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vendredi 27 juin 2025

HyPrSpace va tirer depuis la France métropolitaine, et se prépare pour la Défense


La start-up bordelaise HyPrSpace, qui développe un lanceur basé sur une motorisation hybride, a annoncé au Bourget que son tir inaugural, qui aura lieu en 2026, se fera depuis un site de la DGA Essais missiles en France métropolitaine. Ce qui laisse deux options: Biscarrosse, ou Toulon. 

Ci-dessus: vue d'artiste de Baguette-One - crédit HyPrSpace.


La belle histoire continue entre HyPrSpace et la DGA, qui travaillent ensemble depuis quelques années maintenant (la DGA EM accueillant les essais moteur de la start-up à Bordeaux). 

HyPrSpace a en effet annoncé lors du Salon du Bourget la semaine dernière, qu'avant d'envisager les lancements orbitaux depuis la Guyane Française, la première étape passerait par la France  métropolitaine grâce à un accord passé avec la DGA EM. Le vol inaugural du démonstrateur Baguette-One, suborbital, se fera donc soit depuis Biscarrosse dans les Landes, soit depuis Toulon. Cet essai est toujours prévu pour 2026. 

Dans le même temps, HyPrSpace, qui se définit désormais comme une entreprise à vocation duale, une entreprise du New Defense (nous reviendrons sur cette thématique en juillet) commence à imaginer des applications militaires pour sa future gamme de lanceurs, à commencer par le lanceur suborbital Baguette-One, dont la flexibilité offerte par l'hybridité de sa motorisation offre des perspectives intéressantes en terme d'emploi (réactivité), de coûts (production, carburants), et même de mobilité (stockage, préparation).

Au Bourget, la start-up -de 90 salariés aujourd'hui tout de même- affichait même des vues d'artistes et des maquettes, illustrant par exemple un lancement de charges militaires (en image ci-dessous avec un planeur hypersonique) depuis la remorque d'un TEL, un tracteur-érecteur-lanceur. Une solution a qui attiré tout l'intérêt du ministre des Armées en personne. 


Des lancements réactifs pour la défense un jour chez HyPrSpace ?
Photo Thomas Schumacher au Bourget 2025.  

Sebastien Lecornu devant le stand HyPrSpace au Bourget 2025 - crédit HyPrSpace

lundi 23 juin 2025

Salon du Bourget 2025, l'édition du signalement stratégique ?


L'édition 2025 du Salon international de l'aéronautique et de l'espace, mieux connu sous le nom de Salon du Bourget (le 55ème), aura été marquée par une curieuse sensation. Celle d'être devenu un salon de défense.

Images - Thomas Schumacher / @paxaquitania, MINARM, industriels.   


Le pesant parfum de la poudre flottait -ou plutôt soufflait vu la puissance nécessaire pour climatiser cette chaude semaine- dans les larges allées du Salon du Bourget 2025. Etonnant ? Oui en fait, car même en 2023, lors de l'édition qui suivait le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine un an plus tôt, et bien que les sujets défense soient dans toutes les discussions à l'époque déjà, nous n'avions d'une part, pas le même niveau de maturation des systèmes, et d'autre part, pas ce constat d'isolement stratégique de l'Europe résultant de l'élection de Donald Trump. 

Certains parmi les 300 000 visiteurs (record absolu) l'auront d'ailleurs amèrement regretté ce climat, y compris chez les professionnels, et en particulier dans le Paris Space Hub, espace géant exclusivement dédié au spatial, mais c'est tout simplement le signe des temps (ajoutons l'ambiance délétère qui régnait autour de la présence d'armes "offensives" [sic] sur les stands israéliens).  

Cette année, les projets (je n'ai pas dit programmes, mais on sent tout de même de la maturité) se présentent également de façon différente, avec une propension à l'auto-financement qui, de façon limitée attention (d'autant plus que ce n'est pas possible pour tout le monde), semble inaugurer un retour à la prise d'initiatives, et donc de risques. Ou au coup politique, on peut le voir comme ça. 

Problème, même en ces temps de crises et de promesses de budget géant pour la défense, l'Etat reste avare… et se contente souvent d'observer avec une prétendue bienveillance. Il faudra bien enclencher un jour attention, sous peine de casser la machine à innover, et de voir certaines idées partir à l'étranger. Cela serait bien dommage à l'heure où le catalogue à notre disposition se remplit considérablement, et de façon parfois étonnante. Il y avait en effet sur cette édition du Bourget des propositions dont les forces françaises n'auraient pas imaginé rêver il y a quelques années à peine.  


Un tour en quelques grands points 👇

  • Dassault Aviation maître en sa demeure (sauf pour le futur AWACS)
Pour ce Bourget 2025, l'avionneur de Saint-Cloud, qui à en constater la longue file d'attente pour monter à bord des Rafale ou Falcon, reste sans conteste la star du salon, et a choisi ses priorités. Ces dernières sont énumérés dans les sorties presse du PDG Eric Trappier, et se ressentent sur les exhibitions. Pour le court terme donc, c'est le Rafale F5 (2030+). Pour le moyen terme, le drone UCAS (héritier du Neuron en 2035), et pour le long terme un appareil de combat de sixième génération un avion spatial : VORTEX !

Dassault Aviation est enfin sorti du bois sur ce sujet. L'avion spatial habité, ici en héritage direct de feu la navette européenne Hermes, c'est le grand -et prestigieux- rêve du groupe à horizon 2050, mais l'Etat (CNES, DGA, armée de l'Air), qui manque de moyens, ne semble pas totalement convaincu par cet appareil à tout faire qu'il juge très complexe, bien qu'injectant symboliquement 30 millions d'euros dans les études de développement. Dassault devrait donc aussi aller chercher du soutien du côté de l'Agence spatiale européenne, et tenter de fonctionner par étapes (la fameuse méthode itérative du new space ?!?), avec à court terme plusieurs démonstrateurs de taille réduite, puis un drone. Nous aurons l'occasion d'en reparler, car quoiqu'on en pense, le dossier est relancé !

L'Etat apporte un soutien au projet Vortex de Dassault Aviation - Photo MINARM


Concernant le Rafale, nous avons déjà un peu tout dit sur le standard F5, mais le motoriste Safran confirme s'engager dans la remotorisation de l'avion avec le M88 T-REX (9 tonnes de poussée), et Thales prépare un pod de guerre électronique. Les réservoir conformes de 1 200 litres qui donnent un look différent au Rafale étaient visibles, non pas chez Dassault Aviation, mais sur le stand du ministère des Armées, ce qui est une nuance importante. Il n'est pas dit, que pour des questions de maintenance, cette idée n'aille beaucoup plus loin que le bricolage pour la photo. 

Le Rafale avec réservoirs conformes sur le stand MINARM, et la bombe AASM XLR - Photo TS.


