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vendredi 2 mai 2025

Turgis & Gaillard dévoile son "HIMARS français"

Surprise ! Le débat parlementaire sur les systèmes d'artillerie, qui a lieu cette semaine en commission à l'Assemblée Nationale, semble avoir poussé Turgis & Gaillard  à dévoiler son jeu. Et quel jeu ! L'ETI s'apprête à présenter au salon du Bourget un prototype de lance-roquettes 100% français, avec pour but d'éviter à la France un grave trou capacitaire. 

Images : Turgis & Gaillard.


Turgis et Gaillard Groupe avait déjà boulversé le paysage -un peu trop tranquille ?- de l'industrie de défense française en 2023, lorsque le drone Aarok fut dévoilé au Bourget. Même phénomène deux ans plus tard, et toujours au Bourget en juin (où décidemment, l'aérobalistique va faire concurrence à l'aéronautique, sur son propre terrain), avec la présentation annoncée du prototype de lance-roquette national, baptisé "Foudre", dont l'allure semble largement inspirée du célèbre M142 Himars américain. 

Selon les médias informés par l'ETI, et ce alors que l'information sur l'existence du programme a publiquement été dévoilée à l'Assemblée Nationale mercredi 30 avril, Foudre est développé en secret depuis deux ans, en parallèle des efforts nationaux sur FLP-T (frappe longue portée terrestre), qui interessent officiellement MBDA (maquette MBDA ci-dessous) et ArianeGroup

Le prototype de lanceur Foudre a ainsi été présenté à l’armée de Terre et à la Direction générale de l’armement (DGA). Il est annoncé comme compatible avec les munitions du marché, y compris coréennes et indiennes. Si tout va bien en termes de collaboration avec les autorités, des essais de tir pourraient être menés dès 2026. Largement de quoi prendre de court la "concurrence" en France. Hormis la munition, tout, du châssis au système de ciblage, est développé par l'entreprise. Le véhicule, garanti NRBC, est aérotransportable par les C-130 et les A400M en service dans l'armée française.

Sa production se ferait via les installations duales des filiales SEFIAM (Lozère) et Graffeuille (Charente), que le groupe annonce comme capables de passer "en mode haute cadence".    

Pour rappel, afin de remplacer ses antiques LRU, la France attend une douzaine de systèmes en 2030, avec quelques 300 roquettes disponibles à cette date Une ambition qui mérite d'être réévaluée. L'appel d'offres est attendu à la fin de cette année. 
S'agissant des effecteurs, la tranche de portée pour le ciblage allant de 200 à 2 000 km, j'invite à consulter les données sur ELSA: European Long-Range Strike Approach, le programme dans lequel Foudre a bien l'intention de s'inscrire. 


Si la compétition qui semblait s'ouvrir entre Ariane et MBDA pouvait laisser craindre une certaine inertie, familièrement déraisonnable en ces temps troublés, la proposition de Turgis & Gaillard vient bien évidemment rebattre les cartes, d'autant plus que l'on devine que personnalités politiques, officiers supérieurs, médias, et même le grand public se montrent ouvertement séduits par chacune de ces solutions laissant espérer -comme le drone Aarok- des coûts maitrisés, une agilité opérationnelle et une modularité des systèmes, ainsi que des livraisons rapides, tout en étant garantie 100% souveraine.

Rendez-vous le 16 juin au salon du Bourget pour découvrir la bête. La seconde édition successive où Turgis & Gaillard risque bien de voler la vedette aux géants de l'armement français. 


mercredi 2 avril 2025

SOFINS 2025 - Le NH90 Standard 2 "FS" en star du salon

Airbus Helicopters exposait pour cette 7ème édition du salon des forces spéciales SOFINS le prototype du futur hélicoptère de manœuvre des forces spéciales françaises, le NH90 Standard 2. Ce modèle, ici en livrée noire, augure d'un appareil suréquipé qui arrivera au sein du COS dans un peu plus d'un an, venant remplacer Cougar et Caracal.  

Images: Pax Aquitania.


Parlons peu mais parlons bien, avec l'exclusivité du salon SOFINS 2025, à savoir le prototype de l'Airbus NH90 Standard 2 (ou autrement appelé standard FS). Malheureusement en statique, bien que l'appareil ait passé une bonne partie de l'année 2024 à Pau, au sein du Régiment (4ème RHFS) qui accueillera la flotte de 18 appareils à partir de l'été 2026 (un an de retard sur le dernier calendrier connu, si mes comptes sont bons). 
Son arrivée permettra, non pas de retirer, mais bien de transférer les anciens appareils vers d'autres régiments. C'est ainsi que -vieux dossier- les H225M Caracal des forces spéciales Terre, basés à Pau, rejoindront leurs semblables à Cazaux, dans l'armée de l'Air.  


Le NH90 FS, 10,5 tonnes maximum au décollage, présente des modifications structurelles de la cellule évidentes (son nez !), qui lui permettent d'emporter un nombre impressionnant de capteurs (en premier lieu la boule optronique Euroflir 410 de Safran), ainsi que du carburant supplémentaire, améliorant ses capacité d'élongation. 
Il sera doté d'une liaison satellite, et son équipage pourra opérer des drones déportés. 

Côté armement, on devrait se limiter pour le moment à deux mitrailleuses de sabord MAG 58 (pas de M134 ?) aux fenêtres arrières (qui sont là encore une nouveauté), et un potentiel plus gros calibre en position centrale (mais toujours de sabord), tel le canon SH 20.

Notez à sa droite, la maquette initiale du standard 2, "Cléo", qui conserve sa perche de ravitaillement, alors que l'on voit que le modèle final pour la France sera lui équipé de bidons, ce qui semble davantage coller avec l'esprit "nomade" des forces spéciales Terre.  










Bonus : le nouveau véhicule ravitailleur d'hélicoptères du 4ème RHFS, par Scania.


mercredi 19 mars 2025

Icarus Swarm a testé des essaims de drones avec l'armée de Terre

La société bordelaise Icarus Swarm a testé aux côtés de l'armée de Terre la mise en oeuvre d'essaims de drones depuis des véhicules blindés. 

Images : armée de Terre / Icarus Swarm.


Icarus Swarm est une PME bordelaise à la notoriété plutôt confidentielle, mais vous les connaissez peut-être sous le nom de leur société sœur -ou plutôt mère- Dronisos, spécialiste des spectacles géants impliquant des milliers de drones. Depuis la déclenchement de la guerre en Ukraine en effet, et l'impact que constitue la révolution des drones sur le champ de bataille, Dronisos a fondé Icarus pour mettre à profit son expérience des essaims de drones dans une collaboration avec le monde de la défense.

