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vendredi 30 juin 2023

Quel avion d'alerte avancée pour le SCAF ?

Le remplacement des vénérables AWACS de l'armée de l'Air et de l'Espace n'est pas au programme de la Loi de programmation militaire 2024-30. Il concernera en revanche la LPM suivante puisque leur potentiel sera épuisé vers 2035. A l'âge du SCAF, quels seront donc les possibilité de remplacement ? 

Ci-dessus: le système GlobalEye de Saab - photo constructeur.


Malgré toute leur magnificence, les légendaires "AWACS" (Airborne Warning and Control System), véritables symboles de la puissance aérienne occidentale, auront bientôt fait leur temps. Les Boeing E-3 Sentry -sur une base Boeing 707 militarisée- sont effet âgés d'un demi-siècle pour la plupart. 32 ans pour les 4 appareils en service dans l'armée de l'Air française. 
Leur remplacement est donc acté dans l'US Air Force, la Royal Air Force britannique, et est au cœur d'un important marché pour l'OTAN. 

Avec le temps, ces appareils d'alerte précoce, dont le fameux "rotodôme" porte deux radars multimodes (primaire & secondaire) analysant la situation tactique sur un rayon de 400 km, sont devenus l'un des éléments clés des dispositifs aériens contemporains. Non seulement pour leur rôle d'alerte avancée, mais aussi pour le développement de leurs capacités de C2 (command & control), ces avions étant en effet au cœur du réseau de décisions. On les voit notamment jouer un rôle très important pour l'Alliance Atlantique sur le flan est du continent européen.

Les imposants AWACS de l'armée de l'Air embarquent aujourd'hui un équipage de 18 personnes.


Ces appareils parfaitement reconnaissables arrivent donc en fin de vie opérationnelle chez les Occidentaux, tandis que depuis une grosse vingtaine d'années, de nouveaux Etats cherchent à s'en doter, notamment en Asie et au Proche & Moyen-Orient. 
Sur ce marché, deux acteurs principaux se démarquent (nous mettons de côté les Israéliens, peu de chance de les voir percer le marché français). Nous y trouvons Boeing qui propose en successeur du Sentry le 737 AEW&C/E-7 "Wedgetail", appareil ayant déjà remporté les marchés australien, turc, coréen, britannique et bien entendu américain. Nous y trouvons également le Suédois Saab avec une solution plus légère -les performances restent globalement les mêmes- incarnée par le GlobalEye, solution implantée sur business jet (nous y reviendrons) et héritée du système à succès "ERieye" lancé dans les années 1990. GlobalEye a convaincu, outre la Suède en 2022, les Emirats Arabes Unis dès 2015.

Que l'on soit chez Boeing ou Saab, la nouvelle génération d'AWACS, déjà opérationnelle mais sujette à de prochaines évolutions, s'avère largement plus performante que l'ancienne développée durant la guerre froide. Dans les deux cas, le radar bénéficie d'une portée étendue à 600km, quand les vieux E-3 n'en couvrent que 400. S'agissant de l'avionique, des autres capteurs, et des systèmes de liaisons de données, ils embarquent nativement des capacités que même les dernières modernisations de l'E-3 Sentry peinent à égaler (modernisation entreprise en 2017 pour l'armée de l'Air). 
Et dans les deux cas, ils nécessitent un équipage moins important que l'ancienne génération, une partie des systèmes pouvant d'ailleurs être gérée à distance grâce aux liaisons de données.


En 2023, les deux appareils précités sont en compétition dans le marché de remplacement des 14 AWACS (des E-3 vous l'aurez deviné) de l'OTAN, basés en Allemagne. Un marché où les Américains ne comptaient visiblement pas avoir de concurrence. La Suède elle, candidate à l'entrée dans l'Alliance Atlantique, joue crânement sa chance. 

Cela nous amène donc à la question du remplacement des AWACS français. Celle-ci ne fait pas beaucoup débat aujourd'hui, puisque les appareils sont théoriquement en service jusqu'en 2035. Or, nous bouclons à peine le vote de notre Loi de programmation militaire pour la période 2024-2030. C'est donc au cours des prochaines années, en préparation de la période post-2030, que la question devra être posée: à l'orée de son entrée dans le SCAF, système de combat aérien futur, de quel système d'alerte avancée choisira de se doter la France ? 


Un moyen d'embarquer la Suède dans le SCAF ? 

Pour bien comprendre la problématique, il faut poser sur la table les grands principes du système de combat aérien futur (SCAF), tel que généralement conçu selon l'évolution de la doctrine occidentale, et dans notre cas, française. 

Le combat aérien futur tel que conceptualisé aujourd'hui repose essentiellement sur la notion de combat collaboratif. Chaque pièce du dispositif (du drone au satellite) est ainsi interconnectée à toutes les autres, si bien que la "toile" toute entière est au service de la mission, en temps réel. Au cœur du système, l'humain bénéficie d'une aide à la décision rendue possible par le traitement des données issues de l'ensemble des capteurs.
A la base du SCAF, il y a donc les capteurs -et effecteurs- et la façon dont ils interagissent entre eux. Surtout, l'une des pièces maitresses qu'est l'avion de combat est capable de constituer un "nœud de C2", chaque appareil interprétant donc le rôle d'un "mini-AWACS". 

Toute la mission ne repose donc plus, comme cela peut-être le cas aujourd'hui, sur le seul AWACS, qui d'ailleurs constitue de facto une cible prioritaire pour l'ennemi.

Néanmoins, ce réseau ne peut se passer d'un avion spécialisé, le radar d'un avion de combat n'égalant par exemple qu'une fraction de la surface couverte par les systèmes d'un AWACS dédié. 



La France perdra dans les années 2030, et ses avions de patrouille maritime (les ATL-2), et ses AWACS (le E-3 Sentry). Dans les deux cas, il n'y a aujourd'hui aucune solution française ni même européenne disponible sur étagère*… mise à part le GlobalEye en remplacement des AWACS.
Mais dans la configuration du SCAF, à savoir un réseau collaboratif bien plus distribué que ce que nous connaissons aujourd'hui, aura t-on besoin d'aussi gros appareils que par le passé ? Pas nécessairement. D'autant plus qu'une solution "imposante" comme le Boeing E-7 n'est pas vraiment optimisée (la miniaturisation des systèmes fait en effet qu'à bord d'un appareil comme le Boeing 737, la cabine n'est pas utilisée à son plein potentiel !), et est également bien plus chère si l'on en croît les marchés déjà établis. A budget égal, un business jet permettrait à la fois plus de souplesse dans l'emploi, et éventuellement de pouvoir disposer de plus d'appareils en flotte (oui, on peut rêver), comme c'est le cas par exemple dans le renseignement avec les 3 Falcon 8X "Archange" qui remplaceront 2 Transall Gabriel**. Ceci dit toutefois, on ne réalise pas de posé d'assaut avec un Falcon…

Enfin, le rôle de la Suède. 

