C'est donc décidé, la France, par la voix de la Ministre des Armées Florence Parly, a annoncé ce mardi 5 septembre qu'elle allait se doter de drones armés à l'horizon 2019. Après un cheminement doctrinal très raisonnable, c'est une certaine logique opérationnelle qui l'emporte.
Photo: un MQ-9 Reaper de l'US Air Force tire un missile Hellfire
J’ai décidé d’armer nos drones de surveillance #UED2017— Florence Parly (@florence_parly) 5 septembre 2017
"Enfin" diront certains, là où d'autres redouteront l'ouverture d'un boîte de Pandore. La ministre de des Armées Florence Parly s'adressait ce mardi 5 septembre à une audience d'opérationnels et de spécialistes de la défense réunis lors de l'Université d'été de la Défense qui se tenait à Toulon. Celle-ci a confirmé que la France se lançait dans le processus d'armement de ses drones de surveillance.
Les six drones MALE Reaper en service dans l'Armée de l'air, puis à terme la douzaine, devraient être ainsi équipés d'un armement, probablement des missiles Hellfire, d'ici 2019.
Les six drones MALE Reaper en service dans l'Armée de l'air, puis à terme la douzaine, devraient être ainsi équipés d'un armement, probablement des missiles Hellfire, d'ici 2019.
Pas de surprise, cette décision était fermement attendue depuis des mois, et même mûrement réfléchie depuis des années. On se souvient même qu'en mai dernier, un groupe de travail co-présidé par les sénateurs Cédric Perrin et Gilbert Roger préconisait ce passage aux drones armés. Avant cela, chefs d'Etat-Major, et même le précédent ministre, Jean-Yves Le Drian, avait évoqué cette solution. Ce n'était donc juste qu'une question de temps.
Sur le plan opérationnel, on ne voyait pas en effet, comment la France pouvait continuer ses missions en se privant d'une telle capacité. Les drones de surveillance (ou MALE, pour moyenne altitude, longue endurance) offrent par exemple la permanence qui nous a longtemps manqué sur des théâtres, certes de basse intensité, mais néanmoins immenses sur le plan géographique, comme le Sahel.
Les drones armés allieront endurance, discrétion, surveillance et capacité de frappe au bon endroit et au bon moment #UED2017— Florence Parly (@florence_parly) 5 septembre 2017
De plus, argument maître en ce temps difficile pour les matériels des armées, les forces aériennes françaises disposeront désormais de vecteurs capables de fournir à la fois une capacité de renseignement, de frappe sur le même objectif, sans avoir besoin de demander l'intervention de chasseurs: "Les drones de surveillance apportent au combat moderne leur discrétion et leur capacité à durer sur les zones d'action (...) À l'avenir, avec la décision que j'annonce aujourd'hui, les drones armés permettront d'allier en permanence la surveillance, l'endurance dans la discrétion et la capacité de frappe, au moment le plus opportun. Ainsi, nous gagnons en efficacité et nous limitons le risque de dégâts collatéraux", a déclaré Florence Parly.
Grâce aux drones armés, nous protègerons mieux nos forces et mettrons une pression constante sur nos ennemis #UED2017— Florence Parly (@florence_parly) 5 septembre 2017
Bref, nous ne nous étendrons pas - de nouveau - sur les divers apports tactiques que représentent l'emploi de drones armés. Nous avons pris, en France, le temps de la réflexion, et la société semble prête sur le plan moral. Sur celui du droit, on assure au Ministère des Armées que rien ne différenciera cette méthode d'une frappe aérienne conventionnelle.
Les frappes de nos drones armés seront régies par les règles - strictes - d'engagement de la force appliquées par l'armée française #UED2017— Florence Parly (@florence_parly) 5 septembre 2017
Tout de même, et le contraire aurait été étonnant, les JT de 20h titraient hier soir sur les grandes chaînes que la France s'engageait sur le chemin des USA, en particulier de l'administration Obama et ses milliers de frappes effectuées dans les zones tribales afghano/pakistanaises, en Irak, en Somalie, au Yémen... Ce qui n'est pas tout à fait vrai, et ce pour plusieurs raisons. Nous en citerons deux ici:
- d'une part, la France n'aura en 2019 que 12 drones Reaper aptes à être armés (sachant qu'ils ne le seront pas forcément tous) là où les américains en possèdent des centaines. En terme d'usage, ce n'est donc pas vraiment comparable. Les (faibles) moyens français nous obligeront comme souvent, et c'est parfois pour le mieux, à bien délimiter nos actions. Cela sans compter sur le fait que l'Armée de l'air tient au pré-positionnement des opérateurs sur le théâtre, et non au pays, chose qui pourrait favoriser un syndrome de détachement vis à vis de la guerre en tant que telle, avec les troubles psychologiques que cela peut engendrer chez les pilotes.
- D'autres part, le débat éthique et juridique autour de l'emploi des drones armés tourne principalement autour de leur utilisation par un service de renseignement - en l’occurrence la CIA - dans des opérations d'assassinat ciblé, et pas forcément sur des théâtres d'opération déclarés.
Dès maintenant, il restera donc à définir avec le fournisseur américain la procédure qui mènera à l'armement de ces drones, par des missiles Hellfire* vraisemblablement. Et avant de pouvoir bénéficier d'une réelle autonomie s'agissant de ces aéronefs, nous devrons attendre l’émergence du MALE européen, attendu d'ici 2025.
* d'ailleurs, un drone armé, fatalement, pèse plus lourd. Son autonomie peut être réduite de moitié, de 24h à 12h pour le Reaper. A l'Armée de l'air de trouver la bonne formule.
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