Présente en Californie pour l'exercice multinational "Capstone 5" (Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande), consacré à la robotique et à ses ruptures, Icarus Swarm et la 13e DBLE (demi-brigade de blindés légers) ont mené des essais grandeur nature en installant des "ruches" directement sur le toit d'un blindé Griffon de l'armée de Terre. Le test incluait aussi un 4x4 Masstech. 


Même si l'exercice impliquait une zone plutôt réduite (quoique, les opérations drones vs drones en Ukraine se limitent à une bande de quelques kilomètres d'épaisseur), on comprend ici tout l'intérêt de s'exercer au déploiement et à l'action rapide (environ 20 minutes tout compris) pour une équipe d'opérateurs à bord de deux véhicules seulement. 

La campagne touchait au domaine du C2, le Command & Control. Dans cas d'espèce en effet, pas de drone suicide, ou du moins pas encore, mais un essaim qui durant le survol d'une zone, permet sa modélisation en trois dimensions, au service des planificateurs. 

Plus généralement, la maîtrise de cette capacité à déployer des essaims, qui va bien au delà de l'utilisation faite aujourd'hui (1 opérateur pour 1 drone), est évidemment urgente.  



mercredi 29 janvier 2025

KNDS en passe de racheter les activités défense de Texelis !


Après le rachat de Arquus par John Cockerill en 2024, une annonce choc pour une nouvelle consolidation majeure dans l'industrie terrestre de l'armement ce 29 janvier 2025. Le Groupe franco-allemand KNDS vient en effet d'annoncer son entrée en négociations exclusives pour l’acquisition des activités défense du français Texelis. On ne connait encore ni les montants, ni les potentiels impacts qu'aura ce rachat sur le fonctionnement des entités. 

Ci-dessus: le véhicule Serval, en service dans l'armée de Terre, est l'une des collaborations emblématiques de KNDS (ex-Nexter) et Texelis.


Communiqué :

Le 29 janvier 2025, KNDS et Texelis ont signé un Memorandum of Understanding (MOU) relatif à un projet d’acquisition par KNDS France des activités Défense de Texelis.

Par cet accord, les deux parties annoncent entrer en négociations exclusives en vue de la réalisation de cette opération, qui nécessitera la séparation de Texelis en deux sociétés – Texelis Défense et Texelis Transport.

L’information et la consultation des instances représentatives du personnel sur ce projet sont prévues dans les prochains jours. La réalisation finale de cette opération, attendue pour la fin de l’année 2025, reste soumise à la finalisation des accords ainsi qu’aux conditions suspensives usuelles pour ce type de transaction.

La société Texelis est une entreprise française, dont l’activité Défense est spécialiste de la mobilité terrestre et concepteur de solutions de pointe pour les véhicules blindés terrestres. Texelis est un acteur important de la BITD française avec la production de nombreuses pièces et organes de mobilité pour l’armée de Terre. Depuis le marché SERVAL, remporté avec KNDS France, Texelis est en mesure de développer, qualifier et produire des solutions de mobilité complètes pour véhicules 4x4, 6x6 et 8x8.

Entreprise innovante, Texelis est en pointe sur l’hybridation des véhicules et engins blindés de combat ainsi que sur la gestion énergétique appliquée à la mobilité.

Par ailleurs, l’activité Transport de Texelis aurait vocation à rester contrôlée par son équipe dirigeante, avec l’appui de ses investisseurs.

Texelis emploie 350 salariés pour un chiffre d’affaires global d’environ 110 millions d’euros en 2024. En complément de son site de production de Limoges, Texelis dispose d’ores et déjà d’une antenne sur le site KNDS France de Roanne.

« Ce projet structurant nous permettrait de renforcer notre croissance et d’accroitre nos compétences dans le domaine de la mobilité, avec une entreprise française performante que nous connaissons bien et qui est déjà notre partenaire au sein du GME Serval » a déclaré Nicolas Chamussy, directeur général de KNDS France.

Charles-Antoine de Barbuat, président de Texelis, a déclaré : « L’intégration à terme de l’activité Défense de Texelis dans le groupe KNDS ouvrirait de nombreuses perspectives de croissance, au-delà d’un premier succès de collaboration. Par ailleurs, l’activité Transport a tous les atouts pour poursuivre son développement de manière autonome ».


vendredi 19 juillet 2024

Des mortiers embarqués pour les M-RZR des forces spéciales Terre


Les forces spéciales Terre sont en passe d'équiper leurs véhicules M-RZR d'une plateforme pour mortier de 81 ou 120mm embarqué. C'est l'entreprise espagnole NTGS qui fournira son système Alakran, déjà en service en Ukraine. Les mortiers proviendront de chez Thales. 

Ci-dessus: un Polaris M-RZR du COS - © Armée de Terre


Sur la dernière décennie, il s'agit de s'accrocher si l'on veut suivre le dossier des livraisons de véhicules au sein du Commandement des Opérations Spéciales (COS). Je me revois encore en 2015, peu après la naissance de ce blog, écrire sur le lancement du programme VFS (véhicules des forces spéciales), plus tard divisé en PLFS (poids lourds) et VLFS (véhicule léger). Ces deux programmes ont connu des retards considérables, puisque les premiers véhicules ne sont en fait attendus que pour la fin de cette année 2024. La faute peut-être -et selon quelques concernés- à un ménage à trois COS-DGA-Arquus qui n'aura jamais réellement fonctionné.  


Ajoutons que depuis, le portefeuille du COS s'est épaissi -dans tous les sens du terme- avec l'achat chez les forces spéciales Terre, entre autres, sur étagère de 180 fardiers chez UNAC, de 4x4 Technamm VPS2, ou encore de nouveaux quads MV850 chez l'américain Polaris

Or, c'est justement de Polaris que l'on va parler. Après avoir mis à l'essai le petit véhicule (qui se rappelle du SOFINS 2019 et de la mode des buggys ?) M-RZR en 2019 et 2020, le COS avait fait le choix de commander 6, puis 8 exemplaires en versions 2 et 4 places. Et ce serait en fait aujourd'hui une "grosse vingtaine" de ces machines qui seraient en service, principalement au 1er RPIMa de Bayonne.
Le M-RZR est un side by side vehicle (SSV) conçu pour les militaires par la PME française RPM sur la base civile du Polaris-RAZOR. D'une masse de 950 kg, ce 4x4 peut emporter 680 kg de charge utile, et atteindre les 100 km/h. L'armée de Terre insiste sur le fait que son faible gabarit en fait un véhicule discret et autorise une mise en place facile par la voie des airs.

