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mercredi 29 janvier 2025

KNDS en passe de racheter les activités défense de Texelis !


Après le rachat de Arquus par John Cockerill en 2024, une annonce choc pour une nouvelle consolidation majeure dans l'industrie terrestre de l'armement ce 29 janvier 2025. Le Groupe franco-allemand KNDS vient en effet d'annoncer son entrée en négociations exclusives pour l’acquisition des activités défense du français Texelis. On ne connait encore ni les montants, ni les potentiels impacts qu'aura ce rachat sur le fonctionnement des entités. 

Ci-dessus: le véhicule Serval, en service dans l'armée de Terre, est l'une des collaborations emblématiques de KNDS (ex-Nexter) et Texelis.


Communiqué :

Le 29 janvier 2025, KNDS et Texelis ont signé un Memorandum of Understanding (MOU) relatif à un projet d’acquisition par KNDS France des activités Défense de Texelis.

Par cet accord, les deux parties annoncent entrer en négociations exclusives en vue de la réalisation de cette opération, qui nécessitera la séparation de Texelis en deux sociétés – Texelis Défense et Texelis Transport.

L’information et la consultation des instances représentatives du personnel sur ce projet sont prévues dans les prochains jours. La réalisation finale de cette opération, attendue pour la fin de l’année 2025, reste soumise à la finalisation des accords ainsi qu’aux conditions suspensives usuelles pour ce type de transaction.

La société Texelis est une entreprise française, dont l’activité Défense est spécialiste de la mobilité terrestre et concepteur de solutions de pointe pour les véhicules blindés terrestres. Texelis est un acteur important de la BITD française avec la production de nombreuses pièces et organes de mobilité pour l’armée de Terre. Depuis le marché SERVAL, remporté avec KNDS France, Texelis est en mesure de développer, qualifier et produire des solutions de mobilité complètes pour véhicules 4x4, 6x6 et 8x8.

Entreprise innovante, Texelis est en pointe sur l’hybridation des véhicules et engins blindés de combat ainsi que sur la gestion énergétique appliquée à la mobilité.

Par ailleurs, l’activité Transport de Texelis aurait vocation à rester contrôlée par son équipe dirigeante, avec l’appui de ses investisseurs.

Texelis emploie 350 salariés pour un chiffre d’affaires global d’environ 110 millions d’euros en 2024. En complément de son site de production de Limoges, Texelis dispose d’ores et déjà d’une antenne sur le site KNDS France de Roanne.

« Ce projet structurant nous permettrait de renforcer notre croissance et d’accroitre nos compétences dans le domaine de la mobilité, avec une entreprise française performante que nous connaissons bien et qui est déjà notre partenaire au sein du GME Serval » a déclaré Nicolas Chamussy, directeur général de KNDS France.

Charles-Antoine de Barbuat, président de Texelis, a déclaré : « L’intégration à terme de l’activité Défense de Texelis dans le groupe KNDS ouvrirait de nombreuses perspectives de croissance, au-delà d’un premier succès de collaboration. Par ailleurs, l’activité Transport a tous les atouts pour poursuivre son développement de manière autonome ».


lundi 18 novembre 2024

The Exploration Compagny lève 150 millions d'euros pour financer sa capsule Nyx


The Exploration Company a annoncé ce 17 novembre une nouvelle levée de fonds d'environ 150 millions d'euros. Une somme qui servira à financer son programme de cargo réutilisable Nyx. Au total, la start-up franco-allemande, basée à Mérignac, Munich, et désormais aussi implantée en Italie, a levé environ 200 millions d'euros, avec un carnet de commande qui dépasserait déjà les 700 millions.

Ci-dessus: la futur capsule réutilisable Nyx. Vue d'artiste The Exploration Company. 


Disposant d'un triple ancrage (puisque désormais installée aussi en Italie) intelligent jouant sur les forces de l'Europe plutôt que les divisions, la start-up -encore jeune- The Exploration Company (ou TEC) continue de réussir à convaincre. Elle accumule ainsi des partenariats solides qui lui permettent en conséquence d'attirer les financeurs. Ce succès dans la construction du projet est bâti sur un discours -largement incarné par sa PDG Hélène Huby- à la fois ambitieux et mesuré, avec un vrai "narratif". 
Cela dans une étonnante discrétion, presque timidité par rapport à d'autres plus… extravagants (et pas loin de disparaître pour certains). Il manque -donc- encore la communication grand public mais il ne fait guère de doute que cela viendra quand il s'agira d'entrer dans les phases opérationnelles (donc commerciales). Mais il est vrai qu'une capsule fait moins tape à l'œil qu'un lanceur ! 
En bref, la trajectoire est pour l'instant nominale, même s'il y a bien eu un échec, non imputable à l'entreprise, lorsque le démonstrateur de rentrée atmosphérique "Bikini" présent à bord du vol inaugural d'Ariane 6 en juillet dernier n'a pas pu être déployé comme prévu par l'étage défaillant du lanceur européen. 

Voici pour le recap', mais venons en donc à la grosse actualité de ce début de semaine, le financement de série B, d'un montant de 160 millions de dollars (151 M€), visant à financer le développement du vaisseau spatial Nyx.

Nyx, une capsule agnostique (de lanceur) de 8 tonnes, a été présentée dès son annonce comme pouvant évoluer, jusqu'à pouvoir mener des missions habitées, ou même lunaires. Elle sera dans un premier temps capable de transporter plus de 3 tonnes de fret sur orbite, et d'en revenir, chose que l'Europe ne propose pas aujourd'hui. 

Pour commencer, il s'agit de viser les stations spatiales, son marché privilégié. Première mission déjà prévue en 2028 pour Nyx "Earth", vers l'ISS.  

Ces 150 millions, absolument nécessaires, doivent contribuer à financer Nyx, ce qui inclut le recrutement de personnels. La grande réussite vient ici de la diversité et du prestige des financeurs impliqués, dont notamment deux fonds souverains européens, French Tech Souveraineté (France) et DeepTech & Climate Fonds (Allemagne). TEC continue d'ailleurs de se vanter qu'elle est la première entreprise spatiale au monde à s'être appuyée, et ce dès le départ, sur un financement majoritairement privé. Et à 98% européen ! 

Cela est imputable bien sûr au réseau (exemple emblématique, l'Elysée croit fort en ce projet), mais aussi nous l'avons dit, à la vision.  


Pour le moment, TEC convainc, et mène la cadence à la bonne mesure. L'ESA, qui devrait être un -bon- client, lui a confié un contrat d'étude, France 2030 la soutient, et surtout, elle a obtenu un pré-contrat majeur avec Axiom Space pour le ravitaillement de sa future station privée en orbite basse (si et seulement si le projet aboutit). Il y a aussi, dans le même domaine, des accords avec Vast et Starlab.  

Sur un plan plus concret, signalons enfin que l'équipe de conception de véhicules de TEC a récemment mené à bien la première campagne d’essais plasmatiques sur le site d'Ariane Group à Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux. Ce test visait à soutenir le compromis pour le choix du matériau de protection thermique pour Nyx Earth. En soumettant différents matériaux à des niveaux de flux de chaleur représentatifs d’une rentrée depuis l’orbite terrestre basse, le comportement des matériaux a pu être observé afin de mesurer les niveaux d’ablation.