Initialement partenaire du programme britannique Tempest (qui associe aujourd'hui Italiens… et Japonais), la Suède a plus récemment semblé prendre de la distance avec le programme concurrent de notre SCAF "continental" (France, Allemagne, Espagne… et Belgique en observateur). 
Au regard de la situation géostratégique du pays (il est européen), de la performance reconnue de son industrie de défense (voir la victoire récente de Saab sur le marché des systèmes de guerre électronique de la Luftwaffe), ou encore des programmes menés en partenariat par le passé, comme le démonstrateur de drone de combat furtif nEUROn dont le maître d'œuvre était Dassault Aviation (démonstrateur qui aura visiblement un héritier au sein du SCAF), il y a naturellement matière à penser que Stockholm, et en particulier Saab, ont peut-être une carte à jouer au sein du SCAF, étant susceptibles d'apporter de véritables briques à l'édifice. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde en Europe.


Et pourquoi pas sur Dassault Falcon ?

Dans notre scénario d'élargissement du SCAF, un seul pays européen propose donc une solution éprouvée en matière d'alerte avancée: Saab avec son GlobalEye.

Petit bémol à ce projet. L'avion porteur du système est aujourd'hui un business jet certes, mais un business jet canadien: le Bombardier Global 6000. Depuis les années 1990, Saab a fait le choix d'installer son système sur plusieurs porteurs, tous dans la gamme des avions d'affaires. Ces avions sont au nombre de 4. Il s'agit du Bombardier Global 6000 donc, mais aussi du Saab 340, du Saab E-2000, et de l'Embraer 145H.
Le Global 6000 est un "gros" jet, aux performances assez remarquables. Ceci dit, la totalité de ses capacités seront bientôt dépassées par un nouvel appareil qui entre à peine production pour le marché civil. Le Dassault Falcon 10X, "le plus grand, le plus avancé, et le plus spacieux" des business jets.  


Les performances affichées par le dernier né chez Dassault Aviation en terme d'endurance, rayon d'action, vitesse… mais aussi espace cabine (primordial dans notre cas d'espèce), laissent augurer d'un formidable potentiel pour un avion de missions. Sans parler d'une empreinte logistique sans commune mesure avec celle d'un Boeing. 

De là à imaginer le partenariat franco-suédois autour d'un Falcon 10X "GlobalEye"... il n'y a qu'un pas que nous ne franchirons pas aujourd'hui ! 




*S'agissant de la PATMAR, on sait depuis cet hiver 2023 que la DGA a ouvert la compétition entre Dassault Aviation et Airbus. L'heureux élu sera l'A320néo (Airbus) ou le Falcon 10X (Dassault). Là encore, ce sont deux philosophies qui s'opposent.

**Une précision sur le programme Archange et la solution intérimaire SOLAR. Les Transall Gabriel de renseignement étant retirés du service depuis 2022, et les Falcon 8X de remplacement n'arrivant qu'à partir de 2028, la DRM va utiliser une solution intérimaire à travers le contrat "SOLAR". Il s'agit ici d'externalisation via le service d'une société (bien connue) spécialisée dans le renseignement. Cette dernière utilisera comme avion porteur un Saab 340, mais le marché n'a pas été passé avec Saab elle-même. Il y a parfois confusion.

mercredi 14 juin 2023

On doute du programme F-35 en Belgique... tout en tentant de rejoindre le SCAF


La Belgique a choisi. Le F-35 au détriment du Rafale ? Oui, mais plus encore: la Belgique fait le choix du programme européen SCAF plutôt que du concurrent "Tempest". Dans une sortie médiatique tout à fait officielle, la ministre de la Défense Ludivine Dedonder annonce la volonté belge de rejoindre le SCAF. Un vrai coup de poker qui sera tenté au salon du Bourget la semaine prochaine. 

Photo: la maquette du "Next Generation Fighter" et ses "remote carriers", au Bourget en 2019.


Cela fait trois semaines que le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, a déclaré lors d'une audition au Sénat -qui concernait la Loi de programmation militaire française- qu'il n'était pas favorable à l'élargissement rapide du programme SCAF (système de combat aérien futur) à d'autres membres, citant notamment les pays européens clients du F-35 américain, et encore plus explicitement la Belgique, qui chercherait dans le SCAF des contreparties industrielles.  


Trois semaines donc, et un silence médiatique quasi absolu en France, où la bataille du partage industriel semble désormais derrière. En Belgique cependant, l'intervention d'Eric Trappier a déclenché une véritable tempête politico-médiatique. Autorités comme industriels ont en effet été choqués que la France, par la voix du PDG du principal avionneur militaire du continent, annonce un rejet aussi catégorique de toute hypothétique participation belge au programme SCAF. 

Pour rappel, le SCAF, c'est un programme annoncé en juillet 2017 par la France et l'Allemagne, et associant dès le départ Dassault Aviation et Airbus Defence & Space. Le programme va par la suite s'ouvrir à d'autres industriels (intégrateurs, motoristes..) et surtout à un troisième pays, l'Espagne. Il aura fallu, pendant des mois, des années, négocier à niveau politique, militaire et industriel sur le partage des tâches, pour enfin obtenir une série d'accords qui doit mener à la réalisation d'un démonstrateur pour l'avion de combat de nouvelle génération (horizon 2028/29), dont la maîtrise d'œuvre est confiée à Dassault. Mais le SCAF, c'est bien plus que ça, avec aussi un cloud de combat, des effecteurs déportés, etc... 

Dès le départ le SCAF "continental" s'est retrouvé face à un projet britannique concurrent, le "Tempest" -renommé depuis… FCAS, soit SCAF en anglais- rejoint par l'Italie, et lié récemment au programme d'avion de nouvelle génération japonais. La Belgique a elle, depuis le départ, annoncé qu'elle étudierait sa participation aux deux programmes. Jusqu'à ce jour… où elle annonce donc sa préférence pour le SCAF.


Le SCAF vu comme une véritable bouée économique

On peut en effet lire depuis le 10 juin dans La Libre que le "vrai contrat du siècle" (sic) n'est pas pour la Belgique celui du F-35 mais bien celui du système de combat aérien futur, dit de "6ème génération". Et avec ce programme "SCAF", on parle effectivement du programme franco-allemand-espagnol, Bruxelles semblant juger qu'il y a plus à y gagner sur le plan économique et industriel qu'avec les Britanniques. Un choix murement réfléchi qui explique peut-être les inquiétudes entendues depuis la sortie d'Eric Trappier au Sénat. 

La ministre belge, que l'on attend la semaine prochaine au salon du Bourget, revient justement sur ce passage, se disant "choquée" par les propos du PDG de Dassault Aviation, accusant par la même la France de jouer à contre courant de l'Europe de la Défense. Lunaire. 

