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mercredi 31 janvier 2024

Des équipages ukrainiens vont être formés à Cazaux sur F-16


Dès le mois de février, des équipages ukrainiens devraient venir se former sur la base de Cazaux en Gironde, dans le cadre de l'offre de formation offerte par la France. Il semble toutefois qu'une bonne partie de la formation, qui concerne des appareils F-16 dont ne dispose pas la France, sera mise en œuvre par des privés. 

Ci-dessus: un F-16 de Top Aces, portant toujours sa livrée d'origine israélienne - photo Top Aces. 


Le renforcement des capacités ukrainiennes en matière de puissance aérienne fait l'objet de débats depuis plus d'un an maintenant, alors que la guerre d'invasion menée par la Russie, elle, s'apprête à entrer dans 3ème année.

Déjà, l'an passé, il y avait eu plusieurs imbroglios (le moins que l'on puisse dire) sur le rôle de la France dans ce renforcement. Pilotes entrainés à Mont-de-Marsan sur Mirage ? Il s'agissait en réalité de stages de survie pour personnels éjectés. Mirage 2000 transférés à l'Ukraine ? Rien ne concret à ce jour. 

Finalement, la question aura été tranchée dans ses grandes largeurs avec l'accord de plusieurs pays européens pour la fourniture de chasseurs F-16 d'occasion, un appareil qui malgré son ancienneté, fera passer un important gap capacitaire aux forces aériennes ukrainiennes. La France, de son côté, fournit des munitions de précisions, dont les fameux missiles de croisières SCALP, ou encore la bombe AASM.

On apprend cependant via Ouest France et le toujours bien informé Phillipe Chapleau que la France va également jouer un rôle majeur en accueillant une partie de la formation des pilotes ukrainiens sur F-16. 

Sur le blog: A Cazaux, fin de la formation des pilotes de chasse sur Alpha Jet


Il est en effet question d'une formation sur la base aérienne 120 de Cazaux (un des centres importants de la formation à la chasse en France), à compter du mois de février, pour 25 personnels (chiffre cité dans l'article), avec mise à contribution des AlphaJet de l'armée de l'Air et de l'Espace, et surtout d'entreprises spécialisées. On évoque ici notamment les Canadiens de Top Aces, qui délivrent des formations sur d'ex F-16 israéliens (et c'est d'ailleurs le mindef canadien qui lâche l'information sur leur contribution à l'effort de formation français), et la française SDTS.  

Plus de précisions sur l'article source ! Et nul doute que l'on devrait en apprendre d'avantage dans les semaines qui viennent, même si l'affaire restera probablement discrète, pour les raisons que vous devinez. 


lundi 3 octobre 2022

La Marine Nationale escorte un sous-marin russe dans le golfe de Gascogne

La frégate multi-missions Normandie de la Marine Nationale a escorté ce 29 septembre le sous-marin russe Novorossiysk dans le golfe de Gascogne. Ce dernier remonte actuellement vers le nord.

Cela aurait pu être une banale opération de routine, mais en ces temps particuliers, ce communiqué de la Préfecture maritime Atlantique ne passe pas inaperçu. Photos à l'appui (merci le NH90), les autorités françaises semblent ici tenir à envoyer un message sur leur vigilance. 

Le sous-marin russe est le "Novorossiysk", appartenant à la flotte de la mer Noire depuis 2014. Le submersible de type "Kilo" n'est pas à propulsion nucléaire. Il arrive de la Méditerranée et se dirige vers le nord, transitant probablement vers la Russie.

Ces missions d'escorte, menées en coopération étroite avec les autres marines européennes, ont également concerné le remorqueur russe Sergey Balk.

 

mercredi 22 juin 2022

L'incroyable Rafale des 80 ans du Normandie-Niemen


Il nous faut dire un mot aujourd'hui sur l'incroyable livrée du Rafale anniversaire du Régiment de Chasse 2/30 Normandie-Niémen. Le "Neu-Neu", basé de nos jours sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan,  a en effet l'honneur de vous présenter son avion des 80 ans.

Images: armée de l'Air et de l'Espace


C'est l'ESTA montoise qui a transformé la livrée du Rafale 30-GD en ce superbe hommage à la création du régiment. Nous étions alors en 1942, en URSS, et la France Libre gaulliste se cherchait encore des héros. 

On notera cependant que par rapport aux anniversaires précédents de cet illustre régiment, les références à la Russie se font largement plus discrètes. Signe de temps troublés… 

Remarque: on peut apercevoir sur la voilure de l'appareil que sont dessinés quelques appareils de légende qui ont servi dans le régiment avant le Rafale, à savoir chronologiquement, le Yak-3, le Havilland DH.98 Mosquito, le SNCASE Mistral, le Vautour N et le Dassault Mirage F1.




mercredi 9 mars 2022

La haute intensité : enseignements à J+15


Près de deux semaines se sont écoulées depuis le lancement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Invasion tout à fait illégale sur le plan du droit international, de surcroît marquée par diverses violations du droit international humanitaire. En ce qui nous concerne, le temps d'une première analyse est venue s'agissant des réalités d'un conflit de haute intensité.

Disclaimer: ne bénéficiant d'aucune légitimité militaire et ne m'autoproclamant pas stratège, je ne me base ici que sur mon expérience et mes connaissances en matière de doctrine et savoir-faire occidentaux afin de déterminer: qu'aurions nous fait ? Aurions pu faire ? Ferions ? Ferons dans un hypothétique futur

 

  • Terrestre : des pertes russes équivalentes à la moitié de la force blindée française


L'offensive terrestre russe en Ukraine mobilise un peu moins de 200 000 hommes, aujourd'hui quasiment tous engagés dans les opérations selon le renseignement américain (jusque ici particulièrement fiable et surtout transparent).
Des premiers indices laissent même à penser que des mouvements de relève ont déjà débuté depuis le territoire russe, ce qui n'était a priori pas planifié pour si tôt. Des matériels (et pas les plus récents) sont même dépêchés depuis l'extrême orient.

Tout a été dit ou presque sur les objectifs de guerre à court terme de Vladimir Poutine. Même si un certain mystère demeure, il semble que pour la plupart, ils n'aient pas été atteints en temps voulu. 

