mercredi 27 septembre 2017

Emmanuel Macron plaide pour une culture stratégique européenne


On attendait beaucoup du discours d'Emmanuel Macron ce 26 septembre à La Sorbonne. Des idées, et surtout de quoi donner une véritable impulsion pour l'Europe. Le Président de la République a sans surprise plaidé par une défense intégrée plus forte, mais a surtout rappelé que rien n'était possible sans l'existence d'une culture stratégique commune.  

Photo: Emmanuel Macron, à La Sorbonne, mardi 26 septembre - AFP


Modèle social, éducatif, fiscal, économique... mais aussi défense et sécurité. Ce discours de La Sorbonne, dans la cadre de l'Initiative Européenne, était scruté dans toute l'Europe. Car après une élection teintée d'un courant europhile, et avec une Allemagne aujourd'hui en difficulté (ou du moins qui se cherche, Angela Merkel ne disposant pas ou plus d'une grande latitude), on ne peut nier que la France a un rôle majeur à jouer.

Et pour en venir à ce qui nous concerne, elle ne peut-être qu'un moteur en terme de défense. La "première armée d'Europe" est de loin la plus opérationnelle. Elle est surtout bien seule au sein de l'Union depuis le Brexit (même si tout est relatif dès qu'on évoque le rôle du Royaume-Uni). 

Emmanuel Macron a donc plaidé pour une « capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’Otan ». Et de réclamer une capacité d'intervention commune, un budget ( pour ces interventions ? à préciser), mais surtout, une doctrine.



Là où le Président a parfaitement raison d'insister, c'est sur le fait que rien de tout cela n'est possible sans une culture stratégique européenne. Nous parlons ici de capacités et doctrines militaires, mais également de volontés politiques et diplomatiques:
« Ce qui manque le plus à l’Europe aujourd’hui, cette Europe de la Défense, c’est une culture stratégique commune. Notre incapacité à agir ensemble de façon convaincante met en cause notre crédibilité en tant qu’Européens. Nous n’avons pas les mêmes cultures, parlementaires, historiques, politiques ni les mêmes sensibilités. Et nous ne changerons pas cela en un jour. Mais je propose dès à présent d’essayer de construire cette culture en commun, en proposant une initiative européenne d’intervention visant à développer cette culture stratégique partagée.»

Si la tâche s'annonce ardue côté politique comme toujours, sur le plan militaire, il n'y a rien d'insurmontable. Emmanuel Macron invite d'ailleurs les différentes forces armées à multiplier les échanges au sein de l’Union, afin de cultiver une culture stratégique. Un Erasmus de la défense, sur la base du volontariat.


Une force d’intervention commune dans les 3 ans, des budget au niveau de l'Union... toutes ces propositions ne sont pas nouvelles loin de là, et rassemblent presque à elles seules une grande partie des problématiques, ou devrait-on dire symptômes, de l'Europe de la défense depuis sa genèse. Bien des choses ont été initiées, bien peu ont été employées sur le terrain. On pense ici par exemple aux Groupements tactiques, qui, bien que pensés de façon cohérente (par "affinités" opérationnelles entre Etats), à échelle raisonnable, et pour des missions relativement proportionnées... n'ont jamais servi.

En bilatéral, les choses ont toujours semblé plus prometteuses, mais cela reste à prouver.

S'agissant des échanges qui pourraient aider à la constitution d'un culture stratégique commune, ils existent déjà. Tout le monde a déjà entendu parler de la brigade franco-allemande, mais les exemples sont légions, et concernent tous nos partenaires (européens, américains, africains...). Il s'agira maintenant de faire encore plus. Je vous invite à revenir sur cet article paru sur Mars Attaque en 2015, qui pour le coup demeure toujours extrêmement pertinent au lendemain du discours de La Sorbonne: Parrainage et jumelage - De l'intérêt des Autres...


L'Europe devra passer au révélateur des opérations

Mais quid du terrain ? Nous n'allons pas aujourd'hui revenir sur toutes les subtilités des opérations modernes. On peut déjà lire ici ou là que les limites sont trop importantes, que tout cela est vain, encore une fois, tant les cultures sont divergentes en Europe, et le manque de volonté si flagrant. N'a t-on pas pourtant derrière nous plusieurs générations d'opérationnels parfaitement formés aux normes otaniennes, et rompus aux opérations en coalition ? Evidemment le maître étalon est états-uniens, et le cadre favori des européens reste otanien, mais nous disposons bien là de la base d'une opérabilité commune. Planification, ROE/CAVEAT, ne sont plus des barrières infranchissables.

Le pivot ne pourra être que politique.

Le rôle que peut jouer la France pour entraîner derrière elle les européens volontaires est celui d'une véritable nation-cadre. L'OTAN peut demeurer - et demeurera - un outil destiné à la haute intensité ou aux grands déploiements (comme l'Afghanistan), que de toute manière, nous ne saurions plus gérer seuls. Ce n'est pas le type d'opérations pour lesquelles l'Europe sera prête à moyen terme, si tant est que ce soit par ailleurs une de ses vocations... ce que je ne pense pas. Une OPEX semblable à Barkhane au Sahel ferait déjà figure de test grandeur nature. A ce titre, ce n'est pas parce que l’engagement des européens n'est pas visible médiatiquement qu'il n'existe pas. Allemands, Suédois ou Hollandais sont présents au Sahel, que ce soit avec l'ONU ou les Français.

De plus, la multiplication de solides partenariats, tant dans le monde industriel européen (avec les grandes fusions) et l'innovation (E.Macron veut une DARPA en Europe, spécialisée dans l'innovation de rupture), ou plus opérationnels comme l'entrée récente de la Belgique dans le programme SCORPION (ajoutez à cela le partenariat proposé à Bruxelles pour le Rafale), aideront très certainement à faire des progrès inespérés dans ce nouveau cycle qui s'amorce.

Oui je suis optimiste, mais avons-nous le choix ? La démarche extrêmement volontariste d'Emmanuel Macron a globalement peu de chance d'être menée à son terme avec ce cahier des charges, ne rêvons pas trop. Mais ces progrès iraient dans le sens d'une Europe plus souveraine sur la plan stratégique, et reconnaissons le, d'une France plus forte, car meneuse et influente.


PS: Enfin, question sécurité et anti-terrorisme, l'idée d'Emmanuel Macron serait celle d'une Académie européenne du renseignement. Là encore, bon courage... mais on pressent qu'il s'agit plus d'un travail de fond visant à instituer de bonnes pratiques et outrepasser les limites traditionnelles inhérentes au monde du rens.


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