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vendredi 14 juin 2024

Eos Technologie: des drones et munitions rodeuses qui vont plus vite, et plus loin


EOS Technologie a profité avec d'autres dronistes français d'un "Démo Day" précédant le salon Eurosatory pour montrer ses fameuses munitions téléopérées. Et grande nouveautés, celles-ci volent en essaim.


Avec EOS Technologie les choses vont vite, très vite. La PME qui était quasi inconnue avant sa présélection pour le programme Larinae de l'Agence pour l'innovation de défense en 2022, fait le buzz cette année depuis la présentation de sa MTO (munition téléopérée) "Veloce 330" en avril dernier. D'autant plus que grâce à sa méthodologie de travail dont la force est l'innovation rapide, elle dispose déjà de plusieurs autres solutions de drones à son catalogue, toutes développées et testées en quelques mois: Stryx 425 et 500, Endurance 1200... puis Veloce 330, Istar 330...  


Et une semaine après être apparue aux côtés de Thales Group qui présentait de son programme d'écosystème Drone warfare, la start-up dont le siège est encore à Mérignac (lire plus bas), participait en Auvergne au "démo day" préparant le salon de l'armement terrestre Eurosatory qui lui se déroule à Paris la semaine prochaine.  

L'écosystème Drone Warfare de Thales (cliquer pour agrandir)


En vidéo (cliquer sur le lecteur si elle ne s'affiche pas), les solution ISTAR/VELOCE 330 :


Outre la démonstration publique -aux journalistes et professionnels- du Veloce 330, drone et/ou munition (autrement appelée "missile low cost") pouvant être doté par KNDS d'une charge explosive allant jusqu'à 6 kg, suffisant pour aller frapper un char à 100 km sans que l'ennemi n'ait le temps de mettre en place de contremesure, tant la… vélocité du drone est impressionnante (4 à 500km/h en vitesse de pointe), le démo day a permis de découvrir une nouveauté: le vol en essaim.  

En à peine quatre mois en effet, EOS et la toulousaine Cloudskeyes ont travaillé sur la présentation d'une solution d'essaim de munitions rodeuses. Pari réussi puisque ce 11 juin, 5 drones volaient ensemble, ce chiffre pouvant monter jusqu'à 10 aujourd'hui, avec rupture de la formation aérienne pour traiter au sol des cibles d'opportunité avec une précision métrique. La technologie est embryonnaire, mais déjà prometteuse. Elle sera affinée et enrichie afin notamment d'intégrer des éléments d'intelligence artificielle. Un partenariat qui en appelle d'autres, peut-être même avec un développeur de drone qui avait fait sensation lors du dernier salon du Bourget...
 


Cette MTO capable de voler en essaim se nomme SR 200, et se base sur l'architecture du Veloce 330 et de l'ISTAR 330, tout en étant bien plus petite, "200" et "330" donnant des indications sur l'envergure en centimètres de ces engins lançables sur catapulte ou à la main. La charge tout comme l'autonomie y seraient donc moins importantes, tout cela classant le drone dans la gamme correspondant au programme COLIBRI et non plus LARINAE. Si aboutissement commercial il y a, le but sera de produire vite, et massivement: des milliers d'exemplaires par an. 

EOS, qui a été fondée par d'anciens opérationnels, semble avoir totalement cerné les impératifs imposés par le contexte stratégique actuel. 


EOS va quitter Bordeaux 

A noter que parmi toutes ces nouvelles encourageantes, il y en a une mauvaise (à relativiser puisque ce blog compte bien continuer de suivre la success story de l'entreprise) : EOS Technologie quittera Mérignac dès le mois de septembre, afin de se renforcer à Grenoble, où elle est historiquement implantée. La PME juge qu'elle y trouvera de meilleures conditions de développement: réseau, infrastructures, et même emploi. 

La greffe bordelaise n'a pas prise. Son principal avantage était de rapprocher l'entreprise alors naissante des régiments de forces spéciales du sud-ouest. Mais l'histoire se poursuivra donc en Isère. 


vendredi 29 mars 2024

Les yeux de l'Europe sur Eurenco Bergerac

Après la visite annulée du 8 mars dernier, le ministre des Armées Sébastien Lecornu s'est finalement rendu sur les installations d'Eurenco Bergerac ce mardi 26 mars, où il a décoré des employés de l'entreprise. Pas ou peu connu il y encore quelques mois, Eurenco est aujourd'hui devenu l'un des fers de lance de la production française de munitions d'artillerie. 

Images publiées par le compte X/Twitter du ministre des Armées, le 26 mars 2024.


Au cœur des attentions nationales, mais aussi européennes (et fatalement, ukrainiennes), la poudrerie d'Eurenco à Bergerac a enfin reçu la visite du ministre des Armées, dont l'agenda et la journée du mardi 26 mars étaient entièrement consacrés au sujet de la production de munitions. Durant cette venue, Sebastien Lecornu a décoré une vingtaine d'employés d'Eurenco pour leur participation à "l'économie de guerre", et confirmé qu'Emmanuel Macron se déplacerait bientôt pour la pose de la première pierre des bâtiments qui seront consacrés à la génération de poudre. 