La défense des troupes ukrainiennes à la fois sur certaines lignes de front, mais également en profondeur, et sur l'arrière, complique largement l'invasion russe telle que planifiée initialement. Mais d'autres sont plus à même d'analyser cette situation que moi (lire par exemple les points quotidiens de Michel Goya ou d'Olivier Kempf).
Sur le plan technique, les innombrables images du conflit montrent une recrudescence des MANPADS et ATGM de conception occidentale qui ont largement prouvé leur terrible efficacité contre les blindés, hélicoptères et avions. De plus, on commence à voir apparaître des optiques de vision nocturne ou vision thermique dans les groupes de défense, tandis que les troupes russes, pour la plupart, en sont privées.

Aussi et surtout, on sait désormais que l'Etat-Major ukrainien bénéficie, sous délai d'une à deux heures seulement, de renseignement IMINT (croisé avec du SIGINT), directement traité par les analystes Américains, ce qui facilite grandement la prise de décision sur le terrain. 

Mais alors que les grandes opérations de siège n'ont même pas commencé, tout est donc en place pour générer de l'usure chez l'occupant, qui reste au demeurant largement supérieur. Le flou informationnel persiste s'agissant des pertes dans les deux camps, même si les Ukrainiens ont acquis une maitrise impressionnante de la communication en temps de guerre (futur cas d'école ?). Des sites comme Oryx constituent la seule base de référence à ce stade

De surcroît, plusieurs choses choquent : tout d'abord, la catastrophe logistique russe. Celle-ci ne suit pas (entonnoirs routiers, pannes & abandons, rasputitsa), est au mieux insuffisante, et harcelée. Pour plus de développements, allez lire "Du Génie dans les opérations en Ukraine" chez Mars Attaque.
Le train français, qui a quand même un belle expérience en la matière au Mali, doit observer attentivement les manœuvres en cours, d'autant plus que la France va renouveler prochainement sa flotte de camions militaires. Or les camions constituent la majeure partie des matériels perdus dans ce conflit.

Mais encore, la maîtrise du ciel ne semble pas assurée contrairement aux dires des Russes. La bulle est perméable dans les couches basses, et des avions d'attaque SU-25 ukrainiens mènent quelques rares missions, tandis que les drones armés TB-2 d'origine turque sont encore là, employés avec parcimonie certes, mais avec un impact psychologique dévastateur, propagande et culture meme à l'appui (la Turquie se frotte les mains !). 
De notre point de vue, il s'agit pour la France de trouver rapidement une bonne formule s'agissant des drones armés. Le Bayraktar TB-2 n'est pas un drone MALE comparable au Reaper, et son évolution à basse altitude, combinée à sa faible empreinte radar, semblent lui donner un gros avantage sur le terrain. Sans solution technologique à portée, la question se posera donc rapidement d'armer les nouveaux drones tactiques Patroller de l'armée de Terre. Ou mieux encore, sauter une étape en investissant massivement dans les munitions rodeuses. 

Enfin, évoquons la théorie qui voudrait que l'armée russe n'ait volontairement pas engagé ses moyens les plus modernes, les deux tiers des pertes blindées étant constituées de matériels soviétiques. 
C'est un constat que je n'arrive pas à totalement partager, tant ce choix semble, pour un occidental, peu rationnel. Il faudra selon moi surtout regarder la réalité des modernisations effectuées dans l'armée russe. Y a t-il eu un effet vitrine bien servi par une habile communication ? Le niveau élevé de corruption a t-il eu des effets néfastes sur ces réformes et la performance des matériels ? Probablement.

Et que dire des troupes mal équipées ? De la présence de conscrits ? Des positions à peine défendues ?

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Une batterie russe laissée à la merci d'un tir de contre-batterie ukrainien.

A partir ce premier bilan, on constate qu'un tel niveau d'attrition décimerait l'armée française en quelques semaines, mais réfléchir en terme de masse n'a pas grande valeur selon moi ici, pour deux raisons: premièrement, les opérations majeures de l'Occident ont été menées depuis 1990 dans un esprit libérateur (Irak, Afghanistan, Mali, ou même Libye), avant que la situation sécuritaire ne se détériore durant la phase de "nation building". Aussi, l'armée américaine en Irak ou française au Mali n'a jamais eu affaire à un tel niveau de résistance militaire ou civile. Il s'agit là d'une terrible erreur d'appréciation de la part des Russes, qui d'une certaine façon se sont auto-intoxiqués à l'écoute de leur propre discours. A titre de comparaison, la France n'aurait jamais pu mener une opération éclair comme Serval - modèle du genre - sur un territoire hautement hostile rempli de missiles portatifs.

Deuxièmement, les Occidentaux, Américains compris, cherchent toujours à légitimer politiquement leur intervention par la constitution d'une coalitionDe facto, un conflit de haute intensité impliquant la France aurait peu de chances de se dérouler hors de ce cadre. C'est là bien entendu tout l'intérêt d'une alliance à haut degré d'interopérabilité comme l'OTAN.

Ce qui nous amène à la puissance aérienne…


  • Aéro et aéroterrestre: un bilan qui pose problème

De ce que l'on peut confirmer, la Russie a perdu au moins 11 appareils depuis l'entrée dans le conflit. La pire catastrophe ne concerne pas la chasse, mais la destruction d'un transporteur IL-76 avec 150 parachutistes à bord. 

Ces pertes sont dramatiques (notamment le samedi 5 mars), et le seraient encore plus si elles continuaient sur ce rythme. Il est néanmoins concevable que l'on soit dans la fourchette comptable inhérente à ce type d'engagement. 

Là où le bât blesse, c'est sur l'absence de soutien aérien. Les Russes semblent combiner plusieurs handicaps: manque de munitions guidées et pods de désignation (même les images officielles venant de Russie montrent des appareils munis de bombes lisses et pod roquettes), ce qui implique de voler à basse altitude à portée des missiles Stinger. Surtout, l'absence quasi totale de soutien aérien rapproché montre une absence de coordination interarmées, et probablement pire encore, de confiance mutuelle: les troupes au sol ne comptent pas sur leur aviation, l'aviation ne compte pas sur les troupes au sol pour la destruction des moyens anti-aériens qui la menace.

A titre de comparaison, les troupes occidentales ont réussi - en partie grâce à la qualité de leurs JTAC - en Afghanistan et au Levant à réduire le temps d'intervention du close air support à 10 minutes seulement. Une capacité dont ont d'ailleurs fait les frais les mercenaires de Wagner en février 2018 à Deir Ezzor (à leur grande stupéfaction selon les témoignages).