Mais le standard F5, c'est aussi un drone de combat partenaire de mission, l'UCAS, qui selon la maquette 1:1 dévoilée est une évolution parfaite du démonstrateur Neuron. Un Neuron "durci", "lourd", si l'on veut. Ce drone furtif fera approximativement la taille d'un Mirage 2000, et sera doté d'un seul moteur, le M88 du Rafale, ainsi que du train d'atterrissage de ce dernier. Il pourra être navalisé, mais seulement à bord du porte-avions de nouvelle génération, qui disposera de catapultes électromagnétiques.

Pour la France qui manque clairement de capacités furtives, ce programme apparaît comme structurant pour nos forces aériennes et leur capacité d'entrée en premier, notamment après les démonstrations réalisées en Iran par Israël, puis par les USA.

UCAS : unmanned combat air system - photo TS 


Un mot également sur le futur des AWACS de l'armée de l'Air et de l'Espace. Comme pressenti, cela se fera bien avec le système Global Eye de Saab (sur avion porteur Bombardier), la déclaration d'intention est signée depuis le 18 juin pour quatre appareils, dont deux fermes. Probablement davantage au cours de la LPM suivante
Je plaidais ici même il y a deux ans pour une intégration de la solution Saab sur le Falcon 10X, et il semble bien que Dassault ait eu son mot à dire avant le choix définitif de la DGA. Cette dernière n'a toutefois pas été convaincue par la proposition, car les E3 Sentry de l'armée de l'Air épuisent leur potentiel à vu d'œil. Bref, il ne fallait pas tergiverser, et l'industrie française a tergiversé. Il en ressort un beau geste de la France envers l'Europe, et pour la Suède, qui fournit en capacité d'alerte avancée une puissance nucléaire, c'est un coup absolument magnifique. 


Communication politique, en France puis la réponse suédoise. 


  • L'espace en force, et la force dans l'espace
Au delà du Vortex de Dassault, l'espace était assurément l'un des grands points du Bourget 2025, avec pour la première fois, l'imposant Space Hub, mais pas seulement puisque l'armée de l'Air et de l'Espace avait aussi son showroom dédié. Le Space Hub réunissait bien sûr le CNES et l'ESA (pour son cinquantième anniversaire), ains que les start-up qui y bénéficiaient d'une visibilité accrue. Un lieu où tout ce que le spatial européen a de personnalités est venu faire un coucou. Sauf l'astronaute française Sophie Adenot, en formation à Houston, qui assisté en visio à la révélation du nom et du logo de sa mission de 2026 ("Epsilon"), lors de la venue d'Emmanuel Macron le vendredi 20 juin, visite durant laquelle le Président de la République a tenu, au sein du Space Hub, son seul discours officiel du salon, entièrement consacré au spatial donc, et à la teneur très stratégique. S'il faudra finalement attendre octobre pour avoir la nouvelle stratégie spatiale nationale (résolument orientée vers une convergence avec les alliés que sont l'Allemagne, l'Italie, l'Inde, les Emirats, et le Royaume-Uni), le sujet central sera resté celui du spatial comme "jauge de puissance". Une formule présidentielle qui restera.   



Au Paris Space Hub, derrière les Agences, on pouvait trouver le stand très central d'ArianeGroup, où en plus du produit emblématique Ariane 6, l'industriel ne se gênait pas pour promouvoir sa filiale MaïaSpace bien sûr, mais aussi de façon beaucoup plus surprenante, son futur missile balistique conventionnel MBT, sa fusée sonde Sylex capable d'emporter le planeur hypersonique V-MAX, ainsi que… le missile stratégique M-51. On ne se cache plus donc. 

Mais les start-up de micro-lanceurs (qui comptent bientôt quasiment 100 employés chacune) n'étaient pas en reste, la bordelaise Hyprspace présentant même une maquette de son lanceur suborbital OB-1 adaptée à la flexibilité des missions de défense. Mais nous en reparlerons.  

A deux pas, Eutelsat pouvait se targuer d'avoir été complètement rattrapé dans sa chute financière par l'Etat français, qui monte à 30% au capital afin de sanctuariser la constellation de connectivité One Web, que Paris considère comme la seule alternative souveraine au Starlink d'Elon Musk. Eutelsat se voit d'ailleurs offrir 10 ans de contrat militaire avec les forces françaises.  

A noter également que le Commandement de l'Espace lançait au Bourget le 19 juin le "cercle de confiance Espace", cadre de discussion privilégié avec les entreprises du secteur, avec l'idée que l'offre et la demande se rencontrent plus directement, pour ne plus perdre de temps. 

Emmanuel Macron a enfin annoncé que la France organiserait début 2026 son premier "Space Summit", afin de mobiliser, dans son sens on le devine, les partenaires internationaux. 
  
  • Le salon de l'aéronautique aérobalistique
Présenter une munition a pour avantage que l'on peut se déplacer indifféremment tous les ans à un grand salon français: le Bourget ou Eurosatory (le salon de l'armement terrestre). Et les munitions ne manquaient pas cette année, à commencer par la Hammer 250 XLR de Safran (photo plus haut), une AASM turbopropulsée par microréacteur Roxel, ce qui permettra à la célèbre bombe de précision française de porter jusqu'à 150 km en 2028 quand elle sera tirée depuis un Rafale, contre 50 à 70 aujourd'hui avec son booster à poudre. 

Très médiatisée, mais difficilement accessible sur stand, la fameuse munition de saturation One Way Effector (OWE) de MBDA, était présentée comme le Shahed français, ce drone iranien désormais utilisé par les Russes et qui terrorise la population ukrainienne.
OWE, développée avec un droniste, devra être produite en masse (1 000 exemplaires par mois, grâce à l'industrie automobile ?), n'être pas trop chère, et agir en essaim pour découvrir, saturer, et si possible traiter les capacités de défense aérienne adverses jusqu'à 500 km de distance grâce à une charge explosive de 40 kg. Tout cela sans être brouillée grâce au savoir faire de MBDA dans la navigation et le ciblage dynamique.  

Sur le même segment ou presque des munitions téléopérées, Eos Technologie (qu'on a autrefois connu chez nous à Mérignac) montrait sa gamme à microréacteur Veloce, qui est désormais intégrée au catalogue de KNDS. La Veloce 330 va entrer en phase de test au sein des forces françaises, tandis qu'Eos travaille sur "Rodeur" pour plus de portée (500 km) et d'autonomie (8h). 



MBDA dévoilait aussi une maquette de lanceur à 4 silos pour la version terrestre de son missile de croisière naval, le MDCN devenu MDCT. On parle ici de longue portée pour ce missile de 2 tonnes capable de parcourir 1 000 km en subsonique. Campagne de tir prévue à Biscarrosse chez DGA EM d'ici 2 ans et demi. 