Il est donc désormais question de pouvoir équiper ces véhicules d'un mortier lourd de 81 à 120mm, grâce au système espagnol Alakran de la société NTGS. C'est ce qu'a dévoilé l'Agence pour l'Innovation de Défense (AID) en prévision de présentations de matériels effectuées aux Invalides pour le 14 Juillet à Paris.
Le système Alakran, combat proven puisque déployé par l'Ukraine sur la ligne de front avec des tubes de 120mm, est un porte-mortier robotisé qui permet le tir sans recul.    

Le mortier choisi serait selon les diverses sources le LLR 81 mm de Thales Group

Ici en image à Eurosatory 2024, un système Alakran monté sur un M-RZR 4 places (© NTGS):



Tout comme les fardiers, les petits véhicules tout-terrain semblent avoir démontré leur pertinence sur les théâtres de guerre, comme en Ukraine, où ils permettent régulièrement aux unités de forces spéciales de s'infiltrer avec du matériel anti-char ou anti-aérien.
En ce qui concerne les forces françaises, doter ces 4x4 de matériel lourd comme un mortier nous signale d'une part que les unités se préparent pour des engagements plus intenses, mais aussi d'autre part que ces dernières s'attendent à devoir agir avec encore plus d'autonomie, sans forcément pouvoir bénéficier du soutien sur lequel elle pouvait compter par le passé (en Afrique par exemple, où la France perd ses bases).  

Prochain dossier: celui d'un nouveau 4x4 à "haute mobilité" ? C'est en effet le HUTP (Haulotte Ultralightweight Tactical Platform) du français Haulotte qui est désormais étudié par le COS, l'AID et la DGA. 

Et je mettrai même personnellement une pièce sur un véhicule entièrement couvert et blindé comme le Scarabee chez Arquus. On se rappelle en effet qu'en Irak & Syrie, il avait fallu réquisitionner les quelques blindés Aravis de l'armée de Terre (12 tonnes !) afin de permettre aux FS de mener leurs missions contre Daesh. L'Ukraine n'a fait que confirmer cette tendance, il faut être mobile, mais aussi protégé face à une artillerie omniprésente. Sans parler des drones… 


mercredi 26 juin 2024

Le blindé Jaguar est arrivé chez les marsouins du 1er RIMa d'Angoulême

 
Le 1er Régiment d'infanterie de marine a reçu jeudi 20 juin à Angoulême le premier de ses nouveaux engins blindés: le Jaguar. Ce 6x6 ultramoderne doté d'un canon de 40mm et de missiles antichars remplacera chez les "marsouins" les vénérables AMX-10RC. 

Images: 1er RIMa / armée de Terre


Des traditions vieilles de plusieurs siècles, sur plusieurs continents… et l'ouverture vers l'avenir. Basé à Angoulême depuis les années 1980, le plus vieux régiment des Troupes de Marine, le 1er RiMa, est une des unités phares de la projection des armées françaises. Il est l'un des deux régiments blindés de la 9ème Brigade d'Infanterie de Marine (Poitiers) et a été de toutes les OPEX. Sa vocation opérationnelle est tournée vers la projection d’urgence et l’engagement outre-mer.

Le 1er RIMA dispose d'un parc de 18 "chars légers" AMX-10RCR, ainsi que 55* blindés dont les nouveaux Griffon (arrivés depuis le 15 mars pour remplacer les VAB) et surtout les 4x4 VBL spécialisés dans la reconnaissance (eux ne seront remplacés qu'à partir de 2030, avec le programme VBAE). 

L'arrivée de l'ERBC (Engin blindé de reconnaissance et de combat) Jaguar devrait permettre progressivement de retirer les AMX et de probablement les céder à l'Ukraine. Ce puissant 6x6 dispose d'un canon à tir rapide 40 CTC de calibre 40 mm (jusqu'à 200 coups par minute), de quatre missiles MMP Akeron, et d'une mitrailleuse téléopéré de 7.62 mm. Le véhicule est parfaitement intégré dans la bulle numérique Scorpion et son équipage est de trois membres. 

La France a commandé 300 Jaguar à Nexter et Arquus. 60 avait été livrés fin 2023. 120 l'auront été en 2025, dont 33 en 2024. Le Jaguar équipe également le Régiment d'infanterie chars de marine (RICM) de Poitiers. 


mercredi 19 juin 2024

#Eurosatory2024 - Retour en force des missiliers sur le segment terrestre


Le conflit ukrainien tel qu'il se déroule depuis deux ans, combinant des combats de "haute intensité" et l'empêchement du déploiement à plein potentiel de la puissance aérienne, a poussé les armées occidentales à revoir leurs priorités concernant les capacités terrestres de frappe en profondeur. Et sur ce plan, le portefeuille français semble en passe de largement s'étoffer.

Ci-dessus: LRU de l'armée de Terre à la manœuvre avec des HIMARS américains - © EMACOM


Si la mode est aux drones et munitions rodeuses, que nous ne citerons pas dans ce résumé, le retex ukrainien nous montre que les résultats stratégiques sont eux obtenus lors de frappes dans la profondeur du dispositif ennemi, sur les centres de commandement, de logistique, ou de concentration de troupes. Des résultats que nous nous étions, en Occident, habitués à obtenir grâce à la puissance aérienne ou maritime. Or, que se passe t-il quand celles-ci sont empêchées ou absentes ? 

La transition est toute trouvée puisque le missilier MBDA, qui s'impose selon moi comme l'un des exposants les plus en vue lors de cette édition du salon Eurosatory puisque présent sur les munitions rodeuses, les missiles anti-char, la défense anti aérienne, et la frappe en profondeur, a dévoilé une version terrestre de son missile de croisière naval (MdCN).

Le Land Cruise Missile (LCM) repose en effet sur le système MdCN qui équipe (combat proven) les frégates et les sous-marins d'attaque de la Marine nationale française. MBDA insiste sur le fait que l'ensemble du système est intégré et rodé, conserve l'ensemble des ses performances (dont sa portée impressionnante de 1000 km), et peut être embarqué sur une plateforme mobile afin de maximiser sa survivabilité. Le LCM offre également une capacité de frappes simultanées contre une cible unique depuis des plateformes différentes, "comme l’a démontré le tir d’entraînement réalisé par la Marine nationale en avril 2024, avec le soutien de la DGA, depuis une frégate et un sous-marin immergé."

Le LCM, dont le développement n'est pas terminé, devrait permettre de disposer d'une capacité de frappe en profondeur terrestre souveraine à court terme… en attendant la suite.



Deuxièmement, il y a le programme FLT-P : Frappe longue portée terrestre. Durant les combats en Ukraine de l'année 2022, l'arrivée des lanceurs HIMARS en Ukraine est apparue comme une révélation pour les Européens, qui les uns après les autres, ont depuis passé commande auprès des Américains. D'autres, comme l'Espagne, ont temporisé, se penchant sur le marché international. Et comme souvent, la France, elle, a penché pour la solution souveraine au détriment de l'achat sur étagère… c'est le programme FLT-P, inscrit dans la Loi de programmation militaire 2024-2030.