La problématique est bien entendu la suivante: la France pourrait-elle le faire seule ? Ma réponse pourra surprendre: "oui, et mieux". Mais pas plus de quelques jours, et pas à l'échelle de l'Ukraine. Nous manquons pour cela d'appareils (et de pilotes, la rotation serait épuisante), et surtout de munitions. La puissance aérienne de l'Occident relève à 90% de l'US Air Force.

Sur le volet aérien, le retard russe sur l'OTAN est donc considérable. La Russie semble dans ce conflit moins capable que l'armée de l'Air française ou la Royal Air Force britannique, même prises en dehors d'une coalition. 


Concernant les hélicoptères, le bilan est aussi important (au moins 11 pertes en 14 jours), ce qui n'a rien de surprenant dans un environnement saturé de MANPADS. Très présents dans les premiers jours, on les voit beaucoup moins depuis. On les voit surtout désormais évoluer tout seuls. 

De nombreux appareils auraient également été détruits au sol. Attention à ne pas connaître un destin à l'afghane. 

Les occidentaux sont eux passés maîtres dans l'usage des hélicoptères, mais, depuis le Vietnam, et à quelques moments spécifiques en Irak, cela s'est déroulé dans un ciel totalement dépourvu de menaces. Prenons plutôt l'exemple de la Libye en 2011, où l'ALAT française a mené des raids depuis la mer (PHA de classe Mistral) contre les forces loyalistes pourtant équipées en défense AA. Ces raids ont été menés par nuit noire, ce qui demande une expertise absolument exceptionnelle. Et rare. 

Cela semble pourtant être la condition absolue de la survivabilité des hélicoptères sur un théâtre de haute intensité.


  • Point maritime
Il y a peu à dire sur le volet maritime, si ce n'est que la Mer Noire est fermée aux navires de guerre, et que la flotte russe, semble hésiter à mener l'assaut.

Des missiles de croisière ont été tirés depuis la mer néanmoins (700 au total si on comptabilise le volet terrestre), mais sans réduire considérablement le potentiel ukrainien, notamment sur les bases de l'ouest.

La surprise, c'est que même à distance de sécurité, la marine russe a perdu un patrouilleur flambant neuf (2018). Le Vasily Bykov, attiré dans un piège, aurait en effet été touché par un tir de lance-roquette multiple depuis la côte, ce qui semble confirmé ce mercredi 9 mars.  

Une opération occidentale aurait bien entendu appuyé bien plus fort sur le levier maritime, dont elle a joui pleinement par le passé: missiles de croisière, missions aéronavales… une opération amphibie est plus risquée sans une couverture aérienne totale. 

La seul frégate de la marine ukrainienne a été sabordée. 


En conclusion, quels enseignements préliminaires tirer de ces deux semaines de conflit ? 

A l'ère industrielle, l'invasion d'un pays représente manifestement un coût faramineux, même pour la Russie, qui a selon toute vraisemblance sous-estimé la tâche. Une nouvelle phase semble débuter tandis qu'une guerre d'usure s'installe. Sous le coup de sanctions économiques sans précédent dans l'Histoire, combien de temps la Russie pourra t-elle tenir face à des Ukrainiens taillés pour causer des micro coupures au quotidien ?

Prédire les prochaines semaines relève toujours de l'exercice dangereux. Il ne faut pas de plus, oublier la part d'irrationnel qui peut encore jouer son rôle. Il paraît que le renseignement français comptait sur la rationalité de Vladimir Poutine pour ne jamais déclencher ce conflit.

Côté français, on peut toujours débattre de qui de la roue ou de la chenille est la plus appropriée dans l'arme blindée (la boue semble toujours gagner à la fin), du nombre de frégates, ou de notre retard en matière de drones. Une chose est certaine, nos sociétés comme nos armées ne sont pas préparées à supporter un tel coût humain et matériel. Il y a peu de chances qu'elles le soient d'avantage dans 10 ans. Mais l'épreuve que traverse l'Europe aujourd'hui nous sert autant d'avertissement que d'apprentissage. 


vendredi 25 février 2022

Réveil stratégique

La guerre fait donc une fois de plus son retour en Europe. Et la sidération a fait son temps. La situation est extrêmement préoccupante et les premières mesures d'ordre militaire sont annoncées par les alliés de l'OTAN. Elles concernent bien entendu la France, actuellement nation-cadre de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation, autrement surnommée VJTF. 

 

En raison de l'évolution très rapide, et surtout très incertaine des combats en Ukraine, il sera difficile de suivre les évènements sur ce blog. Cependant, pour tous ceux que cela intéresse, tout se passe sur Twitter où la communauté défense - francophone ou non - réalise un travail remarquable de recoupement de l'information, minute par minute. 


Nous n'allons évoquer ici que les mesures de réassurance OTAN, alliance qui va devoir montrer les muscles comme jamais cela n'a été fait depuis 1990. 

D'ici deux semaines donc, la France enverra un sous-groupement de 200 hommes en Estonie (a priori des "troupes de montagne"), qui iront renforcer les Danois et Britanniques. Ces derniers ont d'ailleurs réceptionné aujourd'hui plusieurs de leurs chars Challenger 2. 

Pour rappel, la France s'entrainait encore il y a quelques semaines en Estonie dans le cadre de la mission Lynx, avec des moyens lourds comme le Leclerc et des VBCI.

Surtout, en Estonie toujours, 100 hommes supplémentaires viendront constituer un plot chasse, avec 4 Mirage 2000-5.

L'armée de l'Air et de l'Espace déploie en fait déjà des Rafale pour des patrouilles au dessus de la Pologne depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine. Ces appareils opèrent depuis la France.

Roumanie. C'était l'un des grands sujets français de la réassurance, un déploiement assez important prévu cette année en Europe de l'est, en même temps que la pression se desserre en Afrique. Attention cependant à l'Afrique, où plus aucune marge de manœuvre ne doit être laissée à la Russie (même si dans la précipitation, Wagner semble ces dernières heures se dégarnir en Afrique pour se renforcer en Ukraine)

Un GTIA français constitué de 500 hommes de l'armée de Terre va donc se déployer en Roumanie avec des moyens blindés, dans le cadre d'un calendrier largement accéléré qui risque de mettre en exergue nos lacunes en matière de projection. On parle même de 1 000 hommes à terme. Nous ne devrions pas y aller seuls (Italiens ?) puisque tout cela se déroule dans le cadre du bataillon de l'OTAN "Sparhead", dont la France est leader. La France commande en effet depuis le 1er janvier la VJTF, force opérationnelle interarmées à très haut niveau de réactivité. 