Rappelons que des essais moteur sont aussi réalisés à Mérignac par TEC, avec un banc d'essai actif depuis cet été, et un autre, plus volumineux, prévu pour être installé en 2025 (voir le précédent article du blog). 

Capture de la vidéo de démonstration - The Exploration Company 



vendredi 12 juillet 2024

Dark achève la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan"

Dark, société parisienne qui doit s'installer sur l'aéroport de Bordeaux-Mérignac pour y développer ses activités de lancement orbital, a récemment communiqué sur le succès de la campagne de tirs de son moteur-fusée "Sheitan". L'affaire fait peu de bruit en France, probablement car les essais se sont déroulés… en Allemagne. 


Parmi la petite myriade de start-up françaises et européennes qui affichent des ambitions dans le lancement spatial, Dark ne passe pas inaperçue. L'entreprise se définit en effet comme un société de défense orbitale, son micro-lanceurs aéroportés constituant la base d'un système complet visant à assurant des lancements réactifs dans le but de désorbiter des objets hors de contrôle, et cela, non pas dans un but stratégique (lire mon précédent billet sur le sujet, en lien ci-dessous), mais bien afin d'assurer la sacro-sainte "durabilité" des orbites.
 

La première étape passe donc par le développement d'un micro-lanceur aéroporté. Pas une mince affaire quand on connaît les déboires d'autres acteurs célèbres sur ce segment précis. 

Mais so far so good… puisque Dark a annoncé sur son compte Linkedin avoir achevé une première campagne de tests de la chambre de combustion de son moteur-fusée Sheitan (a-t-on vraiment besoin de traduire ?), moteur qui équipera le lanceur Interceptor.
La campagne de tests, qui a duré deux semaines, a été réalisée dans les installations de l'agence spatiale allemande, le DLR, à Lampoldshausen. 

Une vidéo a été diffusée. Et pour les détails techniques, je vous invite à suivre ce lien



Dark précise que six essais de combustion à chaud ont été effectués. Au premier essai, la chambre de combustion a tout simplement été détruite. Mais lors du sixième essai, l’entreprise a réussi à atteindre un rendement de combustion de 99,4 % à une pression de 80 bars.

Comme je le disais en préambule, on a peu parlé de ces essais en France, probablement car ils se sont déroulés en Allemagne (et la confiance n'est pas au beau fixe, surtout dans le spatial). Toutefois, Dark n'est pas la première à réaliser sa campagne d'essais moteur à l'étranger, puisque Latitude, par exemple, l'a fait en Ecosse. Il faut aussi reconnaître que la start-up est un peu plus discrète que ses congénères, ce qui est en soi une qualité… et un défaut, car bien des observateurs me font régulièrement part de leurs interrogations sur le projet. Elle a tout de même levé 11 millions de dollars depuis sa création en 2021. 

A noter que si Dark ne fait pas partie -à ce jour- des lauréats "micro-lanceurs" du plan France 2030 (Latitude, HyprSpace, Maïa Space, Sirius), l'Elysée et autres institutions la mentionnent régulièrement dans leur communication sur l'avenir du spatial français. 


mercredi 5 juin 2024

A Berlin, Airbus dévoile son drone "Wingman" qui précédera le SCAF


Airbus Defence & Space profite du salon aéronautique de Berlin cette semaine pour dévoiler son concept de drone ailier "Wingman", avec notamment une maquette grandeur nature. Ce projet, 100% allemand, n'est pas encore un programme, et semble de prime abord s'inscrire comme une réponse au successeur du drone de combat furtif "Neuron" imaginé pour accompagner le Rafale F5 en France à horizon 2035. 

Images - Airbus au salon ILA de Berlin. 


En matière d'aviation de combat, nous n'avions jamais rien vu d'aussi avancé chez Airbus depuis 2019 et la révélation que le groupe avait travaillé en soufflerie et chambre anéchoïque sur un design de drone furtif. Quelle surprise donc, cette semaine, de découvrir non seulement l'annonce, mais également la maquette grandeur nature d'un drone ailier ("loyal wingman") furtif de la taille d'un avion de combat Eurofighter. Quasiment 12 mètres de large, pour 15,5 mètres de long. 

Dans son communiqué précédant la présentation sur le salon berlinois de l'aéronautique, qui débutait ce mercredi 5 juin, Airbus Defence a révélé la première image du "Wingman", et surtout précisé plusieurs choses: 
  • Wingman est le fruit d'un exercice de design "made in Germany"
  • le concept est amené à évoluer, d'autant plus que le groupe le compare littéralement à un "show car" de l'industrie automobile. Une étrange communication probablement destinée à un public allemand qui a érigé la voiture en fierté nationale, mais qui ne fait pas oublier que les show-car sont plutôt génératrices de déception lorsqu'il s'agit de découvrir le produit final.
  • Wingman est la réponse à un intérêt de la Luftwaffe elle-même, qui entend disposer d'un drone ailier accompagnant le chasseur Eurofighter dès les années 2030. Et donc, avant le SCAF, attendu lui pour 2040 au plus tôt. 

Ce matin à Berlin, la maquette a ainsi été présentée au Chancelier Olaf Scholz, qui inaugurait le salon ILA 2024. Airbus a également profité de ce jour pour annoncer un partenariat avec le groupe allemand Helsing au sujet des briques d'intelligence artificielle qui équiperont le drone (photo ci-dessous). 



Un design qui s'inscrit dans les standards internationaux 

La bête est donc dévoilée, maquette 1:1 à l'appui, ce qui est en soi un événement doublé d'une surprise. On découvre non pas une aile volante façon "Neuron", mais un profil en delta plus effilé qui laisse penser que le drone approchera le domaine supersonique (aucune indication du constructeur à ce sujet). Il semble d'ailleurs, au vu des modèles dévoilés un peu partout dans le monde, excepté en France et en Russie (pour l'instant), que ce type de profil soit désormais celui qui est privilégié par les constructeurs et/ou les forces aériennes, avec un avantage certain en terme de vitesse par rapport à l'aile volante. La motorisation -unique- serait d'ailleurs la même que celle de l'Eurofighter.  

De plus, le design nous montre un haut degré apparent de furtivité, avec plans canard, unique entrée d'air centrale et absence d'empennage… même si cela dépend visiblement de l'architecture choisie, puisque une double dérive apparait sur une autre image ainsi qu'une maquette réduite, laissant croire à l'existence d'options de modularité.  

Concernant l'armement, si ce drone furtif aura nécessairement des emports en soute, on découvre aussi en image des plots extérieurs avec de l'armement air-sol.


Airbus évalue le prix du Wingman au tiers de celui d'un avion de chasse d'aujourd'hui (donc autour de 30 millions d'euros ?). Dans la norme occidentale observée sur les programmes similaires, et loin des fantasmes de drones consommables que l'on peut encore lire ici ou là. Cela permettre en théorie aux flottes de retrouver de la masse de manœuvre. 