En vérité, que peut à ce stade obtenir la Belgique dans le programme SCAF, outre éventuellement une concession politique (pas impossible, l'Elysée fait plutôt dans la mansuétude) qui la mènerait au statut d'observateur du programme ?
La presse belge regorge pourtant d'interviews ces derniers jours, de la part d'industriels nationaux ventant les apports que pourraient fournir leurs entreprises. Cependant, chez nous, les partages industriels ont été faits, dans la douleur, et les acteurs ont été plutôt clairs à ce sujet. Rien ne bougera plus à court ni moyen terme

Restons ici loin des problématiques opérationnelles (le dossier de l'interopérabilité en particulier), car c'est bien en effet sur le plan économique que l'on peut commencer à déterrer la racine du problème. La Belgique, qui recevra ses deux premiers F-35A (sur 34) à la fin de l'année, en retard et pas forcément au standard attendu, attendait des Américains des retombées très importantes pour son industrie aéronautique. Chose que promettait également la France avec la candidature du Rafale. 
Or, depuis, on déchante, et certains patrons n'hésitent pas à parler de "miettes" (les chiffres parlent d'au mieux 700 millions d'euros, quand des milliards étaient espérés), appelant à ne pas se tromper lorsqu'il s'agira d'obtenir une part du prochain gâteau. Et ce prochain gâteau: c'est le SCAF.

Selon la conjoncture actuelle, il est plutôt facile de conclure que le dossier de la victoire du F-35 en Belgique -qui remonte déjà à 2018- va laisser des traces sur le long terme dans les relations franco-belges. Au Bourget, obtenir un statut d'observateur dans le programme SCAF serait en soi une victoire politique significative. Le ticket d'entrée serait de 350 millions d'euros selon la presse flamande. Un chiffre déterminé par la Belgique elle-même.

Dans cette affaire, le problème de fond réside surtout dans le fait que la Belgique n'a pas besoin d'un avion (elle a le F-35 pour 40 ans). Elle a besoin d'emplois. 


>>>MISE À JOUR SAMEDI 17 JUIN<<<
En Belgique, le conseil des ministres a approuvé vendredi 16 juin la demande de candidature du pays au programme SCAF. A Bruxelles on a directement évoqué l'ouverture de négociations entre les industriels nationaux et ceux des trois pays partenaires au SCAF. Cependant, il n'y aura aucune signature au Bourget, pas même pour un statut d'observateur. La France ferait trainer le dossier selon la presse flamande.

>>>MISE À JOUR MARDI 20 JUIN<<<
Le ministère des Armées confirme l'information délivrée en ouverture du salon du Bourget par le Président Macron. La Belgique va se voir accorder le statut d'observateur au sein du programme SCAF. Le PDG de Dassault Aviation se déclare "satisfait" de la forme de cette participation, même s'il avoue douter d'un besoin belge pour un avion avant 40 ans (car elle a le F-35). A suivre donc, pour voir les réactions ici et là… mais la porte s'ouvre donc pour d'autres partenaires. 


Ces pays qui doutent… 

La Belgique n'est pas le seul pays où se concentrent ouvertement des doutes, quand ce ne sont pas des inquiétudes quant aux surcoûts, à la réalité des compensations industrielles, ou même au processus d'acquisition qui touchent le programme F-35. C'est en particulier le cas en Suisse, qui avait opté pour le F-35 au détriment, notamment, du Rafale en juin 2021.

C'est dans ce contexte que la télévision publique propose un excellent documentaire (visible gratuitement ci-dessous) sur les problématiques qui entourent le choix du F-35 en Suisse. Les journalistes y étendent leurs investigations jusqu'en Norvège. 
On notera qu'en conclusion de celui-ci, un intervenant se pose la question de l'absence de réaction des opinions publiques face aux scandales dans le monde des acquisitions d'armement, affaires qui coûtent des milliards aux contribuables de ces démocraties pourtant exemplaires. Il explique peut-être ce phénomène par une confusion générée par la complexité de ces questions… ce qui ici nous conforte dans l'idée qu'il faut encore -et toujours- mieux informer sur les questions de défense, et plus largement, sur les questions stratégiques. 



jeudi 1 septembre 2022

Des bombardiers B-52 s'entraînent avec l'armée de l'Air au dessus des Landes


C'est la rentrée. Et quelle rentrée ! L'armée de l'Air et l'OTAN ont communiqué ce jeudi sur la tenue hier, mercredi 31 août, d'un exercice d'appui aérien mené en coopération entre la France et l'US Air Force. Fait rare pour être souligné, l'entrainement à impliqué des bombardiers stratégiques B-52. 

Images: OTAN


La sphère défense s'était émue, hier en milieu de journée, du transit depuis le Royaume-Uni de mythiques bombardiers stratégiques B-52 de l'US Air Force. Les appareils ont en effet survolé Bordeaux vers 12h30 ce 31 août. Il était d'ailleurs parfaitement possible de les "tracker" sur les applications de suivi du trafic aérien.

Nous pouvions par la suite voir les appareils effectuer des cercles au dessus des Landes, pendant plusieurs heures (3 en tout).

Des précisions nous sont donc apportées ce matin, sur Twitter, par les comptes affiliés à la Brigade des Forces Spéciales Air et au NATO Air Command. Nous y apprenons qu'un entraînement a bien été mené hier au dessus du champ de tir de Captieux, dans les Landes.

L'exercice a impliqué les forces spéciales françaises (JTAC du CPA 20, et 1er RPIMA), des Rafale du Régiment de chasse 2/30 "Normandie-Niemen" venus de Mont-de-Marsan, 1 drone MQ-9 Reaper en provenance de Cognac, un ravitailleur KC-135 des Forces Aériennes Stratégiques… et bien entendu les deux B-52 de l'USAF.

L'OTAN précise que l'intégration entre les alliés s'est faite depuis l'Italie.

 

mercredi 16 mars 2022

Florence Parly effectue une dernière visite sur la BA 118


Alors que les Rafale de la 30ème escadre de chasse effectuent des patrouilles au dessus de la Pologne depuis les premières heures du conflit ukrainien, la ministre des Armées Florence Parly était lundi sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan.


A quelques semaines de la fin de leur mandat, la ministre des Armées Florence Parly et la ministre déléguée Geneviève Darrieussecq se sont rendues lundi 14 mars sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, devenue durant les dernières années l'une des principales plateformes des opérations aériennes françaises.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Rafale de Mont-de-Marsan ont été les premiers à assurer, quotidiennement, des missions de police du ciel aux frontières orientales de l'OTAN, en l'occurrence au dessus de la Pologne. Une mission à l'autre bout de l'Europe menée directement depuis la base aérienne 118.

350H de vol (7 à 8h par mission) ont déjà été assurées par la 30ème escadre de chasse, à bord de leurs Rafale F3-R dont c'est le premier engagement opérationnel sur ce standard (on remarque notamment qu'ils sont équipés du missile METEOR). Depuis ce lundi, des Mirage 2000-5 sont aussi déployés de façon permanente en Estonie, ce qui renforce la posture "puissance aérienne" de l'OTAN dans la région. 

Car Mont-de-Marsan -qui abrite également l'Air Warfare Center du CEAM- est bien l'une des implantations métropolitaines les plus mises sous tension par l'étirement du contrat opérationnel. Spécialistes de l'entrée en premier, ses Rafale sont sur tous les fronts, et constituent généralement la pointe des dispositifs français. 