Concernant l'Ukraine enfin, elle est militairement livrée à elle-même, même si l'OTAN livre encore à l'heure qu'il est des équipements individuels performants. Il faut aussi noter que la France dispose d'une grosse douzaine de membres du GIGN à son ambassade de Kiev. Des hommes qui pourraient jouer un rôle tout à fait décisif s'il fallait protéger ou extraire le président Zelenski. C'est ce qu'ont très judicieusement laissé entendre des officiels français. 


Un dernier mot: surprise stratégique ? Non, le discours sur la haute intensité, tout comme celui sur les puissances révisionnistes, ont été rabâchés encore et encore ces dernières années. Ils ont même justifié les hausses en cours du budget de la défense. Il faudra toutefois aller encore plus loin, probablement à un budget autour de 60 milliards d'euros d'ici 10 ans (consensus autour de ce palier), pour un format opérationnel largement réévalué. 

Dans l'immédiat, nous, européens, sommes clairement pris de cours, et un nouveau processus s'entame à tous les niveaux, à commencer par les mentalités. 

C'est désormais notre grand défi pour la décennie. Un défi existentiel.

 

vendredi 18 février 2022

Une semaine charnière


Un post un peu inhabituel de rattrapage de l'actualité ce vendredi, à la fin d'une semaine encore une fois éprouvante sur le plan diplomatico-stratégique. C'est notamment la présence française au Mali qui vit son crépuscule.  


Ukraine

Commençons par l'Ukraine où tout à peu près été annoncé pour cette semaine, à commencer par la guerre. Les anglo-saxons parlent d'invasion russe imminente, les Russes de retrait sans néanmoins se retirer. Les Européens jouent la carte de l'apaisement, dans un camp occidental qui a au moins le mérite de faire front commun.

Les experts les plus sérieux préfèrent encore parler d'un bras de fer mais à ce stade, vendredi 18 février, les nouvelles ne sont pas franchement rassurantes, et les acteurs semblent toujours lancés dans une dangereuse surenchère. 

Mali

Car c'est bien sûr, après l'Ukraine, l'autre grand sujet qui nous intéresse: la situation sécuritaire au Sahel.

L'armée française au Mali, c'est donc terminé. Takuba avec (annonce effectuée en plein somme UE-Afrique)La raison pour laquelle nous ne étendrons pas d'avantage sur cette question est que ce retrait est en vérité "prophétisé" depuis deux ans (y compris sur ce blog), la situation politique malienne ne garantissant plus le niveau de confiance et de coopération nécessaire au maintien de Barkhane sur place. La pandémie, ou encore la chute de Kaboul, ont de surcroit fini de convaincre les opinions publiques comme les décideurs politiques, que la page de l'interventionnisme occidental avait été tournée.

De toute manière, 9 ans de présence, c'est déjà trop. Il était déjà planifié que Barkhane évoluerait vers une empreinte plus légère, et les annonces de cette semaine nous ramènent à l'époque pré-Serval. Est bien malin celui qui pourra prédire l'avenir des OPEX. Mais sur ces sujets lisez plutôt le dernier Michel Goya ! 

Lire sur le blog: Une rentrée tête basse


Spatial

Mais changeons de domaine, pour aborder le spatial. J'attendais, comme bien d'autres, beaucoup du discours d'Emmanuel Macron au CNES mercredi. Mais les annonces à Toulouse n'ont finalement fait que reporter à l'automne toute discussion sur l'avenir du vol habité européen. Le Président a tout de même posé quelques bases de réflexions pour les prochaines échéances (robotique spatiale, station orbitale européenne pour l'après ISS...). 

En matière militaire, on reste dans le cadre de la stratégie spatiale de défense 2019, avec d'ailleurs, l'annonce par l'armée de l'Air et de l'Espace de l'exercice AsterX 2022 pour le mois de mars. Il s'agit de la seconde édition de cet exercice du Commandement de l'Espace, qui est donc annuel. 

Au final, l'Europe a avancé cette semaine, concrétisant sa volonté de mettre un place une constellation "souveraine" pour l'internet par satellite. Une offre de connexion qu'elle entend partager avec l'hémisphère sud, et notamment l'Afrique. 


BITD

Un point armement avec la validation par le Parlement grec de la commande des frégates Belharra auprès de Naval Group, mais aussi de 6 Rafale supplémentaires, comme annoncé en septembre dernier (total de Rafale donc porté à 24: 12 neufs, 12 de seconde main). 

De son côté, le constructeur Arquus a présenté des résultats en hausse cette semaine, dans un contexte de reprise post-COVID. Le marché export est néanmoins en berne. Arquus compte aussi faire feu de tout bois sur le futur marché des camions de l'armée (9 4000 véhicules, pour l'armée de Terre principalement), et se positionner dans la robotique avec le futur appel d'offres ROBIN pour des engins  d'ouverture de convoi d'une masse de 3 tonnes. Tout cela passera par des alliances industrielles. 
En revanche, pas de programme VBAE avant plusieurs années selon la firme. Dommage pour le Scarabée…

On termine enfin avec une nouvelle qu'on n'attendait plus ! Elle est pourtant importantissime: il s'agit de la remise en marche des accords franco-britanniques de Lancaster House, ce qui se traduit concrètement par une avancée dans les travaux communs chez MBDA

 

vendredi 10 décembre 2021

Victoire annoncée du F-35 en Finlande (MAJ: 64 appareils pour la Finlande)

 

Selon la presse à Helsinki, c'est le F-35 qui devrait remporter la mise quant au remplacement des F-18 finlandais. Le Rafale était en lice, mais pas favori face à un F-35 qui continue de s'installer paisiblement dans les forces européennes. 


Ce n'est pas tous les jours Noël. Quelques jours après la signature du contrat Rafale géant aux EAU (80 appareils pour 16 milliards d'euros), la presse Finlandaise fait savoir que le choix d'Helsinki se porterait donc non pas sur le chasseur français, mais bien sur le F-35 de Lockheed Martin

On attendait effectivement le résultat du challenge HX pour cette fin d'année, challenge qui doit trouver un successeur aux 65 (55 en fait) chasseurs F-18 C/D finlandais à partir de 2025, pour environ 10 milliards d’euros.
Se sont déclarés candidats pour ce marché Dassault Aviation avec le Rafale, Boeing avec le F/A-18 E/F Super HornetLockeed Martin et son F-35, Saab et son Gripen, et enfin Airbus avec l'Eurofighter. Les appareils se sont ainsi présentés aux diverses évaluations. 