Même si ce projet répond visiblement à un intérêt de l'armée de l'air allemande, c'est bien Airbus qui a financé le développement jusqu'ici, pour quelques dizaines de millions d'euros. Le constructeur semble espérer le lancement officiel d'un programme, même si absolument aucun engagement n'a été pris publiquement de la part de Berlin. Si ce n'est en ce jour du 5 juin de commander 20 nouveaux Eurofighter... 


Politique de parité avec la France… ou avec Dassault Aviation ? 

La révélation du Wingman par Airbus est-elle une véritable surprise ? Pas vraiment. On savait depuis quelques mois que l'Allemagne lorgnait sur les plans français visant à pouvoir disposer d'un drone ailier du Rafale durant la décennie 2030, soit ce que je nommerai l'ère "pré-SCAF", ce dernier n'arrivant qu'après 2040. 

Car en effet, en février 2022, le contexte stratégique a changé, et ce que l'on évoquait à longueur de colloques a fini par arriver: la Russie a déclenché une guerre de haute intensité. A Paris, l'Etat-Major de l'armée de l'Air et de l'Espace, comme le politique, ont alors fait un constat selon lequel le niveau de jeu affiché par les "compétiteurs" (ici la Russie, mais il y en a d'autres) venait d'être élevé à un rang supérieur. Des développements ont été lancés sur le potentiel de réalisation d'un drone ailier issu du très convaincant programme "Neuron" mené en collaboration européenne par Dassault Aviation durant toute la décennie 2010. La décision sera ainsi confirmée au salon du Bourget 2023 il y a tout juste un an: le Rafale au standard F5 aura un drone de combat furtif ailier à horizon 2035, ce qui contribuera à maintenir les capacités d'entrée en premier de l'armée de l'Air tout en préparant le SCAF des années 2040. 


Juin 2024: Airbus annonce donc en Allemagne un projet similaire en tout point, maquettes à l'appui. Il s'agit ici selon moi d'une pure politique de parité, non seulement avec Paris, mais aussi avec les autres industriels présents sur le marché international. Airbus montre qu'il aura son drone au catalogue, et que Dassault, son partenaire sur SCAF, n'aura pas cette primauté en Europe. Airbus grille en quelques sortes la politesse à Paris, mais aussi à Londres (BAE, programme GCAP), voire même à Stockholm (Saab), où je me serais davantage attendu à voir ce type de concept apparaître.  

Toutefois, il y a ici plusieurs problèmes, que nous allons résumer très brièvement: 
  • la Luftwaffe n'est pas l'armée de l'Air française. Elle n'en a ni la culture, ni le contrat opérationnel, largement structuré chez nous par les Forces Aériennes Stratégiques (nucléaires). 
  • l'Eurofighter est en retard sur les technologies de fusion de données et de combat collaboratif, du moins à ambitions équivalentes au Rafale F5. Mais c'est là qu'intervient le partenariat d'Airbus avec Helsing sur l'IA, dans le but de développer un environnement collaboratif entre le -seul- pilote de l'Eurofighter et son drone ailier. Attention à la charge cognitive ! C'est tout le défi. 
  • attention également tout de même avec cette notion de drone piloté depuis un autre appareil, ou même d'autonomie par l'IA. La société allemande risque d'être peu réceptive... 
  • enfin, si Airbus veut véritablement un programme, il faudra lutter contre un nouvel arrivant dans la Luftwaffe, lui aussi furtif et taillé pour le combat collaboratif. C'est bien sûr le F-35, dont la fâcheuse réputation est de ne laisser aucune miette dans les budgets des forces concernées.

lundi 23 octobre 2023

Potentiel marché de 54 Dassault Rafale en Arabie Saoudite


Retour de la rumeur saoudienne concernant l'achat possible de l'avion de combat français. 54 appareils seraient en jeu, avec en prime un monumental pied de nez à la concurrence. Mais le dossier semble avant tout politique.

Ci-dessus: un Rafale français en Jordanie - Armée de l'Air et de l'Espace.


Pour la seconde fois en moins d'un an (décembre 2022), le média La Tribune révèle que l'Arabie Saoudite a bien exprimé un intérêt pour le chasseur Rafale de Dassault Aviation. Et cette fois-ci, les choses seraient de plus en plus concrètes -et détaillées- puisque Ryad aurait demandé à l'avionneur français une offre commerciale pour l'acquisition de 54 Rafale. Date limite fixée au 10 novembre. 

Il y a officiellement aujourd'hui au sein du carnet de commandes de Dassault Aviation 125 Rafale destinés à l'export (résultats publiés en mars 2023), auxquels s'ajoutent la tranche de 18 appareils validée par l'Indonésie en août, ainsi que 39 encore à livrer aux forces armées françaises… la France devant elle-même finaliser une nouvelle commande de 42 Rafale au standard F4 d'ici la fin de cette année. Nous pourrions même ajouter les 26 Rafale Marine actuellement négociés avec l'Inde. 
En résumé, les temps sont exceptionnels et même à 3 Rafale produits par mois, il y a de l'activité assurée sur la ligne d'assemblage de Mérignac pour une grosse décennie… tout comme au sein des 400 entreprises qui participent au programme. 


Oui… mais. 

L'intérêt saoudien pour le Rafale n'est pas nouveau, mais il est vrai que des évolutions politiques régionales et plus globales semblent faire avancer le dossier. 

Sur un plan purement opérationnel, l'Arabie saoudite, la puissance majeure du Golfe Persique, est désormais entourée d'utilisateurs du Rafale (Egypte, Qatar, bientôt les EAU, peut-être un jour l'Irak). Cet argument à lui seul pourrait suffire à convaincre Ryad de se doter d'une flotte de Rafale.
Mais il y a également le fait que sur son segment de marché, le chasseur de Dassault Aviation règne désormais en maître, avec des perspectives d'évolution planifiées sur 20 ans. Peut-être atteignons nous l'instant où il est possible de chasser sur le terrain des anglo-saxons… en particulier d'un Eurofighter à bout de souffle.

Et si l'on parle aujourd'hui de 54 appareils, le potentiel total se situerait en réalité non loin des 200 appareils, livrables vers 2030.  

Mais venons en donc au plan plus politique. L'Arabie Saoudite devait se doter d'une cinquantaine d'Eurofighter Typhoon (elle en est déjà la principale cliente en dehors du consortium européen producteur), mais le dossier, géré par Londres, est bloqué depuis des années à... Berlin, suite à la guerre au Yémen et à l'affaire Kashoggi. Les joies des programmes en coopération et l'un des grands écueils à éviter/contourner sur le SCAF (en théorie un accord franco-allemand a réglé cette question du contrôle des exports). 
L'affaire embarrasse Londres bien entendu, mais aussi Airbus qui ne parvient plus à vendre son appareil, sachant que chaque "défaite" face au Rafale fragilise d'avantage Airbus au sein du partenariat qu'est le SCAF.  