Et puisque l'on parle de lanceur, Turgis & Gaillard , qui avait fait sensation avec le drone Aarok en 2023, est de retour pour combler les trous de la raquette française avec un véhicule lanceur de roquettes, dont le démonstrateur a une fois de plus été financé sur fonds propres, sur la base d'un châssis 6x6 Renault Trucks. Le système se veut rustique, aérotransportable, et surtout agnostique de missiles. Un rapport parlementaire récent préconise l'achat de 48 lanceurs

Le lanceur Foudre de Turgis & Gaillard - Photo TS. 


Je le mentionnais avec ArianeGroup, c'est le retour potentiel des capacités balistiques conventionnelles. Ariane se différencie là de l'offre MBDA, que l'on parle de missiles de croisière ou drones comme le OWE. Chez Ariane, on mise en effet avec MBT (missile balistique tactique) sur l'extra atmosphérique comme facteur différentiant, afin de ne pas être interceptée. Cela vient donc compléter l'offre des munitions endoatmosphériques de très longue portée… où Ariane développe son démonstrateur stratosphérique V-MAX, qui lui aussi est théoriquement impossible à abattre en raison de sa vitesse et de sa manœuvrabilité. Complémentaire, ou alternatif ? Cela dépendra du portefeuille, forcément conséquent, que l'Etat décidera d'allouer à ces capacités de frappe dans la profondeur. 


Pour conclure, l'on notera quelques éléments, en retrait, voire carrément absents : 
  • le SCAF bien sûr, avec une maquette de NGF -déjà vieille de 6 ans- placée en retrait, chose remarquée avec un certain étonnement par les Européens présents (je vous le traduis : cela veut dire "pas en bien"). Dassault Aviation et son PDG Eric Trappier veulent imposer une pression monstre à Airbus Defence & Space au moment de négocier la phase de développement d'un démonstrateur de futur avion de combat dont la date du premier vol semble une nouvelle fois avoir glissé (2030 aujourd'hui). Un pari osé, très critiqué par les observateurs, mais qui je l'imagine, pourrait s'avérer payant si Airbus se retrouve poussé dans les cordes. D'autant plus qu'en Allemagne, le géant Rheinmettal multiplie les coups de couteau dans le dos, enchainant les accords de production sous licence avec les Américains de Lockheed Martin (fuselage F-35 entre autres) et Anduril (drone de combat Fury). Airbus serait désormais en quête d'alliances. 

Combat collaboratif. Et le NGF, en retrait… symboliquement - Photo Thomas Schumacher  

  • Les commandes !?! Où sont les commandes ??? Chez Embraer ! Plus sérieusement, on pouvait espérer a minima 20 Rafale Air et 10 Marine pour les forces françaises, comme cela avait été suggéré dans la presse ce printemps. Et l'accord avec la Suède et Saab pour le Global Eye n'est pas encore au stade de la commande ferme (cela viendra dans les prochains mois). Sur les drones et munitions terrestres, il s'agira aussi de vraiment accélérer, afin que l'armée de Terre s'exerce. 
  • Concernant les retards, comme je le disais plus haut, la publication de la stratégie spatiale nationale est décalée, ce sera pour octobre à Toulouse lors de l'inauguration des nouvelles installations du Commandement de l'Espace. Et si la stratégie pour la THA (très haute altitude) a bien été présentée par le ministre Sébastien Lecornu, le fameux tir sur ballon atmosphérique qui devait se dérouler en ce mois de juin n'avait toujours pas été réalisé au moment du salon. [MISE A JOUR : succès de plusieurs tirs sur ballons en THA annoncé ce lundi 23 juin !]
  • Eté toujours, où l'on attend le premier vol du drone Aarok de Turgis & Gaillard. Cela s'est joué à peu pour une annonce au Bourget, mais la météo en a décidé autrement à la date prévue début juin. Une question de semaines désormais, le temps de tout remettre en place. Là encore, j'attends plus d'engagement de la part de l'Etat, T&G ne pourra pas tout faire sur fonds propres. Mais le Aarok continue bien de surfer sur la hype générée en 2023, pendant que l'Eurodrone (Airbus) et le Patroller (Safran) se montraient bien timides une fois de plus. A juste titre…   
  • Les "territoires" : difficile en effet d'exister pour la province quand les questions qui dominent concernent la géopolitique, et donc Paris, ses centres de décisions et ses sièges sociaux. On notera d'ailleurs que les start-up ou PME qui font le plus parler sont celles qui ont été prises sous l'aile du ministère des Armées ou d'un grand groupe. Difficile également sans argent public disponible au niveau régional. Difficile enfin quand on a subi la désindustrialisation, et que ce sont des capacités de production dont on a désormais besoin (par exemple : on ne parle pas cette année de faire financer et construire des usines, mais plutôt d'utiliser celles des géants de l'automobile). A oui au fait… l'Aquitaine et Bordeaux-Mérignac ont perdu Hynaero et son projet de bombardier d'eau Fregate F-100, qui filent à Istres. Mais comme dirait l'autre: "Ce n'est pas grave on va faire des dirigeables !". Heureusement il y a Eurenco, qui signe des accords structurants avec Saab en Suède, et FN Herstal en Belgique.  
  • L'envie d'ajouter tout le secteur civil, où le choses vont bien, très bien même, mais clairement pas sous le feu des projecteurs médiatiquement parlant, surtout quand on connait la chute vertigineuse d'attention (ou pire, d'intérêt ?) que connaissent les problématiques de RSE, en premier lieu la décarbonation. Mais dans ce dernier domaine, les choses vont tout de même bon train, en particulier chez Safran. Quant aux taxis volants, il y en a peut-être deux fois moins qu'en 2023. 
  • Les absents: les Falcon de mission dont on parle vraiment trop peu (ce qui a laissé la place au Global Eye, sur Bombardier G6000). Pas de Mirage non plus, mais les verra-t-on encore ? Tout comme les appareils d'ancienne génération comme l'ATL-2 ? Plus étonnant, l'A330 MRTT n'était pas là non plus. Quand à l'actualité hélicoptère, elle était surtout contemplative avec les vols quotidiens du magnifique démonstrateur Racer d'Airbus, que l'on voit tout de même mal trouver un marché…

Le -magnifique- Racer d'Airbus Helicopters - Photo TS

vendredi 7 mars 2025

Succès total pour Ariane 6 et CSO-3


Pour son second lancement depuis juillet 2024, et son premier tir dit "commercial", Ariane 6 a placé le satellite militaire français CSO-3 en orbite basse. Un succès aussi déterminant que rassurant, alors que l'Europe n'a jamais été aussi seule. 

Images : Arianespace, Ariane Group, CNES, arrmée de l'Air et de l'Espace.