Nous voilà fin 2021, et comme prévu, le groupe d'évaluation a rendu son avis aux décideurs politiques à Helsinki. Un avis qui recommanderait donc le F-35. 

Des regrets pour Dassault, mais pas vraiment de surprise, le Rafale n'ayant jamais été favori dans une compétition qui - comme ailleurs - fut taillée sur mesure pour le chasseur furtif américain, notamment en ce qu'il s'agit des capacités de guerre électronique.

Pour les autres concurrents en revanche, l'heure semble grave: le Super Hornet enchaîne les échecs très très inquiétants et la fin de production sans cesse repoussée jusqu'ici, se rapproche. Idem pour l'Eurofighter qui devrait être à peine sauvé par des commandes domestiques (Allemagne, Espagne si tout va bien). Un sursis.
Enfin, le vrai perdant selon moi, est le Gripen suédois, qui avait une carte à jouer chez son voisin finlandais. Mais une quelconque solidarité européenne fait pâle figure face au parapluie américain. 

Il demeure que voir le F-35 s'imposer aux frontières de la Russie devrait provoquer quelques tumultes, voire des provocations en réponse. Il faut notamment rappeler que la Finlande affiche une neutralité stratégique, quoique finalement proche de l'Alliance Atlantique.

Attendons donc le résultat officiel, et les réactions des différents protagonistes. 


MISE A JOUR : l'annonce est officialisée pour 64 appareils !

mercredi 17 novembre 2021

L'armée française déploie sa constellation de satellites CERES

Tirés à bord d'un lanceur Véga depuis le Centre Spatial Guyanais, les satellites du programme CERES ont été mis en orbite à 700 km ce mardi 16 novembre. Ils vont offrir aux armées françaises des capacités d'écoute électromagnétique inégalées jusqu'ici. 


CERES (pour CapacitÉ de Renseignement Électromagnétique Spatiale), c'est une constellation de 3 satellites de 446 kg chacun, qui offrira à la Direction du renseignement militaire (DRM) des capacités révolutionnaires de récolte de données ROEM (renseignement d'origine électromagnétique).

Ce 16 novembre en effet, un lanceur européen léger Vega a parfaitement accompli sa mission en plaçant sur orbite basse les 3 satellites qui seront désormais sous la responsabilité du Commandement de l'Espace à Toulouse en tant qu'opérateur.  

CERES se pose véritablement comme un game changer - un de plus - pour les forces françaises. Le bond technologique, dont on connait relativement peu de détails, secret défense oblige, est annoncé comme immense. 
Les satellites, qui agissent grossièrement par triangulation, sont à même de repérer et analyser tout système émettant un signal, et ce sur toute la planète. On parle ici avant tout des radars ennemis, ou encore des architectures réseaux. 

Le programme CERES aura couté 450 millions d’euros et vient remplacer le programme de démonstrateur ELISA. Comme souvent, il a été mené de façon conjointe par les deux géants du domaine satellitaire, Airbus DS et Thales Alenia Space

A noter que 3 Rafale de la 30e escadre ont fait le voyage à Kourou depuis Mont-de-Marsan, afin d'assurer la sécurité des cieux pour ce lancement militaire stratégique. D'autres moyens étaient également déployés. 

Avec ce tir, la France continue à bon train - mais avec un peu de retard quand même - le déploiement de ses capacités spatiales renouvelées. Deux satellites d'observation CSO sur trois sont déjà en orbite, tandis qu'un satellite de télécommunication Syracuse 4 vient d'être tiré fin octobre. CSO, CERES et Syracuse sont les 3 programmes majeurs de la composante spatiale. 


Un mot également sur le drama de la semaine, qui devrait faire date: la Russie a bien procédé à un test d'arme antisatellite - un missile - provoquant la destruction d’un vieux satellite de renseignement électronique soviétique, Cosmos-1408. Le tir a mécaniquement généré un nuage de débris, qui non seulement a semé la panique jusqu'à l'ISS durant les heures qui ont suivi, mais qui demeurera gênant pendant une bonne décennie. 
En vérité, derrière l'évidente mais inutile démonstration de puissance, on ne comprend pas bien ce qui a motivé les Russes… les condamnations sont en tout cas unanimes, et tout à fait virulentes. 

Le nuage de débris n'a en tout cas pas gêné le lancement de CERES.

 

vendredi 23 juillet 2021

Premier Rafale grec. Et nouveau chasseur russe.



La Grèce a reçu jeudi 21 juillet le premier de ses 18 Rafale commandés en janvier dernier. Une livraison en temps record.

Ci-dessus: en image, le premier Rafale de l'Hellenic Air Force.



Chose promise... la France et Dassault Aviation ont bien honoré leur engagement auprès du dernier client export du Rafale, la Grèce. Cette dernière a en effet reçu son premier appareil, un biplace, ce 21 juillet lors d'une cérémonie présidée par Eric Trappier, Président-Directeur général de Dassault Aviation, en présence de M. Nikolaos Panagiotopoulos, Ministre de la Défense Nationale de Grèce.

Comme d'habitude, la force étrangère cliente, en l'occurrence ici la Hellenic Air Force, a reçu son appareil au Centre d’Essais en Vol de Dassault Aviation à Istres.

Ce premier appareil, ainsi que les cinq suivants en provenance de l’Armée de l’Air et de l’Espace française, formeront les pilotes et techniciens de la HAF en France, avant d’être déployés sur la base aérienne de TANAGRA. 
Un premier groupe de pilotes HAF, déjà formés depuis plusieurs mois par l’Armée de l’Air et de l’Espace française, et 50 techniciens HAF rejoindront le Centre d’Entraînement à la Conversion (CTC) de Dassault Aviation à Mérignac, en France, pour poursuivre leur formation.

La Grèce a commandé il y a seulement six mois 18 Rafale, dont 6 seulement neufs qui sortiront de l'usine d'assemblage de Mérignac. Cette première livraison se pose comme un symbole et gage d'assurance dans le cadre du partenariat stratégique franco-grec.