Cela nous amène donc à la véritable question: l'intérêt saoudien pour le Rafale est-il réel ? Ou sert il simplement de moyen de pression sur Berlin dans le but de débloquer le dossier des Typhoon ? Ou même auprès des Américains, les Saoudiens lorgnant sur le F-15EX. Il faut par exemple noter que la rumeur Rafale a souvent été reprise par la presse anglo-saxonne pour pousser le déblocage des dossiers Typhoon ou F-15.
Le risque est bien réel pour la partie française de ne servir que de lièvre dans cette histoire. Mais dans le même temps, n'aurions nous pas grand tort de nous priver d'une telle opportunité ? 


mercredi 13 septembre 2023

The Exploration Company remporte un premier contrat absolument historique


The Exploration Compagny, la toute jeune entreprise franco-allemande basée à Munich et Bordeaux, a signé avec Axiom Space un pré-contrat de plus de 100 millions de dollars pour le ravitaillement de la future station privée américaine dès la fin de 2027.

Ci-dessus: La capsule Nyx - © The Exploration Company.


"Historique". Une nouvelle étape -et quelle étape, digne des plus grands mastodontes du secteur !- de franchie dans ce pari osé qu'est The Exploration Company. La start-up franco-allemande, hébergée à Mérignac chez Bordeaux Technowest, emploie désormais une centaine de personnes, et enchaine surtout les jalons qui la portent vers l'aboutissement de son projet : la première capsule ("Nyx") européenne issue du monde privé. Une capsule réutilisable qui pourrait bien être habitée un jour. 

Après avoir réalisé la plus importante levée de fonds du New Space européen en début d'année (40 millions d'euros), voilà que The Exploration Company a conclu en cette rentrée 2023 un accord de pré-réservation avec la société américaine Axiom Space, elle-même pionnière dans le domaine des stations orbitales privées. Si la coopération aboutit (plusieurs étapes techniques doivent être validées, notamment en 2025), avec dit-on plus de 100 millions de dollars en jeu, la capsule Nyx livrera à parti de fin 2027 près de 4 tonnes de fret en orbite basse lors de chaque voyage. Les premiers éléments de la station d'Axiom, fabriqués par Thalès Alenia Space, seront normalement lancés en 2026.

Hélène Huby, qui dirige la start-up, aime à répéter dans les médias qu'elle se verrait bien en "CMA-CGM de l'espace", le marché du fret en orbite -et vers la Lune- devant selon les prévisions littéralement exploser au cours de la décennie 2030-40, atteignant possiblement les 100 milliards de dollars annuels.
Avec ce partenariat, qui représente un vrai succès pour le spatial européen, et ce à plusieurs titres, The Exploration Company s'inscrit donc déjà dans le nouvel écosystème logistique qui se prépare pour l'orbite basse, alors que la vénérable Station Spatiale Internationale entre quasiment en pré-retraite (fin de service prévue pour 2030). Cela lui permet surtout, elle qui prévoit de nouvelles entrées de financements dans les prochains mois, de continuer sereinement le développement de son système "agnostique" capable d'être lancé par tous les lanceurs lourds du marché

Notons aussi un élément important. L'aspect "low carbon" de la capsule Nyx (procédés de fabrication, ou carburant utilisé) semble avoir joué dans le choix final d'Axiom. Un élément qu'il est désormais bon de prendre en compte dès les phases de design des systèmes. 

Ce succès, qui fait de The Exploration Company la première entreprise du New Space en Europe, évoluant sur le territoire de cadors comme Thalès Alenia Space et Airbus, doit nous rappeler que le futur de l'économie spatiale se joue en bonne partie chez les acteurs privés. Mais alors, où est l'Europe institutionnelle ? Où est l'ESA ? 
En effet, si The Exploration Company est allée remporter une victoire sur les terre du géant SpaceX, elle peine encore à voir des opportunités en Europe, où le volet exploration spatiale semble désormais dans le brouillard le plus complet. Les différentes déclarations lors du Salon du Bourget ne sont d'ailleurs pas là pour rassurer : les entreprises sont ainsi encouragées à investir sur fonds propres, en particulier sur des projets de station orbitale privée. Ou si l'on traduit, les agences spatiales du vieux continent sont prêtes culturellement pour l'achat de service, mais ne financeront pas de développement. Un pari très risqué qui pourrait principalement mettre en danger les mastodontes du secteur.

The Exploration Company, qui s'inspire non seulement des réussites américaines récentes dans le spatial, mais également des grands explorateurs et pionniers qui ont fait l'Histoire de l'humanité, n'a elle pas attendu pour prendre l'initiative. Il est presque dommage que son premier grand succès vienne des Etats-Unis.

mercredi 1 février 2023

The Exploration Company lève 40 millions €, record du New Space européen


La startup The Exploration Company, basée à la fois à Munich et à Mérignac, n'a qu'un an et demi d'existence. Sa trajectoire est pourtant nominale. En effet, l'entreprise qui entend commercialiser un véhicule spatial de fret vient de lever 40,5 millions d’euros. Un record en Europe, et une exception dans le monde. 

Illustration: la capsule "Nyx" de The Exploration Company.


Vous l'ignorez peut-être, mais la toute jeune The Exploration Company fera partie des premiers passagers à embarquer sur Ariane 6 (à la fin de l'année, croisons les doigts). Son démonstrateur "Bikini" fera en effet partie du voyage inaugural du nouveau lanceur lourd européen. La suite de cette roadmap devrait voir voler un second démonstrateur dès la fin 2024 (chez SpaceX cette fois), et la capsule "Nyx", dans sa version finale, en 2026, avant de peut-être envisager une mission de ravitaillement lunaire en fin de décennie. 

Cette histoire n'a pourtant commencé qu'à l'été 2021, lorsque l'entreprise, qui emploie désormais une cinquantaine de personnes entre Bordeaux et Munich, est fondée par Hélène Huby, une ancienne d'Airbus Defence & Space.
Son idée est la suivante: développer, entièrement sur fonds privés, un système réutilisable de cargo spatiaux qui seront à même, à relativement moyen terme, de desservir jusqu'à la Lune. Ce véritable vaisseau de fret est composé d'une capsule et d'un module de service. 

Je cite ici la Lune, mais ce sont bien avant tout l'ISS (l'Europe n'a plus de vaisseau ravitailleur depuis 2014 et  l'ATV) et, surtout, le marché des futures stations spatiales (publiques comme privés) qui sont visés. 


Ce mercredi 1er février donc, la start up implantée à Mérignac annonce une levée de fonds de 40,5 millions d’euros, la plus grosse série A du secteur en Europe. Cela en fait aussi et surtout le premier vaisseau au monde à être entièrement financé sur fonds privés*.

Ces fonds permettront de poursuivre le programme du deuxième démonstrateur, "Mission Impossible", et également, de recruter (sur la question RH, et la culture de cette entreprise, je recommande de visualiser l'intervention ci-dessous). 

Le modèle de développement de The Exploration Company, qui en rappelle un autre, mais sans l'argent public américain cette fois, permet à l'entreprise d'envisager tous les possibles pour la suite, y compris dans les années 2030, le vol habité. Mais 2030 dans le secteur spatial, c'est déjà un autre monde.  


