lundi 25 septembre 2023

La France quitte le Niger, fin de la mission des drones Reaper en Afrique

Emmanuel Macron a annoncé dimanche 24 septembre lors d'une interview à la télévision que la France retirerait ses troupes du Niger avant la fin de l'année 2023. Niamey était une base aérienne stratégique pour l'armée de l'Air, qui y déployait notamment ses seuls drones Reaper opérant à l'étranger. 

Ci-dessus: une vieille photo déjà, datant de 2015 lors de l'arrivée du 3ème Reaper à Niamey - EMA.

C'est donc terminé. De façon assez prévisible, l'un des derniers grands dominos de la présence armée française au Sahel est tombé, à l'issu d'un bras de fer qui aura duré près de deux mois après le coup d'Etat qui a frappé le Niger. Après le Mali, après le Burkina… le Niger donc.

Emmanuel Macron a finalement tranché dans le sens du retrait total (ambassadeur + les 1 500 militaires français présents au Niger), la situation étant de toute manière devenue intenable, et surtout précaire. Les représentants de l'Etat n'étaient en effet plus ravitaillés. Ce retrait militaire des éléments de coopération -qui cesse de facto- français au Niger, reliquat de l'opération Barkhane se fera "en bon ordre" d'ici la fin de l'année. 

L'armée de l'Air  perd là une base aérienne très importante en Afrique, le cœur de ses opérations aériennes au Sahel, le lieu d'où elle faisait notamment décoller ses drones Reaper. Il faudra voir dans quelle mesure nos alliés, allemands notamment, qui s'appuient sur cette structure pour le retrait du Mali, bénéficieront de marges de manœuvre suffisantes.
Les Américains eux - qui ont pu compter sur le support de l'aviation française dans des moments tragiques au Niger-  décident de rester. Pour le moment. Il faut dire qu'ils ne subissent pas la pression anti-française mise en place par le régime putschiste et ses alliés… 

Certains diront que ce retrait français, un de plus en Afrique, va dans le sens de l'histoire, car nos préoccupations stratégiques, ou plutôt militaires, sont désormais ailleurs: en Europe, en Méditerranée, en IndoPacifique...
Surtout, l'Afrique dispose aujourd'hui d'un embryon d'architecture de sécurité qui doit lui permettre de régler ses crises par elle-même, avec un rôle (si rôle il doit y avoir) français/européen largement rénové. Cela, nous aurons l'occasion de l'apprécier à relativement court terme, le contexte sécuritaire n'étant pas vraiment appelé à s'améliorer au Sahel. Il faudra aussi voir qui vient combler le vide laissé par les Français sur le terrain. Là encore, peu de doutes sur le devenir de la situation, même si la présence américaine est un facteur à prendre en compte. 


Retour en France pour les drones Reaper ?

Si la chasse (sur Mirage 2000D) garde un plot opérationnel sur la base aérienne de N'Djaména, il y a fort à parier que l'on ne fasse pas peser d'avantage de poids sur le Tchad après le retrait du Niger. Le démantèlement du HUB de Niamey signerait donc la fin de la mission des drones MQ-9 Reaper de l'armée de l'Air en Afrique. Là où tout a commencé il y a bientôt 10 ans quand le ministère faisait enfin le choix de se doter de ces drones MALE américains.
Quoiqu'on en dise, ces appareils, finalement peu nombreux (12 commandés, jamais plus de 6 déployés) auront constitué un vrai game changer pour les Français, qui, disposant d'une doctrine propre (ah les débats de l'époque 2013-2017 sur l'armement des drones), ont pu profiter d'un bond phénoménal en matière de renseignement et de soutien aux opérations. 

Or, l'armée de l'Air a semble-t-il déjà des projets pour la flotte de Reaper, qui rappelons le, doit être entièrement rétrofitée au Block 5, standard qui n'est pas encore certifié pour voler en France (ils sont basés au sein de l'escadron Belfort, à Cognac). 
Déjà cet été, le Chef d'Etat-Major de l'armée de l'Air et de l'Espace évoquait des réflexions sur un éventuel déploiement de drones Reaper en zone IndoPacifique pour soutenir les missions de la… Marine Nationale. Une idée réitérée en commission parlementaire ces derniers jours. Il est question de "déploiements ponctuels" cette fois.   

