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vendredi 2 juin 2023

Spatial européen: des projets, pas de stratégie


En dévoilant ses plans pour la conception d'un lanceur super-lourd réutilisable, l'Agence spatiale européenne continue de placer les pions de ce qui pourrait constituer, d'ici 20 ans, l'architecture phare d'une économie pour l'espace, par l'espace, et dans l'espace. Mais au delà de ces études préliminaires, l'Europe a t-elle véritablement une stratégie ? 
 
Ci-dessus: campagne d'essais sur Ariane 6 au Centre spatial guyanais - mai 2023, ArianeGroup. 


L'Agence spatiale européenne (ESA) a confié début mai une étude PROTEIN à ArianeGroup et à la start-up allemande Rocket Factory Augsburg (RFA), dans le but d'évaluer la faisabilité et d'identifier les technologies clés nécessaires pour développer un lanceur européen super-lourd. Nous parlons évidemment ici d'un "Starship like", un lanceur de grande capacité (environ 100t de charge utile) "pouvant fournir un accès à l'orbite terrestre basse et au-delà à la fois à faible coût et à cadence élevée".
Naturellement, ce lanceur devra être "entièrement réutilisable", "initialement optimisé pour les missions vers l'orbite basse", et "construit avec la "minimisation de l'impact environnemental à l'esprit". Le défi est donc loin d'être mince, mais disons sobrement que nous sommes simplement ici dans le cahier des charges.

Surtout, ce lanceur servira le déploiement de grandes structures en orbite, qui feront possiblement un jour partie intégrante de cette économie orbitale que l'on annonce à horizon 2040. L'ESA cite très explicitement deux autres sujets qui font ou ont fait l'objet d'études récemment: le centres de données, ou data centers, en orbite (ASCEND), et l'énergie solaire spatiale (SOLARIS), solution pour apporter à la terre une énergie illimitée depuis l'espace, dans un contexte ou l'ensemble des sociétés cherche la décarbonation et l'énergie à bas coût.


Le lancement de ce type d'étude est aujourd'hui largement médiatisé, diffusé auprès d'un grand public qui aura lui tendance à interpréter cela comme une concrétisation (rappelons nous du "Moon Village" annoncé en 2015). Or, il ne s'agit pas de futur, mais de conditionnel. Il y a une prise de risque, qui est celle de générer à la fois du rêve, moteur de vocations… et de la frustration, particulièrement contreproductive, les fluctuations de l'opinion pouvant générer des remous politiques fatals pour les budgets. 

Cependant, l'ESA est ici tout à fait dans son rôle: elle défriche, comme toutes les agences spatiales dans le monde, dans le but d'obtenir des financements, qui lui permettront d'établir des plans… qui peut-être aboutiront un jour à la naissance d'un véritable programme si ses Etats membres en prennent la décision.
Ajoutons à ceci que l'Agence spatiale européenne a appris à maitriser sa communication, au sens le plus contemporain du terme. Réseaux sociaux, effets d'annonce, clips, présence médias (grâce à ses astronautes, devenus véritables VRP), influenceurs… et même la création toute prochaine d'une boutique officielle à Paris, parce que oui, le "merch" est important pour développer son image de marque dans le spatial d'aujourd'hui, la NASA américaine étant le modèle en la matière. 


Une vision pour un futur

L'Europe spatiale a acquis avec les années le statut de véritable phare scientifique, c'est un fait. Mais nous évoquons ici des domaines plus stratégiques: l'accès à l'espace, l'énergie, la donnée… 

Pour bien comprendre cette recrudescence de projets, il s'agit de présenter le contexte. Un double mouvement s'opère actuellement, dynamisant le monde du spatial comme jamais depuis la fin de la guerre froide. Le premier phénomène est celui, auquel vous n'avez pas pu échapper, du New Space. L'arrivée de nouveaux acteurs privés dans un domaine qui reposait sur des process multi-décennaux a bouleversé la façon de travailler, tandis que se multiplient les offres de service, sur Terre, comme en orbite.
Le second phénomène relève lui de la grande stratégie puisque c'est le retour d'une "course" à l'espace entre grandes puissances. Etats-Unis surtout, puis Chine, sont en tête bien sûr, mais d'autres acteurs entendent suivre le mouvement, à niveau moindre toutefois. Citons ici la France et quelques Européens, le Japon, l'Inde… mais aussi des émergents comme Israël et les monarchies du Golfe. Cette course s'apprête à connaitre une phase de sprint tout à fait passionnante qui concernera en particulier la Lune, quasiment 60 ans après Apollo 11 (1969).

Ce nouveau contexte, alors que l'espace n'a jamais été aussi utile, indispensable même, à la planète et ses habitants, laisse augurer de nouvelles conquêtes, mais aussi de nouveaux marchés. Autant de zones de confrontations, plus ou moins pacifiques.  


Mais pour aider à comprendre, il va nous falloir imager. C'est donc de la façon suivante qu'une grande feuille de route internationale peut-être dessinée. Elle comporte plusieurs domaines stratégiques, et surtout plusieurs acteurs, publics comme privés. Nous discernons ici le prévu, et le probable, en essayant d'être assez exhaustifs, en éludant toutefois le volet militaire. Petit exercice de prospective. 