Je vous invite à découvrir une présentation du projet, enregistrée lors du symposium européen de Way4Space à Bordeaux, en octobre dernier : 

                      



*Information pour les curieux: du côté des micro-lanceurs, les dirigeants des entreprises françaises Latitude (Reims) et HyprSpace (Bordeaux) ont donné dans les médias les chiffres des fonds qu'ils estimaient nécessaires pour mener à bien leur projet jusqu'au premier lancement commercial. Ce sera 140 à 150 millions d'euros pour Latitude. 40 millions pour HyprSpace.


lundi 5 décembre 2022

Voici venir la 6ème génération


Northrop Grumman et l'US Air Force ont très officiellement lancé vendredi 2 décembre, avec la présentation du bombardier stratégique furtif B-21, l'ère de la "6ème génération" de l'aviation militaire. La même semaine, en Europe, les projets SCAF et Tempest faisaient l'objet d'annonces significatives. 

Images: Northrop Grumman/US Air Force.


"6th Gen": ce terme très marketing (d'autant plus qu'on définit encore mal ce que sera cette fameuse sixième génération, la cinquième étant marquée par la consécration de la fusion de données), soyez prêts à l'entendre de plus en plus couramment désormais. 
Il concerne "notre" SCAF (système de combat aérien futur) et une pincée de projets semblables dans le monde. Il concerne surtout en premier lieu les programmes américains comme ce bombardier stratégique furtif B-21, ou le fameux NGAD (next generation air dominance), dont le chasseur de nouvelle génération, sorte d'anti-F35 dans l'idée, aurait bel et bien volé ces derniers mois, dans le plus grand secret. 

Développé depuis -seulement- 2015 par Northrop Grumman, le B-21 "Raider" se veut le successeur du mythique B-2 (et du B1) au sein de l'US Air Force. Nous parlons ici d'un bombardier stratégique furtif, capable donc de délivrer le feu nucléaire. Au même titre que le vénérable B-52, lorsque de tels appareils décollent, même pour des missions conventionnelles, c'est que l'Amérique envoie un message clair. 

Cette première sortie du B-21, teasée depuis des semaines, en a finalement peu révélé sur l'appareil, mais s'il s'agit bien comme attendu, d'une aile volante quadriréacteur, de taille plus réduite que celle du B-2. L'appareil reste -et restera- très secret, ses entrailles renfermant la grande partie de ses technologies clés. 

On peut cependant parier sur une furtivité améliorée, une allonge sans précédent, une électronique sans équivalent dans le monde… et, c'est important, la promesse d'une maintenance bien moins lourde (grâce aux technologies de l'industrie 4.0) que celle nécessaire pour le B-2.

Rappelons que le coût du programme s'élève à 80 milliards d'euros, que 80 à 100 bombardiers seront produits. Six sont actuellement à l'assemblage. Le coût d'un B-21 s'élèverait à 700 millions de dollars pièce (on parlait plutôt jusque ici, avec exagération sûrement, de deux milliards par avion)… ce qui ravira les fana de la loi d'Augustine !

Le B-21 devrait voler pour la première fois au début de l'année 2023. En attendant d'en savoir plus du côté du NGAD...


En Europe, accord conclu pour de bon sur le SCAF

Cette semaine historique dans l'histoire de la "6ème génération" de l'aviation de combat (je n'invente rien, les Américains le revendiquent ainsi dans leur communication) nous rappelle, presque brusquement, le niveau d'avance technologique des forces américaines. Vingt ans. Au bas mot. 

Brusquement car rappelez vous, sous la menace technologico-économique du F-35 (vendu à quasiment toute l'Europe) et de son écosystème, la France s'était montrée pro-active en poussant l'Allemagne à se lancer dans un programme de coopération européenne sur la 6ème génération, et ce dès 2017: le SCAF, ou FCAS à l'international (il y eu bien un premier FCAS, franco-britannique entre 201' et 2017). 
Un projet, pas encore programme, qui suit bon gré mal gré son cours aujourd'hui, malgré un embarrassant temps mort de plus d'un an. 

Après le vrai-faux accord de la mi-novembre, annoncé par Airbus et les partenaires allemands et espagnols, mais démenti par Dassault Aviation en France, l'accord sur la nouvelle phase d'études du SCAF a bel et bien été signé. C'est ce qu'a confirmé Dassault jeudi 1er décembre, par voie de presse puis par communiqué officiel.  

Rappelant dans Le Figaro que « Le SCAF est un projet politique lancé par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel en 2017, et au point mort depuis l'été 2021 », Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a finalement annoncé l'accord qui confirme pour l'avionneur Français le rôle de maître d'œuvre et d'architecte du futur chasseur de 6ème génération, pièce centrale du futur système de combat aérien européen. 

L'accord ouvre la voie à la prochaine phase d'études, dite 1B, pour préparer le développement d'un démonstrateur, qui devrait voler vers 2029 (nous avons donc glissé de 3 ou 4 ans). 


Dassault Aviation, qui surfe à raison sur le succès du Rafale (la rumeur bruisse aujourd'hui sur un énorme contrat en Arabie Saoudite), aurait eu tort de lâcher prise, sur la propriété industrielle notamment, et semble se satisfaire de cet accord qui le confirme comme maître d'œuvre… tout en le consacrant donc comme champion de l'aviation de combat européenne, au sein d'un pays qui met en œuvre une force aérienne stratégique ainsi qu'une aéronavale. 

Ce qui nous amène donc à rebondir sur l'annonce américaine et la 6ème génération. La coopération européenne est un chemin semé d'embuches, de divergences culturelles, voire d'incompréhensions quand il ne s'agit pas  directement -et trop souvent- de contradictions ou de coups bas. 
Cependant, si le SCAF est bien le projet ambitieux "de 6ème génération" que ses initiateurs prétendent, celui-ci aura un coût: 80 à 100 milliards d'euros, soit le double du programme Rafale (qui a lui moins coûté que le programme de coopération Eurofighter). Il est donc vital de fédérer au plus vite autour d'une architecture politique et industrielle qui permettra de garantir la cohérence du projet, en particulier en ce qui concerne cette question du chasseur de nouvelle génération. D'autant plus que les coûts devront absolument être maitrisés si l'on tient à éviter l'écueil d'une réduction de la flotte de combat, qui ne doit pas être une fatalité.

Avec pourquoi pas l'intégration, plus tard, de junior partners, y compris hors Europe (pays du Golfe, Inde). 

Et oui, il y a toujours cette idée d'un plan B franco-français, autour par exemple, d'un "Super Rafale" qui couterait moins cher, et arriverait plus tôt. Mais le plan B est bien ce qu'il est: un plan de secours qui ne signifierait ni plus ni moins que l'abandon des ambitions technologiques initiales. 


Un mot sur la team Tempest

Décidemment. Ce vendredi 2 décembre fut aussi le jour de l'annonce d'une collaboration internationale sur le Tempest (pour résumer: le SCAF britannique). L'annonce d'une annonce en réalité, puisque nous devrions en savoir plus dans les jours qui viennent sur ce qui pourrait bien être l'intégration du programme japonais F-X (Mitsubishi) au programme britannique Tempest, dont BAE Systems a la maîtrise d'œuvre, et qui associe déjà officiellement l'Italie (via Leonardo).