Il s'agira donc de remplacer dans l'armée de Terre ce qu'il reste de la déjà maigre capacité de frappe en profondeur constituée par les lance-roquettes unitaires "LRU", plateforme héritée des années 1980 mais modernisée depuis. 13 lanceurs sont attendus d'ici 2030, ce qui remplace l'actuelle flotte théorique (il en reste en réalité beaucoup moins), ce chiffre passant à 26 en 2035. Les spécifications demandées par la DGA tournent autour d'une portée doublée par rapport au LRU, donc 150 km contre 70 aujourd'hui, et d'une haute précision. 

Pour répondre à ce marché de 600 millions d'euros, le groupe MBDA s'est allié à Safran pour proposer "Thundart", une version terrestre propulsée de la bombe air-sol AASM pouvant être lancée par salve de 12 jusqu'à 150 km dans un environnement électromagnétique dégradé (y compris sans GPS).

Mais sur ce programme, qui avancera dès cette année 2024, la BITD française voit s'avancer d'autres candidats. 

Force de frappe hypersonique terrestre ? 

Face à MBDA & Safran, on connait depuis plusieurs mois l'autre tandem, plus inédit, composé d'ArianeGroup & Thales, qui pour ce programme FLT-P proposent à horizon 2030 une munition balistique pouvant atteindre une cible à 150km à une vitesse avoisinant Mach 3. Ariane hérite du développement de la munition, et Thales de la conception du système de commandement et de contrôle (C2) et du système de guidage. 

A ce stade, s'il est déjà curieux de voir Ariane, surtout connue dans le militaire pour les missiles stratégiques de la force de dissuasion nucléaire, venir tenter sa chance sur le segment conventionnel -ce qu'elle fait déjà en quelques sortes avec le programme de planeur hypersonique V-MAX - le plus intéressant vient ensuite.  

En effet, pour la seconde partie du programme, Ariane et Thales poussent les curseurs en imaginant cette fois une munition pouvant frapper à 1 000 km ! Comme le LCM de MBDA ? Pas tout à fait.  La munition balistique devrait tutoyer la haute atmosphère et atteindre sa cible à Mach 5. Ou autrement dit, à vitesse hypersonique. De telles performances feraient de cette capacité, même si conventionnelle, un argument stratégique car extrêmement difficile à intercepter. 

Pour ceux qui ont un peu de mémoire, cela rappellera peut-être une tribune volontairement polémique rédigée par l'expert des blindés (et en particulier du char Leclerc, avec un ouvrage de référence paru récemment) Marc Chassillan il y a de cela un peu plus d'un an. Dans celle-ci, il ne proposait ni plus ni moins que de supprimer la composante de cavalerie lourde de l'armée de Terre afin de la remplacer par une force de frappe hypersonique… Provocateur, mais en partie prémonitoire ?


Reste la question des porteurs mobiles. Le célèbre M142 HIMARS américain assure sa haute mobilité (le "HIM"de l'acronyme HIMARS) grâce un camion porteur d'origine autrichienne. S'agissant des projets français, nous n'avons vu que des maquettes ou visuels, parfois pour montrer un camion, parfois un blindé chenillé semblable à l'actuel LRU de l'armée de Terre (comme c'est le cas sur le stand MBDA à Eurosatory). A ce stade, aucun choix ne semble avoir été fait, mais des constructeurs comme KNDS et Arquus se sont d'ores et déjà portés candidats depuis plus d'un an.   


Il existe également la solution de la plateforme fixe, Boeing et Saab proposant par exemple un lanceur GLSDB installé dans un container DRY standard.


Enfin, et pour finir ce tour des industriels français, n'oublions pas la discrète Roxel, qui fournit les systèmes de propulsion d'un impressionnant catalogue des missiles (60% du marché en Europe). Elle, dont le chiffre d'affaires augmente avec la demande, et qui investit fortement ces derniers mois sur la R&T (x3), la modernisation de ses sites en France et en Angleterre, et le recrutement, aura nécessairement un rôle à jouer dans ce futur programme FLP-T.


lundi 17 juin 2024

#Eurosatory2024 - Arquus dévoile son premier robot, le DRAILER


Eurosatory 2024 ouvrait ses portes ce matin. L'occasion pour l'industrie mondiale de l'armement terrestre et aéroterrestre de montrer sur le plus grand des salons leurs dernières nouveautés. Ici, nous choisissons de commencer avec Arquus et son premier robot armé, le "DRAILER". 

Images: Arquus


Le concept de remorque autonome destinée au véhicule 4x4 Scarabée était visible sur les maquettes depuis plusieurs années, mais alors qu'on sait désormais que le superbe blindé d'Arquus restera très probablement à l'état de démonstrateur, et donc non candidat au programme VBAE de l'armée de Terre (véhiucle blindé d'aide à l'engagement) que l'on attend pour 2030, revoilà au moins… la remorque !

Arquus, dont la fusion avec John Cockerill Defence devrait être effective dans les prochaines semaines (en réalité un rachat par le Belge à Volvo Group, maison mère d'Arquus), performe avant tout dans le secteur des engins de transport ou de logistique -comme le prouve le récent marché des camions citerne de l'armée remporté en France- mais dans le même temps, elle ne cesse de prouver qu'elle sait innover dans le domaine des missions de combat. Et en matière de combat futur, quoi de plus exploratoire que la robotique terrestre ?

Les drones terrestres (ou UGV: unmanned ground vehicules), chenillés ou à roues 4x4, 6x6, 8x8... sont à l'essai depuis plusieurs années, y compris sur le champ de bataille, qu'il soit syrien ou ukrainien, sans pour autant avoir vraiment convaincus jusqu'à maintenant. Comment faut-il les employer ? La doctrine ultra dominante semble bien être celle de l'éloignement de l'homme du risque, ou autrement dit, l'envoi de ces machines en avant des hommes, pour de la reconnaissance et du "dérisquage", comme va nous le montrer la vidéo promotionnelle ci-dessous. C'est également ce que l'on a pu voir sur le front ukrainien, où les UGV se font décimer depuis le ciel par les redoutés drones suicides "FPV".

En France, on avait vu Nexter (aujourd'hui KNDS) s'afficher avec le robot chenillé Themis de l'estonien Milrem, ou encore Shark Robotics proposer sa mule 4x4 Barracuda. Citons aussi Unac ou Safran qui développent des modèles à roues, et collaborent même ensemble.

Et voici donc Arquus :


DRAILER, que l'on découvre dès le début de la vidéo de présentation comme étant remorquée par un blindé 4x4, est avant tout un drone. 