Prévu:
  • 2023: les méga constellations privées, puis bientôt "souveraines" (IRIS² pour l'UE), se déploient en orbite basse. Le marché satellitaire croît sans cesse. 
  • 2023: USA & Chine disposent d'un drone spatial à vocation militaire. La France prévoit de lancer une étude sur le sujet. L'Europe (ESA) doit tester son Space Rider, à vocation purement civile.
  • 2023 et suivant: avènement de lanceurs lourds et superlourds privés (New Glenn, Super Heavy) qui contribuent à tirer le prix du lancement au kilo vers le bas.
  • 2023/24: arrivée d'Ariane 6, lanceur européen qui connaitra une vie opérationnelle bien plus courte que les 27 ans de son prédécesseur. Son évolution partiellement réutilisable, Ariane "NEXT", lui succèdera dans les années 2030.
  • 2025: l'Inde accède, en toute indépendance, au vol habité. L'Europe n'a rien prévu dans ce domaine.
  • deuxième partie de la décennie 2020: les USA, puis la Chine (2029) se posent sur la Lune. Les Européens sont partenaires du programme américain Artemis.
  • deuxième partie de la décennie 2020: les "vaisseaux" privés deviennent la norme.
  • 2030: fin de vie de la Station spatiale internationale, qui ouvre la porte à l'arrivée de plusieurs nouvelles stations en orbite basse, la plupart privée. L'Europe n'a rien prévu dans ce domaine.
  • 2030: une station internationale orbite autour de la Lune, la "Lunar Gateway", à laquelle l'ESA est largement contributrice.
  • 2030: des sociétés de micro-lanceurs ont émergé partout dans le monde. Les plus performantes montent désormais en gamme. Des spatioports européens concurrencent désormais Kourou. 
  • 2033/35 : la Chine a son lanceur super-lourd.

Probable:
  • 2035: les orbites terrestres basses sont "saturées" et des mécanismes de règlementations restrictifs sont mis en place par la communauté internationale. L'Union Européenne joue un rôle majeur dans ce processus.
  • 2035: les lanceurs super-lourds américains et chinois sont en mesure de transporter des milliers de tonnes en orbite chaque année. Ils révolutionnent la façon de concevoir l'environnement proche de la Terre. On envisage désormais de "travailler" en orbite.
  • 2035: les premiers grands projets de superstructures sont planifiés (data center, centrale solaire orbitale, station de ravitaillement, nouveaux instruments scientifiques…).
  • 2040: bases permanentes américaine et chinoise sur la Lune.
  • 2040: l'Europe a son lanceur super-lourd réutilisable (étude PROTEIN lancée en 2023).

Possible:
  • 2040: les deux superpuissances maîtrisent la propulsion nucléaire. 
  • 2040: le voyage vers Mars est envisagé.


Voilà pour la partie aisée -et tout de même fantasmée- de l'exercice. Nous remarquons évidemment d'emblée que l'Europe, terre de collaborations, prend le risque d'être abandonnée au bord de la route alors qu'Américains et Chinois devront prendre des décisions tout à fait stratégiques pour leur destin cosmique. 
De plus, l'Europe a depuis la fin des années 1980 acquis un leadership commercial tant dans le domaine des lanceurs (Arianespace) que du satellitaire (Airbus, Thales Alenia Space...), qu'elle a désormais perdu, ne voulant pas croire au bouleversement conceptuel qui se déroulait pourtant sous ses yeux au cours de la décennie 2010. 

La crise est donc là, et elle ne concerne pas que les lanceurs, mais véritablement le futur des ambitions européennes. Néanmoins, si le leadership est perdu, l'expertise sur laquelle il est encore temps de capitaliser subsiste. 


Une stratégie, oui, mais avec quel stratège ? 

Ce billet de blog n'est pas le fruit d'une soudaine inspiration. Je dirais même qu'il s'inscrit dans une tendance qui prend corps, véritablement, ces derniers mois.
Il faut voir -et surtout lire- le nombre assez impressionnant de déclarations en table ronde, de tribunes publiées (y compris par le Directeur de l'ESA Joseph Aschbacher lui-même), d'articles de presse, et de documents commandés qui appellent l'Europe à se doter d'une véritable stratégie avec en son centre, en clé de voute, une capacité autonome de vol habité*, capacité qui viendra former un pilier qui à la fois, précédera, et complétera, le pilier "lanceur super lourd" -qui n'aura lui pas besoin d'être conçu pour le vol habité- devenu absolument nécessaire pour s'intégrer dans l'économie spatiale de 2040.

Le vol habité européen, nombreux en rêvent (même le Président Macron), beaucoup le préparent (ArianeGroup a dévoilé son concept SUSIE en septembre 2022, Dassault Aviation a son projet sur les planches à dessins, la start-up The Exploration Company développe son module)… mais les résistances sont là. Car oui, la limite structurelle qui contraint aujourd'hui la politique spatiale européenne tient dans la division de ses membres et familles de métiers. 

Au centre, le concept SUSIE (Smart Upper Stage for Innovative Exploration) - crédit ArianeGroup


L'Europe du spatial manque d'un vrai leadership. L'ESA n'a pas vraiment les mains libres, elle est profondément sclérosée par son principe cardinal du retour géographique, et ses membres, notamment les 3 principaux (France, Allemagne et Italie) ne jouent actuellement plus la même musique. Il s'agit d'une première crise à contenir. 
Même à niveau national il faut encore subdiviser entre divers ministères, entre civils et militaires, avec un rôle de plus en plus grand pour ces derniers, probablement les plus à même de demander certains programmes comme les drones spatiaux. 
Enfin, une partie du monde industriel (toute une génération semble traumatisée par l'échec de la navette Hermès, en 1992 !), et surtout scientifique, demeure réfractaire aux ruptures stratégiques, en premier lieu celle du vol habité, y voyant un bien inutile aspirateur à budgets quand des missions autonomes ou robotisées pourraient remplir les mêmes objectifs, à bien moindre coût… ce qui est vrai s'agissant de l'exploration spatiale lointaine, ou de la plupart des missions scientifiques. Ce qui l'est moins en revanche dès que l'on parle de "conquête". 

