mercredi 27 mars 2024

Lanceurs français: que le(s) meilleurs(s) gagne(nt) !

Emmanuel Macron a annoncé mardi 26 mars lors de son déplacement en Guyane les lauréats de la nouvelle phase du volet spatial du plan France 2030. Ce sont ainsi quatre entreprises qui développent un petit ou micro lanceur 100% national, donc souverain, qui concourront pour l'obtention de financements atteignant au total 400 millions d'euros. La rupture, c'est que cette somme comporte l'attribution de marchés de lancements. 

Ci-dessus: les quatre projets sélectionnés - source, constructeurs. 


Cela commence dimanche soir, ce 24 mars 2024, par des fuites émanant de l'Elysée -où la presse généraliste a été conviée- et des réseaux sociaux de quelques dirigeants. La nouvelle est confirmée dès lundi matin par les entreprises et la presse, avant qu'enfin, Emmanuel Macron n'en fasse l'annonce officielle mardi 26 lors de sa visite au Centre spatial guyanais de Kourou (alors que le sujet principal n'est autre que le lancement prochain d'Ariane 6, désormais annoncé pour "fin juin").

Nous y voilà donc. Comme révélé le 11 décembre dernier, jour fameux puisque celui où la France décidait -enfin- de faire tomber les masques et d'ouvrir la compétition européenne du spatial, le programme d'investissement dans l'innovation "France 2030" passe à la vitesse supérieure en soutenant massivement le développement de la filière des lanceurs franco-français. Si en décembre, on apprenait que les Bordelais d'HyprSpace remportaient la première manche en obtenant un financement de 35 millions d'euros pour leur développement, tout restait encore possible pour les autres acteurs durant les phases suivantes.

Et la phase suivante, la voici: 400 millions d'euros pour quatre entreprises, à savoir HyprSpace, Latitude, Maïaspace, et Sirius space services

Plus précisément, nous parlons ici d'un soutien de l’Etat "pour 4 projets de micro et mini-lanceurs lauréats, pour répondre aux besoins publics d’un accès à l’espace flexible, robuste et disponible pour les petits satellites", selon les mots du communiqué diffusé par le ministère de l'Economie. Quatre projets mais en réalité deux volets:

  • HyPrSpace et Latitude concourront pour une mission en orbite basse (LEO) de lancement de charge utile de 50kg ; 
  • Sirius space services et Maiaspace mèneront la compétition sur une orbite héliosynchrone (SSO) pour la gamme de 800kg et plus. 


Le but de ce concours piloté par le CNES est triple: renforcer le new space français, investir dans les technologies de rupture, et cibler les investissements sur les besoins "avérés" et les marchés porteurs. Ce dernier point est important.

Notons aussi que si le Président cite expressément les lauréats de l'appel d'offres France 2030, il n'oublie pas les autres acteurs du segment lanceur, pour qui la porte reste ouverte. 


Du New Space à la française. Une révolution ?

Permettons nous d'outrepasser cette annonce majeure pour nous arrêter sur la véritable rupture. Avec France 2030, l'Etat cesse d'être un simple soutien, mais devient, à la façon de l'administration américaine depuis la fin des années 2000, un client de ces entreprises, à qui elle achète des lancements (à travers le CNES). C'est exactement ce que réclamaient ces start up depuis des années, "des marchés, pas des subventions !". Et cette décision de l'Etat -stratège ?- semble faire son effet, tant on peut constater depuis dimanche l'excitation palpable qui s'est emparée du secteur. 

Ajoutons en sus qu'il ne s'agit pas là d'un blancs-seing, argent public oblige, mais bien d'une compétition. Il faut en effet comprendre que l'intégralité de ces 400 millions d'euros (à l'échelle française, c'est assez considérable) n'ira pas à ces entreprises en cas d'échec(s) des premiers vols, qui d'ailleurs n'emporteront pas de charge utile stratégique, la prise de risque ayant tout de même ses limites. 

Il n'y aura même en fait, que deux vrais vainqueurs, mais peu importe puisqu'avec des premiers ou seconds lancements assurés pour tous (en 2026 et 2027, le calendrier de chacun semble avoir glissé) depuis Kourou, ces entreprises auront reçu la marque de confiance d'un Etat qui compte parmi les puissances spatiales de haut rang. Cela permet de formaliser les premières étapes d'une feuille de route qui s'inscrit dans le temps long de l'ambition. 

Ambition qui diffère d'ailleurs d'une entreprise à l'autre. A Reims, Latitude vise la flexibilité commerciale et les 50 lancements annuels, quand Maïaspace, spin-off 100% française (à vous de lire entre les lignes) d'ArianeGroup, a clairement des visées plus stratégiques avec le développement puis la montée en gamme dans le lancement réutilisable d'un lanceur dit "léger". Du côté de Bordeaux (Saint-Médard-en-Jalles), HyprSpace entend bien sûr révolutionner la propulsion avec sa technologie hybride. 

Mais en attendant, il y a Ariane 6, qui elle, reste la star en devenir de cette année 2024, et demeure en tant que lanceur lourd absolument stratégique pour notre accès souverain à l'espace, et ce sur toutes les orbites. Les employés du CSG de Kourou ont confirmé au Président -devant les caméras- qu'ils se fixaient l'objectif du premier lancement pour la fin du mois de juin.  

Côté France 2030, d'autres annonces seront faites sur le volet spatial, afin de pousser de nouveaux projets lanceurs, satellitaires (priorité aux constellations), et les services en orbite. 


Les annonces du 26 mars viennent confirmer la stratégie très agressive désormais portée par la France vis à vis de la concurrence européenne naissante. Stratégie qui consacre par ailleurs le rôle fondamental du port spatial de Kourou (là aussi, message à la concurrence), et rappelle que malgré le phénomène de "démocratisation" globale, les puissances historiques partent avec des atouts technologiques et humains primordiaux sur leurs challengers. Et quand cela s'ajoute à la volonté politique… le potentiel est redoutable. 


Ci-dessous: la "famille" des lanceurs français (européen pour Ariane 6) en développement: 



2 commentaires:

  1. La situation à venir pour la Guyane est inquiétante...
    https://www.francetvinfo.fr/france/guyane-francaise/gangs-venus-du-bresil-autonomie-territoriale-et-rayonnement-en-guyane-emmanuel-macron-veut-faire-oublier-son-dernier-passage_6445951.html

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  2. Cette initiative permet à la France de renouer avec le rôle de pionnier qui a été le sien en matière d'espace et de revitaliser le centre spatial de Kourou. On ne peut que s'en féliciter.

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