C'est donc un bel hommage aux équipages et mécaniciens, et un signe fort, que cette visite ministérielle. L'occasion aussi de rappeler que la base a fait l'objet de nombreux investissements: une crèche a d'ailleurs été inaugurée ce lundi. 

 

lundi 14 mars 2022

L'Allemagne va remplacer ses Tornado par des F-35


Retournement prévisible à Berlin, qui éjecte finalement le F/A-18 Super Hornet au profit du F-35A dans le programme de remplacement de ses avions d'attaque Tornado. Un choix très atlantiste qui ne remet cependant pas en cause le programme européen SCAF. 

Ci-dessus: F-35 et Typhoon de la RAF britannique. Un binôme que l'on pourra aussi voir en Allemagne en 2030. 


D'abord une révélation dans la presse ce matin. Puis une annonce officielle en ce lundi après-midi: l'Allemagne fait le choix du F-35 pour le remplacement de ses Tornado avant 2030. On parle d'une grosse trentaine d'appareils à ce stade, sans précisions. 

Trois (voire quatre) enseignements :
  • Washington a tout fait ou presque pour torpiller l'offre de Boeing (le F/1-18 Super Hornet tenait en effet la corde sur ce marché en 2020) en ne permettant pas à son appareil d'emporter la bombe nucléaire de l'OTAN, la fameuse B-61 (objet à vocation purement politique aujourd'hui)...
  • … car oui, les Allemands justifient leur choix par la capacité d'emport de la B-61 par le F-35. Le "Nuclear sharing" est assuré.
  • Berlin réaffirme son engagement dans le programme européen SCAF.
  • l'Allemagne commandera d'autres Eurofighter à Airbus, avec une version de guerre électronique. Cette capacité aurait dû initialement être comprise dans la commande de F-18, avec quelques versions "Growler". 

Un danger pour le programme SCAF ?

Disons le franchement, le choix du F-35 en Allemagne n'est pas une grande nouvelle de notre point de vue français. C'est surtout un mauvais signal qu' Angela Merkel a semble t-il tout fait pour éviter d'envoyer, laissant cette responsabilité à la nouvelle coalition au pouvoir. La crise ukrainienne n'y change rien.

Et avec des F-35 partout à ses frontières (Belgique + Pays Bas, Allemagne, Suisse, Italie), il ne manque désormais plus que l'Espagne, qui aura elle un jour bien le besoin de remplacer les Harrier de son aéronavale. Il n'y aura pas 35 36 choix, ce sera le F-35B. 

En bref, les partisans français d'une Europe de la Défense souveraine s'arrachent les cheveux, car avec le F-35, ces pays de l'OTAN s'engagent dans une longue et difficile relation avec Lockheed Martin. Transferts de données tactiques, dépassements de coûts, et autres problèmes de maintenance à prévoir… mais cela, nous l'avons déjà développé. Et leur choix doit être respecté.   

Faut il s'inquiéter pour le programme SCAF (système de combat aérien futur) donc, dans lequel France, Allemagne et Espagne sont à ce stade engagés ?
Berlin réaffirme aujourd'hui son engagement dans ce programme. Il faudra bien remplacer en Europe tant les Rafale que les Eurofighter, mais politiquement, Olaf Scholz va devoir donner certaines garanties à la partie française, en poussant par exemple Airbus à enfin valider la notification de la phase 1B du SCAF qui doit mener au développement du démonstrateur NGF (next generation fighter). 

Les autorités françaises n'ont pas encore réagi. Ni Dassault Aviation qui ne cesse d'alerter -encore ces derniers jours- sur un choix allemand du F-35. 

Nous attendons donc une réponse rapide, sans quoi l'ambiance autour du SCAF pourrait largement se détériorer. Or, ce n'est plus le moment de se perdre en hésitations.


vendredi 25 février 2022

Réveil stratégique

La guerre fait donc une fois de plus son retour en Europe. Et la sidération a fait son temps. La situation est extrêmement préoccupante et les premières mesures d'ordre militaire sont annoncées par les alliés de l'OTAN. Elles concernent bien entendu la France, actuellement nation-cadre de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation, autrement surnommée VJTF. 

 

En raison de l'évolution très rapide, et surtout très incertaine des combats en Ukraine, il sera difficile de suivre les évènements sur ce blog. Cependant, pour tous ceux que cela intéresse, tout se passe sur Twitter où la communauté défense - francophone ou non - réalise un travail remarquable de recoupement de l'information, minute par minute. 


Nous n'allons évoquer ici que les mesures de réassurance OTAN, alliance qui va devoir montrer les muscles comme jamais cela n'a été fait depuis 1990. 

D'ici deux semaines donc, la France enverra un sous-groupement de 200 hommes en Estonie (a priori des "troupes de montagne"), qui iront renforcer les Danois et Britanniques. Ces derniers ont d'ailleurs réceptionné aujourd'hui plusieurs de leurs chars Challenger 2. 

Pour rappel, la France s'entrainait encore il y a quelques semaines en Estonie dans le cadre de la mission Lynx, avec des moyens lourds comme le Leclerc et des VBCI.

Surtout, en Estonie toujours, 100 hommes supplémentaires viendront constituer un plot chasse, avec 4 Mirage 2000-5.

L'armée de l'Air et de l'Espace déploie en fait déjà des Rafale pour des patrouilles au dessus de la Pologne depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine. Ces appareils opèrent depuis la France.

Roumanie. C'était l'un des grands sujets français de la réassurance, un déploiement assez important prévu cette année en Europe de l'est, en même temps que la pression se desserre en Afrique. Attention cependant à l'Afrique, où plus aucune marge de manœuvre ne doit être laissée à la Russie (même si dans la précipitation, Wagner semble ces dernières heures se dégarnir en Afrique pour se renforcer en Ukraine)

Un GTIA français constitué de 500 hommes de l'armée de Terre va donc se déployer en Roumanie avec des moyens blindés, dans le cadre d'un calendrier largement accéléré qui risque de mettre en exergue nos lacunes en matière de projection. On parle même de 1 000 hommes à terme. Nous ne devrions pas y aller seuls (Italiens ?) puisque tout cela se déroule dans le cadre du bataillon de l'OTAN "Sparhead", dont la France est leader. La France commande en effet depuis le 1er janvier la VJTF, force opérationnelle interarmées à très haut niveau de réactivité. 

Concernant l'Ukraine enfin, elle est militairement livrée à elle-même, même si l'OTAN livre encore à l'heure qu'il est des équipements individuels performants. Il faut aussi noter que la France dispose d'une grosse douzaine de membres du GIGN à son ambassade de Kiev. Des hommes qui pourraient jouer un rôle tout à fait décisif s'il fallait protéger ou extraire le président Zelenski. C'est ce qu'ont très judicieusement laissé entendre des officiels français. 


Un dernier mot: surprise stratégique ? Non, le discours sur la haute intensité, tout comme celui sur les puissances révisionnistes, ont été rabâchés encore et encore ces dernières années. Ils ont même justifié les hausses en cours du budget de la défense. Il faudra toutefois aller encore plus loin, probablement à un budget autour de 60 milliards d'euros d'ici 10 ans (consensus autour de ce palier), pour un format opérationnel largement réévalué. 