Pendant ce temps... l'Inde recevait cette semaine un nouveau batch de 3 Rafale, et la France poursuit son chemin vers le standard F4 avec la commande à Thalès Group de 350 viseurs de casques « Scorpion ».

A noter que sur un autre dossier, Dassault confirme qu'il présentera bien son dernier Falcon 10X dans une version PATMAR.

Lire sur le blog: Le Falcon 10X devient l'option crédible pour le futur PATMAR



BONUS : nouveau chasseur "léger" en Russie

Sur le salon MAKS 2021 cette semaine à Moscou, nous avons eu la chance de découvrir un nouvel appareil, le Sukhoï LTS "Checkmate". Vladimir Poutine a même pu se le faire présenter.

La maquette à échelle 1:1 présente un chasseur furtif monoplace (avec emport d'armement en soute) d'une masse maximale de 18 tonnes. Rare chez les Russes. 

Monomoteur et pas forcément très gracieux, le Sukhoï ne semble pas avoir d'avenir sur le marché "domestique", mais vise plutôt des marchés captifs (à supposer qu'il en reste) ou des clients qui chercheraient un F-35 low cost, avec un prix annoncé de 30 millions de dollars seulement.

La Russie exporte évidemment moins aujourd'hui ses chasseurs que par le passé, et "Checkmate" devra trouver sa place sur un marché somme toute encombré (malgré des ruptures "générationnelles" en marche). Il lui faudra avant tout prouver qu'il mérite son titre d'avion de "5ème génération". L'avenir nous dira si la formule est gagnante, le marché des chasseurs légers de nouvelle génération faisant l'objet de réflexions naissantes (lien ci-dessous).


Pour une analyse plus complexe de la présentation du Sukhoï LTS "Checkmate", rendez-vous sur l'excellent blog Red Samovar.


lundi 31 mai 2021

Quel destin pour l'avion spatial ?

[Cet article a été publié initialement le 30 avril sur EchoRadar]


Ma génération a probablement plus été imprégnée par le Tintin sur la Lune d’Hergé, époque série animée, que par Jules Vernes. Ma génération avait également tenu pour acquis le fait que le voyage des humains dans l’espace se ferait dorénavant grâce à ce magnifique appareil qu’était la Navette Spatiale. Aujourd’hui, alors que s’ouvre une seconde ère de conquête, l’avion spatial se cherche encore.

Ci-dessus : la navette Discovery apporte un module à l’ISS en 2011 – NASA


Avion spatial, « Space Plane », ou « Rocketplane ». Ces concepts reviennent régulièrement éveiller l’intérêt du passionné d’aérospatial. D’autant plus qu’avec la fin en 2011 du programme américain des Navettes, la formule n’a pas été renouvelée, malgré une intéressante variété de concepts.





vendredi 9 avril 2021

Pari impossible pour le Rafale en Ukraine


La France compterait proposer le Rafale dans le marché de renouvellement de la chasse ukrainienne. Une ambition qui semble compliquée à réaliser dans un contexte stratégique très tendu qui favorise largement les matériels américains. 


La crise ukrainienne a déjà par le passé impacté les contrats d'armement français, lorsque François Hollande annulait en 2014 la vente des navires Mistral à la Russie. Une mesure de rétorsion après l'invasion de la Crimée. 

Nouvel épisode en vue avec l'information largement diffusée il y a une dizaine de jours. La France tenterait de placer le Rafale en Ukraine, Kiev devant remplacer sa flotte de chasseurs d'origine soviétique, constituée de Mig-29, Su-24, Su-25 et Su-27. Ce plan « Air Force Vision 2035 » représenterait un marché de 30 à 45 appareils, pour 7,5 milliards d’euros.
Selon plusieurs sources, ce marché pourrait intéresser les Américains bien sûr, mais également les Suédois avec le Gripen de Saab, et les Français avec le Rafale de Dassault Aviation.

Alors le Rafale a t'il ses chances ? Oui selon l'Elysée, qui voit en Ukraine un créneau pour l'offre française, moins marquée "OTAN" que l'offre américaine probablement constituée de F-16v et F-18. 

Car la géopolitique s'en mêle, effectivement.

On peut affirmer sans ciller qu'un bon pourcentage des marchés d'armement - et particulièrement les chasseurs - sont conclus dans un cadre plus politique qu'opérationnel. A moins que cela serve simultanément ce double-objectif, comme c'est le cas du Rafale en Grèce, qui fait pour cette dernière à la fois office de mesure de réassurance, et de gain capacitaire. 
Et on ne le sait que trop bien en France, l'Europe de l'Est demeure la chasse gardée des Américains (cf les affaires polonaises).

Dans notre cas ukrainien, tous les feux sont rouges en l'occurrence. Le contexte est extrêmement tendu ces dernières semaines, à coup de manœuvres militaires aux frontières du Donbass sécessionniste. Les dirigeants à Kiev jouent pleinement la carte du rapprochement avec Washington et l'OTAN (dont elle n'est pas membre rappelons le !).

Enfin il y a aussi le problème des garanties financières, que Paris devrait assumer, comme c'est souvent le cas avec ce type de client "fragile".

Vous l'aurez compris, il ne semble pas y avoir la place pour autre partenaire que les Etats-Unis en Ukraine. La France y a certes déjà remporté des marchés de défense, mais pas d'une telle ampleur. De plus, Washington y veillera d'une part, afin d'y garantir ses marchés quasiment "captifs". Et d'autre part, Kiev semble obstinée à suivre cette voie atlantiste, et donc à ne pas emprunter celle d'un partenariat avec la France, partenariat probablement plus mesuré face à Moscou.

En conclusion, mettons d'ores et déjà une pièce sur la vente du F-16 Viper en Ukraine. 


vendredi 23 octobre 2020

Le marché des drones militaires pourrait s’emballer dans les années 2020


Les récents affrontements dans le conflit du Nagorno-Karabakh ont relancé les débats doctrinaux sur l’influence des drones sur le champ de bataille. Sans parler de rupture, il y a là une évolution qui va s’ancrer profondément dans la manière de mener des opérations militaires dans le futur. Une étude du cabinet Ventura Associates estime d’ailleurs que le marché mondial du drone militaire aura plus que doublé en 2030. 

Ci-dessus : images de chars arméniens avant leur destruction, rendues publiques par l’Azerbaïdjan. Outre la frappe, les drones permettent aux belligérants de communiquer sur leur supériorité à la fois aérienne et dans le renseignement. 