En effet, pouvant effectuer les tâches de mule (emport d'équipements du fantassin visibles sur les images) et de plateforme d'appui feu grâce à son tourelleau téléopéré HORNET de calibre 12.7 (un produit phare de la maison, que l'on retrouve sur d'autre robots et véhicules sur le salon), DRAILER est un véhicule assez massif de 1,6 tonne qui est piloté à distance par un opérateur doté d'une console de commandes. La vidéo insiste bien sur le rôle du robot: prendre le risque à la place de l'homme, avec, fait marquant, c'est à la fin l'homme présent physiquement sur le front, et seulement lui, qui appuie sur le bouton au moment d'ouvrir le feu. 

S'agissant des missions, sur le papier, DRAILER peut tout faire ou presque: soutien à l'infanterie, déminage, guerre électronique, lutte anti-drone Armement et fonction de mule comprises, il peut emporter 700 kilos.

Le véhicule démontre sur les images une assez nette capacité de mobilité, ce qui le rend a priori un peu plus punchy que les nombreux UGV vus depuis une dizaine d'années. Sa motorisation est électrique, et même probablement hybride (je n'ai pas la confirmation à cette heure) comme bien des modèles d'UGV en Occident, ce qui lui permet d'atteindre les 20 km/h avec 200 km d'autonomie. Attaché à un véhicule, en mode remorque, il supporte une vitesse jusqu'à 90 km/h.
 

Il faudra voir attentivement où va ce programme, voir ce que la France ou un autre pays décidera d'en faire, car pour le moment, l'intégration de plateformes armées semble poser des problèmes juridiques ou éthiques. Des faux problèmes en fait... mais l'on sait combien de temps nous a fait perdre l'absence de choix doctrinal, puis politique, de l'usage d'abord, et de l'armement des drones aériens ensuite. 


mercredi 17 janvier 2024

John Cockerril Defence va bien racheter Arquus pour environ 300 millions d'euros


L'industriel belge John Cockerill Defence va procéder au rachat du Français Arquus, spécialiste du terrestre léger. Arquus, ex-Renault Trucks Défense, était jusqu'à maintenant dans le portefeuille du Suédois Volvo. Ce rachat est une preuve supplémentaire du mouvement de consolidation qui attend le domaine industriel européen du terrestre de défense. 

Ci-dessus: ici le VAB MK3 d'Arquus armé d'une tourelle CSE 90 de John Cockerill - Arquus


Largement pressentie depuis plusieurs mois, l'annonce de l'entrée en négociations exclusives du wallon John Cockerril Defence avec Volvo Group pour le rachat d'Arquus est tombée ce lundi 15 janvier. L'affaire devrait se régler assez rapidement, vers le 3ème trimestre 2024, pour un montant d'environ 300 millions d'euros, sous condition de validation par les autorités politiques. Volvo avait la volonté de se séparer du groupe français depuis plusieurs années déjà.  

Pour la très francophile entreprise belge, dont une grande partie de l'activité se situe dans l'hexagone (elle est aussi propriété d'un Français), il s'agit là d'une opération somme toute logique, car en acquérant un partenaire (parfois), mais aussi et surtout un concurrent (souvent), elle ambitionne de fonder un géant du blindé léger capable d'atteindre le milliard d'euros annuel de chiffres d'affaires "dès 2026".  

Concernant un éventuel plan social, JCD se veut très rassurante, elle qui emploie toutefois quatre fois plus de personnes que sa cible (6000, contre 1500). En cas de restructuration toutefois, il est peu probable qu'un site de production d'Arquus comme Limoges soit menacé, mais on pourra admettre des doutes quant à l'avenir d'autres sites français comme celui de Saint-Nazaire.

Sur le plan purement industriel et commercial, cette consolidation, vantée comme telle dans la communication de JCD, va permettre de structurer le cœur d'activité du groupe autour de l'axe franco-belge, qui s'incarne d'ores et déjà dans le programme CAMO et VBAE. Arquus comme John Cockerill viennent d'ailleurs tout juste de s'engager dans ce dernier.
L'autre marché visé par cette stratégie se trouve pour les blindés légers -ou leur(s) tourelle(s)- dans les nombreux pays émergents qui ont une quantité importante de matériels russes à remplacer à relativement court terme. 



Plus généralement, dans le terrestre de défense, les années qui viennent pourraient voir l'Allemagne, bien consciente de la montée en gamme et de l'arrivée sur le marché de challengers issus des pays émergents (Corée, Turquie), réaliser une véritable campagne d'étouffement de la concurrence européenne en matière de blindés lourds, réduisant les Français ou encore Italiens au rôle de partenaire mineur, devenant par exemple les équipementiers d'un programme MGCS/"Leopard 3" sous domination germanique. 
Dans ce contexte, la constitution d'un pôle franco-belge solide dans les systèmes légers constitue une nouvelle rassurante. 



vendredi 8 décembre 2023

Arquus, Nexter et John Cockerill s'engagent sur le programme VBAE !


Le groupement momentané d’entreprises (GME) entre Arquus, Nexter-KNDS, et l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement (OCCAR) a signé le contrat de préconception du VBAE (Véhicule Blindé d’Aide à l’Engagement). Ce programme de succession au VBL associe la France et la Belgique.

Ci-dessus: le démonstrateur Scarabee d'Arquus, ne sera pas l'heureux élu, mais ses développements contribueront au programme VBAE - crédits Arquus.


Nous l'évoquions sur le blog il y a peine une semaine, le VBAE, successeur du VBL, sera le prochain grand programme terrestre à être lancé. Nous y venons donc.

Emmanuel Levacher, Président d’Arquus, Joachim Sucker, directeur de l’OCCAR, et Alexandre Dupuy, directeur des affaires publiques, de la communication et du commerce France de KNDS, ont signé le 6 décembre à Montrouge le contrat de préconception du futur Véhicule Blindé d'Aide à l'Engagement. 


La mise en place et la conduite du programme ont été confiées à l’OCCAR, agence d’acquisition intergouvernementale européenne chargée de la gestion de contrat de défense en coopération. "Cette signature marque la première étape permettant de converger sur les exigences opérationnelles et l’architecture de ce futur véhicule blindé dont le développement et la production sont attendus par les armées de Terre française et belge à l’horizon 2030", nous apprend le communiqué diffusé par Arquus, qui prend donc la direction de ce programme. 

"Le VBAE sera un système polyvalent adapté à un spectre de missions très varié. Un accent fort sera mis sur les performances essentielles de mobilité, de furtivité, de protection et de la fonction feu. Il alliera compacité et capacité d’emport optimisée".