Dans l'immédiat, nous, européens, sommes clairement pris de cours, et un nouveau processus s'entame à tous les niveaux, à commencer par les mentalités. 

C'est désormais notre grand défi pour la décennie. Un défi existentiel.

 

mercredi 19 janvier 2022

Les premiers Rafale sont arrivés en Grèce


Les six premiers Rafale grecs sont arrivés au pays ce mercredi 19 janvier. Un événement dans le pays. Les 12 autres sont attendus entre la fin 2022 et le premier semestre 2023.

Ci-dessus: un Rafale grec immortalisé par Dassault Aviation


On pouvait encore les voir voler dans le ciel girondin ces derniers jours, notamment au dessus du bassin d'Arcachon. Mais plusieurs mois après la cérémonie officielle de réception (qui avait donc eu lieu en France), les premiers Rafale de la force aérienne grecque ont quitté la France pour rejoindre leur nouvelle implantation, la base aérienne de Tanagra.


Grosse couverture médiatique pour l'occasion, car la Grèce semble bien faire de cette arrivée un véritable évènement national. Un survol de l'Acropole a été réalisé par ce nouvel "escadron" de la HAF (Hellenic Air Force).
Pour Athènes, il y a là le premier symbole d'une remontée en puissance qui va s'opérer rapidement grâce notamment à la France et aux Etats-Unis, puisqu'après les Rafale, viendront de nouveaux hélicoptères, des torpilles, des frégates… 
Le Premier Ministre a d'ailleurs remercié, devant un Rafale, son "ami Emmanuel Macron" de l'aider à renforcer les capacités militaires du pays. 

L’entrée en service opérationnel dans l’Escadron 332 de la HAF de ces premiers Rafale intervient seulement un an après la signature du contrat d’acquisition des 18 -premiers- avions.

Il faut noter que c'est Dassault Aviation qui a fourni une bonne partie de l'enseignement aux pilotes grecs, via son « Conversion Training Center » (CTC) de Mérignac, ainsi qu'aux pilotes, mécaniciens et aux techniciens de la HAF. La formation des personnels se poursuivra dans les mois à venir en France et en Grèce.

Comme nous l'avons déjà vu à plusieurs reprises, ces appareils sont bien des Rafale prélevés dans l'armée de l'Air Française. Il y en aura également 6 autres d'occasion, puis 6 neufs, qui seront réceptionnées fin 2022, puis mi 2023.
La Grèce a également annoncé en septembre dernier qu'elle ajouterait 6 autres Rafale (neufs) à sa commande, portant donc le total à non plus 18, mais bien 24 !

 

vendredi 26 novembre 2021

Signature du contrat croate pour 12 Rafale d'occasion


Pour un peu plus d'un milliard d'euros, la Croatie a signé hier deux contrats pour la livraison et le soutien d'une flotte de 12 Rafale. 


Lors de la visite du Président Français en Croatie, le Premier ministre croate Andrej Plenkovic et Emmanuel Macron ont signé ce jeudi 25 novembre un partenariat stratégique comprenant la fourniture de 12 avions de combat Dassault Aviation Rafale.

Une victoire française lors d'un appel d'offres international dont s'est félicité sur place le Président  Macron : « C’est un choix souverain, le contrat que nous avons signé ce matin [jeudi], c’est un choix historique (…). La Croatie fait le choix de l’excellence et de la convergence stratégique entre nos pays. Elle pose avec nous un nouveau jalon pour une Europe de la défense. »

Pour le Premier Ministre Plenkovic, « Ce sont des avions qui vont influencer le standing croate sur l’échelle internationale et nous permettre de contribuer dans le cadre de l’OTAN et des missions de défense croates. »

Les six premiers Rafale seront livrés à partir du second semestre 2023, puis les six autres début 2025. Ils viennent remplacer une flotte vieillissante de MIG-21. Le choc devrait être rude pour les pilotes croates qui passent là un gap technologique magistral !

Comme déjà évoqué lors de l'annonce du contrat en mai 2021, il s'agira de Rafale d'occasion prélevés dans l'armée de l'Air française. La ministre des Armées Florence Parly a confirmé dans le même temps que ces appareils seraient remplacés par des neufs. La commande sera passée par l'Etat en 2023 pour des livraisons en 2027. Trou capacitaire en vue donc.

Après la Grèce, la Croatie devient officiellement la deuxième nation européenne à s'équiper du chasseur bombardier de Dassault Aviation. La deuxième également dans la zone des Balkans. Et la deuxième toujours, au sein de l'OTAN.

Les regards se tournent désormais vers les Emirats, l'Indonésie, l'Inde, et bientôt aussi, la Finlande.

Et en bonus un peu de "soutex" - comme d'habitude - avec le survol du pays par deux Rafale de l'armée de l'Air et de l'Espace:

mercredi 29 septembre 2021

Pari méditerranéen réussi pour la France


En concurrence avec de nombreux industriels occidentaux, Naval Group remporte finalement le très convoité marché des frégates grecques. Athènes choisit en effet la FDI Belharra. Un contrat estimé entre 3 et 5 milliards d’euros, assorti d'un accord stratégique de tout premier ordre entre les deux pays.

Illustrations: vues d'artiste des frégates Belharra - Naval Group


Deux semaines après l'historique déconvenue australienne - qui on l'assure à l'Elysée, ne change rien à la stratégie française pour l'indopacifique - Naval Group rebondit de la meilleure des manières avec la signature ce mardi 28 septembre à Paris d'un MOU pour la vente à la Grèce de 3 frégates de défense  et d'intervention "Belharra" (+1 en option), la petite sœur très musclée de la classe Aquitaine (FREMM).

Les navires seront fabriqués à Lorient, armés par MBDA et Thalès, et viennent s'intercaler dans le calendrier des livraisons franco-françaises (5 FDI pour la Marine Nationale prévues à ce jour). Les frégates grecques seront ainsi livrées en 2025 et 2026, tandis que la France aura eu la première en 2024, puis les suivantes à partir de 2026.

Pas d'avancée en revanche sur la possible vente de 3 corvettes Gowind, mais des négociations sont en cours.


Cette signature s'est inscrite dans le cadre du partenariat stratégique entre Paris et Athènes. Largement renforcée depuis les tensions avec la Turquie en Méditerranée Orientale à l'été 2020, cette entente se formalise aujourd'hui par un accord de défense de 5 années, établissant le cadre d'une coopération stratégique, d'une coopération en matière de politique étrangère, d'une coopération militaire, et en termes d'équipements de défense.

Ce que rappelle Emmanuel Macron sur Twitter: "Avec la Grèce, nous actons aujourd’hui un partenariat stratégique de coopération en matière de défense et de sécurité. Il vient renforcer notre sécurité collective, notre autonomie stratégique et notre souveraineté européenne".