Afin de rester dans la roue des deux grands projets spatiaux américains et chinois, d'envergure sociétale si ce n'est civilisationnelle (la "destinée manifeste" de l'Amérique), l'Europe doit décider de son propre projet, autonome, souverain, et porteur de ses valeurs traditionnelles telles que l'esprit de collaboration internationale ou l'éthique. L'Europe ne peut se contenter d'obtenir des places chèrement négociées (signature des juridiquement contestables Accords Artémis) à bord des missions lunaires américaines, quand bien même cela suffirait amplement à certains Etats qui y voient un moyen peu onéreux d'acquérir du prestige. Ceux qui sont familiers des problématiques qui touchent à l'Europe de la défense et à l'OTAN y retrouveront un curieux parallèle.

Dans ce contexte, l'Union Européenne, structure décisionnelle rodée quoiqu'on en pense, pourrait-elle un jour chapeauter l'Agence comme certains le proposent ? Outre la difficulté de la non concordance des membres de l'ESA par rapport à l'UE (Royaume-Uni, Norvège..), le mandat de l'Union Européenne lui commande de servir ses citoyens, ce qui a mené aujourd'hui à de fantastiques programmes comme Galileo, Copernicus, et bientôt IRIS² pour la connectivité. En revanche, le contribuable européen n'attend pas de programme lunaire, ou de station orbitale, l'UE ne développant pas de stratégie de "puissance". Cela pourrait toutefois évoluer puisque des secteurs d'importance vitale comme ceux de la donnée et de l'énergie pourraient bien être un jour en partie délocalisés dans l'espace. 

Si nous reprenons notre petit jeu du probable et du possible, le premier scénario verra donc les membres de l'ESA s'arrimer pour de bon, un à un, au programme lunaire américain, pendant que ses membres les plus influents, en premier lieu l'Allemagne (cela rappellera la défense, encore), appâtés par de lucratives perspectives, tenteront de tirer la couverture du "New Space" au risque de faire éclater la cohésion continentale. L'Europe deviendra également majoritairement dépendante des lanceurs, vaisseaux et même stations spatiales issues du New Space américain, embrassant l'ère du service
Le scénario du possible voit lui les Européens valider l'option du vol habité dès 2025, et planifier une feuille de route qui les verra dotés de l'ensemble des piliers nécessaires pour le futur. Cela avec des budgets contraints certes, mais allant bien au delà des capacités indiennes, japonaises ou même russes. L'Europe devra néanmoins innover -ce qu'elle sait faire- et surtout revoir les processus d'attribution des programmes, en libéralisant et verticalisant les marchés. Rien dans ce second scénario n'oblige d'ailleurs l'Europe à revoir ses collaborations, qu'elles soient américaines ou autres, le "Moon Village" européen présenté en 2016 (déjà) pouvant bien attendre. 

Airbus dévoile LOOP¨en mai 2023, l'idée d'un module orbital 3en1, déployable en un lancement - Airbus


L'Europe du spatial ne manque pas de projets, mais elle semble manquer d'un projet. Il faut croire que tout se jouera au cours des deux prochaines années, avec en point de mire la ministérielle de l'ESA de 2025. Deux ans pour préparer deux décennies. Cela donne un certain vertige.


*A l'heure où j'écris ces lignes, il y a 17 personnes dans l'espace, dont 2 Saoudiens et 6 Chinois. Un record historique. 

vendredi 8 janvier 2021

Thalès remporte un contrat de 300 millions € pour la station orbitale lunaire


Le CNES et l'ESA ont communiqué l'an passé sur la contribution d'Ariane 6 à la nouvelle aventure lunaire. Mais si tout reste à faire quant à la définition et à la concrétisation de ces missions du futur lanceur européen, nos industriels sont déjà largement impliqués dans le programme américain Artémis, comme en témoigne ce nouveau contrat monstre de 300 millions d'euros remporté par Thalès. 

Source & Visuels: Thales / ESA


Comme une subite envie de commencer l'année avec de bonnes nouvelles ! Ce qui tombe bien puisque Thalès Alenia Space (France) a signé un contrat de 296 millions d'euros avec l'Agence Spatiale Européenne pour développer le module de communication et de ravitaillement ESPRIT (European System Providing Refueling, Infrastructure and Telecommunications) de la future station spatiale cislunaire Gateway.

L'ex-LOPG (Lunar Orbital Platform-Gateway) désormais nommée Lunar Gateway sera la porte d'entrée vers les futures missions lunaires habitées à partir de 2024 (calendrier un peu optimiste). Thales Alenia Space en France assurera la maîtrise d’œuvre d’ESPRIT, en collaboration avec TAS en Italie et au Royaume-Uni pour former une équipe centrale internationale et avec des contributions belges et espagnoles.

Le module ESPRIT se compose de deux principaux éléments : le premier, désigné HLCS (Halo Lunar Communication System), assurera les communications entre la station et la Lune ; le second, ERM (ESPRIT Refueling Module), alimentera la station en xénon et en ergols chimiques pour à la fois prolonger sa durée de vie et alimenter un futur atterrisseur lunaire réutilisable ou un vaisseau de transport vers l’espace lointain, notamment à destination de Mars. Le tunnel pressurisé de l’ERM intègre de larges fenêtres offrant une vue à 360°. Sa livraison est prévue en 2026 pour un lancement l’année suivante.