 
Tout est bien qui finit bien. Mais cela aura presque été interminable ! Avec plusieurs années de retard (pandémie, retards Ariane 6, guerre en Ukraine) d'abord, et deux reports ces derniers jours (pour raison technique, sur le segment sol), le satellite de renseignement français CSO-3 (composante spatiale optique) a enfin été placé sur orbite basse ce jeudi 6 mars lors du premier lancement commercial d'Ariane 6. 

Une superbe réussite pour les équipes en Guyane et en Europe, notamment à Bordeaux, qui met sur de bons rails la carrière de notre lanceur de souveraineté. En théorie, il y aura cinq nouveaux lancements d'Ariane 6 en 2025, tous au second semestre, et le double en 2026. Un calendrier de montée en puissance très (trop ?) ambitieux. 

Ci-dessous, présentation des capacités CSO du programme MUSIS : 



Inutile de préciser que dans le bouleversement géopolitique des dernières semaines, cette nouvelle capacité française, souveraine, arrive à point nommé. Elle contribuera assurément aux objectifs d'indépendance stratégique de l'Europe (tout comme Ariane 6), à commencer, très probablement, par la contribution au soutien à l'Ukraine. 

Passé au sommet des priorités suite au basculement stratégiquement américain, le renseignement spatial européen devrait largement bénéficier des mobilisations financières engagées sur le continent. 

J'ajoute même un avis personnel : la "trahison" américaine pourrait même bénéficier aux Européens sur le marché international. Sur ordre du président Trump, l'Ukraine a en effet été coupée du renseignement spatial des forces américaines, mais aussi des services commerciaux comme ceux de l'entreprise Maxar... 







lundi 3 mars 2025

HyprSpace tirera ses lanceurs depuis la plateforme NuPad de SpaceDreamS


HyprSpace (lanceurs) et SpaceDreamS (infrastructures sol) poursuivent leur partenariat et annoncent que le lanceur OB-1 sera tiré depuis la plate-forme mobile NuPad. 


Il était normalement prévu ce soir de parler du lancement d'Ariane 6 et du satellite militaire CSO-3, mais celui-ci est une nouvelle fois reporté. Cela commence à faire… depuis 2021 (le média La Tribune évalue à 30 millions d'euros  le surcoût du aux retards pour le ministère des Armées).

Ce sera donc du new space avec HyPrSpace ! Les bordelais, pionniers dans la conception de micro-lanceurs à propulsion hybride, se sont associés depuis octobre 2023 à SpaceDreamS (Paris & Toulouse), spécialiste des infrastructures sol,  pour la qualification des moteurs de leurs futurs lanceurs. Jusqu'à ce 24 février 2025, où les deux entreprises annoncent une nouvelle étape dans leur collaboration. Cette alliance, déjà couronnée par les succès des essais moteur Terminator, les avancées du projet PADA11 et la signature du contrat R2D22, entre dans sa seconde phase et accélère avec le développement du « NuPad » : premier pas de tir modulaire et multisite de lancement.

Les deux entreprises, qui vont jusqu'à parler de « symbiose industrielle », veulent afficher une vision commune ouvrant la voie vers un accès à l’espace véritablement rentable, pérenne et interopérable. Et c'est dans ce contexte que l'on découvre le NuPad, un pas de tir mobile à déploiement rapide,  transportable via conteneurs maritimes. Doté d'interfaces universelles pour intégrer des lanceurs de dimensions variables (pour de l'orbital ou du suborbital), il est annoncé comme compatible avec tous types de propulsion et mises en œuvre standardisées.

Il sera ainsi en capacité de tirer, depuis la Guyane Française, les lanceurs d'HyprSpace, à savoir Baguette One le lanceur suborbital monoétage de 10 mètres dont le premier vol inaugural est prévu pour 2026, et OB-1 (Orbital Baguette One), le lanceur orbital qui volera lui fin 2027. 


mercredi 20 novembre 2024

Dark va mener une étude de simulation d'interception en orbite pour les Armées

L'Agence de l'innovation de défense et la start-up Dark ont annoncé lundi 18 novembre avoir passé un contrat d'étude préliminaire pour la simulation d'interception d'objets spatiaux dangereux en orbite basse. Les deux acteurs se positionnent ainsi sur une question absolument préoccupante. 

Ci-dessus : vue d'artiste du concept de lanceur aérolarguée de Dark - source Dark.


Alors même, ce 18 novembre, que le commandant de l'espace, le général Philippe Adam, nous apprenait dans une longue et riche interview à La Tribune que parmi les acteurs provocateurs en orbite, il fallait désormais compter sur l'Iran, l'Agence de l'innovation de défense (AID) annonçait l'étude "Salazar". 

Salazar est une étude qui consiste à simuler via un ensemble de modèles numériques développés par la start-up Dark -à qui l'étude est donc notifiée- des missions de capture d’objets spatiaux dangereux en orbite basse (LEO).
L'AID précise qu'elle évaluera le potentiel des moyens développées par Dark pour répondre aux exigences des opérations en orbite basse (LEO) à l'horizon post-2030. Cette étude permettra aussi de tester la faisabilité du transfert et de la manœuvre de charges utiles en orbite, contribuant ainsi aux missions de caractérisation des situations critiques ainsi qu'aux opérations de surveillance et de réponse face à d'éventuelles tentatives d'ingérence spatiale. Dans le cadre de cette étude préliminaire, l’Agence de l’innovation de défense proposera à DARK une cible fictive dotée de systèmes d’évasion ou d’alerte qui, en retour, présentera plusieurs scénarios possibles.

Ce faisant, les armées françaises se positionnent publiquement sur une problématique que toutes les puissances spatiales jugent extrêmement préoccupante. Avant donc d'être active, la solution technologique n'étant clairement pas encore mature, la France se veut d'ores et déjà dissuasive. Et ce n'est pas un hasard si l'AID fait appel à Dark... 

Sur le blog: Dark achève la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan"



En effet, on connait Dark depuis sa fondation en 2021 à Paris, puis l'annonce en 2023 de son installation sur l'aéroport de Bordeaux, prévue pour 2025 (à confirmer). Aux dernières nouvelles, l'entreprise qui s'est dès le départ positionnée avec une solution réactive de micro lanceur aérolargué -via un Airbus commercial- pour des missions de désorbitation ou "nettoyage" de l'orbite basse*, a mené avec succès des essais moteur en Allemagne durant l'été 2024. 

Rappelons également qu'il s'agit d'une solution complète, qui ne se limite pas au lanceur, puisque Dark travaille tous les aspects de la missions, avec le développement de logiciels ou encore d'un bras robotisé. 

Dans le cas de l'étude Salazar, l'AID semble avoir été séduite par la solution de simulation développée par Dark, qui, basée sur les paramètres orbitaux d’une cible, propose "le meilleur scénario d’interception, en prenant en compte la stratégie, les performances et la temporalité de la mission". Dark profite également de son expérience de simulation d'interception d'urgence d'un débris spatial (un étage d'Ariane 5), menée auprès du CNES en 2023. 