Image conceptuelle de l'aérolargage d'un Scarabée - Arquus

Le programme, qu'on annonce européen depuis plusieurs années (c'était l'annonce de la ministre Parly en 2021)  réunira la France et la Belgique, qui renforcent ainsi encore leurs liens dans le terrestre, sur les plans opérationnels comme industriels. L’exécution du projet sera assurée par le GME constitué du mandataire Arquus et de son co-traitant Nexter qui sous-traitera certaines de ses activités à l’entreprise belge John Cockerill Défense (JCD).

Coupons court aux spéculations: nous savons, de la bouche des dirigeants de groupe, que le VBAE sera un nouveau véhicule, et non pas quelque chose que nous avons déjà vu, comme le Scarabée chez Arquus, ou l'i-X chez Cokerill. Les innovations touchant à ces véhicules (hybridité, compacité) seront toutefois prises en compte dans le développement du VBAE. 
Rappelons aussi que cette seconde entreprise tenterait actuellement d'acquérir la première. Un léger détail qui pourrait contribuer à revoir -et simplifier ?- toute l'architecture du programme ! 

A noter que le programme VBAE se veut inscrit en cohérence avec le projet FAMOUS soutenu par le fonds européen de défense (FED) financé par la commission européenne. FAMOUS (Future Highly Mobile Augmented ArMOUred Systems) couvre le développement de briques technologiques innovantes communes aux futurs véhicules blindés européens. Arquus, Nexter et JCD sont des partenaires majeurs de FAMOUS.

Cette phase de préconception représente un marché de 15 millions d'euros, et s'étalera sur deux ans. Le VBAE est attendu dans les forces en 2030. 

Concept "i-X" de John Cokerill, dévoilé lors du salon Eurosatory 2022 - crédits JCD.

vendredi 29 septembre 2023

Livraisons aux armées 2024 : un budget record, pour quoi faire ?


Après sa promulgation le 14 juillet dernier, la Loi de programmation militaire 2024-2030, inédite dans son ampleur, va connaitre une mise en application dès l'an prochain. Dans le cadre du projet de Loi de finances actuellement débattue à Paris, nous en connaissons désormais les détails. 

Ci-dessus: Un Rafale sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan - Armée de l'Air et de l'Espace.


En 2024 donc, le budget du ministère des Armées s'établira à 47,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 7,5%. Il s'agit de la première marche d'une montée en puissance qui s'étalonnera jusqu'en 2030. Des chiffres qui choqueront les anciens lecteurs de ce blog (créé en 2013, période de vaches maigres historique). Plus qu'une révolution de temps de guerre, l'enjeu, c'est bien entendu de pouvoir renforcer la cohérence du modèle d'armée français - que l'on soit d'accord avec cette doctrine ou non- en soignant son ossature. Pour le muscle, il faudra patienter.

Voici donc un billet de blog très "liste au père Noël", puisque nous nous contenterons surtout ce soir de regarder en détails les livraisons prévues pour 2024, qui représentent 13,6 milliards d'euros sur un budget équipements de 28 milliards tout de même. 

Fait marquant, le Rafale revient en force dans l'armée de l'Air après des années de disette (les livraisons pour la France n'ont repris qu'en 2023, "faute" à l'export): 13 appareils atterriront non loin de leur site d'assemblage de Mérignac puisqu'ils prendront ainsi la route de Mont-de-Marsan et sa base aérienne 118, si j'en crois la documentation du ministère des Armées. 
Ces appareils viendront en partie combler le prélèvement effectué suite aux commandes grecques (12 Rafale d'occasion sur une commande 24 avions) et croates (6 transférés cette année, 6 l'an prochain). Nous sommes donc toujours dans le creux de la vague. 

L'armée de l'Air et de l'Espace recevra également deux nouveaux A400M, 10 Mirage 2000D rénovés (à Nancy), 1 hélicoptère Caracal pour la Guyane, ainsi qu'une dizaine de pods de désignation Talios pour ses Rafale. N'oublions pas le satellite d'observation CSO 3, qui nécessitera cependant la mise en service du très attendu lanceur Ariane 6.
La Marine vivra elle une année marquante car outre la livraison de plusieurs (4?) avions de patrouille maritime Atlantique 2 rétrofités, elle admettra au service un nouveau sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda (à Toulon), la première frégate de défense et d'intervention (à Brest), et des patrouilleurs pour l'Outre-mer qui prendront la direction de La Réunion et Tahiti.
Du coté de l'armée de Terre, ce sont, entre autres,  138 Griffon (+8 Griffons MEPAC avec mortier), 33 Jaguar, 12 Caesar, 103 Serval, 103 ambulances, 21 chars Leclerc XLR (modernisation), 2 hélicoptères NH90, ou encore 10 Tigre passés au standard HAD qui rejoindront les forces. 

A ceci s'ajoutent des radars (4), des systèmes de communication satellitaire (57), des radios CONTACT (1350)… et autres équipements individuels comme les 8 000 fusils HK416 et, grande nouveauté, l'arrivée sur les treillis du nouveau camouflage BME (bariolage multi environnement).

Concernant toujours les livraisons, le sujet absolument majeur des munitions se verra attribuer 1,5 milliard d'euros: sur la liste, des torpilles lourdes ARTEMIS, des missiles (mer) EXOCET, des missiles (sol-sol) MMP, des missiles (air-air) MICA remotorisés… ainsi bien sûr que des munitions de petits calibres.

Enfin, les forces spéciales sont choyées avec 170 millions et l'arrivée, enfin, de véhicules terrestres trop longtemps attendus, que nous verrons dans les régiments du sud-ouest:



Innovation, maintenance et ressources humaines

Pour le reste de l'enveloppe (d'ailleurs, là comme partout, il faut faire avec l'inflation), la modernisation de la composante de dissuasion nucléaire prélève son tribut, en hausse de 750 millions. Loin d'être négligeable dans l'addition finale. 
Le renseignement obtient 500 millions, très largement à l'avantage de la DGSE, tandis que le budget dédié à l'innovation continue doucement de grimper, atteignant désormais 1,2 milliard d'euros, comprenant les travaux sur le SCAF (300M), le MGCS (22M), les drones & les robots (400M cumulés)… 

Le volet "Espace" obtient lui 600 millions d'euros.

Bien sûr, il y a le MCO, la maintenance: 5,7 milliards, soit une hausse de 15% ! Gros point noir : les chiffres de la disponibilité des matériels sont désormais classifiés, au prétexte que nos "compétiteurs" ne doivent pas pouvoir quantifier nos faiblesses… Il faudra donc croire l'institution sur parole désormais.  

Coté RH, l'effort est portée sur la fidélisation (sujet de plus en plus complexe) alors que semble se terminer l'ère des OPEX africaines*… jusqu'à preuve du contraire. Il s'agira de recruter 28 300 personnels (23 000 militaires et 5 000 civils). Des augmentations salariales sont prévues.