Outre le module esprit, Thales Alenia Space est responsable du développement du module pressurisé I-HAB (International - Habitat), qui sera doté d’espaces d’habitation pour l’équipage et de points d'amarrage pour les véhicules de passage. L'entreprise annonce que sa conception "fera largement appel aux techniques de réalité virtuelle pour créer des aménagements intérieurs modulaires et reconfigurables qui optimiseront l'espace et le confort des membres d’équipage".

De plus, TAS développe pour l'américain Northrop Grumman des éléments du module pressurisé HALO (Habitation and Logistics Outpost). HALO aura 3m de diamètre, pour une longueur de 7m.

L'assemblage de la station commencera en 2023 avec les deux premiers modules PPE (énergie et propulsion) et HALO. Si les missions lunaires commenceront en principe en 2024, avec une capacité d'accueil de 4 astronautes, la station n'attendra elle sa taille finale (pour une masse de 40 tonnes) que plusieurs années après. 

Si les interrogations persistent sur l'avenir de la filière lanceur en Europe, tant les défis sont énormes sur ce segment, le continent reste très bien placé dans les grands programmes scientifiques, tout comme sur l'écosystème (comprenant bien entendu le marché) satellitaire. La participation technique européenne au programme lunaire Artémis s'annonce absolument remarquable, en partie grâce à la participation de Thalès et Airbus.
Sachant qu'outre la question de la station orbitale, des programmes impliquant les européens sont également lancés quant aux opérations sur le sol lunaire.

Très honnêtement, il y a de quoi être enthousiaste en cette période d'euphorie dans le spatial, ce qui tranche nettement avec l'ambiance qui anime le monde aéronautique. 


vendredi 12 juillet 2019

Doctrine spatiale : priorité nationale, enjeu européen


Ce 14 Juillet 2019, l'Espace devrait occuper une place prépondérante en parallèle des traditionnelles cérémonies militaires. Emmanuel Macron doit s'exprimer sur le sujet et présenter la "doctrine spatiale" nationale. Car en effet, le contexte international fait plus que jamais de l'espace stratégique souverain, une priorité nationale. Et plus encore, un enjeu européen.

Ci-dessus: décollage d'Ariane 5 à Kourou, en juin 2019, pour la mission VA-248. D'ici un an, Ariane 6 effectuera son premier lancement - CNES


Le Président de la République Emmanuel Macron doit axer une partie de son discours aux Armées le 13 juillet sur la stratégie spatiale du pays. Un discours qui présentera les grandes lignes de notre nouvelle "doctrine spatiale", une doctrine ayant vocation à comprendre un important volet européen. 

Toute la difficulté dans la rédaction de ce billet résidera donc pour nous dans le besoin de présenter des enjeux à la fois militaires... et civils, à la fois français... et européens.

L'espace, comme le cyber-espace, sont devenus en quelques années des priorités des grandes puissances militaires. Si dans le second domaine, la France opère une discrète mais néanmoins sérieuse montée en puissance depuis le mandat de Jean-Yves le Drian à Brienne (2012-2017), le spatial, où la France est un challenger reconnu (dans l'ensemble des domaines), a très vite été identifié depuis l’élection d'Emmanuel Macron comme un secteur clé à renforcer, un rapport ayant été commandé et élaboré en 2018, avant d'être remis à la ministre Florence Parly.

Initialement prévue pour être dévoilée fin 2018, la stratégie, ou "doctrine" spatiale a donc l'occasion avec les cérémonies du 14 juillet de s'offrir une tribune exceptionnelle. Un week-end important pour les ambitions souveraines de la France, alors que le 12 juillet est mis à l'eau le SNA Suffren.

Si l'espace est depuis longtemps une clé pour les opérations militaires (du renseignement image à la dissuasion nucléaire), c'est bien entendu le contexte international qui guide désormais la stratégie française. Si les USA demeurent ultra-dominants, la Russie reste crédible, et la Chine, avec ses dizaines de lancements à vocation militaire annuels, conteste déjà le leader américain. D'autres Etats, comme Israël, l'Inde (qui a tiré en mars en missile anti-satellite, avec des conséquences mal contrôlées...) ou le Japon affiche des ambitions prometteuses.

Dressons un état des lieux des domaines où la France va, et pourrait progresser.


Les satellites au cœur de la bataille

A la fois centres névralgiques (comparons la "toile" satellitaire à des réseaux de neurones, parfois différenciés, parfois entrecroisés) de multiples opérations, civiles comme militaires, vitales pour notre société ultra-numérisée et mondialisée, et aussi véritables poumons du marché, les satellites sont aujourd'hui plus que jamais l'enjeu majeur.

De leur nombre, de leurs capacités, et de leur niveau technologique dépendent bien des solutions dites "souveraines". L'exemple le plus connu est bien entendu le GPS américain, dont aujourd'hui, toute grande puissance spatiale, Europe comprise avec son Galileo, cherche à se détacher par souci d'indépendance. 

C'est ainsi qu'en matière militaire, la "revue stratégique" tout comme la LPM 2019-25 (loi de programmation miliaire) prévoient que le libre accès et l’utilisation de l’espace exo-atmosphérique sont des conditions de notre autonomie stratégique. Un investissement de 3,6 milliards d'euros pour le renouvellement des capacités spatiales françaises doit consolider « nos capacités nationales de surveillance de l’espace exo-atmosphérique (Space Surveillance and Tracking, SST) et de connaissance de la situation spatiale (Space Situational Awareness, SSA), notamment par le renforcement du Commandement Interarmées de l’Espace et du Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes ».