Ce qui nous permet de formaliser ici un résumé des efforts menés par la France sur ce sujet. 

La filière munitions est en train de reprendre la place prépondérante qu'elle occupait par le passé dans le sud-ouest. A Bergerac, toute l'attention est portée sur Eurenco qui rapatrie de Suède une partie de ses capacités de production. L'entreprise, qui fournit, avec le soutien de l'Etat & de l'Union Européenne, des charges modulaires propulsant les obus, avait déjà quintuplé sa production depuis 2019. Soit 500 000 charges modulaires par an, de quoi alimenter au maximum (dans le cas de notre canon Caesar) 90 000 obus.

Mais avec la guerre, il est désormais question de sortir plus du double (1 million donc) d'ici 2026, grâce à l'ouverture d'une troisième ligne de prod automatisée. Avec un million de charges modulaires, c'est  un potentiel de 150 000 obus de 155mm (c'est Nexter/KNDS qui, in fine, produit les obus). 
Dans ce but, Eurenco Bergerac construit, pour 60 millions d'euros, 15 bâtiments qui permettront la production de 1 800 tonnes de poudre, sachant que tout est bon pour faire de la poudre à canon, dont la pénurie en composants est mondiale (même recycler nos invendus d'alcool).  

Notons également que la sécurité du site a été durcie, contre les menaces immatérielles ou physiques. Rappel en effet qu'à la veille du déclenchement de l'invasion russe en Ukraine, des dépôts de munitions avaient été incendiés (sabotage), en République Tchèque notamment. 

Comme vous le savez, ces bouleversements géopolitiques ont un effet forcément positif sur la balance commerciale de la France, déjà largement bénéficiaire dans le secteur de la défense. Chez Eurenco, où l'on était pas habitué à tant de lumière, le chiffre d'affaires explose, à 350 millions d'euros. Il devrait selon les prévisions actuelles (le carnet de commandes, qui ne concerne pas seulement l'Ukraine), atteindre le milliard d'euros en 2030. Cela se traduira directement par le recrutement de 100 personnes par an à Bergerac, intérimaires ou CDI. Un bureau concernant les cadres est ouvert sur Bordeaux dans le QG de Bordeaux Technowest à Mérignac (le "Cockpit"), juste devant les pistes de l'aéroport international.

Enfin, Eurenco a semble t-il impressionné l'US Army, qui a visité le site de Bergerac, puisque l'entreprise ouvrira une usine au Texas. A l'américaine, puisque trois fois plus grande que les installations françaises.


Et pas seulement Bergerac

Voilà pour les charges modulaires. Du côté des corps d'obus, cela se passe à Tarbes, où "les Forges"  bénéficient de 12M€ qui permettront de passer de la production de 35 000 corps d'obus aujourd'hui à 200 000 par an d'ici deux ans. Son principal client, KNDS, fournit aussi un effort, ne pouvant en assumer que 30 000 /an, ce qui explique une partie des problèmes rencontrés récemment. 

Dès 2024, la France prévoit de produire 100 000 obus de 155mm, dont 80% ira à l'Ukraine, le reste venant recompléter les stocks nationaux. 

Enfin, un dernier mot pour signaler qu'à  Bordeaux, dans le secteur des missiles et roquettes cette fois, l'expert des systèmes de propulsion Roxel va recevoir 10 millions d'euros du mécanisme communautaire ASAP (Act in Support of Ammunition Supply) pour accélérer lui aussi.

Concernant l'entièreté du sujet munition, une conférence (diffusée) était donnée au Ministère des Armées mardi matin. Ajoutons que sur le volet munitions légères, un accord de production pourrait être conclu avec l'industriel belge FN Herstal dès ce printemps.





lundi 14 novembre 2022

Les Tribunes de la presse 2022 du 23 au 26 novembre à Bordeaux

 

Un message (oui ils se font un peu plus rares cet automne) pour signaler le retour d'un grand événement annuel bordelais, les Tribunes de la presse. Cette édition 2022 se déroule du 23 au 26 novembre, et sera consacrée à la "guerre des identités".

Comme chaque année, l'événement, qui en est déjà à sa 12ème édition, questionnera du mercredi 23 au samedi 26 novembre 2022 « La guerre des identités », lors de débats, d’ateliers, et de rencontres dans quatre lieux de la ville.

Comme d'habitude également, des personnalités de renoms, qui viendront partager leur analyse sur des sujets comme la guerre en Ukraine. Le programme est en ligne.  

Inscription gratuite mais obligatoire sur le site de l'événement (attention, les plénières sont rapidement complètes !) : www.tribunesdelapresse.org


lundi 9 mai 2022

L'armée française prête à sauter le pas des munitions rodeuses

L'Agence pour l'Innovation de Défense a publié ce 9 mai 2022 deux appels à projets intitulés LARINAE et COLIBRI. Ils concernent tous les deux des solutions de systèmes automatisés dotés de charge explosive. En d'autres termes, il s'agit de munitions rodeuses. Une première en France.

Illustration: vue d'artiste du Switchblade américain.


Un court message ce soir car attention, révolution. Après - tardivement - les drones armés, la France semble se décider à franchir le pas des munitions rodeuses. 