*et mécaniquement, le budget opex s'effondre, passant de 1,2 milliard à 800 millions d'euros. 


mercredi 2 août 2023

Une base de la Sécurité Civile à Libourne. Les Canadair à Mont-de-Marsan ?

En visite à Libourne ce mercredi 2 août, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé que la commune avait été sélectionnée pour accueillir la quatrième base nationale de la Sécurité Civile. Un renfort visant à se préparer face à la multiplication des catastrophes naturelles, en premier lieu les feux de forêt. Pour le volet purement aérien, une implantation à Mont-de-Marsan est à l'étude. 

Ci-dessus: des personnels d'une UIISC en intervention - photo ministère des Armées. 


Nous évoquions tout récemment, ces derniers jours et semaines, ICI et surtout ICI, la production d'un avion bombardier d'eau français à Bordeaux, et voici qu'un nouveau sujet "sécurité civile" nous est offert au cœur de cet été. 
Venu inaugurer une nouvelle gendarmerie à Libourne (33) ce 2 août, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a confirmé l'information révélée la veille dans une interview pour le journal Sud-Ouest: c'est à Libourne que s'implantera la Sécurité Civile en zone sud-ouest.

Limoges, Angoulême, Agen, Pau, Mont-de-Marsan… et donc Libourne. Les agglomérations candidates ne manquaient pas pour accueillir le projet d'implantation de la Sécurité Civile dans le sud-ouest. Et c'est la sous-préfecture girondine* (à 25 km de Bordeaux) qui l'emporte dans un contexte ou l'Aquitaine, après les méga-feux de l'été 2022, réclamait d'urgence de nouveaux moyens. 

Ce projet vient -enfin- donner un avenir à la superbe caserne Lamarque du XVIIème siècle (classée Monument historique), qui abritait notamment, jusqu'en 2009, l’École des sous-officiers de la gendarmerie. Les bâtiments, à rénover, abriteront dès la fin de l'année 2024 les presque 600 militaires de cette nouvelle et quatrième Unité d’instruction et d’intervention de la Sécurité civile (UIISC). Des sapeur-pompiers militaires de la Sécurité Civile (armée de Terre en réalité) qui viendront pour la plupart dans le libournais avec leur famille.

La décision est ainsi qualifiée d'historique pour la ville. Le montant de l'investissement de la part de l'Etat est chiffré à 318 millions d'euros (lire l'interview de Gerald Darmanin dans Sud Ouest).


Cette "UIISC 4", dont la création pour 2024 a été annoncée l'année dernière par le Président Macron, sera en fait constituée de sapeurs pompiers du Génie de l’armée de Terre mis à la disposition du ministère de l’Intérieur, au sein de la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion de crises. Les missions concerneront bien sûr les incendies, mais aussi les autres catastrophes naturelles, ainsi que la "réalisation d'importants travaux de génie civil". 

La caserne Lamarque, à Libourne (33).

Si à Libourne, le Maire Philippe Buisson comme le Député Florent Boudié -proches de la majorité présidentielle- se félicitent évidemment de cette victoire, il nous faut noter les réactions particulièrement véhémentes face à cette annonce des différents élus qui portaient les projets à Agen (47) ou Mont-de-Marsan (40). 
Mais Libourne l'a emporté, selon le ministre, grâce à l'addition de plusieurs arguments, comme ses diverses infrastructures, le site en lui-même, mais aussi la présence d'une gare TGV, d'axes routiers importants, et la proximité évidente avec Bordeaux et son aéroport international. La mobilisation d'urgence à l'étranger est en effet une des missions des UISSC. 

Ceci dit, concernant la préfecture des Landes, tout n'est pas vraiment perdu… 


Quelle base aérienne pour la Sécurité Civile en Nouvelle Aquitaine ?

Le ministre Darmanin l'annonce, l'étude pour l'implantation d'une base aérienne (tous les Canadair, Dash, Tracker... sont concentrés à Nîmes) sur Mont-de-Marsan est en cours, et contact a été noué avec l'anciennement ministre, aujourd'hui Députée des Landes, Geneviève Darrieussecq. 

Jusqu'à ce jour, lors des périodes de grand risque, les avions d'eau de type Canadair essentiellement étaient pré-positionnés sur l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. 

L'Aquitaine réclame sa base, et ses avions. Il s'agit donc de rapidement définir où implanter celle-ci. Mont-de-Marsan est une solution qui sera étudiée de près par Gérald Darmanin dès la fin du mois d'août lors d'une visite. Bordeaux et ses ateliers de maintenance, ou même Cazaux, sont d'autres pistes possibles. 


*petite victoire également pour l'auteur de ce blog, qui est libournais de naissance ;)


vendredi 21 juillet 2023

Ex-"PLFS", le Grizzly atterrit à Tarbes !


Le Grizzly a fait sa première apparition sur les Champs Elysées lors du défilé du 14 juillet 2023. Ce véhicule que l'on appelait autrefois "Poids Lourd des forces spéciales" a désormais rejoint le 1er Régiment de Hussards Parachutistes à Tarbes. 

Illustrations: photos des répétitions du 14 juillet, fournies par l'industriel.


A la fin du moins de juin, le 1er Régiment de Hussards Parachutistes (RHP) a reçu les premiers exemplaires de son véhicule de reconnaissance et d’avant-garde aéroportée, désormais nommé dans les armées françaises "Grizzly".  Quelques semaines plus tard, trois exemplaires défilaient déjà à Paris pour le 14 juillet.

Cette dotation s'inscrit dans le cadre de la transformation de l’armée de Terre et d’une différenciation équilibrée de ses grandes unités. La 11e Brigade Parachutiste se verra donc dotée d’un nouveau parc de véhicules d'ici à 2030. Au sein du 1er Régiment de Hussards Parachutistes, le Grizzly remplira des missions de reconnaissance et d'avant-garde aéroportée aux côtés des VBL, déjà produits à l'époque par le même fabricant, Arquus.

Le régiment attend une vingtaine d'exemplaires du Grizzly, sur une quarantaine au total pour la brigade para.


Maintenant, petit retour en arrière: en 2016 (pas si petit le retour finalement), la DGA notifiait à Arquus (Renault Trucks Defence à l'époque) des marchés pour doter les régiments de forces spéciales d'un véhicule de patrouille lourd, le "PLFS", et d'un léger, le "VLFS".

Le programme du poids lourd, successeur du vénérable VLRA, va cependant connaître des difficultés, en partie dues à un jeu en triangle DGA-industriel-COS qui n'a pas été des plus efficient. Finalement, les forces spéciales recevront bien une partie de leurs PLFS cette année, mais à un "standard 2". 