Sur le blog: Le renouvellement des capacités spatiales stratégiques est lancé



Ainsi, on se rappelle en décembre dernier du lancement du satellite CSO-1. Fabriqué par Airbus Defence & Space et Thales Alenia Space, CSO-1 (pour composante spatiale optique) vient suppléer Helios II au service des capacités d'imagerie à destination du renseignement militaire. C'est surtout la première pièce du renouvellement de l'ensemble des capacités spatiales de défense pour la prochaine décennie.
A moyen terme, ce sont 3 satellites CSO, 3 satellites CERES (capacité d'écoute et de renseignement électromagnétique spatiale) et 2 satellites SYRACUSE IV (système de radiocommunication satellitaire) qui seront mis en orbite dans le cadre du renouvellement des capacités françaises.


Dans son désormais célèbre discours de Toulouse en septembre 2018, la ministre des Armées Florence Parly avait cité la nécessite de se doter de moyens défensifs ET offensifs dans le but de protéger notre réseau de satellites à vocation stratégique.

Car si la France est plutôt bonne élève en matière de SST (Space Surveillance and Tracking), notamment grâce à son système GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale) développé par l'ONERA pour la DGA et capable de détecter les satellites (ou autres objets, y compris des débris) orbitant au-dessus de la France métropolitaine à une altitude inférieure à 1 000 kilomètres (orbite basse), ou encore les outils de GeoTracking fournis par Airbus, elle ne dispose d'aucun moyen de défense "concret". Or, lorsqu'un satellite étranger, russe par exemple, vient "renifler" l'un des nôtres, la seule solution revient à couper toute activité, en attendant patiemment que l'intrus s'éloigne...

C'est pourquoi des organismes comme l'ONERA pensent donc à des solutions plus "dissuasives", et autres que le missile, un choix qui rebute en raison de la dispersion de débris qu'il provoque sur des orbites qui toucheront tout le monde. C'est le cas justement du projet de laser annoncé par l'ONERA le 7 juin dernier, une arme laser antisatellites capable de rendre inopérants des cibles situés entre 400 et 700km d’altitude. De les griller sans les détruire. Reste la limite inhérente à l’utilisation des lasers, la météo !

D'autres solutions, plus radicales, viseraient à doter chaque satellite militaire de moyen d'autodéfense, ou de disposer d'une navette dronisée capable d'intervenir, tel le X-37B américain (nous y revenons plus bas). Enfin bien sûr, il y a le cyber.


Ariane 6 et les nouvelles générations de lanceurs

Passons maintenant à l'échelle continentale. Côté européen, si nombre de capacités militaires sont partagées avec des pays alliés, comme l'Allemagne ou l'Italie, l'Europe doit permettre de garantir, avant toute chose, la pérennité de nos lanceurs, ce qui passe par le volet commercial et la passation de marché dans le lancement de satellites. A ce jour, le compte n'y est pas, et des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent en faveur d'un "Buy European Act". Vous retrouverez ici une problématique bien connue du monde de l'armement...

Ce qui nous amène donc aux lanceurs Ariane, et Vega.

Si les coopérations internationales de l'agence spatiale française, le CNES, et de l'agence européenne, l'ESA, sont une force inestimable (notamment avec la Russie, et surtout la Chine, que la NASA américaine délaisse), le fait qu'un satellite français de l'importance de CSO-1 ait été lancé depuis Kourou... sur Soyouz russe a hérissé les poils de nombreux observateurs. Effectivement, il est difficilement compréhensible de dénoncer en septembre l'espionnage d'un satellite franco-italien par un satellite russe, pour 3 mois plus tard lancer une des composantes principales d’observation orbitale via un lanceur russe. 

Si la problématique et ces logiques de coopérations sont évidemment plus complexes qu'il n'y paraît, la nécessité de disposer d'un panel complet de lanceurs européens est réelle. Du nano satellite électrique de quelques dizaines de kilos au satellite lourd de plusieurs tonnes, l'Europe doit pouvoir grâce à Ariane et Vega, tirer tous les types de charge, et ce fréquemment, et à moindre coût.

Vue d'artiste d'Ariane 6.4 - Ariane Group

Jusqu'à maintenant, c'est la formidable Ariane 5 qui fait le prestige de l'Europe. Lanceur ultra fiable, Ariane 5 est néanmoins devenu trop cher (+/= 100 millions €) pour un marché désormais très concurrentiel depuis l’avènement de Space X et consorts.
A partir de 2020, c'est Ariane 6 qui débutera sa carrière, avec deux configurations (Ariane 6-2 et Ariane 6-4, selon le nombre de boosters) et un coût de lancement largement réduit (70 millions d'euros ?) grâce à des process industriels optimisés.

Vega, qui vient de connaitre ce 11 juillet 2019 son premier échec en 15 lancements, est capable de tirer de petits satellites pour un coût estimé à 30 ou 40 millions d'euros.

L'optimisation des coûts et l’avènement d'Ariane 6, conçu pour évoluer très rapidement même après son entrée en service, doit sauver le marché européen, mais il nécessite actuellement des sacrifices. C'est ici la suppression de 2300 postes chez Ariane Group d'ici 2023. Il est alors fondamental que l'Europe propose dans les mois qui viennent une feuille de route industrielle, afin de redonner un élan à l'ensemble du secteur.

Aussi sur le blog: L'avenir du spatial européen s'est il assombri ?


Les travaux sur les lanceurs réutilisables seront eux fondamentaux, et les industriels européens, qui n'y croyaient pas il y a encore 4 ou 5 ans, sont désormais à la manœuvre sur ce créneau.

