Selon un rapport parlementaire (Sénat) daté du 23 mai 2017, mais rendu public ce jour, le recours pour la France aux drones armés est une nécessité d'ordre pratique. Ce dernier préconise en effet que les forces armées françaises puissent enfin recourir à moyen terme aux drones armés.
Photo: un MQ-9 Reaper de l'US Air Force, armé de missiles et de bombes guidées. Les drones de même type achetés par la France sont non-armés, et servent le renseignement.
"Drones d'observation et drones armés : un enjeu de souveraineté" est un rapport d'information de MM. Cédric PERRIN, co-président, Gilbert ROGER, co-président, Jean-Marie BOCKEL et Raymond VALL, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Rapport consultable ICI
Pour résumer, le rapport fait le juste constat selon lequel de nombreux pays utilisent désormais des drones armés, y compris les démocraties d'Europe de l'ouest (Royaume-Uni, Italie... volonté allemande ?). Dans le monde, c'est même une véritable prolifération qui se dessine, notamment au Moyen Orient (Arabie saoudite, EAU, Irak, Iran, Pakistan, Turquie...) où on découvre par exemple du matériel chinois.
C'est tout le panel d'emploi des drones (Air, Terre, Marine, forces spéciales...) qui est énuméré, et avec les nombreuses possibilités qui s'offrent aux armées. Dans ce contexte, les deux sénateurs semblent là délivrer un plaidoyer en faveur du recours aux drones armés dans les forces armées françaises, et ce pour des raisons tactiques évidentes.
De plus, l'argument juridique selon lequel l'emploi de ces vecteurs serait en contradiction avec le droit international ne vaut pas. En effet, du point de vue du droit, "les drones armés ne diffèrent pas des autres systèmes d'armes". Un constat qui en soit, est parfaitement vrai. Tout comme l'argument du facteur humain, qui dans l'état actuel de l'art, est encore totalement intégré dans la boucle opérative et décisionnelle.
Souvent qualifié à tort d'avions sans pilote, les drones ne sont que des aéronefs pilotés à distance.
La France, via l'Armée de l'air, possède actuellement 6 drones MALE américains MQ-9 Reaper, achetés sur étagères. Ils seront 12 à terme. Ces drones, qui sont arrivés directement sur le théâtre sahélien comme un véritable "game changer" pour les armées françaises (renseignement, vols de très longues durées...), sont - comme souvent avec les matériels américains - soumis à diverses autorisations et procédures que nous ne maîtrisons pas. Les français, dont les équipages sont encore en trop faibles nombres, n'ont acquis par ailleurs la capacité de faire décoller et atterrir ces drones que depuis peu.
Il y a donc du chemin à parcourir avant de pouvoir armer ces drones, et surtout les employer à notre convenance. Les deux sénateurs préconisent d'abord d'améliorer les capacités du Reaper livrés à la France, en le dotant de moyens de surveillance électromagnétiques et d'imagerie haute définition, ce qui n'est pas donné à tout le monde, car il faut pour cela pouvoir compter sur des capacités de liaisons de données par satellite très solides. Ce que l'industrie nationale est en mesure de fournir.
En ce qui concerne une souveraineté pleine et entière sur ces systèmes, il faudra attendre l'aboutissement de programmes français, ou plus probablement européens.
C'est pourquoi le rapport mentionne ces mesures comme transitoires, le vrai enjeu étant la mise en place d'un vrai marché européen du drone militaire, qui devrait notamment s'illustrer à travers deux programmes ambitieux, que sont le MALE 2025, et le drone de combat furtif du FCAS (Future Combat Air System) franco-britannique.
La France possède 5 Reaper basé à Niamey au Niger. Un 6ème doit servir à la formation à Cognac - Armée de l'ait |
Franchir le pas
Les conclusions de ce rapport ne sont ni une nouveauté, ni - encore moins - une surprise, car en effet, la question du recours aux drones armés se pose en haut lieu depuis au moins 2012 et revient assez régulièrement sur la table, à travers divers problématiques d'emploi. J'en veux pour preuve les différents articles parus sur ce blog depuis 2013 (Ici, ou Là).
Pour dire vrai, il n'y a plus, au sein des institutions, grand monde pour s'opposer à l’établissement de cette doctrine. Au contraire, elle semble même inéluctable.
Mais on le sait, l'emploi des drones armés n'a pas bonne presse, en partie en raison des pratiques américaines - officielles ou clandestines - de la dernière décennie. Après des années d'un feu nourri de la part des ONG ou de la société civile contre cette pratique démocratisée par Barack Obama, il est indéniable que le recours aux drones armés est en voix de généralisation, et surtout normalisation.
La France, constamment en retard sur le dossier des drones, pourrait de facto bien profiter du fait que le débat sur la déshumanisation du champ de bataille se déporte progressivement vers la problématique des SALA (systèmes létaux autonomes, autrement dit les "killer robots") et de l'intelligence artificielle.
Fatalement, le présidence Macron devrait donc être marquée par cette décision, possiblement lourde de conséquences en terme de perception dans la société civile. En bien comme en mal, vous l'aurez compris.
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