La Grèce, qui reçoit également ses premiers avions Rafale, et en désire des exemplaires supplémentaires, vient véritablement donner une victoire à la France, cette dernière étant en effet malmenée par ses propres alliés sur le théâtre indopacifique… mais également au Sahel, où les relations avec les autorités maliennes sont ces derniers jours sur un fil ténu, alors qu'un 52ème soldat français, le caporal-chef Maxime Blasco, vient de perdre la vie sur Barkhane.

Ce partenariat méditerranéen (qui évite bien de citer le Turquie) vient de surcroît renforcer la défense européenne, sur le plan stratégique comme industriel, au moment même où le flou règne sur l'avenir du gouvernement allemand, dont les décisions seront - dans un sens ou dans l'autre - structurantes. 

lundi 13 septembre 2021

La Grèce veut 6 Rafale supplémentaires (qui font 24)

Le Premier Ministre grec a déclaré publiquement samedi 11 septembre que le pays avait l'intention de commander non plus 18 Rafale, mais bien 24, afin de renforcer les escadrons de l'Hellenic Air Force.

Ci-dessus: livraison du premier Rafale de l'Hellenic Air Force le 21 juillet - Dassault Aviation


Alors que la France et Dassault Aviation ont bien honoré leur engagement auprès du client grec (en livrant cet été en un temps record les premiers appareils), nous avons désormais la confirmation qu'Athènes compte ajouter 6 Rafale supplémentaires à sa commande passée l'hiver dernier.

Des bruits de couloirs le laissaient penser depuis le printemps, mais la confirmation vient aujourd'hui de la bouche même du Premier Ministre Kyriákos Mitsotákis. Ces appareils rejoindraient les autres sur la base de Tanagra.

Pour rappel, la Grèce a officiellement commandé 18 Rafale, mais 6 seulement sont neufs, et 12 "légués" par l'armée de l'Air et de l'Espace française. 
L'armée française devant également céder 12 Rafale à la Croatie (attention ce n'est pas encore signé), et ne disposant donc plus de marge en la matière, il ne fait aucun doute que les possibles nouveaux Rafale grecs seraient eux des appareils neufs… à ajouter sur la chaîne d'assemblage de Mérignac.

Cette année, un premier groupe de pilotes HAF est formé par l’armée de l’Air, ainsi que 50 techniciens grecs au Centre d’Entraînement à la Conversion (CTC) de Dassault Aviation à Mérignac.

 

vendredi 3 septembre 2021

Une rentrée tête basse


L'été stratégique rime rarement avec vacances. C'est même souvent la saison des tensions, des grandes campagnes militaires. L'an passé par exemple, nous faisions le bilan d'un été très agité en Méditerranée Orientale, nouvelle preuve du "retour des Etats-puissance". Tout ceci est lié sans tout à fait l'être.. mais la rentrée 2021 marque bien une nouvelle étape dans le processus: la fin de cette "Guerre de 20 ans" entamée par l'Occident en 2001.

Ci-dessus: la France a contribué lors de l'opération Apagan à l'évacuation de 3000 personnes.


Nous aurions presque pu - ou dû - attendre la date du 11 septembre et son triste anniversaire pour publier ce billet. C'était en réalité le projet, mais cela a t-il encore du sens maintenant que Kaboul est tombée… depuis le 15 août déjà ?

Le retrait américain d'Afghanistan, prévu de longue date, s'est finalement - et comme on pouvait le redouter - déroulé dans une atmosphère de panique absolument historique, le pouvoir mis en place depuis 20 ans s'étant complétement désagrégé en plein cœur de l'été (en suivant de son armée), ouvrant aux Talibans, d'abord les principales provinces du pays, ensuite sa capitale et donc, le pouvoir.
La cohue qui s'en est suivie, les images de l'aéroport de Kaboul, s'inscrivent bien malheureusement dans l'Histoire. D'une RESEVAC, nous sommes passés à l'une des plus vastes entreprises d'évacuation humanitaire jamais vues.


Certes la France avait officiellement quitté l'Afghanistan depuis 2014, les combats depuis 2012. Certes nos services de renseignement et notre diplomatie alertaient depuis des mois sur le fait qu'il était préférable de quitter le pays avant la fin du retrait US (dès le printemps en vérité, ce qui attira à Paris les critiques des alliés et surtout des ONG). Certes… enfin… le travail d'évacuation mené par la communauté internationale, pays de l'OTAN en tête, a été exemplaire de professionnalisme comme de courage. 
Mais au final, le bilan est dramatique. Il n'y a qu'à lire les témoignages des vétérans, qu'ils soient Français, Américains, Australiens… tous sont aujourd'hui touchés au cœur, car c'est quelque part leur héritage qui s'évapore. Tous consentent aussi à reconnaître que l'issue était dramatiquement prévisible.

Pour ceux qui comme moi ont littéralement été forgés intellectuellement par la Global War on Terror* décrétée par l'administration Bush Jr (dont le SecDef Donald Rumsfeld est décédé cette année, comme un symbole), ayant vécu le 11 septembre et ses conséquences à l'adolescence, ce qui impactera directement sur le contenu des programmes universitaires dans les années 2000, le retour des Talibans au pouvoir marque bien la fin d'un ère.

Pour le Président Biden, c'est une humiliation choisie et assumée. Pas besoin d'être cynique pour deviner que dans quelques semaines, son opinion publique lui aura pardonné cet affront, et cela même si le pire était à craindre, et que le pire est arrivé: dans le chaos, un double attentat qui causa la mort de 85 personnes dont 13 Marines. Le moment est dur pour l'Amérique, mais Kaboul n'est pas Saïgon.  



La fin des grandes OPEX ?

Kaboul est le cimetière du "Nation Building" peut-on lire ici et là. Très franchement, qui peut le contredire ? L'épisode libyen marquait déjà un ultime avertissement.
La chute du pouvoir afghan rappelle une autre débandade, évitée de justesse, qui est celle de l'Irak face à l'EEI. L'Irak, justement l'autre grand symbole des années Bush.

Mais d'un point de vue militaire, cet échec doit être relativisé. Comme souvent sur ces théâtres de COIN (contre-insurrection), il n'y a pas eu de défaite militaire pour les nations occidentales, mais une guerre longue et coûteuse, dont le crédit politique s'est naturellement épuisé au cours de deux décennies. En réalité, le trait était tiré sur ces déploiements dès 2008 et l'élection de Barack Obama. 

Et comme tous les ans depuis 2016 (et l'élection de Donald Trump), l'Europe se pose la question de son indépendance stratégique. Pour quels résultats ? Réussir Takuba au Sahel - dans un cadre nettement moins "intensif" que l'Afghanistan - serait déjà un accomplissement. Ayons l'honnêteté de viser des objectifs à notre portée.
Il semble aussi que le sentiment d'abandon, de trahison même, soit le plus fort à Londres, où les commentaires sur la faillite afghane sont les plus véhéments. Le Royaume-Uni, démontrant un comportement exemplaire sur le terrain jusqu'aux dernières heures, a été pris de court par le retrait US, et réalise que sans confiance dans sa special relationship avec Washington, l'ambitieuse stratégie post-Brexit du "Global Britain" sera bien complexe à mettre en œuvre.