Se pose enfin la question des sites de lancement, dont le panel pourrait bien s'élargir avec la profusion de nouveaux lanceurs, en particulier privés. Dans le contexte du "New Space", il s'agira éventuellement de proposer des solutions nouvelles et plus variées.
Kourou, en Guyane française, héritière de Hammaguir dans le Sahara Algérien, offre une solution évidente de par sa proximité avec l'équateur. Les contraintes cependant, se situant elles dans l'éloignement du continent européen, et dans son climat tropical qui rend le travail sur place difficile.

Fin 2018, un appel à projet a été lancé par le gouvernement portugais lors du Congrès international de l'astronautique pour la construction à horizon 2021 d'une base de lancement destinée au petits lanceurs sur l'île de Santa Maria, dans l'archipel des Açores. La nouvelle fut accueillie très froidement par Arianespace,  qui y voit une concurrence à Kourou, tandis que l'ESA a préféré tempérer les remous causés par cette annonce, en rappelant qu'il ne s'agissait que d'un projet. Ailleurs en Europe, le Royaume-Uni s’intéresse à un site en Ecosse, et l’Espagne pense aux Canaries.


Saisir les opportunités du New Space

Ce qui nous amène au New Space, qui peut se définir comme le nouvel écosystème économique du monde spatial, un écosystème tiré par des acteurs non-traditionnels du secteur, et dont le mérite principal est d'avoir véritablement su donner un nouvel élan à la conquête spatiale ("conquête", ou "exploration", cela dépendra de la doctrine, voire de la sensibilité).

Par nature, le spatial nécessite, afin de garder des capacités souveraines, de pouvoir compter sur un écosystème technologique particulièrement complet. Par exemple, outre les domaines déjà cités, et pour entrer dans des considérations plus techniques, nous penserons la capacité à fabriquer des cellules solaires et batteries toujours plus performantes, capables d'encaisser les radiations. Ou bien les amplificateurs à tubes utilisés pour amplifier les signaux radiofréquences et dont Thales est un spécialiste mondial, les gyroscopes, ou encore les détecteurs infrarouges.
Mais avec le New Space, les champs s'élargissent considérablement. Et c'est bien là une chance pour l'Europe, qui dispose de multiples atouts, privés mais aussi publics, en matière de R&D dans les hautes technologies, ses équipements se retrouvant déjà sur un nombre considérable de missions dans partout dans le système solaire.

Pourtant, l'Europe patine. Habituée à des logiques programmatiques lourdes, son temps de réaction face aux acteurs du New Space, en premier lieu américains, a été beaucoup trop long, avant qu'un vent de panique, puis une remise en ordre de marche, ne viennent successivement réordonner le secteur. 
A la France, comme à ses voisins européens de structurer cette économie, notamment via des mécanismes de financements adaptés, et avec l'aide des grands groupes industriels comme Ariane. Et de profiter ensuite des formidables opportunités qui se présentent. Nous citerons les multiples technologies duales, dans la santé notamment, et, plus encore que le très médiatique tourisme spatial, une pratique à vocation stratégique s'il en est: l'exploitation des ressources de l'espace. 

Concept d'exploitation des minerais d'un astéroïde, par DSI, devenu Bradford Space Inc.

Barack Obama a ouvert la voie à cette exploitation en légiférant dès 2015 (nous l'évoquions alors sur le blog !). En Europe, c'est, dans un soucis de diversification de son économie, le Luxembourg qui a misé sur ce marché en légiférant en juillet 2017, s'appuyant sur des expertises internationales, dont celles de la Banque Européenne d'Investissements et de l'ESA. Les pays du Golfe ont annoncé qu'ils feraient de même.

3 ans à peine après la mission Philae de l'ESA, avec la réussite actuelle de sa mission Ayabusa-2, le Japon démontre lui aussi sa capacité à orbiter à se poser sur un corps céleste pour recueillir des échantillons (mais également sa capacité à l'impacter avec un tir de précision ! Un message pour son voisin chinois ?). 



Pour clôturer cette partie sur le New Space, nous pourrons enfin nous appuyer sur le tout récent document d'orientation de l'Agence de l'Innovation de Défense, publié ce 11 juillet, qui donne pour mission à l'Agence et au Ministère des Armées de s’appuyer sur l’expertise du CNES et de soutenir l’émergence d’une filière nationale duale du « New Space » sur les enjeux de miniaturisation et de réduction des coûts, cela dans le but de soutenir les capacités stratégiques et leur renouvellement.


De grands projets pour de grandes ambitions

Revenons-en au contexte international. L'espace est pour les puissances majeures, comme émergentes, tout autant une nécessité stratégique qu'un objet de prestige. La Lune fit l'objet d'une course durant la Guerre Froide, et redevient attirante pour la décennie qui se présente. Avant Mars, un jour.
Moribond il y a encore 10 ans, quand la NASA peine à justifier l'existence de ses programmes, le secteur spatial s'apprête à connaitre un nouvel âge d'or, sur fond de rivalités internationales et de prouesses scientifiques.

Bien entendu, plus que des robots, des drones... il faut envoyer des hommes et des femmes dans l'espace. La France a connu le formidable engouement autour de la mission de Thomas Pesquet en 2016 et 2017, qui lui, repartira bientôt.

En attendant, tentons d'imaginer les quelques grandes orientations qui pourront émerger de la nouvelle doctrine spatiale française:

  • La France doit-elle se doter d'une "Space Force" ?
Donald Trump avait surpris son monde, une fois n'est pas coutume (!), en annonçant la création d'une "Space Force", un commandement spécial chargé de l'espace au Pentagone. Est-ce bien pertinent ? Et pourrait on prendre ce chemin ?

