Le blog a 10 ans !

10 ans. 10 ans déjà ! C'est en effet début avril 2013 que les premiers post de Pax Aquitania ont été publiés. L'idée initiale, qui était de concentrer la très riche et abondante actualité défense (Rafale, M-51, forces spéciales…) du territoire aquitain  -qui n'était à l'époque pas encore Nouvelle Aquitaine- aura rapidement été dépassée par le besoin de développer des réflexions, des analyses, sur l'évolution et les choix qui structurent notre politique de Défense Nationale. 

10 ans, quasiment 2 000 publications, et quelques millions de pages visitées plus tard, le blog est bien ancré dans le paysage et m'a surtout permis de rejoindre une formidable communauté défense, active aux quatre coins du pays, et même ailleurs. Egalement en service continu sur Twitter. 

[Aparté : oui, toutes les publications du blog entre 2013-2017 ont été archivées il y a quelques mois, et n'apparaissent donc plus. Soit plus de 900 billets ! La raison est la suivante: internet est devenu une zone hostile et certains contenus faisaient l'objet d'action "de nuisance". Qualifions les ainsi. Sans compter les soucis de mise en page, et plus amusant, des sujets qui semblent tout à fait obsolètes aujourd'hui: beaucoup de promesses non tenues (sur les livraisons par exemple), et de programmes jamais lancés, malgré quelques millions investis…]

 

Pour détailler un minimum, il faut savoir que la vitesse de croisière du blog fut rapidement atteinte (merci l'export du Rafale !), dans le courant de l'année 2014, avant que le malheureux contexte sécuritaire français (puis européen) de 2015 et 2016 ne provoque un nouvel afflux de lecteurs. Même si l'on ne parlait pas beaucoup de terrorisme ici, les opérations anti-djihadistes avaient un fort impact sur nos opex et plus globalement, sur nos besoins capacitaires. Je pense par exemple ici à l'arrivée des drones Reaper. De plus, le monde étudiant était soudainement pris d'une forte appétence pour la chose militaire. 

Il faut ensuite remarquer que c'est entre 2017 et 2020 que la fréquentation du blog est la plus forte, et la plus constante (1 500 à 2 000 lecteurs quotidiens). Ceci, en raison probablement de l'annonce d'une hausse assez remarquable des budgets de défense dès l'arrivée à l'Elysée du Président Macron, et d'une prise de conscience plus globale, que le monde se durcit: terrorisme et politiques agressives des "Etats-puissances" (la Crimée est passée par là). La fin d'un certain angélisme. 

La pandémie qui débute en 2020 va néanmoins marquer un changement profond dans les comportements. Bien que le confinement du printemps ait ramené un nombre très important de lecteurs (nos préoccupations concernaient alors les besoins fondamentaux du pays et la fameuse souveraineté), ce "soufflet" est très rapidement retombé, initiant une baisse de la fréquentation qui n'a plus cessé depuis lors. Car en effet, la crise du Covid a fondamentalement changé les pratiques de consommation sur les réseaux (c'est notamment l'explosion de Tik Tok et des formats courts). Aujourd'hui, les institutions, armées comprises, les médias, ou même les entreprises ont très largement réappris à communiquer. Dans le même temps, le temps de lecture sur écran s'effondrait.

Enfin, l'Ukraine a marqué l'ultime étape, qui aura porté les sujets stratégiques sur les plateaux des chaînes d'information en continu (entre autres, la diffusion est évidemment plus large. L'OSINT est même devenue une mode). Cet intérêt n'est peut-être que temporaire, mais comme nous entrons très probablement dans un temps géopolitique de conflictualité(s) accrue(s), je fais plutôt le pari que le phénomène va s'ancrer. Je suis moi-même coupable, ayant plus commenté le conflit ukrainien sur Twitter que sur ce blog depuis le 24 février 2022. 

Donc oui, si nous faisons le bilan, l'ère des blogs a passé son apogée il y a déjà quelques années, cédant devant la toute puissance des réseaux sociaux et formats courts. Les grands blogs de défense sont moins actifs, en pause ou fermés. Il reste toutefois quelques brillantes plumes (dont, au sommet, celle de Michel Goya, maître en son royaume), mais nous sommes bien loin du foisonnement connu il y a 10 ans. Surtout, plus inquiétant, il n'y a plus aucune création de blogs. 