Les Britanniques ont été exemplaires jusqu'au bout à Kaboul. Une valeur sûre.

Et l'on reparle donc de déclin américain, ou occidental. A tort. La Maison Blanche a choisi un autre chemin. Elle lègue la question afghane aux acteurs régionaux (Turquie, Qatar, Iran, Pakistan… Inde, Chine).
En réalité, rien ne déraille véritablement du cadre prédéfini, car la fin de ces aventures militaires au Moyen-Orient vient clore un chapitre stratégique, tandis qu'un autre a déjà débuté. Ce dernier est présent dans tous les discours, et concerne bien sûr le renouveau du jeu des puissances, avec en fond la préparation à un hypothétique conflit de haute intensité. 

C'est pourquoi, et c'est un avis personnel pas forcément partagé dans le milieu, il me semble que l'on voit aujourd'hui la fin de l'ère des OPEX. Pas par manque de moyens, mais parce qu'il faudra peut-être une génération pour que le pouvoir politique d'une démocratie occidentale se risque à déployer des troupes sur le long terme loin de son territoire. 
Pour la France, la fin de l'opération Barkane - en vérité transformation - anticipée par le Président Macron en est un signal supplémentaire. L'avenir des interventions fait place nette à l'empreinte légère, aux drones, aux forces spéciales… à la formation et au soutien de forces locales quand cela est possible (oui sur ce point, le Mali est malheureusement le plus grand des défis). Il n'est pas impossible non plus que les "proxies" se multiplient, comme durant... la Guerre Froide. 

Un mal pour un bien ? C'est envisageable. D'une part car nos armées doivent entamer un nouveau cycle consacré à la haute intensité, tout en gardant une importante capacité de projection, surtout dans le cas français (Afrique où résident nombre de nos ressortissants, zone Indo-Pacifique).

D'autre part car contrairement aux idées reçues, les mécanismes de sécurité collective de la communauté internationale montrent des signes de réussite. Oui, depuis 1991, c'est d'abord l'ONU avec ses OMP, puis ici l'OTAN (bien loin de son ancre européenne), dont l'action tombe en disgrâce. Pendant que d'autres jubilent devant ces échecs. 
Pourtant au global, malgré les blocages, la corruption, les attentats… cela fonctionne. Un continent comme l'Afrique est plus que jamais en mesure de gérer une crise via l'intervention d'acteurs régionaux, à condition cependant que la communauté internationale assure un soutien logistique et financier adéquat.

Avec la chute de Kaboul, l'Amérique, l'OTAN et la communauté internationale tournent une page difficile, payant le prix de mauvaises décisions prises il y a maintenant 20 ans. Le terrorisme lui n'a pas disparu, mais ses sanctuaires subissent une pression appuyée et continue. Passé la honte, il convient désormais de se remettre en ordre de marche, car la boussole stratégique indique un nouvel horizon. 


*Le terme est abandonné par l'administration Obama, qui tout en multipliant très largement l'emploi des drones contre les groupes terroristes, préfèrera inscrire comme héritage stratégique son fameux pivot-Pacifique qui doit repositionner les USA face au défi chinois.

vendredi 23 juillet 2021

Premier Rafale grec. Et nouveau chasseur russe.



La Grèce a reçu jeudi 21 juillet le premier de ses 18 Rafale commandés en janvier dernier. Une livraison en temps record.

Ci-dessus: en image, le premier Rafale de l'Hellenic Air Force.



Chose promise... la France et Dassault Aviation ont bien honoré leur engagement auprès du dernier client export du Rafale, la Grèce. Cette dernière a en effet reçu son premier appareil, un biplace, ce 21 juillet lors d'une cérémonie présidée par Eric Trappier, Président-Directeur général de Dassault Aviation, en présence de M. Nikolaos Panagiotopoulos, Ministre de la Défense Nationale de Grèce.

Comme d'habitude, la force étrangère cliente, en l'occurrence ici la Hellenic Air Force, a reçu son appareil au Centre d’Essais en Vol de Dassault Aviation à Istres.

Ce premier appareil, ainsi que les cinq suivants en provenance de l’Armée de l’Air et de l’Espace française, formeront les pilotes et techniciens de la HAF en France, avant d’être déployés sur la base aérienne de TANAGRA. 
Un premier groupe de pilotes HAF, déjà formés depuis plusieurs mois par l’Armée de l’Air et de l’Espace française, et 50 techniciens HAF rejoindront le Centre d’Entraînement à la Conversion (CTC) de Dassault Aviation à Mérignac, en France, pour poursuivre leur formation.

La Grèce a commandé il y a seulement six mois 18 Rafale, dont 6 seulement neufs qui sortiront de l'usine d'assemblage de Mérignac. Cette première livraison se pose comme un symbole et gage d'assurance dans le cadre du partenariat stratégique franco-grec.

Pendant ce temps... l'Inde recevait cette semaine un nouveau batch de 3 Rafale, et la France poursuit son chemin vers le standard F4 avec la commande à Thalès Group de 350 viseurs de casques « Scorpion ».

A noter que sur un autre dossier, Dassault confirme qu'il présentera bien son dernier Falcon 10X dans une version PATMAR.

Lire sur le blog: Le Falcon 10X devient l'option crédible pour le futur PATMAR



BONUS : nouveau chasseur "léger" en Russie

Sur le salon MAKS 2021 cette semaine à Moscou, nous avons eu la chance de découvrir un nouvel appareil, le Sukhoï LTS "Checkmate". Vladimir Poutine a même pu se le faire présenter.

La maquette à échelle 1:1 présente un chasseur furtif monoplace (avec emport d'armement en soute) d'une masse maximale de 18 tonnes. Rare chez les Russes. 

Monomoteur et pas forcément très gracieux, le Sukhoï ne semble pas avoir d'avenir sur le marché "domestique", mais vise plutôt des marchés captifs (à supposer qu'il en reste) ou des clients qui chercheraient un F-35 low cost, avec un prix annoncé de 30 millions de dollars seulement.

La Russie exporte évidemment moins aujourd'hui ses chasseurs que par le passé, et "Checkmate" devra trouver sa place sur un marché somme toute encombré (malgré des ruptures "générationnelles" en marche). Il lui faudra avant tout prouver qu'il mérite son titre d'avion de "5ème génération". L'avenir nous dira si la formule est gagnante, le marché des chasseurs légers de nouvelle génération faisant l'objet de réflexions naissantes (lien ci-dessous).


Pour une analyse plus complexe de la présentation du Sukhoï LTS "Checkmate", rendez-vous sur l'excellent blog Red Samovar.


vendredi 9 avril 2021

Pari impossible pour le Rafale en Ukraine


La France compterait proposer le Rafale dans le marché de renouvellement de la chasse ukrainienne. Une ambition qui semble compliquée à réaliser dans un contexte stratégique très tendu qui favorise largement les matériels américains. 