En effet, nous pouvons lire dans la communication qui entoure l'appel à projet de l'AID que le ministère des Armées conduit et prépare plusieurs opérations d’armement dans le domaine des drones de contact et des drones tactiques. 

Afin d’accompagner ces actions, d’approfondir la connaissance du domaine, d’explorer les cas d’usages, tout en stimulant l’écosystème pour la proposition de concepts innovants, la Direction générale de l’armement (DGA) et l’Agence de l’innovation de défense (AID) lancent deux appels à projets complémentaires :
  • LARINAE porte sur la recherche d’un système bas coût de neutralisation et à « longue élongation », soit au-delà de 50km à partir de son point de mise en œuvre. La cible peut être blindée;
  • COLIBRI porte sur la recherche d’un système bas coût de neutralisation de cibles, dans la zone de contact, soit au-delà de 5km à partir de son point de mise en œuvre.

Ces AAP sont - vous l'aurez forcément remarqué - particulièrement intéressants de part leur caractère "low cost" (moins de 20 000 euros pour le consommable). 

Les premières démonstrations sont envisagées 9 mois après la contractualisation des projets ciblés par COLIBRI, et un an après la contractualisation des projets ciblés par LARINAE.

Les munitions rodeuses sont un sujet que l'on a pu évoquer plusieurs fois sur ce blog, en premier lieu lors du conflit du Nagorno-Karabakh à l'automne 2020, et plus récemment bien sûr, dans notre appréciation de la guerre en Ukraine. 

L'avenir proche nous dira dont si le champion national MBDA ou d'autres acteurs (des dronistes ?) ont su proposer une solution viable aux armées françaises. 

Commentaire personnel: un "TB-2 à la française" ne serait pas de refus non plus…


Les fichiers sont à consulter ICI, sur le site de l'AID. Ils comportent plus de détails sur le matériel recherché.


vendredi 22 avril 2022

De l'artillerie Caesar pour l'Ukraine !

Evolution dans le dossier du soutien à l'Ukraine. Emmanuel Macron a confié au journal Ouest France que la France livrait (ou livrera) des canons Caesar. Il y a ici une véritable montée en gamme. 

Ci-dessus: une batterie Caesar du 11e RAMa en Irak - ©ECPAD


Ce billet de blog fait suite à celui publié la semaine passée, qui traitait justement du potentiel soutien militaire français à l'Ukraine (lien ci-dessous):


Dans une interview publiée ce 22 avril par Ouest France, le candidat Emmanuel Macron évoque la situation en Ukraine, rappelant que "Nous livrons quand même des équipements conséquents, des Milan aux César en passant par plusieurs types d’armements. Je pense qu’il faut continuer sur ce chemin. Avec toujours une ligne rouge, qui est de ne pas entrer dans la cobelligérance."

C'est la première fois que le Président en exercice cite précisément les matériels français. C'est la première fois surtout qu'il est question d'artillerie de 155mm. 

Nous nous demandions récemment quel soutien était réellement en capacité d'apporter la France. Avec le Caesar, elle fournit à l'Ukraine l'un des meilleurs systèmes d'artillerie au monde. Or on le sait, dans la nouvelle phase du conflit qui s'ouvre (la bataille du Donbass), les moyens lourds seront déterminants. 


Un gain déterminant pour l'artillerie ukrainienne 

Le Caesar vient s'ajouter aux moyens très conséquents envoyés par les Etats-Unis concernant l'artillerie de 155mm. Sans rentrer une nouvelle fois dans la technique, un canon Caesar est capable de délivrer une pluie de feu à 50 km, avec une précision métrique. 
Il est mobile (quoique peu protégé dans sa version en service dans l'armée de Terre) et "combat proven", ayant très largement fait la preuve de son efficacité en Irak contre Daesh.


D'autant plus qu'avec des munitions comme BONUS, l'upgrade est conséquent. De là à parler de game changer, il n'y a qu'un pas. 


A noter justement que la filière munitions nationale (en tension) ne semble pas concernée, les USA s'occupant de livrer à l'Ukraine quelques 140 000 obus de 155mm, au standard OTAN, donc compatibles avec les matériels français.

Aussi sur le blog: De nouveaux canons CAESAR pour l'armée de Terre



Avec ces matériels occidentaux, l'Ukraine dépassera donc bientôt la capacité de tir des Russes (l'artillerie étant LE point fort de ces derniers), en terme de distance comme de précision. D'autant plus que les ukrainiens ont démontré une belle efficience en la matière jusqu'ici, et que soutien et logistique (MCO compris) vont être assurés par les pays voisins.  


Précisions à venir

Mais pour terminer, voici le douloureux exercice de désamorçage: est-il possible que le Président ait parlé trop vite ? Ou que la retranscription de l'interview ait laissé passer quelques erreurs ? Correction: l'information est confirmée de mon côté, pour un petit nombre de systèmes.

