vendredi 20 janvier 2023

La France engage son "pivot" à 413 milliards d'euros


Dans un discours qui, mine de rien, fera date, le Président Macron a annoncé les grandes lignes de la future Loi de programmation militaire qui couvrira la période 2024-2030. Une LPM dont le montant s'élève à 413 milliards d'euros. Le budget annuel de la Défense sera donc en hausse moyenne de 30% jusqu'en 2030.


Avec à sa droite un Rafale de la 30ème escadre, et à sa gauche un système SAMP/T, le Président de la République était entouré de quelques instruments d'exception ce vendredi 20 janvier sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan.
Ce déplacement qui s'inscrivait dans le cadre des vœux aux Armées a pris une toute autre ampleur puisque l'agenda législatif français (nous arrivons à la fin de la Loi de programmation militaire précédente) rencontre le contexte géopolitique de la guerre en Ukraine. Signe de l'importance de ce déplacement, le public était particulièrement fourni, et les ministres présents en nombre.

Il y avait quelque chose de presque attendu dans ce discours, qui arrive quasiment un an après le déclenchement, par la Russie, de la guerre. Fini les conjectures sur la haute intensité. Depuis l'invasion russe, nous y sommes. Le temps de la réflexion est passé, les enseignements ont pu être digérés, et finalement des arbitrages décidés (ou pas comme nous allons le voir). Mais la Revue stratégique de sécurité parue cet automne avait été si peu claire et avare en… stratégie que c'était vers cette Loi de programmation militaire 2024-2030 que tous les regards se sont tournés depuis des semaines.  

A Mont-de-Marsan donc, Emmanuel Macron a présenté les grandes lignes d'une LPM de "transformation". Premier enseignement, et non des moindres, elle s'élève à 413 milliards d'euros (400 milliards + 13 de recettes exceptionnelles issues de ventes immobilières ou de fréquences) ! C'est historique puisque la précédente LPM était d'un montant de 295 milliards. On peut également apprendre dans la presse que Bercy (jamais l'allié de l'Armée) souhaitait plutôt 350 milliards, quand l'Etat-major espérait lui atteindre les 460.
Dans les faits le budget de la défense s'établira jusqu'à la fin de la décennie à environ 59 milliards d'euros, soit une hausse de quasiment 30% par rapport à aujourd'hui. Le Président Macron laissera donc sur ce plan là, un certain héritage puisque c'est depuis son élection en 2017 que les budgets sont repartis à la hause après un bas niveau historique sous les mandats Sarkozy puis Hollande (moins de 30 milliards d'euros annuels et une destructuration massive de l'outil de défense). Cette fois, enfin, le fameux standard OTAN des 2% du PIB est atteint.

Nuance : il faut néanmoins tempérer ces chiffres car le coût de l'énergie ou l'inflation viendront rogner cette marge nouvelle. Des programmes comme celui de la modernisation de la dissuasion nucléaire en prendront également une part importante.

Nous n'allons pas aujourd'hui faire la "shopping list", car l'exécutif n'a en réalité pas donné d'éléments très précis. La lecture de quelques entretiens donnés à la presse ce jour nous offre néanmoins plusieurs indices et pistes sérieuses:
  • un format de projection à 20 000H
  • le passage au "tout Rafale" (MAJ 23/01 : il s'agit bien d'un retrait prématuré des Mirage 2000D)
  • doublement des moyens de la DRM et de la DRSD
  • renforcement des forces spéciales
  • augmentation de 50% des moyens de la défense aérienne multicouche
  • des stocks de munitions
  • priorité au cyber et au spatial (avec rôle important pour le secteur privé)
  • une stratégie ultramarine (avec de nouveaux moyens comme les drones) que le Président en personne déclinera prochainement
  • un réseau d'alliances qui s'étend jusqu'au Pacifique (le Président cite l'Indonésie)
  • le respect de l'intégralité des commandes planifiées (frégates, corvettes, Falcon, A400M...)
  • … et des nouveautés: d'avantage de drones, de l'artillerie longue portée (HIMARS ?)
  • un porte-avions de nouvelle génération (en service en 2040)
  • poursuite de grands programmes structurants comme le SCAF (avec intérêt de nouveaux partenaires européens)
  • un MCO optimisé (donc moins cher)
  • des matériels moins complexes (donc moins chers), produits plus vite.