Deux questions subsistent: la première concerne le véritable niveau d'ambition du Tempest, qui, même avec les Japonais (ou surtout avec les Japonais), ne pourrait au final constituer qu'un pilier international du futur NGAD américain. Tout cela reste aujourd'hui assez nébuleux et nous attendrons donc avec impatience de nouveaux éléments.

L'autre question est celle du rôle de la Suède, étonnamment absente de la dernière annonce sur le Tempest. Quelle sera sa place dans cette équation ? Le nouveau contexte stratégique en Baltique relance t-il Saab dans la recherche d'un meilleur partenariat en Europe ? 
Un axe SCAF-Stockholm n'est pas, ou plus, à écarter, car il y aura à court terme dans les forces européennes la place pour un appareil léger monoréacteur, le fameux "compagnon trainer" demandé par certains stratèges. Un appareil apte à la formation des pilotes, au red air, ou même à des missions de défense en environnement moins contesté.    


lundi 21 novembre 2022

SCAF: désaccord sur l'accord

Too big to fail ? Imbroglio sur le SCAF, qui n'en avait pas besoin. La partie allemande semble avoir un peu précipitamment annoncé un accord industriel concernant la prochaine phase de développement du programme de système de combat aérien futur européen. Calcul politique ou non, il semble bien néanmoins que l'accord sera effectivement signé dans les prochains jours. 

Illustrations: l'accord sur le SCAF tel qu'annoncé par les partenaires européens.


Décidemment, cela fait quelque temps, bientôt deux ans déjà, que la communication autour de SCAF a pris un ton essentiellement politique, pendant que dans le même temps, les industriels (en premier lieu Dassault Aviation et Airbus) bloquent sur les termes du partage industriel qui concerne(ra) la pièce centrale du système: l'avion de combat de nouvelle génération (ou NGF). 

Soyons bref : vendredi 18 novembre, après un teasing de la part de responsables dans les jours qui avaient précédé, l'Allemagne, puis Airbus (Allemagne), puis Indra (Espagne) annonçaient tour à tour un accord industriel concernant la prochaine phase du programme. L'Elysée confirmait à demi-mot dans la soirée, par voie de presse. 

En revanche, silence assourdissant du côté de Dassault Aviation. Cela pour la simple et bonne raison qu'il n'existe en réalité pas d'accord. Ou pas encore. 

En effet, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a confirmé ce matin sur RTL ce que la presse spécialisée française a dénoncé durant le week end: l'accord industriel n'est pas effectif, et la communication allemande est avant tout la conséquence de mouvements politiques propres à Berlin et à ses processus décisionnels bien moins verticaux que chez nous (sans compter que l'on soupçonne Airbus d'en avoir profité pour avancer ses pions, mettant la partie française, Dassault, devant le fait accompli).

Pour Eric Trappier, "Il y a une pseudo-annonce politique qui a été faite. Je pense que les autorisations allemandes - qui étaient difficiles à obtenir - sont sorties et ça a donné lieu à des fuites. Ce n'est pas encore tout à fait fait". Il confirme cependant durant son interview que l'accord est effectivement en bonne voie, peut-être même pour une signature dans la semaine. 

Dans tous les cas, il ne s'agira que d'une nouvelle étape de franchie. Il en reste de nombreuses, mais pour un programme estimé entre 80 et 100 milliards d'euros, la marge de manœuvre s'amenuise, et ce pour tous les acteurs. Dans le même temps, l'avion de combat américain de 6ème génération (programme NGAD) aurait volé. 

Pour plus de détails, sur les sujets qui coincent notamment, je vous invite à consulter les articles précédents sur ce sujet. Et pour la suite, rendez-vous, donc, à courte échéance, une fois que le fameux accord aura été conclu. 


vendredi 1 juillet 2022

SCAF : la nécessité d'un arbitrage politique

Voilà près d'un an que le dossier stratégique du SCAF (système de combat aérien futur) n'a pas connu d'avancées significatives. La dernière grande étape en effet, fut l'accord politique validé par l'Allemagne à l'été 2021. Depuis, les discussions entre industriels sont dans l'impasse, tandis que les sorties médiatiques s'enchaînent. L'été sera chaud.

Illustration: l'insoluble équation tourne autour du futur chasseur - montage Pax Aquitania


Cette semaine à Mérignac, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a de nouveau mis en garde: si le dossier SCAF n'avance pas, en raison principalement des mésententes franco-allemandes avec Airbus Defence & Space, l'avionneur français saura proposer seul une solution. 

Le débat tourne principalement autour du partage technologique concernant les commandes de vol du futur chasseur, véritable joyau de la couronne chez Dassault Aviation. D'autres paquets de l'accord ont bien été validés (voir précédents articles sur ce blog) au début du printemps 2021. La ligne rouge est claire: pas de codéveloppement, et une solution du best athlete qui prime. Cela semble s'opposer frontalement à la stratégie allemande, qui n'est même plus cachée, d'acquisition de compétences.
Et sur la question du "NGF" (next generation fighter), le best athlete, c'est bien évidemment Dassault qui peut légitimement s'appuyer sur l'Histoire et un programme Rafale qui mène de plusieurs longueurs sur son opposant Eurofighter. 

Or, on le comprend, la stratégie de Dassault Aviation est de maintenir une pression ferme sur Airbus, et plus généralement, la partie allemande. Cette pression, elle est aujourd'hui incarnée par le fameux "plan B". Avec un argument selon lequel la France (puissance nucléaire, et puissance aéronavale, des données qui comptent) a déjà connu cette situation par le passé, et saura de nouveau s'en sortir, en faisant un avion seul si besoin est. Elle saura également, toujours selon ce discours, le financer. 

Mais c'est bien là le problème du plan B. Tous les scénarios le concernant amènent à déduire qu'un tel programme, mené seul donc, conduira fatalement à une réduction drastique des ambitions initiales. Cela, l'opérationnel est-il enclin à l'accepter ? Et le politique ? Que deviendra le système de systèmes si la France fait cavalier seul (il faudra d'ailleurs le standardiser OTAN, a minima) ? Et ses effecteurs déportés (les fameux remote carrier) ?

Deux choses: 

Premièrement, il va s'agir de déterminer dans quelle mesure le nouveau contexte stratégique européen influe sur le dossier. L'Allemagne se découvre de nouvelles ambitions après les annonces militaro-financières du mois de mars au Bundestag, ce qui la place -supposément- en position de force. Cela ne durera à mon humble avis qu'un temps, relativement court, tant le pays est culturellement désaxé en matière de questions stratégiques (c'est même générationnel désormais). Alors certes, mais le temps manque désormais, et l'Europe connaît la guerre.
De plus, même dans ce contexte, Airbus DS n'est pour l'instant pas gagnant, et doit se battre à domicile contre ces lignes budgétaires tout entières qui vont droit à l'industrie américaine. 

