Ce lundi 17 novembre 2025, le président ukrainien Zelensky était à Paris pour renforcer le partenariat stratégique avec l'un de ses premiers soutiens: la France. Au cœur de la visite, la promesse d'achat d'armements français de premier ordre, à commencer par ce chiffre évoqué de 100 avions de combat Rafale. Un "contrat du siècle" qui a cependant de faibles chances d'aboutir… du moins à court terme.
Ci-dessus: Emmanuel Macron et Volodymyr Zelenski à Villacoublay, devant un Rafale - Elysée.
En avril 2021, j'évoquais sur ce blog le pari impossible du Rafale sur le marché Ukrainien. Malgré la rumeur qui circulait à l'époque, on savait déjà en effet l'Ukraine financièrement exsangue, et l'invasion à grande échelle par la Russie n'avait même pas encore été déclenchée. Plus de quatre ans de dévastation plus tard, la donne a-t-elle changé ?
Après avoir signé une lettre d'intention en octobre en Suède pour 100 à 150 chasseurs Gripen, le président Ukrainien réitère la manœuvre en France avec des drones (et c'est sûrement la partie la plus importante, notamment sur le segment anti-drone), de très précieux systèmes SAMP/T de MBDA, et donc ces 100 Rafale.
L'annonce fait naturellement grand bruit, les politiques, la presse et les divers commentateurs s'emballent… quand dans le même temps, Dassault Aviation, tout de même l'un des premiers concernés, ne réagit qu'assez laconiquement à travers un très bref communiqué remerciant "les autorités ukrainiennes et françaises pour l’accord d’intention d’acquérir l’avion de combat Rafale, qu’elles viennent de signer, et pour la confiance qu’elles placent dans les capacités opérationnelles de cet appareil". Un degré d'enthousiasme plutôt révélateur.
Hors emphase médiatique, la prudence est donc de mise. Logique quand on parle d'un marché équivalent à 20 milliards d'euros environ, rien que pour la partie Rafale, que l'on ne sait pas comment financer d'un côté comme de l'autre, hormis via l'hypothétique déblocage des avoirs russes -ou de leurs intérêts- gelés dans l'Union Européenne.
Il y a, de plus, la question essentielle de nos capacités de production, et tout autant, de la liste d'attente alors que le Rafale connaît son âge d'or sur le plan commercial. A Mérignac, où l'on produit l'équivalent de 3 avions par mois, et bientôt 4, on voit depuis quelques semaines apparaitre les premiers Rafale pour l'Indonésie (livraison attendue début 2026 pour le premier de ces 42 appareils), tandis qu'il y a également l'armée de l'Air française et les EAU (commande géante de 80 appareils pour ces derniers) à livrer dans les prochaines années. Puis ce sera -de nouveau- le tour de l'Inde… En bref, il n'y a probablement pas de place sur ligne d'assemblage pour un Rafale ukrainien avant 2029/2030, et ça sans compter sur la signature d'un autre contrat d'ici là (avec l'Inde, encore et toujours ?). Car rappelons le, l'Ukraine n'a signé qu'une lettre d'intention, pas un contrat. Un client peut donc toujours lui passer devant.
Enfin, il faudra connaître le destin de l'Ukraine, déterminant. Je n'ai guère de doute sur la capacité de cette nation à survivre à ce conflit, mais lorsqu'il s'agira de signer la paix (ou du moins l'arrêt des combats), quelle marge de manœuvre, politique ou financière, restera t-il à Kiyv pour se réarmer ? Car c'est bien de cela dont il s'agit: se reconstituer post-conflit une puissante armée de l'air, cohérente, moderne, et surtout dissuasive. Une reconstruction qui demandera de surcroît de longues années de formation pour le personnel dédié. En fait, Emmanuel Macron lui-même le précise : il s'agit d'un plan sur 10 ans.
Comme en Suède il y a un mois, l'opération de communication diplomatique est néanmoins réussie, au point que l'on se demande même si la seconde annonce ne vient pas télescoper la première, mais pourquoi pas, Rafale et Gripen ferait un joli duo, un duo européen. Car c'est peut-être là le principal message de cette séquence. Pour son futur encore incertain, et à l'inverse de tous ses voisins, l'Ukraine a coupé les liens avec l'armement américain.
Pour ce qui est du présent, sur le front, c'est le Mirage 2000 qui fait le job.
Merci de ramener la raison au centre du débat, sans petite politique et excès sociétaux. Je suis en phase. 👍
RépondreSupprimerArticle pertinent et sans parti pris. C'est rare et sain.
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