On retiendra enfin notre attention sur un des modèles de simulation présenté par Dark le mois dernier, baptisé RAVEN et réalisé avec… des drones ! (source photo LinkedIn de Dark)



* dans ce domaine, deux types de mission évidents se dégagent : l'espace durable (ou dit autrement, "dépolluer" l'orbite), et bien sûr, la défense. 

lundi 18 novembre 2024

The Exploration Compagny lève 150 millions d'euros pour financer sa capsule Nyx


The Exploration Company a annoncé ce 17 novembre une nouvelle levée de fonds d'environ 150 millions d'euros. Une somme qui servira à financer son programme de cargo réutilisable Nyx. Au total, la start-up franco-allemande, basée à Mérignac, Munich, et désormais aussi implantée en Italie, a levé environ 200 millions d'euros, avec un carnet de commande qui dépasserait déjà les 700 millions.

Ci-dessus: la futur capsule réutilisable Nyx. Vue d'artiste The Exploration Company. 


Disposant d'un triple ancrage (puisque désormais installée aussi en Italie) intelligent jouant sur les forces de l'Europe plutôt que les divisions, la start-up -encore jeune- The Exploration Company (ou TEC) continue de réussir à convaincre. Elle accumule ainsi des partenariats solides qui lui permettent en conséquence d'attirer les financeurs. Ce succès dans la construction du projet est bâti sur un discours -largement incarné par sa PDG Hélène Huby- à la fois ambitieux et mesuré, avec un vrai "narratif". 
Cela dans une étonnante discrétion, presque timidité par rapport à d'autres plus… extravagants (et pas loin de disparaître pour certains). Il manque -donc- encore la communication grand public mais il ne fait guère de doute que cela viendra quand il s'agira d'entrer dans les phases opérationnelles (donc commerciales). Mais il est vrai qu'une capsule fait moins tape à l'œil qu'un lanceur ! 
En bref, la trajectoire est pour l'instant nominale, même s'il y a bien eu un échec, non imputable à l'entreprise, lorsque le démonstrateur de rentrée atmosphérique "Bikini" présent à bord du vol inaugural d'Ariane 6 en juillet dernier n'a pas pu être déployé comme prévu par l'étage défaillant du lanceur européen. 

Voici pour le recap', mais venons en donc à la grosse actualité de ce début de semaine, le financement de série B, d'un montant de 160 millions de dollars (151 M€), visant à financer le développement du vaisseau spatial Nyx.

Nyx, une capsule agnostique (de lanceur) de 8 tonnes, a été présentée dès son annonce comme pouvant évoluer, jusqu'à pouvoir mener des missions habitées, ou même lunaires. Elle sera dans un premier temps capable de transporter plus de 3 tonnes de fret sur orbite, et d'en revenir, chose que l'Europe ne propose pas aujourd'hui. 

Pour commencer, il s'agit de viser les stations spatiales, son marché privilégié. Première mission déjà prévue en 2028 pour Nyx "Earth", vers l'ISS.  

Ces 150 millions, absolument nécessaires, doivent contribuer à financer Nyx, ce qui inclut le recrutement de personnels. La grande réussite vient ici de la diversité et du prestige des financeurs impliqués, dont notamment deux fonds souverains européens, French Tech Souveraineté (France) et DeepTech & Climate Fonds (Allemagne). TEC continue d'ailleurs de se vanter qu'elle est la première entreprise spatiale au monde à s'être appuyée, et ce dès le départ, sur un financement majoritairement privé. Et à 98% européen ! 

Cela est imputable bien sûr au réseau (exemple emblématique, l'Elysée croit fort en ce projet), mais aussi nous l'avons dit, à la vision.  


Pour le moment, TEC convainc, et mène la cadence à la bonne mesure. L'ESA, qui devrait être un -bon- client, lui a confié un contrat d'étude, France 2030 la soutient, et surtout, elle a obtenu un pré-contrat majeur avec Axiom Space pour le ravitaillement de sa future station privée en orbite basse (si et seulement si le projet aboutit). Il y a aussi, dans le même domaine, des accords avec Vast et Starlab.  

Sur un plan plus concret, signalons enfin que l'équipe de conception de véhicules de TEC a récemment mené à bien la première campagne d’essais plasmatiques sur le site d'Ariane Group à Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux. Ce test visait à soutenir le compromis pour le choix du matériau de protection thermique pour Nyx Earth. En soumettant différents matériaux à des niveaux de flux de chaleur représentatifs d’une rentrée depuis l’orbite terrestre basse, le comportement des matériaux a pu être observé afin de mesurer les niveaux d’ablation.

Rappelons que des essais moteur sont aussi réalisés à Mérignac par TEC, avec un banc d'essai actif depuis cet été, et un autre, plus volumineux, prévu pour être installé en 2025 (voir le précédent article du blog). 

Capture de la vidéo de démonstration - The Exploration Company 



lundi 4 novembre 2024

AndroMach et son projet d'avion spatial s'installeront à Bordeaux en 2025


La start-up AndroMach s’installera à Mérignac au printemps 2025. Dans ses cartons, un projet d'avion spatial inédit en France. Une capacité réutilisable d'emport, et de retour, qui pourrait intéresser le monde de la recherche en microgravité, ainsi que la défense. 

Ci-dessus: vue d'artiste du drone spatial suborbital d'AndroMach. 


C'était un secret de polichinelle, puisque la start-up AndroMach disposait d'un stand bien visible -avec maquette !- sur les événements bordelais de la rentrée aérospatiale, mais c'est dans un article de La Tribune Bordeaux en date du 30 octobre que l'information a finalement été rendue publique: le premier avion spatial français devrait être conçu à Bordeaux, ou plutôt à Mérignac, puisque c'est la technopole Bordeaux Technowest qui accueillera la start-up courant mars 2025 dans les murs de son nouveau QG, le "Cockpit". 

AndroMach, qui réunit aujourd'hui en région parisienne un peu moins d'une dizaine d'employés, a pour ambition de développer un avion suborbital (200 km d'altitude) de 4 mètres de long pour 1,2 mètre d'envergure, capable d'embarquer en soute une charge utile de 10 kilos dès 2026. Pour commencer… car en cas de succès, des évolutions importantes sont d'ores et déjà prévues au sein d'une roadmap comprenant les dates de 2028 (150 kg en orbite, avec l'aide d'un microlanceur "partenaire") et 2031 pour des développements itératifs, avec notamment un aéronef plus imposant (18m) capable d'emporter 600 kg sur orbite héliosynchrone

Pour la start-up qui a mené depuis un an ses études de faisabilité, et qui vient de réaliser sa première levée de fonds, les essais de propulsion et d'aérodynamique auront lieu début 2025. Son installation au Cockpit pourrait ensuite s'accompagner de quelques recrutements. 