Après l'affaire des Rafale d'occasion (vers la Grèce et la Croatie), la France peut-elle se permettre de prélever encore une fois dans des stocks relativement minces ? C'est certes courageux, mais limite d'une part le nombre de matériels transférés. D'autre part, cela demandera un engagement de compensation immédiat vis à vis de l'armée de Terre, avec un soutien fort des industriels concernés (Nexter, Arquus ...). Correction : pas de prélèvement sur le parc français, mais "détournement" d'un contrat export, à savoir le Maroc.

Nous devrions en savoir plus dans les heures qui viennent, ou possiblement, au plus tard, la semaine prochaine si jamais un Emmanuel Macron réélu devait enfin se rendre à Kiev.  


Mise à jour : l'Elysée précise que les Caesar sont acheminés actuellement en Ukraine (6 a priori, possiblement 12 à terme). De plus, 40 artilleurs ukrainiens seront en formation en France à partir du week end du 23 avril. Le dispositif complet sera opérationnel "début mai".


mercredi 13 avril 2022

La France est elle armée pour armer l'Ukraine ?

La France a distribué des missiles à l'Ukraine, ainsi que de l'équipement individuel, du renseignement ou des prestations de formation militaire. Une participation critiquée pour son manque d'ampleur. Mais peut-elle vraiment faire mieux ? 

Ci-dessus: d'antiques canons automoteurs de 155mm AMX AuF1.


Nous avons donc enfin appris, dans un article du journal L'Opinion ce 12 avril, ce que la France avait précisément fourni comme support militaire à l'Ukraine. 

Il s'agit :

  • de missiles antichar Milan (pas tout récents) et Javelin;
  • de missiles anti-aérien Mistral;
  • de formation militaire;
  • de carburant et d'équipements individuels (tenues);
  • d'imagerie satellitaire.

Une grande partie de cette aide a été fournie avant le déclenchement des hostilités qui a eu lieu le 24 février. On suppose fortement que concernant les missiles, il s'agisse d'un relatif "petit" nombre, en raison du peu d'épaisseur des stocks français. 

L'ensemble de ce soutien est estimé à 120 millions d'euros.


Quelle crédibilité pour quel support ?

Voici pour la réalité. Une réalité qui devrait refroidir quelques ardeurs entendues ici ou là (partout dans le monde en fait, notamment chez les Britanniques). "Donnons la soixantaine de Mirage F1 sous cocon à Châteaudun ?" Manqué ! Ils ont été vendus au secteur privé américain. "Nos obusiers AuF1 qui n'ont aucune utilité ?" Obsolètes et définitivement impossibles à déployer à court ou moyen terme. 

De toute manière, outre la question épineuse des munitions, la "culture du stock" n'est plus en vigueur en France depuis longtemps. 

Ajoutons à cela qu'en pleine modernisation depuis le début des années 2000 (un porte-avions, les FREMM, le Rafale, le Tigre, le VBCI, le NH90... désormais les Griffon et Jaguar), et même en pleine "scorpionisation", nos armées dont le contrat opérationnel est constamment sous tension (ce qui est loin d'être le cas de tous ses alliés européens) n'ont aucune véritable marge de manœuvre.

Côté industrie, cela confirme une chose que l'on savait déjà: la BITD du 21ème siècle n'est en aucun cas conçue pour compenser l'attrition d'un conflit de haute intensité. Même en Russie. Même aux USA où les stocks de missiles Javelin mettront plus d'un an à être refournis.

Oui l'Allemagne s'apprêterait à transférer des Leopard ou des BMP de première génération. Mais pour répondre à quel besoin ? Ces machines sont hors-d 'âge et aujourd'hui quasiment impossible à maintenir en état au combat. Il en aurait été de même de nos AMX-10P.
Ce n'est donc pas forcément l'exemple à suivre, et c'est de toute façon nier les problématiques primordiales de la formation et de la maintenance. Les dons polonais ou tchèques (des chars T-72) suivent une meilleure logique.


L'impact de la culture OPEX

Pour prendre un exemple relativement comparable de ce que la France pourrait fournir plus ou moins gracieusement à un Etat dans le besoin, citons la liste de matériels inclus dans feu le contrat "DONAS" qui devait voir la France rééquiper l'armée libanaise en 2016 (via l'Arabie Saoudite): 48 missiles antichar Milan;  250 blindés de type VAB et Sherpa; 7 hélicoptères Cougar, 3 corvettes (CMN) équipées de missiles Mistral; 24 canons autotractés Caesar; et divers équipements de reconnaissance, de vision nocturne, interception et communication.

Une liste qui reflète bien les capacités françaises (constituant même un reflet d'un demi-siècle d'OPEX), et qui surtout s'intègre dans des besoins d'une toute autre nature… ce qui est en fait révélateur que l'armée française post-1990, l'armée de Terre surtout, sans menace à ses frontières, demeure conçue pour la projection. 

Et comme tout théâtre a ses spécificités, on se rappellera également de la quantité non négligeable de canons de 20mm livrés aux kurdes dans leur combat contre Daesh. Avec la formation adéquate, ces armes lourdes avaient été montées sur des véhicules, et leur apport jugé incontestable. Les FS françaises sont d'ailleurs toujours présentes auprès des kurdes, pour la formation, avec un Caracal. 