La crise ukrainienne a déjà par le passé impacté les contrats d'armement français, lorsque François Hollande annulait en 2014 la vente des navires Mistral à la Russie. Une mesure de rétorsion après l'invasion de la Crimée. 

Nouvel épisode en vue avec l'information largement diffusée il y a une dizaine de jours. La France tenterait de placer le Rafale en Ukraine, Kiev devant remplacer sa flotte de chasseurs d'origine soviétique, constituée de Mig-29, Su-24, Su-25 et Su-27. Ce plan « Air Force Vision 2035 » représenterait un marché de 30 à 45 appareils, pour 7,5 milliards d’euros.
Selon plusieurs sources, ce marché pourrait intéresser les Américains bien sûr, mais également les Suédois avec le Gripen de Saab, et les Français avec le Rafale de Dassault Aviation.

Alors le Rafale a t'il ses chances ? Oui selon l'Elysée, qui voit en Ukraine un créneau pour l'offre française, moins marquée "OTAN" que l'offre américaine probablement constituée de F-16v et F-18. 

Car la géopolitique s'en mêle, effectivement.

On peut affirmer sans ciller qu'un bon pourcentage des marchés d'armement - et particulièrement les chasseurs - sont conclus dans un cadre plus politique qu'opérationnel. A moins que cela serve simultanément ce double-objectif, comme c'est le cas du Rafale en Grèce, qui fait pour cette dernière à la fois office de mesure de réassurance, et de gain capacitaire. 
Et on ne le sait que trop bien en France, l'Europe de l'Est demeure la chasse gardée des Américains (cf les affaires polonaises).

Dans notre cas ukrainien, tous les feux sont rouges en l'occurrence. Le contexte est extrêmement tendu ces dernières semaines, à coup de manœuvres militaires aux frontières du Donbass sécessionniste. Les dirigeants à Kiev jouent pleinement la carte du rapprochement avec Washington et l'OTAN (dont elle n'est pas membre rappelons le !).

Enfin il y a aussi le problème des garanties financières, que Paris devrait assumer, comme c'est souvent le cas avec ce type de client "fragile".

Vous l'aurez compris, il ne semble pas y avoir la place pour autre partenaire que les Etats-Unis en Ukraine. La France y a certes déjà remporté des marchés de défense, mais pas d'une telle ampleur. De plus, Washington y veillera d'une part, afin d'y garantir ses marchés quasiment "captifs". Et d'autre part, Kiev semble obstinée à suivre cette voie atlantiste, et donc à ne pas emprunter celle d'un partenariat avec la France, partenariat probablement plus mesuré face à Moscou.

En conclusion, mettons d'ores et déjà une pièce sur la vente du F-16 Viper en Ukraine. 


vendredi 2 avril 2021

Accord entre Dassault et Airbus: fin du SCAF-tête ?


Plusieurs médias annoncent ce vendredi que Dassault Aviation et Airbus ont réussi à conclure un accord de principe sur le futur avion de combat du SCAF européen. Le dossier revient dans la main des trois Etats partenaires au programme pour une avancée significative attendue ce printemps.

Ci-dessus: montage maison sobrement intitulé "SCAF-tête", à partir d'un visuel Dassault Aviation


Ce blog a fait le choix de ne pas trop commenter le débat actuel sur les décisions à prendre - ou ne pas prendre - concernant le programme SCAF (système de combat aérien futur). Un débat presque déraisonné et surtout largement pollué par certains groupes d'influence.

Si l'on résume toutefois les dernières semaines, il était question de la signature de la phase "démonstrateur" qui aurait dû intervenir en début d'année. Des blocages ont rapidement été dénoncés côté allemand, et français.
Le contentieux aurait principalement porté sur les partages de technologies de la pièce maîtresse du SCAF, à savoir le futur avion de combat franco-allemand-espagnol. Dassault Aviation ayant préalablement été désigné maitre d'œuvre,  l'entreprise se refuse légitimement à céder certains éléments de propriétés intellectuelles, fruit de décennies d'histoire industrielle. De surcroît l'arrivée de l'Espagne (fortement "imprégnée" par Airbus) dans le programme a encore compliqué l'équation, Madrid réclamant a priori trop de charge de travail.   

Le climax intervenait alors à Paris début mars, lors des auditions parlementaires des représentants de groupe (Eric Trappier, PDG, pour Dassault Aviation, et Antoine Bouvier, Directeur de la stratégie, pour Airbus Defence & Space), Dassault mettant une pression importante sur les négociations en citant des exigences allemandes inacceptables, et même l'existence d'un plan B moins ambitieux... là où Airbus préférait jouer à 100% sur la fibre de la coopération européenne. Sous entendu, il n'y a aucun plan B, et celui-ci est le seul que nous ayons. Airbus a notamment démenti l'information rumeur selon laquelle il aurait voulu son propre démonstrateur issu de l'Eurofighter.

Pour compliquer les choses, ajoutons à cela la crise sanitaire, et un calendrier politique allemand contraint pour les futures élections (un potentiel changement de majorité post-Merkel menaçant l'existence même des coopérations ?).

Mais tout dernièrement, tandis que commentateurs "es réseaux sociaux", quelques médias ou lobbys enterraient le SCAF bien promptement, des bruits de couloirs faisaient finalement état d'un accord possible.

C'est donc chose faite ce 2 avril, avec l'accord des deux industriels, qui remettent le dossier dans les mains du politique. A Paris, Berlin et Madrid d'évaluer désormais l'offre des industriels pour cette phase de démonstrateur. Pas plus de commentaire officiel à ce stade, mais le cabinet de la ministre des Armées promet une prise de parole prochaine. Attendons tous les détails sur la résolution de cette équation donc, mais il en va d'un intérêt commun que les choses avancent.

Conséquence du retard pris dans ces négociations (il y en aura d'autres), on sait que le démonstrateur ne verra pas le jour en 2025, comme prévu initialement, mais au mieux en 2026. 

SCAF est un ambitieux programme de coopération. Mais plus encore, c'est un programme stratégique et structurant pour l'intégralité des acteurs, que l'on parle en toute évidence de militaires français très opérationnels en comparaison de leurs partenaires européens (+ les particularismes de l'aéronavale et de la dissuasion nucléaire), de Dassault Aviation qui joue ici l'après Rafale, ou Airbus l'après Eurofighter mais aussi et surtout peut-être toute une famille de nouveaux aéronefs (le effecteurs déportés). Sans même évoquer l'architecture du système de combat, les motoristes et intégrateurs, la place du SCAF dans l'OTAN... 

Rien n'est donc simple et d'autres crispations interviendront, d'autant plus quand nous commencerons à parler, tout prochainement, en milliards d'euros. 


Mise à jour n°1 (7 avril): les motoristes Safran et MTU ont trouvé un  accord sur le pilier moteur du programme SCAF et ont remis une offre aux Etats. L'industriel espagnol ITP ne l'a pas signée. On y apprend que le démonstrateur du NGF sera propulsé par des M88 (le moteur du Rafale) "améliorés".

Mise à jour n°2: le Sénat français se félicite de l'accord et du rôle des auditions dans les négociations.