Le remplacement des vénérables AWACS de l'armée de l'Air et de l'Espace n'est pas au programme de la Loi de programmation militaire 2024-30. Il concernera en revanche la LPM suivante puisque leur potentiel sera épuisé vers 2035. A l'âge du SCAF, quels seront donc les possibilité de remplacement ?
Ci-dessus: le système GlobalEye de Saab - photo constructeur.
Malgré toute leur magnificence, les légendaires "AWACS" (Airborne Warning and Control System), véritables symboles de la puissance aérienne occidentale, auront bientôt fait leur temps. Les Boeing E-3 Sentry -sur une base Boeing 707 militarisée- sont effet âgés d'un demi-siècle pour la plupart. 32 ans pour les 4 appareils en service dans l'armée de l'Air française.
Leur remplacement est donc acté dans l'US Air Force, la Royal Air Force britannique, et est au cœur d'un important marché pour l'OTAN.
Avec le temps, ces appareils d'alerte précoce, dont le fameux "rotodôme" porte deux radars multimodes (primaire & secondaire) analysant la situation tactique sur un rayon de 400 km, sont devenus l'un des éléments clés des dispositifs aériens contemporains. Non seulement pour leur rôle d'alerte avancée, mais aussi pour le développement de leurs capacités de C2 (command & control), ces avions étant en effet au cœur du réseau de décisions. On les voit notamment jouer un rôle très important pour l'Alliance Atlantique sur le flan est du continent européen.
Ces appareils parfaitement reconnaissables arrivent donc en fin de vie opérationnelle chez les Occidentaux, tandis que depuis une grosse vingtaine d'années, de nouveaux Etats cherchent à s'en doter, notamment en Asie et au Proche & Moyen-Orient.
Sur ce marché, deux acteurs principaux se démarquent (nous mettons de côté les Israéliens, peu de chance de les voir percer le marché français). Nous y trouvons Boeing qui propose en successeur du Sentry le 737 AEW&C/E-7 "Wedgetail", appareil ayant déjà remporté les marchés australien, turc, coréen, britannique et bien entendu américain. Nous y trouvons également le Suédois Saab avec une solution plus légère -les performances restent globalement les mêmes- incarnée par le GlobalEye, solution implantée sur business jet (nous y reviendrons) et héritée du système à succès "ERieye" lancé dans les années 1990. GlobalEye a convaincu, outre la Suède en 2022, les Emirats Arabes Unis dès 2015.
Que l'on soit chez Boeing ou Saab, la nouvelle génération d'AWACS, déjà opérationnelle mais sujette à de prochaines évolutions, s'avère largement plus performante que l'ancienne développée durant la guerre froide. Dans les deux cas, le radar bénéficie d'une portée étendue à 600km, quand les vieux E-3 n'en couvrent que 400. S'agissant de l'avionique, des autres capteurs, et des systèmes de liaisons de données, ils embarquent nativement des capacités que même les dernières modernisations de l'E-3 Sentry peinent à égaler (modernisation entreprise en 2017 pour l'armée de l'Air).
Et dans les deux cas, ils nécessitent un équipage moins important que l'ancienne génération, une partie des systèmes pouvant d'ailleurs être gérée à distance grâce aux liaisons de données.
En 2023, les deux appareils précités sont en compétition dans le marché de remplacement des 14 AWACS (des E-3 vous l'aurez deviné) de l'OTAN, basés en Allemagne. Un marché où les Américains ne comptaient visiblement pas avoir de concurrence. La Suède elle, candidate à l'entrée dans l'Alliance Atlantique, joue crânement sa chance.
Cela nous amène donc à la question du remplacement des AWACS français. Celle-ci ne fait pas beaucoup débat aujourd'hui, puisque les appareils sont théoriquement en service jusqu'en 2035. Or, nous bouclons à peine le vote de notre Loi de programmation militaire pour la période 2024-2030. C'est donc au cours des prochaines années, en préparation de la période post-2030, que la question devra être posée: à l'orée de son entrée dans le SCAF, système de combat aérien futur, de quel système d'alerte avancée choisira de se doter la France ?
Un moyen d'embarquer la Suède dans le SCAF ?
Pour bien comprendre la problématique, il faut poser sur la table les grands principes du système de combat aérien futur (SCAF), tel que généralement conçu selon l'évolution de la doctrine occidentale, et dans notre cas, française.
Le combat aérien futur tel que conceptualisé aujourd'hui repose essentiellement sur la notion de combat collaboratif. Chaque pièce du dispositif (du drone au satellite) est ainsi interconnectée à toutes les autres, si bien que la "toile" toute entière est au service de la mission, en temps réel. Au cœur du système, l'humain bénéficie d'une aide à la décision rendue possible par le traitement des données issues de l'ensemble des capteurs.
A la base du SCAF, il y a donc les capteurs -et effecteurs- et la façon dont ils interagissent entre eux. Surtout, l'une des pièces maitresses qu'est l'avion de combat est capable de constituer un "nœud de C2", chaque appareil interprétant donc le rôle d'un "mini-AWACS".
Toute la mission ne repose donc plus, comme cela peut-être le cas aujourd'hui, sur le seul AWACS, qui d'ailleurs constitue de facto une cible prioritaire pour l'ennemi.
Néanmoins, ce réseau ne peut se passer d'un avion spécialisé, le radar d'un avion de combat n'égalant par exemple qu'une fraction de la surface couverte par les systèmes d'un AWACS dédié.