En 2014, la France avait livré de nombreux canons de 20mm aux combattants kurdes irakiens - © Bernard Sidler


Le soutien français à l'Ukraine ne s'arrêtera pas ici, et dépendra très fortement de l'évolution des événements. L'écosystème du renseignement (notamment dans le New Space, avec du traitement image) pourra y jouer un rôle, tout comme plusieurs équipementiers (drones, optiques..) qui passent sous un radar médiatique principalement focalisé sur les matériels lourds. 

Pour terminer, rappelons qu'il semble aujourd'hui bien loin le temps où l'on parlait d'un possible contrat Rafale en Ukraine. C'était pourtant il y a un an tout pile.

 

mercredi 16 mars 2022

Florence Parly effectue une dernière visite sur la BA 118


Alors que les Rafale de la 30ème escadre de chasse effectuent des patrouilles au dessus de la Pologne depuis les premières heures du conflit ukrainien, la ministre des Armées Florence Parly était lundi sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan.


A quelques semaines de la fin de leur mandat, la ministre des Armées Florence Parly et la ministre déléguée Geneviève Darrieussecq se sont rendues lundi 14 mars sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, devenue durant les dernières années l'une des principales plateformes des opérations aériennes françaises.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Rafale de Mont-de-Marsan ont été les premiers à assurer, quotidiennement, des missions de police du ciel aux frontières orientales de l'OTAN, en l'occurrence au dessus de la Pologne. Une mission à l'autre bout de l'Europe menée directement depuis la base aérienne 118.

350H de vol (7 à 8h par mission) ont déjà été assurées par la 30ème escadre de chasse, à bord de leurs Rafale F3-R dont c'est le premier engagement opérationnel sur ce standard (on remarque notamment qu'ils sont équipés du missile METEOR). Depuis ce lundi, des Mirage 2000-5 sont aussi déployés de façon permanente en Estonie, ce qui renforce la posture "puissance aérienne" de l'OTAN dans la région. 

Car Mont-de-Marsan -qui abrite également l'Air Warfare Center du CEAM- est bien l'une des implantations métropolitaines les plus mises sous tension par l'étirement du contrat opérationnel. Spécialistes de l'entrée en premier, ses Rafale sont sur tous les fronts, et constituent généralement la pointe des dispositifs français. 

C'est donc un bel hommage aux équipages et mécaniciens, et un signe fort, que cette visite ministérielle. L'occasion aussi de rappeler que la base a fait l'objet de nombreux investissements: une crèche a d'ailleurs été inaugurée ce lundi. 

 

mercredi 9 mars 2022

La haute intensité : enseignements à J+15


Près de deux semaines se sont écoulées depuis le lancement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Invasion tout à fait illégale sur le plan du droit international, de surcroît marquée par diverses violations du droit international humanitaire. En ce qui nous concerne, le temps d'une première analyse est venue s'agissant des réalités d'un conflit de haute intensité.

Disclaimer: ne bénéficiant d'aucune légitimité militaire et ne m'autoproclamant pas stratège, je ne me base ici que sur mon expérience et mes connaissances en matière de doctrine et savoir-faire occidentaux afin de déterminer: qu'aurions nous fait ? Aurions pu faire ? Ferions ? Ferons dans un hypothétique futur

 

  • Terrestre : des pertes russes équivalentes à la moitié de la force blindée française


L'offensive terrestre russe en Ukraine mobilise un peu moins de 200 000 hommes, aujourd'hui quasiment tous engagés dans les opérations selon le renseignement américain (jusque ici particulièrement fiable et surtout transparent).
Des premiers indices laissent même à penser que des mouvements de relève ont déjà débuté depuis le territoire russe, ce qui n'était a priori pas planifié pour si tôt. Des matériels (et pas les plus récents) sont même dépêchés depuis l'extrême orient.

Tout a été dit ou presque sur les objectifs de guerre à court terme de Vladimir Poutine. Même si un certain mystère demeure, il semble que pour la plupart, ils n'aient pas été atteints en temps voulu. 

La défense des troupes ukrainiennes à la fois sur certaines lignes de front, mais également en profondeur, et sur l'arrière, complique largement l'invasion russe telle que planifiée initialement. Mais d'autres sont plus à même d'analyser cette situation que moi (lire par exemple les points quotidiens de Michel Goya ou d'Olivier Kempf).
Sur le plan technique, les innombrables images du conflit montrent une recrudescence des MANPADS et ATGM de conception occidentale qui ont largement prouvé leur terrible efficacité contre les blindés, hélicoptères et avions. De plus, on commence à voir apparaître des optiques de vision nocturne ou vision thermique dans les groupes de défense, tandis que les troupes russes, pour la plupart, en sont privées.

Aussi et surtout, on sait désormais que l'Etat-Major ukrainien bénéficie, sous délai d'une à deux heures seulement, de renseignement IMINT (croisé avec du SIGINT), directement traité par les analystes Américains, ce qui facilite grandement la prise de décision sur le terrain. 