Deuxièmement, quid du politique ? Ces joutes verbales entre industriels ne sont pas éternelles et à la fin, ce sera aux dirigeants d'arbitrer. Le principe du best athlete avait été validé politiquement du temps d'Angela Merkel. Il est pourtant remis en cause chez Airbus DS aujourd'hui (qui a changé de PDG entre temps), et en Allemagne plus globalement. Enfin, on oublie souvent qu'il y a un troisième partenaire, espagnol.
Notre nouveau ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ne s'est pas encore exprimé publiquement sur le sujet, concentré sur la tâche "économie de guerre pour la BITD", mais il est plus probable que la clé se situe plutôt du côté de l'Elysée que de Balard.

Quoiqu'il en soit, les prochains mois seront déterminants pour un programme qui selon Eric Trappier a déjà pris 5 à 10 ans de retard. C'est en effet l'horizon 2045-2050 qui est visé mais là encore, il s'agit d'un discours qui ressemble surtout à un gros coup de pression.


Enfin, on se rassurera comme on peut en observant que côté britannique, le programme Tempest n'avance guère plus, avec quelques couacs remarqués. Arrive t-on à la fameuse bascule qui verra ces programmes se rejoindre ? Encore improbable, et de toute manière trop tôt pour le dire… sachant que l'on cherche avant tout aujourd'hui à éviter de complexifier d'avantage l'équation. 


lundi 14 mars 2022

L'Allemagne va remplacer ses Tornado par des F-35


Retournement prévisible à Berlin, qui éjecte finalement le F/A-18 Super Hornet au profit du F-35A dans le programme de remplacement de ses avions d'attaque Tornado. Un choix très atlantiste qui ne remet cependant pas en cause le programme européen SCAF. 

Ci-dessus: F-35 et Typhoon de la RAF britannique. Un binôme que l'on pourra aussi voir en Allemagne en 2030. 


D'abord une révélation dans la presse ce matin. Puis une annonce officielle en ce lundi après-midi: l'Allemagne fait le choix du F-35 pour le remplacement de ses Tornado avant 2030. On parle d'une grosse trentaine d'appareils à ce stade, sans précisions. 

Trois (voire quatre) enseignements :
  • Washington a tout fait ou presque pour torpiller l'offre de Boeing (le F/1-18 Super Hornet tenait en effet la corde sur ce marché en 2020) en ne permettant pas à son appareil d'emporter la bombe nucléaire de l'OTAN, la fameuse B-61 (objet à vocation purement politique aujourd'hui)...
  • … car oui, les Allemands justifient leur choix par la capacité d'emport de la B-61 par le F-35. Le "Nuclear sharing" est assuré.
  • Berlin réaffirme son engagement dans le programme européen SCAF.
  • l'Allemagne commandera d'autres Eurofighter à Airbus, avec une version de guerre électronique. Cette capacité aurait dû initialement être comprise dans la commande de F-18, avec quelques versions "Growler". 

Un danger pour le programme SCAF ?

Disons le franchement, le choix du F-35 en Allemagne n'est pas une grande nouvelle de notre point de vue français. C'est surtout un mauvais signal qu' Angela Merkel a semble t-il tout fait pour éviter d'envoyer, laissant cette responsabilité à la nouvelle coalition au pouvoir. La crise ukrainienne n'y change rien.

Et avec des F-35 partout à ses frontières (Belgique + Pays Bas, Allemagne, Suisse, Italie), il ne manque désormais plus que l'Espagne, qui aura elle un jour bien le besoin de remplacer les Harrier de son aéronavale. Il n'y aura pas 35 36 choix, ce sera le F-35B. 

En bref, les partisans français d'une Europe de la Défense souveraine s'arrachent les cheveux, car avec le F-35, ces pays de l'OTAN s'engagent dans une longue et difficile relation avec Lockheed Martin. Transferts de données tactiques, dépassements de coûts, et autres problèmes de maintenance à prévoir… mais cela, nous l'avons déjà développé. Et leur choix doit être respecté.   

Faut il s'inquiéter pour le programme SCAF (système de combat aérien futur) donc, dans lequel France, Allemagne et Espagne sont à ce stade engagés ?
Berlin réaffirme aujourd'hui son engagement dans ce programme. Il faudra bien remplacer en Europe tant les Rafale que les Eurofighter, mais politiquement, Olaf Scholz va devoir donner certaines garanties à la partie française, en poussant par exemple Airbus à enfin valider la notification de la phase 1B du SCAF qui doit mener au développement du démonstrateur NGF (next generation fighter). 

Les autorités françaises n'ont pas encore réagi. Ni Dassault Aviation qui ne cesse d'alerter -encore ces derniers jours- sur un choix allemand du F-35. 

Nous attendons donc une réponse rapide, sans quoi l'ambiance autour du SCAF pourrait largement se détériorer. Or, ce n'est plus le moment de se perdre en hésitations.


lundi 7 mars 2022

Dassault Aviation au sommet, mais inquiet au sujet du SCAF


Avec le Covid qui s'éloigne dans le rétroviseur, Dassault Aviation confirme son année 2021 exceptionnelle. Portée par le Rafale, 2022 s'annonce encore plus folle. Mais des choix stratégiques se présentent. 

Source: Dassault Aviation


Dassault Aviation présente comme on pouvait s'y attendre des résultats 2021 en hausse. Ce fut en effet une année exceptionnelle durant laquelle 100 appareils ont été commandés pour 12,1 milliards d'euros: 49 Rafale et 51 Falcon. Le chiffre d'affaires du groupe s'établit lui à 7,2 milliards d'euros. 

On notera donc que l'avionneur n'a pas inscrit à son résultat 2021 les commandes Rafale des Emirats (80), de l'Indonésie (42), ou encore du supplément grec (6). Il y a d'ores et déjà du lourd pour les chiffres de 2022 donc.

30 Falcon et 25 Rafale ont été livrés (l'Indian Air Force a par exemple quasiment toute sa flotte). 

Concernant ces derniers, Eric Trappier, PDG, confirme que l'on va bientôt passer à une production de 3 appareils par mois à Mérignac, même si "seulement"13 Rafale seront produits cette année 2022. 

Pour la France, Dassault Aviation compte sur l'année 2023 pour la commande de la Tranche 5 du Rafale (42 avions pour l'instant), à livrer à partir de 2027. 

Il réalisera aussi les commandes de vol de l'Eurodrone. 

D'autre part un 4ème Atlantique 2 a été modernisé chez Dassault, tandis qu'un 5ème (sur 7) est en phase finale.

Sur le système de combat aérien futur, le SCAF, le groupe commence ouvertement à se montrer impatient, via la parole d'Eric Trappier, qui considère que si la Phase 1B du développement n'a pas encore été notifiée, c'est en raison de l'absence de décision chez Airbus DS en Allemagne. Le PDG évoque d'ailleurs des retards actuels qui seront forcément la cause de retards futurs sur la production du NGF (next generation fighter) prévue pour 2040 dans son standard initial. 

En bref, la pression est mise sur Airbus pour une signature rapide. 

Tout cela pourrait aujourd'hui largement dépendre du nouveau contexte stratégique qui voit l'Allemagne se lancer dans un immense effort de modernisation de sa défense. Au profit du F-35 et du SCAF en même temps ? La question concentre à la fois les inquiétudes et les espoirs.


lundi 28 février 2022

L'Eurodrone en retard d'une guerre ?