Le Grizzly, "VLFS de première génération" dont la production avait commencé à Limoges (il s'agit d'une évolution spéciale du Sabre, lui même une version du Sherpa Light d'Arquus), atterrit donc finalement en 2023 chez les parachutistes, qui profiteront des capacités étendues de cette bête de 11 tonnes pour leurs missions de reconnaissance et d'avant-garde aéroportée. Le véhicule, avec son moteur de 265 chevaux et sa vitesse maximum de 110 km/h, est en effet conçu pour la grande mobilité en terrain accidenté (rivières comprises).
Aérotransportable par C-130 ou A400M, il est naturellement aussi équipé pour l'intervention, avec quatre postes de tir, dont un pour une arme lourde (mitrailleuse de calibre 50 ou lance-grenade de 40mm). 

Il faudra également, prochainement, parler du véhicule blindé multirôle Serval, très présent dans la LPM, et qui sera notamment la colonne vertébrale des forces françaises de souveraineté (= Outre-Mer). 


mercredi 19 juillet 2023

Publication - sortie du DefTech numéro 6 - « Comment survivre au combat ? »


Un bref mot aujourd'hui pour signaler la parution du dernier numéro de la revue trimestrielle DefTech, consacrée aux innovations technologiques pour la défense et la sécurité.  

Le dossier central du magazine est consacré à la survivabilité au combat, sujet traité pour un vaste nombre de domaines. C'est notamment le cas du spatial, puisque j'ai l'occasion d'y signer un article sur la "furtivité" en orbite, ou comment cacher ses satellites dans un milieu aussi transparent et scrutée que l'espace… 

Vous y retrouverez également quelques plumes connues de la sphère défense.

Le numéro 6 de DefTech est désormais actuellement en kiosque. Bonne lecture.

 

mercredi 12 juillet 2023

La Loi de programmation militaire 2024-30 votée et promulguée pour le 14 juillet


La Loi de programmation militaire pour la période 2024-30, en débat depuis environ 2 mois au sein des deux assemblées, est votée cette semaine. Le Président de la République la promulguera dans la foulée, pour le 14 juillet. Le parcours 
parlementaire aura été quasiment sans embuche, et une fois n'est pas coutume, parsemé de débats souvent très intéressants. La France affronte ainsi avec une certaine assurance (assurance à 413 milliards d'euros) la décennie 2020, tout en préparant la suivante.

Ci-dessus: à l'Assemblée Nationale, ça passe largement ce 12 juillet. Le Sénat vote le 13.


Au cœur d'une semaine tout à fait stratégique, qui voit notamment se dérouler un Sommet de l'OTAN historique à Vilnius, ainsi qu'un 14 Juillet où l'Inde, invitée d'honneur, doit annoncer la commande de 26 Rafale M et 3 sous-marins Scorpène, voilà que la structurante Loi de programmation militaire pour la période de 2024-30 va être adoptée parfaitement dans les temps, comme l'espérait l'exécutif. 

D'un montant de 413 milliards d'euros (en fait 400, plus des ressources exceptionnelles à dégager), un record, elle place la France dans la tendance globale qui anime le continent - et le monde. A noter que cet effort avait été initié par la France dès 2017, nous partions alors de très loin, très bas. A noter également que si ce chiffre de 400 milliards est impressionnant sur le papier, la somme s'étale sur une période assez longue de six ans. De quoi relativiser donc.    

Sur le blog: La France engage son "pivot" à 413 milliards d'euros



Nous ne reviendrons pas trop longuement aujourd'hui sur le contenu, et les listes (!), mais rappellerons simplement que le ministère semble avoir travaillé sa copie afin de combler des trous dans la raquette bien identifiés (la défense anti aérienne, l'artillerie longue portée, les drones..), tout en choyant quelques domaines qui ne sont pas les plus visibles, que l'on parle du spatial ou du champ immatériel avec le cyber.

Aussi, il y a les choses, très importantes, dont on parle peu, et qui ponctionnent les budgets de façon conséquente. Il y a l'inflation bien sûr, mais aussi la rénovation d'une multitude d'infrastructures, la hausse des pensions, la maintenance, l'attention primordiale qui doit être apportée à la réserve opérationnelle…

Les partisans de la "masse" -cause perdue ?- feront la mou certes, mais l'analyse en profondeur de la LPM et de ses objectifs montre une volonté claire de renforcer le squelette plutôt que le muscle. Autrement dit, on ne change pas de modèle, malgré la guerre en Ukraine, mais au contraire, on le soigne. 

On prépare également l'avenir avec les études sur le porte-avions de nouvelle génération (1 exemplaire acté, un second à l'étude), le Rafale F5 et sa collaboration avec un héritier du drone furtif nEUROn, et autres programmes plus ou moins connus qui progressent (SCAF, MGCS, EPC…).


Du côté du format des armées, il n'y aura donc pas de rupture. Si la haute intensité reste le mantra du moment, la projection demeure la clé de voute, avec au sommet de la pyramide doctrinale, une dissuasion modernisée à grand frais.

Les livraisons vont elles s'étaler au delà de 2030, ce que ne se cache pas de regretter l'industrie de l'armement terrestre, peut-être la plus lésée ici. Dans l'aéronautique en revanche, qui en doutait ? Heureusement les commandes exports viennent combler les trous (oui pour le Rafale, moins certain pour les hélicoptères). 
Les Sénateurs -de droite- ont bien tenté, en vain, d'ajouter des équipements à la liste, de compresser les calendriers de livraisons, mais la commission mixte paritaire du 10 juillet réunissant Députés et Sénateurs a finalement donné lieu, après plusieurs jours d'intenses négociations, à un accord qui fait essentiellement la part belle au lissage budgétaire dans l'exécution de la LPM. Le budget du ministère des Armées (43,9 milliards € en 2023) augmentera finalement à hauteur de 3,3 milliards d'euros par an en 2024 et en 2025, de 3,2 milliards en 2026 et en 2027, puis de 3,5 milliards par an entre 2028 et 2030. Il était en effet reproché au gouvernement actuel de reporter le plus gros de l'effort après 2027.

Plusieurs questions, comme celle, épineuse, d'un fonds d'investissement pour la défense, restent en suspens et reviendront sur le devant de la scène à court ou moyen terme. Cela nous donnera donc l'occasion de les évoquer.


En bref, et pour ne pas s'éterniser: disons que l'essentiel est là. Un effort budgétaire ambitieux (faire plus était probablement impossible) dont la trajectoire apparait maitrisée, une classe politique rassemblée - miracle !- et des débats relativement sains dans les hémicycles, ainsi que des opérationnels qui semblent avoir obtenu ce qu'ils désiraient. 

Reste désormais à tenir la ligne, car dehors, il y a tempête.