Mais alors que les grandes opérations de siège n'ont même pas commencé, tout est donc en place pour générer de l'usure chez l'occupant, qui reste au demeurant largement supérieur. Le flou informationnel persiste s'agissant des pertes dans les deux camps, même si les Ukrainiens ont acquis une maitrise impressionnante de la communication en temps de guerre (futur cas d'école ?). Des sites comme Oryx constituent la seule base de référence à ce stade

De surcroît, plusieurs choses choquent : tout d'abord, la catastrophe logistique russe. Celle-ci ne suit pas (entonnoirs routiers, pannes & abandons, rasputitsa), est au mieux insuffisante, et harcelée. Pour plus de développements, allez lire "Du Génie dans les opérations en Ukraine" chez Mars Attaque.
Le train français, qui a quand même un belle expérience en la matière au Mali, doit observer attentivement les manœuvres en cours, d'autant plus que la France va renouveler prochainement sa flotte de camions militaires. Or les camions constituent la majeure partie des matériels perdus dans ce conflit.

Mais encore, la maîtrise du ciel ne semble pas assurée contrairement aux dires des Russes. La bulle est perméable dans les couches basses, et des avions d'attaque SU-25 ukrainiens mènent quelques rares missions, tandis que les drones armés TB-2 d'origine turque sont encore là, employés avec parcimonie certes, mais avec un impact psychologique dévastateur, propagande et culture meme à l'appui (la Turquie se frotte les mains !). 
De notre point de vue, il s'agit pour la France de trouver rapidement une bonne formule s'agissant des drones armés. Le Bayraktar TB-2 n'est pas un drone MALE comparable au Reaper, et son évolution à basse altitude, combinée à sa faible empreinte radar, semblent lui donner un gros avantage sur le terrain. Sans solution technologique à portée, la question se posera donc rapidement d'armer les nouveaux drones tactiques Patroller de l'armée de Terre. Ou mieux encore, sauter une étape en investissant massivement dans les munitions rodeuses. 

Enfin, évoquons la théorie qui voudrait que l'armée russe n'ait volontairement pas engagé ses moyens les plus modernes, les deux tiers des pertes blindées étant constituées de matériels soviétiques. 
C'est un constat que je n'arrive pas à totalement partager, tant ce choix semble, pour un occidental, peu rationnel. Il faudra selon moi surtout regarder la réalité des modernisations effectuées dans l'armée russe. Y a t-il eu un effet vitrine bien servi par une habile communication ? Le niveau élevé de corruption a t-il eu des effets néfastes sur ces réformes et la performance des matériels ? Probablement.

Et que dire des troupes mal équipées ? De la présence de conscrits ? Des positions à peine défendues ?

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Une batterie russe laissée à la merci d'un tir de contre-batterie ukrainien.

A partir ce premier bilan, on constate qu'un tel niveau d'attrition décimerait l'armée française en quelques semaines, mais réfléchir en terme de masse n'a pas grande valeur selon moi ici, pour deux raisons: premièrement, les opérations majeures de l'Occident ont été menées depuis 1990 dans un esprit libérateur (Irak, Afghanistan, Mali, ou même Libye), avant que la situation sécuritaire ne se détériore durant la phase de "nation building". Aussi, l'armée américaine en Irak ou française au Mali n'a jamais eu affaire à un tel niveau de résistance militaire ou civile. Il s'agit là d'une terrible erreur d'appréciation de la part des Russes, qui d'une certaine façon se sont auto-intoxiqués à l'écoute de leur propre discours. A titre de comparaison, la France n'aurait jamais pu mener une opération éclair comme Serval - modèle du genre - sur un territoire hautement hostile rempli de missiles portatifs.

Deuxièmement, les Occidentaux, Américains compris, cherchent toujours à légitimer politiquement leur intervention par la constitution d'une coalitionDe facto, un conflit de haute intensité impliquant la France aurait peu de chances de se dérouler hors de ce cadre. C'est là bien entendu tout l'intérêt d'une alliance à haut degré d'interopérabilité comme l'OTAN.

Ce qui nous amène à la puissance aérienne…


  • Aéro et aéroterrestre: un bilan qui pose problème

De ce que l'on peut confirmer, la Russie a perdu au moins 11 appareils depuis l'entrée dans le conflit. La pire catastrophe ne concerne pas la chasse, mais la destruction d'un transporteur IL-76 avec 150 parachutistes à bord. 

Ces pertes sont dramatiques (notamment le samedi 5 mars), et le seraient encore plus si elles continuaient sur ce rythme. Il est néanmoins concevable que l'on soit dans la fourchette comptable inhérente à ce type d'engagement. 

Là où le bât blesse, c'est sur l'absence de soutien aérien. Les Russes semblent combiner plusieurs handicaps: manque de munitions guidées et pods de désignation (même les images officielles venant de Russie montrent des appareils munis de bombes lisses et pod roquettes), ce qui implique de voler à basse altitude à portée des missiles Stinger. Surtout, l'absence quasi totale de soutien aérien rapproché montre une absence de coordination interarmées, et probablement pire encore, de confiance mutuelle: les troupes au sol ne comptent pas sur leur aviation, l'aviation ne compte pas sur les troupes au sol pour la destruction des moyens anti-aériens qui la menace.