L'avion spatial est un sujet qui fascine autant qu'il peut décourager. La technologie intéresse un nombre assez important de start-up, mais n'est réellement maitrisée qu'au sein des armées américaine et chinoise. En France, le ministère des Armée a pu évoquer il y a deux ans la volonté de mener des études sur le sujet, qui auraient pu aboutir à ce que l'armée de l'Air et de l'Espace se dote un jour de son propre "X-37B" (le fameux drone spatial de l'US Space Force). Il semble cependant que le sujet soit au point mort. 
Ajoutons enfin, bien sûr, qu'il est de notoriété publique que Dassault Aviation est activement concerné par la question, pour des usages ambitieux qui iraient jusqu'au vol commercial habité. 

Car l'avion spatial a, sur le papier, des avantages évidents en termes de réutilisabilité, de besoins réduits d'infrastructures (une mission suborbitale pourrait être entièrement menée depuis une base aérienne), ou encore d'emport -et de retour intact- de charges utiles. 
Concernant les missions justement, AndroMach communique sur le fait que le premier véhicule suborbital pourrait trouver des usages dans le domaine des recherches en microgravité, un domaine également visé par la luxembourgeoise Space Cargo Unlimited. Quelques minutes à 200 km d'altitude et l'opportunité de développements pour le secteur pharmaceutique, biologique, ou même informatique. 

A échéance plus lointaine, sur orbite basse, et pour des missions de plusieurs jours ou mois cette fois, s'ouvrent les marchés de l'intervention sur des satellites, vaisseaux spatiaux, ou débris (maintenance, réparation, désorbitation…). Ceci dit, est ce vraiment un marché porteur ? 

Et il y a, bien entendu, la défense qui faute d'un grand programme national de drone spatial, pourrait trouver dans les projets de cette start-up une solution souveraine estampillée "new space". Ce domaine est explicitement évoqué par les fondateurs d'AndroMach.

Mais pour en arriver là, de nombreux défis techniques, qui touchent à la structure de l'aéronef comme à sa propulsion, seront à surmonter, le drone devant évoluer dans des milieux (la haute atmosphère et l'espace) où les contraintes sont intenses. Le design exposé à ce jour présente en tout cas des aspects très intéressants, tout comme la démarche itérative. 

Les centres d'essais, la pièce maîtresse du territoire Bordelais 

A ce stade, il s'agit là d'un nouveau joli coup pour l'agglomération (avec encore le travail remarquable de Bordeaux Technowest et de l'agence Invest in Bordeaux) qui attire un projet que l'on pourrait qualifier "de rupture". Après Hynaéro (projet de "Canadair" français), The Exploration CompanyHyprSpace ou encore Dark… ce ne sont pas les ambitions qui manquent.

Ce qui a convaincu AndroMach ? La proximité des sites disponibles pour mener des essais de propulsion: « Pour les essais opérationnels, propulsion et essais en vol, toutes les infrastructures sont disponibles sur le territoire », peut-on lire dans La Tribune. Outre la proximité, pratique, de l'océan, il faut dire en effet que l'ouest bordelais dispose d'un sacré héritage en matière de structures dédiées à la pyrotechnie.

Cet argument, on le retrouve d'ailleurs partout chez les pépites du spatial ces derniers mois sur le territoire. Récemment, c'est d'ailleurs The Exploration Company qui a montré son nouveau banc d'essai de Mérignac (images ci-dessous), mis en place durant l'été sur un ancien site à Mérignac. Déjà impressionnant de maîtrise, et destiné à grossir dès l'an prochain.
 


mercredi 17 juillet 2024

Première mondiale ! HyprSpace valide l'essai de son moteur à propulsion hybride


HyPrSpace, l'un des principaux acteurs français sur le marché des micro-lanceurs, a réussi jeudi 11 juillet le premier essai de son moteur-fusée "Terminator". Cela valide l'innovation technologique maitresse de la start-up, la propulsion hybride. Un première mondiale. Cette campagne d'essais se déroule à Saint-Médard-en-Jalles sur le site de la DGA Essais missiles, avec qui HyperSpace a noué un partenariat. 

Images: © HyPrSpace


2024 marque assurément un tournant sur le marché global du spatial. Alors que tous les segments (lanceurs, satellites, services…) sont désormais confrontés à un tarissement des financements, notamment privés, et que des interrogations apparaissent -ce qui est sain- sur la réalité chiffrée de cette économie, finalement toujours ultra dépendante des programmes publics, et en particulier militaires, cette année pousse les grands acteurs à se restructurer (par exemple, Airbus & Thales) tandis que les jeunes entreprises financées doivent franchir le gouffre qui sépare la planche à dessin de la pratique. 

Et alors que l'on vient de voir Ariane 6 s'envoler, ou encore Dark réussir ses essais moteur, c'est au tour de la prometteuse HyprSpace de passer une étape considérable. 

Le 11 juillet à Saint-Médard-en-Jalles (33), sur le site de la DGA Essais Missiles, a donc eu lieu le premier tir du moteur "Terminator", avec pour objectif, ni plus ni moins que la validation d'une technologie (brevetée par l'entreprise) sur laquelle repose l'entièreté du projet: la propulsion hybride (liquide & solide). HyprSpace avait jusque là mené des essais avec un prototype "Joker", mais "Terminator" est un démonstrateur grandeur nature (6m), représentatif d'une version opérationnelle. 


L'entreprise a communiqué avec enthousiasme, hier: "Le modèle de performance de la combustion et des fluides, la capacité à fonctionner à l'échelle d'un étage complet, confirment expérimentalement la fiabilité et l'évolutivité de notre technologie. Il s'agit d'une démonstration technologique majeure pour le développement de notre lanceur OB-1, qui ouvre de nouvelles perspectives pour les applications spatiales et la défense, en raison de la simplicité et des avantages économiques offerts par notre moteur."



Le succès est au rendez-vous, et la campagne d'essais va désormais progresser, avec notamment l’intégration du réservoir d’oxygène liquide (LOX) dans le moteur, ou encore l'ajout de contraintes simulant un tir en conditions réelles.  

Il s'agit bien entendu d'un immense soulagement pour les équipes, et également d'une première mondiale car, bien qu'explorée partout dans le monde il y a des décennies (et de nouveau, maintenant que la France s'y intéresse. Bizarre !), la propulsion hybride pour les lanceurs a rapidement été jugée trop complexe. Or, une innovation majeure proposée par HyprSpace dès le départ de l'aventure a été de largement simplifier l'architecture du moteur. Un grand bravo donc !