Sur le blog: Les ALSR "VADOR" avec les Reaper à Cognac, avant l'IndoPacifique



Mais plutôt que l'IndoPacifique, certains médias (lire le dernier numéro de Raids Aviation) évoquent un basculement des Reaper vers la base arienne projetée en Jordanie, d'où la France mène ses opérations de soutien à l'Irak contre Daesh. Le transfert des drones serait déjà en cours. 
Un théâtre adapté au drone MQ-9, et une option qui semble valider le solide soutien politique et technique apporté par Paris à Bagdad. Trois soldats français sont morts en Irak il y a un mois. 


mercredi 20 septembre 2023

Un nouveau projet de micro-lanceur à Bordeaux, avec l'implantation de Dark !


Une nouvelle entreprise dédiée à l'accès à l'espace s'implantera à Bordeaux en 2024. Il s'agit de Dark, que l'on connait déjà depuis sa fondation en 2021. La start-up est la seule en France, et l'une des rares au monde à proposer une solution de micro-lanceur aérolargué, avec pour premier objectif des missions de nettoyage de l'orbite basse. 500 emplois pourraient être créés. 

Ci-dessus: vue d'artiste du lanceur aérolarguée de Dark, lorsqu'il sera opérationnel. 


Nouvelle grosse info sur le spatial (décidemment le thème de la rentrée ici) avec l'annonce -via communiqué de presse & dépêche AFP- de l'implantation à Bordeaux d'une nouvelle start-up du New Space, et non des moindres puisqu'il s'agit de Dark, l'une des rares à se lancer sur le marché des micro-lanceurs. Une arrivée qui s'ajoute à la présence d'HyprSpace, déjà bien implantée, et fait de l'agglomération bordelaise, déjà très marquée "Ariane", un poumon industriel de l'accès à l'espace européen.

L'entreprise s’implantera sur l’aéroport de Bordeaux-Mérignac l'an prochain, en 2024. L'aéroport en effet, car Dark, fondée par des anciens du missilier MBDA, compte s'appuyer sur une solution aérolarguée: son micro-lanceur sera transporté en haute altitude par un avion-porteur, avant d'être lancé vers l'orbite basse.  
Le premier vol d'essai est prévu en 2028. Et attention, ce n'est pas un "sport de masse" comme en témoigne la cessation d'activité récente de Virgin Orbit sur ce segment (au grand dam du gouvernement britannique). Nous verrons notamment si l'expérience d'ex-missiliers fera pencher la balance dans le bon sens. 

Dark compte aujourd'hui 23 employés, et des recrutements, jusqu'à 500, sont envisagés dès 2024 dans la R&D, la production, la maintenance et les opérations spatiales.

Il faut noter que l'arrivée de Dark à Bordeaux (elle a été fondée à Paris) est le fruit d'un bel activisme des acteurs régionaux, qui se concrétise aujourd'hui par la signature d'un partenariat avec l'aéroport de Bordeaux pour préparer l’implantation des activités de l’entreprise.  Nous verrons donc ainsi peut-être un jour à Mérignac l'avion porteur de Dark côtoyer l'Airbus Zero G de Novespace


Jouer la carte de la durabilité des activités en orbite

Dark se positionne sur le segment du lancement réactif (cela pourrait-il intéresser la défense ?), et même plus précisément sur la problématique de la désorbitation des objets incontrôlés. Car on le sait, l'activité sur les orbites basses ne va faire que croître dans les années qui viennent, accroissement qui concernera bien entendu l'économie du spatial, mais aussi les risques ! Disposer de solutions, souveraines si possible, destinées à favoriser la durabilité des activités spatiales revêt donc un intérêt tout particulier. 

L'entreprise propose donc "Interceptor", « un système permettant d'accéder à n'importe quel point de l'orbite basse en moins de 24 heures, pour en retirer les objets dangereux ». Le système s'annonce comme complet, puisque l'on parle du lanceur -et de son porteur, un avion de ligne modifié- comme du module orbital robotisé qui doit permettre de capturer les objets dangereux.
Le micro lanceur pourrait aussi être utilisé pour le lancement de charges utiles allant jusqu'à 300 kg.