En France, le « Commandement interarmées de l’espace », ou CIE, s’appuie sur quatre bureaux (politique spatiale et coopérations, préparation de l’avenir, emploi et coordination et maîtrise de l’environnement spatial) ainsi que sur 6 sections (observation, écoute, surveillance de l’espace, alerte, télécommunications et navigation-positionnement-datation) et un centre d’opérations espace.

C'est la grosse côte parmi les annonces : dans l'Armée de l'air, on se plait déjà à imaginer prendre la direction des affaires, comme le citait récemment le CEMAA: « L’espace est pour l’aviateur la prolongation évidente du milieu aérien ». Et institution s'imagine déjà prendre le nom d' « Armée de l’Air et de l’Espace »
Il existe bel et bien une bataille doctrinale sur le sujet, que l'on retrouve aux USA. Alors que l'US Air Force gère déjà des programmes comme la navette (drone) X-37B, et par nature la surveillance du ciel, l'affirmation selon laquelle l'espace est le prolongement du ciel est désormais largement remise en cause, au profit d'une vision selon laquelle ce milieu doit développer ses propres concepts stratégiques, ces derniers ne devant en aucun cas être biaisés par les doctrines et concepts des forces armées traditionnelles... Tout comme la puissance aérienne a dû prendre son indépendance, elle qui n'était qu'un prolongement des forces terrestres ou maritimes.

Le mystérieux X-37B américain, photographié en orbite par un astronome amateur en 2019

En janvier, dans un rapport remis à la Commission de la Défense et des forces armées de l'Assemblée Nationale, les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille proposaient la création d'une "Force spatiale" sous l'autorité directe du Chef d'état-major des Armées ainsi que d'une "Haute Autorité de Défense Spatiale" placée directement sous l'autorité du Premier Ministre en lien direct avec le ministre des Armées.

Une telle annonce ne serait donc pas si surprenante à Paris. Il s'agira également de conforter le CNES dans son rôle dual.

  • Une navette française ou européenne ?
Un autre sujet brûlant est celui des véhicules manoeuvrants, dont l'intérêt stratégique va de soi. Fin 2018, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation déclarait: « Qui contrôle l'espace, contrôlera ce qu'il y a en dessous. Il faudra être dans l'espace avec très certainement des avions spatiaux à un horizon de 15 à 20 ans (...) Si on vole dans l'espace, Dassault Aviation peut y être et doit y être ».
Effectivement, Dassault se montre plutôt proactif sur cette question, avec encore quelques pistes lâchées par son PDG Eric Trappier lors du Paris Air Forum, le 15 juin dernier: « On commence à maîtriser l'espace pas seulement en y allant et en en revenant, mais aussi en s'y promenant. Cela peut intéresser les avionneurs de combat et en particulier Dassault de pousser un peu plus la frontière. (...) Il faut accentuer et accélérer la volonté de coopération européenne dans ce domaine ».

L'idée est certes séduisante, mais étant donné le coût, à ce jour non dévoilé, d'un tel programme, que seuls les USA avec leurs X37-B, et la Chine avec Shenlong, semblent pouvoir mener, la coopération à échelle européenne s'avère obligatoire. 

Le Space Rider, future navette non-habitée de l'ESA, est notamment développée par Thales

Faute de solution nationale low cost, même si Dassault justement, a travaillé sur des projets de navettes autonomes, il existe bel et bien une piste crédible: le Space Rider.
Thales Alenia Space et la compagnie italienne ELV (European Launch Vehicle) se sont vus confier en novembre 2017 un contrat de 36,7 millions d'euros dans le cadre du programme Space Rider, qui fait directement suite au démonstrateur IXV, qui a volé en 2015.
Envoyé par le lanceur Vega-C depuis Kourou, Space Rider pourra dans quelques années, après un premier vol en 2021, emporter des charges utiles de 800 kg pour des missions diverses. Réutilisable, il sera surtout muni d'un bras robotisé.

A vocation civile, d'abord au sein de l'ESA, mais plus tard chez Arianespace, on peut facilement imaginer un emploi plus stratégique pour le Space Rider.
Dans un entretien chez Aviation Week en juin, Eric Trappier, qui porte également la casquette de Président du GIFAS, citait justement le programme: « Je peux voir où les Chinois veulent aller - un avion spatial. Je peux voir les États-Unis réagir. Il y a beaucoup de créativité aux États-Unis. Nous devons suivre cet exemple sans nous contenter de copier. L'Europe doit pouvoir se rallier et conserver son autonomie dans l’espace. De plus, l’espace militarise. Nous ne pouvons pas être laissés pour compte. Un autre problème est l’accès aux données de l’observation de la Terre. Donc, le Space Rider est une petite contribution à quelque chose de plus grand. Les Chinois progressent rapidement dans l'aérodynamique et l'hypervelocité. Nous pouvons (Dassault Aviation) apporter certaines capacités dans le programme Space Rider, ce qui serait la réponse de l’Europe ».

Mais là encore, un tel projet rencontrera des divergences politiques et doctrinales. Il s'agira de passer outre. Une impulsion dans ce domaine est donc attendue, et certains industriels semblent convaincus. Reste à savoir si nous avons les moyens, et la volonté, d'inscrire cela dans un cadre purement national et stratégique, ou dans un cadre européen plus large et dual.