Sur le plan économique, la start-up doit une belle partie de son développement au plan d'investissement France 2030 dont elle fut la première des lauréates sur le volet micro-lanceurs, mais son lien de confiance avec l'Etat ne s'arrête pas là, puisqu'elle peut bénéficier des structures et du soutien de la DGA et de l'AID depuis maintenant plusieurs années.

Ce qui m'amène au point opérationnel: il est selon moi trop tôt pour parler précisément de ce qu'est véritablement la réalité du marché commercial des micro-lanceurs, mais ces derniers offrent des capacités d'accès à l'orbite basse qui pourraient s'avérer intéressantes dans le cadre d'une stratégie de défense pour les lancements réactifs. D'autant plus quand on sait que l'innovation d'HyprSpace concernant l’architecture de son moteur à propulsion hybride permet de choisir le couple d’ergols, et donc éventuellement des ergols liquides stockables (par exemple non cryogéniques), évitant d'avoir à faire le plein du lanceur sur le pas de tir. Le gain logistique opérationnel concerne aussi la partie solide, puisque non pyrotechnique. 
Notons enfin que le Commandement de l'Espace n'a ouvertement déclaré s'intéresser aux solutions de lancements réactifs que depuis le mois de juin 2024, lors d'une visite chez Latitude à Reims.

HyprSpace prévoit le premier tir -suborbital- en 2026.  


lundi 15 juillet 2024

La start-up bordelaise Nimbl'Bot bientôt en orbite avec son bras robotisé ?


France 2030, grand plan d'investissement public mis en œuvre après la crise du COVID-19, aura été un formidable marchepied pour les entreprises du "new space" français, attisant même jalousies et appétits dans le reste de l'Europe. Et justement, une nouvelle vague de lauréats vient d'être annoncée, poussant la somme totale allouée au spatial à près de 930 millions d'euros. Aujourd'hui, intéressons nous donc au volet qui concerne les services en orbite. 

Au cœur de l'été, l'info passe un peu inaperçue, mais une nouvelle vague de lauréats a été annoncée pour le plan d'investissement France 2030. Et plus précisément sur son volet spatial avec 7 nouveaux projets et 3 achats de services. Les projets concernent le monde des lanceurs et du satellitaire (plus précisément les constellations), s'inscrivant dans la continuité des autres annonces (article en lien ci-dessous) avec déjà pas mal de têtes connues et bien ancrées dans le paysage, tandis que l'on s'aventure sur un domaine plus inédit -et particulièrement dual- avec les achats de services. Ceux-ci concernent en effet ce que l'on appelle les services en orbite, segment qui peut aller de l'extension de vie au convoyage de satellites, en passant par l'interception d'un objet dangereux ou même hostile".     

Sur le blog: [France 2030] Le spatial français est en ordre de bataille


Et alors que j'attendais peut-être d'autres noms, en voilà un qui a retenu mon attention: Nimbl'Bot

Celle-ci, jeune start-up girondine, s'était faite notamment connaitre en 2022 pour sa technologie de bras robotisé dédié à la maintenance en milieu "exigeant" (typiquement, l'industrie SEVESO ou nucléaire). Or, le secteur spatial est à la recherche de roboticiens capables de rendre possible les opérations complexes en orbite pour de la maintenance, de la construction, voire de la capture. 

Et c'est ainsi que dans ce lot n°2 « Inspection rapprochée puis amarrage » de l’appel d’offres « Services en orbite Inspection » du Plan France 2030, révélé le 12 juillet, on découvre comme lauréat un tandem constitué de Thales Alenia Space et Magellium (Toulouse), qui propose de démontrer l’approche puis la capture directe, par un bras robotisé, d’un objet représentatif d’un satellite désactivé en orbite basse. Cette démonstration s’intègre dans le cadre de la mission EROSS (European Robotic Orbital Support Services) actuellement en cours de financement par l’Union Européenne. Elle impliquera un acteur européen, le DLR (l'Agence spatiale allemande), la start-up bordelaise Nimbl’Bot pour le développement d’un bras robotique hyper-agile pour l’inspection de la cible après sa capture ainsi que Telespazio, société conjointe entre Leonardo (67 %) et Thales (33 %).

A noter que sur ce segment précis, mais à usage plus clairement orienté vers le militaire, nous nous étions récemment penché sur l'actualité d'Agena Space à Mérignac

 

vendredi 12 juillet 2024

Dark achève la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan"

Dark, société parisienne qui doit s'installer sur l'aéroport de Bordeaux-Mérignac pour y développer ses activités de lancement orbital, a récemment communiqué sur le succès de la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan". L'affaire fait peu de bruit en France, probablement car les essais se sont déroulés… en Allemagne. 


Parmi la petite myriade de start-up françaises et européennes qui affichent des ambitions dans le lancement spatial, Dark ne passe pas inaperçue. L'entreprise se définit en effet comme un société de défense orbitale, son micro-lanceurs aéroportés constituant la base d'un système complet visant à assurant des lancements réactifs dans le but de désorbiter des objets hors de contrôle, et cela, non pas dans un but stratégique (lire mon précédent billet sur le sujet, en lien ci-dessous), mais bien afin d'assurer la sacro-sainte "durabilité" des orbites.
 

La première étape passe donc par le développement d'un micro-lanceur aéroporté. Pas une mince affaire quand on connaît les déboires d'autres acteurs célèbres sur ce segment précis. 

Mais so far so good… puisque Dark a annoncé sur son compte Linkedin avoir achevé une première campagne de tests de la chambre de combustion de son moteur-fusée Sheitan (a-t-on vraiment besoin de traduire ?), moteur qui équipera le lanceur Interceptor.
La campagne de tests, qui a duré deux semaines, a été réalisée dans les installations de l'agence spatiale allemande, le DLR, à Lampoldshausen. 

Une vidéo a été diffusée. Et pour les détails techniques, je vous invite à suivre ce lien



Dark précise que six essais de combustion à chaud ont été effectués. Au premier essai, la chambre de combustion a tout simplement été détruite. Mais lors du sixième essai, l’entreprise a réussi à atteindre un rendement de combustion de 99,4 % à une pression de 80 bars.

Comme je le disais en préambule, on a peu parlé de ces essais en France, probablement car ils se sont déroulés en Allemagne (et la confiance n'est pas au beau fixe, surtout dans le spatial). Toutefois, Dark n'est pas la première à réaliser sa campagne d'essais moteur à l'étranger, puisque Latitude, par exemple, l'a fait en Ecosse. Il faut aussi reconnaître que la start-up est un peu plus discrète que ses congénères, ce qui est en soi une qualité… et un défaut, car bien des observateurs me font régulièrement part de leurs interrogations sur le projet. Elle a tout de même levé 11 millions de dollars depuis sa création en 2021. 