Oui la liste des "indices" est déjà longue mais des inconnues demeurent, comme ce qui entoure l'arme de cavalerie blindée lourde. Il ne s'agit pas non plus de trop espérer, de surcroît si le format global de l'armée de Terre n'évolue pas. Et nous avons été prévenus en amont, "la France n'est pas l'Ukraine".

Le Président comme le Ministre Sébastien Lecornu ont été clairs, il n'y pas de révolution mais bien une transformation. Le chef des armées a d'ailleurs beaucoup fait usage du mot "pivot". Il semble donc, et c'est mon analyse, que l'on entende miser sur nos actuels points forts, à commencer par celui de la dissuasion nucléaire, ou des forces spéciales, tout en faisant quelques "paris" comme sur le cyber, et le spatial.

Sur le plan des ressources humaines, le format ne change pas, mais un renforcement assez important de la réserve est annoncé.

Nous aurons le loisir de décliner et d'analyser le contenu de cette LPM lorsque les débats parlementaires débuteront, au printemps. En attendant, il faut constater que nous avons bien changer d'ère le 24 février 2022.


Le discours est à découvrir en intégralité ci-dessous:



5 commentaires:

  1. devant la montée des périls et la perte progressive de notre souveraineté voulue et assumée par le président de la République depuis 7 ans, mais aussi par nombre de ses prédécesseurs, un discours équivoque est entretenu sur la nécessité d’une défense européenne dont personne ne veut, hormis la France, en espérant qu’elle en soit leader. Sur les 27 pays faisant partie de la communauté européenne 26 pensent que la défense européenne existe, c’est l’OTAN.



    Aujourd’hui, nous avons probablement atteint un point de non-retour, des pans entiers de notre souveraineté industrielle s’effondrent, dont l’industrie pharmaceutique, la chimie, l’agroalimentaire, l’automobile, phénomène qui risque de s’accélérer par l’abandon des moteurs thermiques, le nucléaire civil qui a pris, faute d’investissement, du retard sur les concurrents, et dans certains domaines macroéconomiques, nous dépendons désormais totalement de l’étranger, c’est ce qu’a révélé la dernière crise sanitaire du covid et que révèle aujourd’hui la crise des énergies. De surcroit, le déficit commercial, selon le projet de loi de finances pour 2023, devrait atteindre 156 milliards d'euros cette année puis 154 milliards l'an prochain contre 85 milliards en 2021, ce qui a aussi pour effet d’augmenter la dette, qui s'établit le 16 décembre 2022 à 2 956,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 40,0 milliards d'euros par rapport à 2021, elle est à 114% du PIB. Pour donner un point de comparaison, en 1945 après cinq ans de guerre, la dette française se montait à 160% du PIB de l’époque, à ce rythme nous en serons proches dans 3 ou 4 ans.



    Ce qui échappe fort heureusement à ce tableau peu réjouissant c’est la BITD (la base industrielle et technique de défense), fruit d’un investissement continu de l’État depuis plus de 60 ans, c’est ce qui a maintenu notre aéronautique, notre construction navale, notre nucléaire militaire, notre capacité dans les domaines électronique (radars), dans celui des missiles, de l’espace, à un niveau exceptionnel et unique en Europe. Les grands groupes de défense (Airbus Group, Dassault Aviation, Naval Group, Thales, MBDA, Nexter, Arquus, Safran) et les 4000 PME qui y sont associées sont des pépites enviées par de nombreuses Nations mais menacées de toute part, y compris par Bruxelles. La vente à l’américain Heico de la pépite électronique Exxelia, qui équipe notamment le Rafale, les sous-marins français, l’A320 et même le F-35, en est un exemple tout récent…
    https://www.athena-vostok.com/si-vis-pacem-para-bellum-la-future-loi-de-programmation-sera-decisive-1

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  2. C'est plutôt 400 +13, mais nous y verrons plus clair au printemps avdc les débats parlementaires.
    https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2023/01/20/un-budget-des-armees-de-400-milliards-d-euros-sur-la-periode-23615.html

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  3. C'est malheureusement un excellent diagnostic de votre part M Pietrini mais ne jamais oublier la boutade du général de Gaulle " La France nous entrerra tous ".
    Il sufit que d'autres hommes ou de femmes émergent pour que la France reprenne le flambeau de la résistance aux idées de soumission .

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  4. "En même temps", on garderait des Mirage 2000-D...
    https://www.opex360.com/2023/01/25/larmee-de-lair-et-de-lespace-passera-au-tout-rafale-mais-en-gardant-ses-mirage-2000d/

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