A titre de comparaison, les troupes occidentales ont réussi - en partie grâce à la qualité de leurs JTAC - en Afghanistan et au Levant à réduire le temps d'intervention du close air support à 10 minutes seulement. Une capacité dont ont d'ailleurs fait les frais les mercenaires de Wagner en février 2018 à Deir Ezzor (à leur grande stupéfaction selon les témoignages).

La problématique est bien entendu la suivante: la France pourrait-elle le faire seule ? Ma réponse pourra surprendre: "oui, et mieux". Mais pas plus de quelques jours, et pas à l'échelle de l'Ukraine. Nous manquons pour cela d'appareils (et de pilotes, la rotation serait épuisante), et surtout de munitions. La puissance aérienne de l'Occident relève à 90% de l'US Air Force.

Sur le volet aérien, le retard russe sur l'OTAN est donc considérable. La Russie semble dans ce conflit moins capable que l'armée de l'Air française ou la Royal Air Force britannique, même prises en dehors d'une coalition. 


Concernant les hélicoptères, le bilan est aussi important (au moins 11 pertes en 14 jours), ce qui n'a rien de surprenant dans un environnement saturé de MANPADS. Très présents dans les premiers jours, on les voit beaucoup moins depuis. On les voit surtout désormais évoluer tout seuls. 

De nombreux appareils auraient également été détruits au sol. Attention à ne pas connaître un destin à l'afghane. 

Les occidentaux sont eux passés maîtres dans l'usage des hélicoptères, mais, depuis le Vietnam, et à quelques moments spécifiques en Irak, cela s'est déroulé dans un ciel totalement dépourvu de menaces. Prenons plutôt l'exemple de la Libye en 2011, où l'ALAT française a mené des raids depuis la mer (PHA de classe Mistral) contre les forces loyalistes pourtant équipées en défense AA. Ces raids ont été menés par nuit noire, ce qui demande une expertise absolument exceptionnelle. Et rare. 

Cela semble pourtant être la condition absolue de la survivabilité des hélicoptères sur un théâtre de haute intensité.


  • Point maritime
Il y a peu à dire sur le volet maritime, si ce n'est que la Mer Noire est fermée aux navires de guerre, et que la flotte russe, semble hésiter à mener l'assaut.

Des missiles de croisière ont été tirés depuis la mer néanmoins (700 au total si on comptabilise le volet terrestre), mais sans réduire considérablement le potentiel ukrainien, notamment sur les bases de l'ouest.

La surprise, c'est que même à distance de sécurité, la marine russe a perdu un patrouilleur flambant neuf (2018). Le Vasily Bykov, attiré dans un piège, aurait en effet été touché par un tir de lance-roquette multiple depuis la côte, ce qui semble confirmé ce mercredi 9 mars.  

Une opération occidentale aurait bien entendu appuyé bien plus fort sur le levier maritime, dont elle a joui pleinement par le passé: missiles de croisière, missions aéronavales… une opération amphibie est plus risquée sans une couverture aérienne totale. 

La seul frégate de la marine ukrainienne a été sabordée. 


En conclusion, quels enseignements préliminaires tirer de ces deux semaines de conflit ? 

A l'ère industrielle, l'invasion d'un pays représente manifestement un coût faramineux, même pour la Russie, qui a selon toute vraisemblance sous-estimé la tâche. Une nouvelle phase semble débuter tandis qu'une guerre d'usure s'installe. Sous le coup de sanctions économiques sans précédent dans l'Histoire, combien de temps la Russie pourra t-elle tenir face à des Ukrainiens taillés pour causer des micro coupures au quotidien ?

Prédire les prochaines semaines relève toujours de l'exercice dangereux. Il ne faut pas de plus, oublier la part d'irrationnel qui peut encore jouer son rôle. Il paraît que le renseignement français comptait sur la rationalité de Vladimir Poutine pour ne jamais déclencher ce conflit.

Côté français, on peut toujours débattre de qui de la roue ou de la chenille est la plus appropriée dans l'arme blindée (la boue semble toujours gagner à la fin), du nombre de frégates, ou de notre retard en matière de drones. Une chose est certaine, nos sociétés comme nos armées ne sont pas préparées à supporter un tel coût humain et matériel. Il y a peu de chances qu'elles le soient d'avantage dans 10 ans. Mais l'épreuve que traverse l'Europe aujourd'hui nous sert autant d'avertissement que d'apprentissage. 


mercredi 2 mars 2022

Vers une flotte de 20 ravitailleurs pour l'armée de l'Air


L'invasion de l'Ukraine rebat les cartes en Europe. Le format des armées françaises pourrait en être bouleversé à court terme. Et cela pourrait commencer par l'augmentation majeure de la flotte de ravitailleurs dans les forces aériennes. 

Ci-dessus: un MRTT et deux Rafale de la 30ème escadre en patrouille au dessus de la Pologne. Notez que les Rafale sont en configuration Air/Air et équipés de 2 missiles METEOR chacun.


La Lettre A révélait ce mardi 1er mars que la France envisage sérieusement de commander 5 avions ravitailleurs Airbus A330 MRTT pour l'armée de l'Air et de l'Espace. Cette commande deviendrait de surcroît impérative en raison du nouveau contexte stratégique qui frappe l'Europe. La commande de MRTT était déjà passée en 2020 de 12 à 15 appareils. 6 "Phénix" sont à ce jour en service dans l'armée de l'Air et de l'Espace.