  • La résilience de notre réseau satellitaire
Plus qu'une politique de puissance, la France vise l'indépendance. Dans un tel cadre, les capacités défensives sont fondamentales, et les capacités offensives servent la dissuasion. La priorité est alors de pouvoir disposer de capacités crédibles, car non seulement performantes, mais aussi et surtout extrêmement résilientes. 

Si certaines puissances ont tenu a démontrer leur capacité à cibler et détruire un satellite en développant des missiles dédiés, la menace la plus directe aujourd'hui est la cyber-menace.
Or, on trouve quelques solutions dans le rapport parlementaire d'Olivier Becht et Stéphane Trompille: pouvoir disposer de constellations de satellites, et/ou de moyens de lancement rapides de fusées emportant un satellite à partir "de drones spéciaux de type ALTAIR développé par l'Onera ou de type Pegasus de Dassault", et ce afin de combler les pertes en cas d'agression, soit par la masse, soit par des lancements en urgence.
Une autre solution prônée par le rapport parlementaire, déjà presque "sur étagère, s'incarne dans le recours aux pseudo-satellites comme le Stratobus de Thales Alenia Space ou le Zephyr d'Airbus Defense & Space.

Le Stratobus de TAS débutera sa carrière commerciale en 2022. Il pourrait jouer un rôle fondamental sur certains théâtres.

Ces "pseudo satellites de haute altitude", ou HAPS, sont en phase finale de développement et devrait pouvoir se faire une place, notamment dans les armées européennes. Problème et limite, ces appareils ne sont pas adaptés au contexte de guerre de haute intensité.

Le drone solaire Zephyr d'Airbus, intéresse notamment l'armée britannique 

Quid du satellite à communication quantique ? Disposant d'un chiffrage "quantique" supposé indéchiffrable, la Chine semble en avance dans ce domaine. Elle qui a tiré un satellite de ce type en août 2016, espère disposer d'un réseau quantique aux environs de 2030. Ses investissements en la matière se comptent en dizaines de milliards, ce qui rend cette technologie inaccessible pour des puissances moyennes... jusqu'à preuve du contraire, la France n'étant pas inactive dans ce domaine.

  • Le droit !
Si l'ont en croît les diverses déclarations entendues cette année, principalement depuis le discours de Florence Parly à Toulouse, la France, dans un désir d'indépendance et de souveraineté, s'inscrit dans une posture basée sur son droit de légitime défense : « Nous allons continuer à avoir une stratégie défensive  mais nous ne nous interdisons pas d’avoir une stratégie plus offensive » (Florence Parly).
Mais en parallèle de toute action, toute doctrine, toute stratégie, la France peut tenter de jouer un rôle, qui historiquement lui plaît, celui de leader sur le plan diplomatique, dans un domaine où tout reste à faire, ou plutôt à refaire... puisque depuis le Traité sur l'espace de 1967, le corpus tient sur des principes que l'on qualifiera désormais d'idéalistes.

Car cette militarisation de l'espace qui ne dit pas son nom, fruit d'une partie d'échec avec au centre le contrôle des réseaux et l'exploitation des ressources, ne peut pas, ne doit pas se dérouler dans dans une sorte de no man's land juridique. La France, qui se veut toujours respectueuse du droit international et qui prône la diplomatie avant tout, doit non seulement proposer des initiatives pour un nouveau droit spatial international, mais peut de façon plus simple, d'ores et déjà commencer à initier des mesures nouvelles au plan national comme européen. Le secteur du New Space est sur ce point en première ligne.


lundi 16 octobre 2017

Thomas Pesquet en visite au CEAM de Mont-de-Marsan


Avant les célébrations de Toulouse pour les 20 ans de la Cité de l'Espace, Thomas Pesquet a fait un détour par l'Aquitaine. Il a notamment visité l'un des poumons de l'innovation aérospatial du pays, le CEAM de Mont-de-Marsan. L'occasion également de passer par Bordeaux et l'Airbus Zéro-G.

Photos: Twitter & Facebook CEAM, Thomas Pesquet


Véritable star depuis son départ à bord de l'ISS il y a bientôt un an pour la mission Proxima, Thomas Pesquet n'en finit plus d'être demandé.
C'est l'Armée de l'air qui a eu l'honneur de l'accueillir (honneur réciproque pour l'invité) sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, plus précisément au CEAM.

Le CEAM est le centre d’expertise aérienne militaire (anciennement appelé le centre d’expériences aériennes militaires). Composé de 25 unités et de 700 experts, il est le centre d’innovation de l’Armée de l’air, où se construiront les capacités opérationnelles futures de l’institution.
Le CEAM a de plus développé ces dernières années un Air Warfare Center, et concentre ses experts autour des trois piliers constitutifs d’une capacité opérationnelle de première ligne : la doctrine, les équipements et l’expertise tactique du combattant.

L'astronaute a pu en profiter pour voir les Rafale du CEAM et du Normandie Niemen (escadron français créé sur le front de l'est durant la Seconde Guerre Mondiale), pas anodin si l'on signale qu'il était lors de sa visite accompagné de son collègue russe Oleg Nivtiski.

Pour rappel, Thomas Pesquet est bien pilote... mais pilote de ligne et non de chasse, dans une tradition bien française puisque contrairement à la conquête spatiales américaine par exemple, la "caste" des spationautes français est restée très civile.



Et avant d'être l'invité d'honneur des 20 ans de la Cité de l'Espace à Toulouse ce dimanche, l'astronaute français s'est également rendu chez Novespace à Bordeaux (Mérignac), seule société au monde à proposer du vol en gravité zéro, à bord de son Airbus Zéro-G.