A noter que si Dark ne fait pas partie -à ce jour- des lauréats "micro-lanceurs" du plan France 2030 (Latitude, HyprSpace, Maïa Space, Sirius), l'Elysée et autres institutions la mentionnent régulièrement dans leur communication sur l'avenir du spatial français. 


mercredi 10 juillet 2024

Ariane 6 - Et soudain, un ange passe


L'histoire retiendra que mardi 9 juillet 2024 à 21h, l'Europe a retrouvé sa capacité autonome d'accès à l'espace. Dix ans après le lancement politique du programme, le lanceur Ariane 6 s'est en effet enfin envolé sans difficulté depuis le Centre spatial guyanais. Un moment d'intense soulagement.  

Images: ESA & armée de l'Air et de l'Espace


Et soudain, tout est oublié. Ariane 6, si longtemps critiquée pour ses retards ou pour son coût (programme à 4 milliards d'euros, ce n'est finalement pas si cher), si longtemps remise en cause quant à son existence même, s'est enfin envolée. La France (qui y contribue à 50%) et l'Europe retrouvent enfin un lanceur lourd dans un contexte où SpaceX impose doucement mais sûrement son monopole commercial, mais où dans le même temps, toutes les grandes puissances spatiales (Russie, Japon, Inde, Chine) ont fait le choix de ne pas renoncer aux lanceurs de souveraineté. 

Tout s'est déroulé de façon "nominale", du moins durant 1h30 puisque le 3ème et dernier rallumage du moteur Vinci en orbite n'a jamais eu lieu. Il faudra plusieurs semaines pour savoir ce qui a cloché sur premier test grandeur nature en zéro-G, ce deuxième étage devant contribuer à ce fameux service en "arrêts de bus" que permet le Vinci sur Ariane 6. 

Mais cela ne devrait a priori avoir aucun impact sur le premier vol commercial, qui se déroulera normalement en décembre, pour l'envoi si important du satellite d'imagerie militaire français CSO-3
Un peu dommage en revanche pour les deux démonstrateurs de capsules de rentrée atmosphérique perdus avec cet échec au 3ème allumage, qui portaient la marque du territoire néo-Aquitain (ArianeGroup pour l'une, The Exploration Company pour l'autre). 

Il y a une donnée qu'il faut nécessairement rappeler: un nouveau lanceur a entre 50% et 70% de chances d'échouer lors de son premier tir. Et quasiment 100% si l'entreprise qui le conçoit débute, il faut s'en souvenir.
Cette réussite d'Ariane 6, qui ne faisait pas vraiment de doutes en réalité tant les responsables s'étaient montrés confiants (confiants, mais humbles), doit nous rassurer sur le formidable héritage sur lequel est assise l'Europe spatiale. Nos félicitations doivent ainsi aller en premier lieu à toutes les équipes qui ont mené ce programme au succès. Programme à qui nous souhaitons une longue vie. Mais sera t-elle si longue que ça ? Ceci est un autre débat. Il faudra avant tout pouvoir tirer 12 Ariane 6 par an d'ici 3 ans. C'est beaucoup, et si peu. 



Mais ce succès si attendu, on peut le regretter, aura été étouffé médiatiquement entre une crise politique historique et divers événements sportifs d'envergure. Il n'a, de plus, étonnement fait l'objet d'aucune retransmission TV en direct (Ariane 5 y avait droit, régulièrement). Cependant, nous aurons pu noter que durant au moins 48h, l'enthousiasme aura refait surface au sein d'un écosystème du spatial européen proche de la déprime complète. 


Ambiance délétère

Car il faut dire que dans un monde.. que dis-je... dans une économie du spatial qui a fondamentalement évolué, les agences (CNES, l'ESA), l'industriel ArianeGroup ou la société de commercialisation Arianespace encaissent les coups de la part d'un écosystème privé jeune et -en apparence- dynamique à qui l'on a à tort ou à raison attribué le titre de "new space européen". On ne compte plus les tribunes dans la presse, les plateaux télé, ou les invectives sur les réseaux sociaux venant contester la légitimité des acteurs historiques, coupables de ne pas avoir vu venir la révolution SpaceX. 
Tout cela sans compter sur le lâchage politique en règle qui se profile du côté de Berlin (dernier épisode: la "trahison" d'EUMETSAT) et Rome. Je préfère sur ce point exprimer le fond de ma pensée dès aujourd'hui: si Ariane a un avenir au delà de 2030, il ne faudra pas avoir peur de le faire en franco-français. Et donc de le financer, mais le prix à payer n'est pas si exorbitant pour un tel instrument de hard et de soft power. La France qui est d'ailleurs bien seule, via la parole de ses dirigeants politiques, à s'exprimer sur le succès de ce vol inaugural 



Face à ces discours, la réplique existe, mais elle est totalement désordonnée, et surtout hors de son temps. 
D'une part, il y a les quelques représentants d'une génération de space boomers, qui de façon mal avisée, nient en bloc, à la fois l'existence d'une économie de l'orbite basse tant vantée par les études de marché (car représentant en théorie des dizaines de milliards de dollars), et les lubies de la réutilisation ou même du vol habité. Il s'agirait donc selon leur raisonnement, de simplement continuer sur la voie -raisonnable- tracée depuis les 50 dernières années en Europe, sans céder aux sirènes du techno capitalisme et des récits patriotiques américains ou chinois. Il m'importe peu ici que l'analyse soit fondée ou pas, mais le fait est que le message envoyé aux jeunes générations est désastreux, dans un monde qui a besoin de scientifiques, d'ingénieurs, de visionnaires, et surtout d'aventures humaines et technologiques.   
D'autre part, il y a la communication totalement confuse des institutions qui se sont récemment mises à douter de leur propre existence (comprendre de leur éventuelle mort imminente). En témoigne la sortie récente de la part de l'ESA, affirmant que SpaceX n'est pas un concurrent. Elon Musk, lui, ne s'est jamais gêné pour déclarer qu'il mettrait à mort tout le secteur, Européens compris… 

Quoiqu'il en soit, Ariane 6 a volé, nous nous sommes ébahis, et l'Europe a retrouvé son accès souverain à l'espace. Mais mercredi matin, la trêve était déjà terminée, quand plusieurs start-up se joignaient l'une à l'autre pour réclamer publiquement à l'ESA et à l'UE un "nouveau paradigme spatial" visant à offrir une alternative souple et surtout compétitive au programme Ariane: il s'agit de Latitude pour la France, Orbex pour le Royaume-Uni, et de Rocket Factory Augsburg (RFA) pour l'Allemagne. Mais avant de s'autoqualifier de relève, il s'agira de suivre l'exemple d'Ariane, et de s'envoler. 



Allez, petit recap en images grâce à l'ESA. On remerciera également l'armée de l'Air et les pilotes de la 4ème escadre de chasse sur Rafale pour les prises de vue historiques :