La start up a accumulé 7 millions d'euros depuis 2021, et des partenariats avec le CNES ou Ariane Group. Elle se lancera dès les prochains mois dans des phases de développement plus concrètes pour ses systèmes: mise à feu de son moteur cryogénique, repérage et capture des débris, rentrées atmosphériques contrôlées…



mercredi 13 septembre 2023

The Exploration Company remporte un premier contrat absolument historique


The Exploration Compagny, la toute jeune entreprise franco-allemande basée à Munich et Bordeaux, a signé avec Axiom Space un pré-contrat de plus de 100 millions de dollars pour le ravitaillement de la future station privée américaine dès la fin de 2027.

Ci-dessus: La capsule Nyx - © The Exploration Company.


"Historique". Une nouvelle étape -et quelle étape, digne des plus grands mastodontes du secteur !- de franchie dans ce pari osé qu'est The Exploration Company. La start-up franco-allemande, hébergée à Mérignac chez Bordeaux Technowest, emploie désormais une centaine de personnes, et enchaine surtout les jalons qui la portent vers l'aboutissement de son projet : la première capsule ("Nyx") européenne issue du monde privé. Une capsule réutilisable qui pourrait bien être habitée un jour. 

Après avoir réalisé la plus importante levée de fonds du New Space européen en début d'année (40 millions d'euros), voilà que The Exploration Company a conclu en cette rentrée 2023 un accord de pré-réservation avec la société américaine Axiom Space, elle-même pionnière dans le domaine des stations orbitales privées. Si la coopération aboutit (plusieurs étapes techniques doivent être validées, notamment en 2025), avec dit-on plus de 100 millions de dollars en jeu, la capsule Nyx livrera à parti de fin 2027 près de 4 tonnes de fret en orbite basse lors de chaque voyage. Les premiers éléments de la station d'Axiom, fabriqués par Thalès Alenia Space, seront normalement lancés en 2026.

Hélène Huby, qui dirige la start-up, aime à répéter dans les médias qu'elle se verrait bien en "CMA-CGM de l'espace", le marché du fret en orbite -et vers la Lune- devant selon les prévisions littéralement exploser au cours de la décennie 2030-40, atteignant possiblement les 100 milliards de dollars annuels.
Avec ce partenariat, qui représente un vrai succès pour le spatial européen, et ce à plusieurs titres, The Exploration Company s'inscrit donc déjà dans le nouvel écosystème logistique qui se prépare pour l'orbite basse, alors que la vénérable Station Spatiale Internationale entre quasiment en pré-retraite (fin de service prévue pour 2030). Cela lui permet surtout, elle qui prévoit de nouvelles entrées de financements dans les prochains mois, de continuer sereinement le développement de son système "agnostique" capable d'être lancé par tous les lanceurs lourds du marché

Notons aussi un élément important. L'aspect "low carbon" de la capsule Nyx (procédés de fabrication, ou carburant utilisé) semble avoir joué dans le choix final d'Axiom. Un élément qu'il est désormais bon de prendre en compte dès les phases de design des systèmes. 

Ce succès, qui fait de The Exploration Company la première entreprise du New Space en Europe, évoluant sur le territoire de cadors comme Thalès Alenia Space et Airbus, doit nous rappeler que le futur de l'économie spatiale se joue en bonne partie chez les acteurs privés. Mais alors, où est l'Europe institutionnelle ? Où est l'ESA ? 
En effet, si The Exploration Company est allée remporter une victoire sur les terre du géant SpaceX, elle peine encore à voir des opportunités en Europe, où le volet exploration spatiale semble désormais dans le brouillard le plus complet. Les différentes déclarations lors du Salon du Bourget ne sont d'ailleurs pas là pour rassurer : les entreprises sont ainsi encouragées à investir sur fonds propres, en particulier sur des projets de station orbitale privée. Ou si l'on traduit, les agences spatiales du vieux continent sont prêtes culturellement pour l'achat de service, mais ne financeront pas de développement. Un pari très risqué qui pourrait principalement mettre en danger les mastodontes du secteur.

The Exploration Company, qui s'inspire non seulement des réussites américaines récentes dans le spatial, mais également des grands explorateurs et pionniers qui ont fait l'Histoire de l'humanité, n'a elle pas attendu pour prendre l'initiative. Il est presque dommage que son premier grand succès vienne des Etats-Unis.