Nombreuses sont les vidéos montrant la destruction de chars ou de systèmes anti-aériens par des drones ou munitions « rodeuses » dans le conflit opposant ces dernières semaines l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Cela est même devenu pour Bakou un instrument, d’abord de propagande, ensuite de guerre psychologique, la menace planante des drones de l’Azerbaïdjan étant même parfois comparée par les soldats arméniens et la population civile à celle des bombardiers en piqué Stuka de la Seconde Guerre Mondiale. 

Si l’impact stratégique réel des drones sur un conflit doit toutefois être relativisé, leur apport tactique demeure lui indéniable. La diversité des systèmes, allant du drone HALE/MALE avec sa permanence opérationnelle, au drone tactique capable de déployer une bulle protectrice autour des forces, en passant par les mini ou micro-drones, offre un panel très varié de solutions souvent bien moins onéreuses que ne le sont les systèmes d’armes « traditionnels », notamment dans l’arme aérienne. 

A cela s’ajoute la démocratisation plus récente encore des « munitions rodeuses », comme le drone israélien Harop à l’œuvre sur le plateau du Haut-Karabakh, ou la mise en œuvre d’essaim de drones avec divers niveaux de sophistication (le procédé a pu être opéré artisanalement par le groupe terroriste Daesh dans le conflit syrien, ou tout récemment présenté par la Chine dans un format ultra-moderne) obligeant les forces armées à totalement repenser leur défense anti-aérienne de proximité, pouvant être rendue inopérante par la saturation de cibles, voire leur lenteur et leur faible signature. 

Nous n’évoquons même pas ici l’arrivée prochaine de drones conçus pour le combat aérien de nouvelle génération, ou celle des effecteurs déportés « loyal wingmen » qui s’intégreront dans les systèmes de combat aérien futurs. 

Système CH-901 pouvant déployer un essaim de 48 drones "tueurs" présenté par la Chine à l'automne 2020 


Un marché en progression constante 

Contrairement peut-être au marché civil dont on espère toujours la maturation après de folles promesses, le marché des drones militaires semble lui tenir les siennes. Dans une étude publiée cet automne, le cabinet Ventura Associates estime que le marché mondial des drones militaires, qui s’est établi à 38,8 milliards de dollars pour la période 2010-2019, va continuer de croître pour atteindre une valeur de 101,1 milliards de dollars sur la nouvelle décennie. La croissance du secteur a été marquée par une constance exemplaire, mais elle devrait fortement s’accélérer, pour un marché qui aura ainsi plus que doublé en 2030. 

Si les Etats-Unis ont longtemps contribué à tirer les acquisitions (étant eux-mêmes numéro 1 des pays fournisseurs), c’est bien en Asie, et dans une moindre mesure en région MENA (Middle East – North Africa), que les perspectives de croissance sont les plus importantes, au point que le marché asiatique a dépassé le marché américain, en 2018 d’abord… puis en 2019 ! Tendance qui se confirmera. L’Europe, toujours marquée par des choix technologiques et doctrinaux divergents, reste au même niveau que le marché d’Asie Centrale (11% contre 7%), et devra nécessairement rattraper son retard capacitaire. Afrique et Amérique Latine, grands terrains d’expérimentations, restent en marge. 

S’agissant des utilisateurs, un changement s’opère également. Longtemps, ce sont les forces aériennes qui ont gardé la primauté (et les compétences) de l’usage des drones, notamment les grands drones de type MALE, HALE, ou les UCAV. L’étude effectuée par Ventura constate cependant un rééquilibrage massif au sein des forces armées dans le monde, avec une montée en puissance des drones au sein des forces terrestres, qui loin de rester cantonnées aux petites classes d’aéronefs, font de plus en plus l'expérience des classes supérieures. Surtout, de vastes programmes d’acquisitions (notamment en France) devraient dans la décennie qui vient remettre les forces maritimes dans la course. 

En termes de classes, les drones de classe III dominent le marché du fait notamment de l’importance de leur coût. Les plus petits appareils, de classe I & II, représentaient respectivement près de 13 et 19% du marché dans la dernière décennie, mais ont cependant connu une croissance plus rapide qui devrait se confirmer jusqu’en 2030, la demande augmentant significativement au fur et à mesure que les cycles de remplacement se combinent avec l'entrée de nouveaux pays et utilisateurs. Sans parler de prolifération, il s’agit plutôt d’une démocratisation qui gagne toutes les strates des forces armées dans le monde. 

Le plan Mercator prévoit de doter la Marine Nationale de 900 drones aériens avant 2030 (ici le SDAM) – Naval Group 


Une diversification globale des missions 

Miniatures ou approchant la taille d’un chasseur, voilures fixes ou tournantes (avec même l’émergence de VTOL), rayon d’action allant de quelques mètres à plusieurs milliers de kilomètres, du vol en intérieur jusqu’à la très haute altitude… La variété des missions offerte aujourd’hui – et plus encore demain – par les drones joue en faveur de leur dotation dans l’ensemble des forces militaires sur la planète, et ce à quasiment chaque échelon, de l’escouade au régiment. 

Historiquement, la mission principale de ces vecteurs a été le renseignement (incluant le ciblage au profit des unités d’artillerie ou la guerre électronique). Mais un basculement se profile avec une demande de plus en plus généralisée pour des modèles armés, ou capables de neutraliser. 

Cette tendance devrait conforter le rôle moteur des grands drones MALE sur le marché selon Ventura, avec des prévisions consolidées à environ 38,7 milliards de dollars sur la période 2020-2029. Marché qui sera de surcroît fortement tracté par le segment des drones de combat (UCAV), au point que les drones dotés de capacités armées pourraient bien devenir majoritaires au sein de la classe III en fin de décennie. En parallèle viendront les premières intégrations de « remote carriers », dotés d’un degré avancé d’autonomie. 

Suivant de près cette tendance, les munitions vagabondes, qui connaissent depuis quelques années un développement constant, risquent bien de connaître la seconde croissance la plus rapide, avec un presque triplement de sa valeur de la dernière décennie. Une prévision que les événements récents en Azerbaïdjan semblent bien confirmer. 


Quels acteurs sur le marché des drones militaires ? 