L'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne ont enfin signé le contrat de 7,1 milliards d'euros pour le développement du futur drone MALE européen, avec Airbus pour maître d'œuvre. Mais dans un contexte stratégique totalement bouleversé, la nouvelle n'est franchement pas accueillie dans la liesse. 


Cela fait 7 ans que le projet de drone européen a été dévoilé. 7 ans Déjà. Mais trop cher, trop complexe, le programme a dû être revu et corrigé, avant que les Etats participants (France, Allemagne, Italie, Espagne) acceptent enfin, presque à reculons, de s'engager. C'est donc jeudi 24 février 2022 que l'annonce est tombée. Le programme Eurodrone est sur les rails. Oui, 24 février 2022, le premier jour de l 'invasion russe de l'Ukraine. Le premier de la nouvelle Europe. 

On le sait, l'Europe est dépendante des drones militaires étrangers. Américains, d'abord, mais encore israéliens, chinois, turcs… Pourtant doté de potentiels industriels qui auraient largement dû combler ce retard, et depuis longtemps, le dossier s'est éternisé, pour accoucher d'un programme qui sur le papier, ne convainc que peu d'observateurs à ce stade.

Le contrat d'un montant de 7,1 milliards d'euros (facture en baisse par rapport au chiffre donné il y a un an) a été notifié via l'organisme européen de coopération en matière d'armement (Occar) à Airbus Defence & Space, qui sera épaulé par Leonardo et Dassault Aviation

Il prévoit la production de 20 systèmes, soit 60 drones, ainsi que leur entretien durant les 5 premières années. L'Allemagne en recevra 21, l'Italie 15, la France et l'Espagne 12 chacune.

Le drone arrivera en fin de décennie, et générera 7 000 emplois. Il reste encore à déterminer qui le motorisera, Safran ou Avio.  

Pour les spécificités techniques:

Cela étant dit, deux questions se posent: l'Eurodrone arrive t-il trop tard ? Est-il technologiquement à même de répondre à nos besoins ? 

A la première question, la réponse semble évidente: l'Europe est, littéralement, en retard d'une guerre. Elle a voulu son Reaper alors que le temps des grands déploiements sur théâtre de "basse intensité" semble s'achever, et que s'ouvre une nouvelle ère stratégique.

Attention toutefois, le front est de l'Europe est actuellement le royaume des Global Hawk de l'US Air Force, qui cherchent à glaner un maximum de renseignements sur les activités russes. Dans ce cadre, un grand drone MALE comme l'Eurodrone aurait son rôle à jouer. Egalement pour patrouiller le front sud, la Méditerranée. Mais aujourd'hui le temps presse terriblement. Nous aurons à coup sûr besoin de d'avantage de drones américains. 

A la seconde question, il est tentant de répondre que l'Eurodrone, bimoteur de 10 tonnes et 30 mètres d'envergure, a tout du programme-piège, trop lourd et trop complexe pour se dérouler sans accroc, dans les temps, et sans dépassement de budget. 

Les industriels engagés, Airbus en tête, promettent le "système de drone le plus avancé de sa catégorie" et surtout pas "le drone d'avant-hier". Dont acte. Il s'agira pour cela de ne pas figer son développement dans le présent, et de véritablement anticiper 2030. Le nouveau contexte qui se présente à nous n'offre désormais aucune marge d'erreur. 

Je reste personnellement convaincu que les Européens ont besoin d'une telle plateforme souveraine, un grand drone à même de survoler les frontières du continent, et de frapper. Et en ce qui concerne ce programme comme tous les autres, je suis convaincu également que l'ensemble des acteurs qui font l'Europe de la Défense savent désormais qu'il en va de notre destin commun.

En attendant, l'armée de Terre recevra en fin d'année le Patroller de Safran. Là encore, plus aucun délai n'est désormais permis.

En parallèle, quid de la question des munitions rodeuses ?

Enfin, il n'est pas encore trop tard, loin de là, pour penser à se lancer dans l'aventure du drone de combat furtif, en se reposant sur les acquis du démonstrateur Neuron. 


lundi 21 février 2022

Chez Airbus, premier largage en vol d'un "remote carrier" depuis un A400M


Airbus Defence & Space a mené un essai en vol fondamental dans le cadre du programme de système de combat aérien futur. Un A400M a largué un drone avec succès, préfigurant de l'avenir du combat collaboratif. 

Source: Airbus Defence & Space


Les équipes d'Airbus DS en Allemagne viennent de mener un test déterminant pour les futurs capacités du FCAS (Future Combat Air System, ou SCAF chez nous). En effet, après plusieurs mois de préparation, un gros porteur militaire A400M a déployé un drone depuis sa rampe de chargement arrière. Tout cela bien sûr, en vol. 

Sur le papier, il n'existe pas de moyens infinis de lancer un effecteur déporté (ou remote carrier dans le jargon): soit l'aéronef dispose des éléments nécessaires pour être autonome sur piste - voire catapulte - tant pour le décollage que pour l'atterrissage, soit il peut être déployé directement en vol par un chasseur, à condition bien sûr que son gabarit n'excède pas celui d'un missile de croisière comme le SCALP. Dernière solution, le larguer, possiblement en essaim, depuis un plus gros avion, comme le C-130 ou l'A400M, qui deviendrait littéralement un "porte-drones".  


Pour cette démonstration depuis l'A400M, Airbus DS a collaboré avec la Luftwaffe. Le nouveau Modular Airborne Combat Cloud Services (MACCS), également un produit d'Airbus, a permis une connectivité complète entre l'avion de transport et le drone. Tout au long du test, le drone était connecté et transmettait des données à « l'avion mère ». 
Ce transfert de données illustre comment les effecteurs déportés peuvent être connectés à un cloud de combat, jouant le rôle de senseurs/capteurs sur le champ de bataille, tout en leur permettant d'être commandés par les opérateurs des avions pilotés pendant leurs missions. Il faudra voir quel niveau d'autonomie attribuer à ces appareils, mais le champ est large.


L'essai en vol réalisé par l'avionneur européen impliquait un drone Airbus Do-DT25. Le drone a fini son vol en parachute, et n'a pas subi de dommage à l'atterrissage. Nous avions déjà pu voir ces démonstrateurs lors de précédents essais, notamment en 2018 pour un vol en essaim de 5 drones (voir lien ci-dessous). Ils ont également volé aux cotés d'un Eurofighter des forces allemandes. 



Airbus, qui est responsable des remote carriers dans le cadre du programme FCAS, a désormais de grands projets pour l'A400M dans ce domaine, expliquant que la soute pourrait emporter jusqu'à 40 drones (!) largables en essaims. Les années qui viennent seront le cadre de diverses expérimentations. 
De surcroit, l'A400M ne joue pas ici le simple rôle de "mule", mais collectant un grand nombre de données, il s'intègre à part entière dans le dispositif de combat.

Les prochain essais en vol sont prévus pour cette année.



Vidéos précédentes sur les préparatifs de l'essai en vol :