deviendra a priori membre à part entière du programme SCAF en juin 2025, alors qu'il s'agira de lancer la phase 2 du programme, menant à la conception du démonstrateur dont le design aura été tout juste défini. 

  • Mais la Belgique dans le SCAF, pour y faire quoi ?
Deuxièmement, se pose la question de l'intégration concrète d'un -petit- partenaire à ce stade du programme, que les participants se refusent publiquement d'élargir. D'autant plus que l'on connait déjà l'enveloppe disponible: 360 millions d'euros, ce qui est bien faible quand les autres partenaires parlent en milliards.
Il parait clair que la Belgique tente un coup politique en "candidatant" au SCAF, elle qui a pourtant opté pour le F-35. Les retombées économiques tant promises avec ce marché américain seront à n'en pas douter finalement en deçà des attentes (sans même évoquer les coûts cachés générés par l'emploi du F-35) et Bruxelles se cherche un grand programme européen, un "contrat du siècle" (l'expression a véritablement été employée), pour satisfaire ses entreprises et contribuables. A cette étape du discours politique, c'est surtout le mot "emplois" qui transpire, tandis que les industriels espèrent accéder à des informations critiques sur le programme.
On sait que l'industrie belge a des compétences à offrir, la proposition commerciale française autour du Rafale existait pour le prouver en 2017-18. Elle ne fut pas suivie. Reste à savoir si les places à prendre à l'époque ont été pourvues depuis.    

Enfin, sur un plan purement opérationnel, l'armée de l'Air belge prend possession de ses premiers F-35 (il faudra encore des années avant la mise en service), dont la carrière pourrait s'étendre sur au moins 30 ans. On n'image donc pas, à ce stade, Bruxelles commander l'avion européen de nouvelle génération, ou même intégrer le système de combat futur puisque le F-35 ne collabore qu'avec lui-même.


Pour plus de clarté, attendons donc les discours et sorties médiatiques qui ne sauraient tarder puisque le mois de décembre sera l'occasion de concrétiser ce fameux statut d'observateur. Un statut pas vraiment anticipé avant notre histoire belge, et qui pourrait éventuellement permettre d'accueillir d'autres pays… s'ils ont quelque chose à offrir ?