Autre dossier, l'accroissement de la flotte de transport, qui se ferait sur A400M, voire un nouvel appareil médian (la rumeur "A200M" revient souvent mais n'aurait pas les faveurs d'Airbus). 

Dans le même registre de la projection, sachez que la France se déploie en Roumanie grâce au MRTT, pour les hommes et femmes, au C-130 pour les munitions, mais aussi et surtout grâce à deux Antonov qui étaient à l'extérieur de l'Ukraine au moment de l'invasion. Les appareils convoient actuellement des blindés (AMX-10 RCR, VAB, VBL).


Concernant les opérations et le volet chasse cela se passe dans le ciel polonais pour l'instant, avant l'Estonie mi-mars (pour les Mirage 2000-5). Des Rafale de la 30ème escadre de chasse décollent quotidiennement de la base de Mont-de-Marsan, rejoints par un ravitailleur (Istres) et un E3-F Awacs (Avord).

La question de l'augmentation de la flotte de Rafale va inévitablement se poser. Elle est déjà préconisée dans un récent rapport parlementaire. 

En bref les temps sont exceptionnels et sitôt l'élection Présidentielle passée, nous devrions en apprendre d'avantage. 


vendredi 25 février 2022

Réveil stratégique

La guerre fait donc une fois de plus son retour en Europe. Et la sidération a fait son temps. La situation est extrêmement préoccupante et les premières mesures d'ordre militaire sont annoncées par les alliés de l'OTAN. Elles concernent bien entendu la France, actuellement nation-cadre de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation, autrement surnommée VJTF. 

 

En raison de l'évolution très rapide, et surtout très incertaine des combats en Ukraine, il sera difficile de suivre les évènements sur ce blog. Cependant, pour tous ceux que cela intéresse, tout se passe sur Twitter où la communauté défense - francophone ou non - réalise un travail remarquable de recoupement de l'information, minute par minute. 


Nous n'allons évoquer ici que les mesures de réassurance OTAN, alliance qui va devoir montrer les muscles comme jamais cela n'a été fait depuis 1990. 

D'ici deux semaines donc, la France enverra un sous-groupement de 200 hommes en Estonie (a priori des "troupes de montagne"), qui iront renforcer les Danois et Britanniques. Ces derniers ont d'ailleurs réceptionné aujourd'hui plusieurs de leurs chars Challenger 2. 

Pour rappel, la France s'entrainait encore il y a quelques semaines en Estonie dans le cadre de la mission Lynx, avec des moyens lourds comme le Leclerc et des VBCI.

Surtout, en Estonie toujours, 100 hommes supplémentaires viendront constituer un plot chasse, avec 4 Mirage 2000-5.

L'armée de l'Air et de l'Espace déploie en fait déjà des Rafale pour des patrouilles au dessus de la Pologne depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine. Ces appareils opèrent depuis la France.

Roumanie. C'était l'un des grands sujets français de la réassurance, un déploiement assez important prévu cette année en Europe de l'est, en même temps que la pression se desserre en Afrique. Attention cependant à l'Afrique, où plus aucune marge de manœuvre ne doit être laissée à la Russie (même si dans la précipitation, Wagner semble ces dernières heures se dégarnir en Afrique pour se renforcer en Ukraine)

Un GTIA français constitué de 500 hommes de l'armée de Terre va donc se déployer en Roumanie avec des moyens blindés, dans le cadre d'un calendrier largement accéléré qui risque de mettre en exergue nos lacunes en matière de projection. On parle même de 1 000 hommes à terme. Nous ne devrions pas y aller seuls (Italiens ?) puisque tout cela se déroule dans le cadre du bataillon de l'OTAN "Sparhead", dont la France est leader. La France commande en effet depuis le 1er janvier la VJTF, force opérationnelle interarmées à très haut niveau de réactivité. 

Concernant l'Ukraine enfin, elle est militairement livrée à elle-même, même si l'OTAN livre encore à l'heure qu'il est des équipements individuels performants. Il faut aussi noter que la France dispose d'une grosse douzaine de membres du GIGN à son ambassade de Kiev. Des hommes qui pourraient jouer un rôle tout à fait décisif s'il fallait protéger ou extraire le président Zelenski. C'est ce qu'ont très judicieusement laissé entendre des officiels français. 


Un dernier mot: surprise stratégique ? Non, le discours sur la haute intensité, tout comme celui sur les puissances révisionnistes, ont été rabâchés encore et encore ces dernières années. Ils ont même justifié les hausses en cours du budget de la défense. Il faudra toutefois aller encore plus loin, probablement à un budget autour de 60 milliards d'euros d'ici 10 ans (consensus autour de ce palier), pour un format opérationnel largement réévalué. 

Dans l'immédiat, nous, européens, sommes clairement pris de cours, et un nouveau processus s'entame à tous les niveaux, à commencer par les mentalités. 

C'est désormais notre grand défi pour la décennie. Un défi existentiel.