La France perdra dans les années 2030, et ses avions de patrouille maritime (les ATL-2), et ses AWACS (le E-3 Sentry). Dans les deux cas, il n'y a aujourd'hui aucune solution française ni même européenne disponible sur étagère*… mise à part le GlobalEye en remplacement des AWACS.
Mais dans la configuration du SCAF, à savoir un réseau collaboratif bien plus distribué que ce que nous connaissons aujourd'hui, aura t-on besoin d'aussi gros appareils que par le passé ? Pas nécessairement. D'autant plus qu'une solution "imposante" comme le Boeing E-7 n'est pas vraiment optimisée (la miniaturisation des systèmes fait en effet qu'à bord d'un appareil comme le Boeing 737, la cabine n'est pas utilisée à son plein potentiel !), et est également bien plus chère si l'on en croît les marchés déjà établis. A budget égal, un business jet permettrait à la fois plus de souplesse dans l'emploi, et éventuellement de pouvoir disposer de plus d'appareils en flotte (oui, on peut rêver), comme c'est le cas par exemple dans le renseignement avec les 3 Falcon 8X "Archange" qui remplaceront 2 Transall Gabriel**. Ceci dit toutefois, on ne réalise pas de posé d'assaut avec un Falcon…
Enfin, le rôle de la Suède.
Initialement partenaire du programme britannique Tempest (qui associe aujourd'hui Italiens… et Japonais), la Suède a plus récemment semblé prendre de la distance avec le programme concurrent de notre SCAF "continental" (France, Allemagne, Espagne… et Belgique en observateur).
Au regard de la situation géostratégique du pays (il est européen), de la performance reconnue de son industrie de défense (voir la victoire récente de Saab sur le marché des systèmes de guerre électronique de la Luftwaffe), ou encore des programmes menés en partenariat par le passé, comme le démonstrateur de drone de combat furtif nEUROn dont le maître d'œuvre était Dassault Aviation (démonstrateur qui aura visiblement un héritier au sein du SCAF), il y a naturellement matière à penser que Stockholm, et en particulier Saab, ont peut-être une carte à jouer au sein du SCAF, étant susceptibles d'apporter de véritables briques à l'édifice. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde en Europe.
Et pourquoi pas sur Dassault Falcon ?
Dans notre scénario d'élargissement du SCAF, un seul pays européen propose donc une solution éprouvée en matière d'alerte avancée: Saab avec son GlobalEye.
Petit bémol à ce projet. L'avion porteur du système est aujourd'hui un business jet certes, mais un business jet canadien: le Bombardier Global 6000. Depuis les années 1990, Saab a fait le choix d'installer son système sur plusieurs porteurs, tous dans la gamme des avions d'affaires. Ces avions sont au nombre de 4. Il s'agit du Bombardier Global 6000 donc, mais aussi du Saab 340, du Saab E-2000, et de l'Embraer 145H.
Le Global 6000 est un "gros" jet, aux performances assez remarquables. Ceci dit, la totalité de ses capacités seront bientôt dépassées par un nouvel appareil qui entre à peine production pour le marché civil. Le Dassault Falcon 10X, "le plus grand, le plus avancé, et le plus spacieux" des business jets.
Les performances affichées par le dernier né chez Dassault Aviation en terme d'endurance, rayon d'action, vitesse… mais aussi espace cabine (primordial dans notre cas d'espèce), laissent augurer d'un formidable potentiel pour un avion de missions. Sans parler d'une empreinte logistique sans commune mesure avec celle d'un Boeing.
De là à imaginer le partenariat franco-suédois autour d'un Falcon 10X "GlobalEye"... il n'y a qu'un pas que nous ne franchirons pas aujourd'hui !
*S'agissant de la PATMAR, on sait depuis cet hiver 2023 que la DGA a ouvert la compétition entre Dassault Aviation et Airbus. L'heureux élu sera l'A320néo (Airbus) ou le Falcon 10X (Dassault). Là encore, ce sont deux philosophies qui s'opposent.
**Une précision sur le programme Archange et la solution intérimaire SOLAR. Les Transall Gabriel de renseignement étant retirés du service depuis 2022, et les Falcon 8X de remplacement n'arrivant qu'à partir de 2028, la DRM va utiliser une solution intérimaire à travers le contrat "SOLAR". Il s'agit ici d'externalisation via le service d'une société (bien connue) spécialisée dans le renseignement. Cette dernière utilisera comme avion porteur un Saab 340, mais le marché n'a pas été passé avec Saab elle-même. Il y a parfois confusion.
Les Boeing A-3 Sentry -sur une base Boeing 707 militarisée-
RépondreSupprimerVous vouliez dire E-3, j'imagine. Bonne continuation pour votre blog que je lis régulièrement
oui bien entendu c'est corrigé. Merci !
SupprimerE2d Hawkeye ? Attendu dans l'aéronavale, sera donc opérationnel sur 2030-2050 aux côtés du scaf de l'aéronavale : Pourquoi ne pas étendre la commande de 3 à 6-7 exemplaires ?
RépondreSupprimerCAE Aviation se serait bien passé d'un coup de projecteur...
RépondreSupprimerhttps://egypt-papers.disclose.ngo/fr/chapter/cae-aviation
Le Caire vaut bien un non-lieu.
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/14/france-egypte-l-intouchable-operation-antiterroriste-sirli_6157866_3210.html