Je tempère ce constat cependant, en constatant que dans le milieu purement professionnel, la "culture stratégique" semble s'être fait une meilleure place qu'il y a 10 ans. Beaucoup de jeunes chercheurs très prometteurs notamment, que vous pouvez par exemple écouter dans le superbe podcast de l'IRSEM, "Le Collimateur". 

Aussi, pour en revenir à Pax Aquitania, je reconnais moi-même que le rythme a largement diminué depuis 2022. Moins de temps pour écrire, pour vulgariser, proposer du contenu gratuit… quand des médias ou community managers - et influenceurs parfois- sont eux employés à plein temps pour le faire. Vous remarquerez par exemple qu'entre les débuts de ce blog et aujourd'hui, il n'y a presque plus de billets sur les exercices des forces armées. Ces dernières ont en effet appris à communiquer sur les réseaux (il leur en a fallu du temps !), directement vers leur cœur de cible: les  recrues potentielles. 

Le résultat, du point de vue du lecteur, est évidemment un déficit d'analyse "indépendante" mais la politique est désormais ici la suivante: si le blog a durant des années bénéficié d'un rythme de publication soutenu (5 jours sur 7), je publierai désormais du contenu à chaque fois que du contenu vaudra la peine d'être publié, sans m'imposer de rythme particulier. Essayons par exemple d'avoir du contenu plus exclusif, sans abandonner ce leitmotiv qui voulait initialement que ce site soit un vecteur de pensée stratégique vers le plus grand nombre. Osons dire vulgarisation.

Mais 10 ans ce n'est pas rien, comme en témoigne le petit exercice auquel nous nous prêtons en conclusion. J'en profite donc pour rappeler quel plaisir cela est de tenir ce blog, en remerciant bien sûr chacun d'entre vous, chers lecteurs, que vous soyez de passage ou habitués, récemment débarqués ou de la première heure. Je remercie aussi celles et ceux qui postent des liens sur l'actualité dans les commentaires, ce qui permet, mine de rien, de compiler sous les articles un concentré d'informations sur des sujets précis. 

Je salue enfin tous les "collègues" blogueurs ou contributeurs du débat stratégique, avec qui j'ai la chance d'échanger au quotidien, certains depuis le tout premier jour. En particulier ceux de ma génération dont la vie active ou familiale prend aujourd'hui plus de place, et qui donc, comme moi, ont moins le temps ou la liberté d'écrire ! 

Pour la suite, nous verrons bien où ces aventures nous mènent ! 

Allez, pour finir, une compilation des grandes thématiques qui auront marqué ces 10 ans de blogging, de mémoire et dans le désordre: le drama du Livre blanc de 2013, puis de la LPM qui suivra. La maturité du système d'armes Rafale et ses succès à l'export; la lutte commerciale et stratégique face au F-35; le MCO aéronautique et sa réforme en 2017; les déboires de l'A400M dans sa jeunesse; Jean-Yves Le Drian; le SCAF franco-britannique (RIP !), la retraite du Mirage F1. Les campagnes du Neuron de Dassault Aviation. Toujours chez Dassault, les malheurs et le promesses de la gamme Falcon. Mais aussi les opex Serval puis Barkhane; Sangaris en RCA avec ses terribles conséquences dans le domaine du stress post-traumatique (question largement ignorée en France, mais que nous suivions ici), la funeste période des attentats, l'opération Sentinelle, ou la forte actualité autour des forces spéciales. L'armée de l'Air qui embrasse une destinée spatiale. Mais encore, dans le spatial, les atermoiements politiques et industriels sur le destin d'Ariane en 2014, alors que SpaceX prenait la place qu'on lui connait aujourd'hui. En corrélation, la naissance d'un new space Français particulièrement prometteur. Presque par opposition, la problématique des drones en France, un marché qui aura mis deux décennies à tenter de se structurer… et toujours dans le doute alors que le besoin est plus que jamais pressant. La scorpionnisation de l'armée de Terre. Patroller et PLFS, où êtes-vous ?! La consolidation structurelle et le changement de nom de certains des plus grands groupes de la BITD (snif, Turbomeca). Et finalement, la haute intensité… et surtout la guerre.