Sans surprise, les Etats-Unis s’imposent premier utilisateur, mais aussi premier producteur, à hauteur 48% du marché manufacturier mondial sur la période 2010-2019. Mais c’est un chiffre qu’il faut désormais nuancer selon le cabinet Ventura, tombant en effet à 34% sur la seule année 2019 ! 

Le secteur est en effet marqué, et cela n’a pas échappé aux observateurs, par l’émergence (ou la confirmation) de nouveaux acteurs très ambitieux, principalement en zone MENA et en Asie. 

Tandis que la Russie tente de rattraper son retard en proposant une gamme de drones de plus en plus élargie, l’Europe reste elle en retrait avec de très faibles parts de marché, n’étant de surcroit pas en mesure de proposer l’ensemble du catalogue. Avec un marché mondial marqué par son caractère très domestique, voire captif, la plupart des acteurs ayant l’ambition de développer une filière (exemple très marquant de la Turquie), l’Europe a pourtant l’opportunité de s’imposer, elle qui dispose de la BITD et de compétences largement supérieures à certains concurrents. Un facteur toujours déterminant aujourd’hui, mais pour combien de temps encore ? 


L'EuroMale fait partie des programmes qui doivent replacer l'Europe comme acteur du marché des drones - Airbus 

Observer, renseigner, délivrer de l’armement… débusquer, leurrer ou saturer les défenses ennemies… et même bientôt ravitailler d’autres aéronefs en vol. Les drones, après un siècle d’évolution, offrent désormais des solutions multiples sur le champ de bataille. Un constat tangible qui se concrétise par un véritable emballement du marché sur ce segment militaire. 



lundi 8 juin 2020

Un nouveau site internet pour le Normandie-Niemen


L'association du personnel du régiment de chasse Normandie-Niemen inaugure son nouveau portail: suivre ce lien. Un site internet pour découvrir ou redécouvrir les traditions de ce régiment historique.

Illustration: Normandie-Niemen / armée de l'Air


Mais outre le "Neu-Neu", souvent à l'honneur sur ce blog (car basé à Mont-de-Marsan, et souvent à l'affiche comme encore ces derniers jours en Irak), sachez que de plus en plus de régiments, escadrons, armes... ont ouvert ces derniers mois site internet, ou compte Facebook, Twitter ou Instagram. Un moyen de soigner au quotidien leur relation avec le grand public, et de faire découvrir leur histoire et leurs valeurs. 

L'occasion aussi pour moi de partager cette image incroyable d'un Mirage F1 grimé pour l'anniversaire des 55 ans du régiment (image publiée sur les réseaux par les forces aériennes ce week-end). 
En effet, quand on évoque le Normandie-Niemen, c'est souvent au profit du Rafale ou du légendaire Yak-3, mais oublier le fabuleux Mirage F1 serait lui faire offense !  


lundi 16 décembre 2019

Le dernier vétéran du Normandie-Niemen s'en est allé


André Peyronie est décédé mardi 10 décembre à l'âge de 99 ans. Il était le dernier vétéran de l'épopée du Normandie Niemen sur le front de l'Est durant la Seconde Guerre Mondiale.

Ci-dessus: les Yak 3 du groupe de chasse Normandie-Niemen sur le Front de l'Est - © Forum universitaire de Boulogne-Billancourt


Bref rappel historique: l'escadron de chasse Normandie Niemen fut créé par le général de Gaulle en 1942, afin de rendre la France Libre présente sur le front de l'Est et combattre auprès de l'Armée Rouge. 
D'abord baptisé Normandie, les pilotes de l'escadron, qui volaient sur Yak-3 participèrent à partir de 1943 aux batailles de Koursk, Smolensk, ou encore du fleuve Niémen (d'où l'unité prendra son nom définitif sur ordre de Staline).

Le Normandie-Niémen comptera 21 Compagnons de la Libération et quatre "Héros de l'Union soviétique", une décoration très rarement accordée aux étrangers par l'URSS. L'unité a obtenu 273 victoires homologuées au cours de 5 240 missions et de 869 combats. Quarante-deux de ses 97 pilotes auront péri durant la guerre.



Avec le décès d'André Peyronie, ce 10 décembre 2019 à Anse, dans le Rhône, c'est le dernier représentant de ce célébrissime escadron (très connu et honoré en Russie) qui s'éteint. La légende elle, demeure.


Né le 8 mai 1920 à Albi, André Peyronie s'engage en février 1939 au 109ème bataillon de l'Air de Tours et devient mécanicien après un brevet à l'école de Rochefort. Après la défaite de 1940, il rejoint rapidement la France Libre en rejoignant le Liban, où il s'engage dans les forces aériennes françaises libres. Il est affecté en 1942 au groupe de chasse III Normandie et participe à la première campagne de l'escadron entre mars et août 1943.

En tant que mécanicien, il est responsable de l’entretien du « Père Magloire », le Yakovlev "Yak" 9 du lieutenant Marcel Lefèvre, un as (11 victoires) qui succombera à de graves blessures, le 5 juin 1944, à l'hôpital Sokolniki de Moscou.

André Peyronie,  à Rayak (Liban) le 2 octobre 1942 - © Mémorial Normandie Niemen

De retour au Levant, il est affecté au Groupe de chasse « Ardennes », et participe à la campagne d’Afrique du Nord, puis à la Libération du territoire français.

André Peyronie reçut la Médaille militaire, la croix du combattant volontaire 1939-1945, la médaille d’Outre-Mer, la médaille commémorative des services militaires dans la France libre et plusieurs décorations soviétiques comme celle de l'ordre d’Alexandre Nevski,  ou de l'Ordre d'Honneur du Bélarus.
Il fut enfin décoré de la croix de chevalier de la Légion d’Honneur le 8 mai 2015, par le commandant du Régiment de chasse 2/30 « Normandie Niémen ».

Saluons sa mémoire et celle de ses camarades.


Renaissance et postérité

L'escadron de chasse 2/30 "Normandie-Niemen", aussi surnommé "Neu-Neu" (et bien connu des lecteurs de ce blog) est basé sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan depuis sa réactivation en 2012, où il fait partie de la 30ème escadre de chasse.

Spécialiste du renseignement et de l'appui aux forces spéciales, l'escadron est aujourd'hui entièrement équipé de Rafale.

Régulièrement impliqué dans les opérations extérieures (encore tout récemment), il ne manque cependant jamais les occasions de rappeler sa glorieuse histoire et d'honorer ses héros.