lundi 10 septembre 2018

La Défense fait sa rentrée, l'esprit tourné vers le ciel


Alors que le monde de la Défense Nationale fait sa rentrée ce lundi 10 septembre avec l'Université d'été de la Défense à Satory, la ministre des Armées Florence Parly a posé vendredi dernier au CNES, dans un certain fracas médiatique, l'un grands enjeux de la stratégie mondiale: la militarisation de l'espace extra-atmosphérique. 

Illustration ci-dessus: l'Armée de l'air assure la protection du site de Kourou, en Guyane. Une base stratégique pour la France, et l'Europe. 


C'était vendredi au CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), à Toulouse. Un discours attendu de la ministre des Armées, qui finalement marquera peut-être son mandat.

Extraits: "Je voudrai vous raconter une histoire. Un satellite au nom latin, Athena-Fidus. Un satellite précieux puisqu'il permet des communications militaires sécurisées. Un satellite qui depuis 2014 nous permet d'échanger des informations, de planifier des opérations, de garantir notre sécurité. Mais voilà. Alors qu'Athena-Fidus continuait sa rotation tranquillement au-dessus de la terre, un satellite s'est approché de lui, de près, d'un peu trop près. De tellement près qu'on aurait vraiment pu croire qu'il tentait de capter nos communications. Tenter d'écouter ses voisins, ce n'est pas seulement inamical. Cela s'appelle un acte d'espionnage. Et ce satellite aux grandes oreilles s'appelle Luch-Olymp, satellite russe bien connu, mais un peu... indiscret. Nous l'avions vu arriver, et avons pris les mesures qui s'imposaient. Nous le surveillons attentivement, nous avons d'ailleurs observé qu'il a continué de manœuvrer activement les mois suivants auprès d'autres cibles, mais demain, qui dit qu'il ne reviendra pas auprès d'un de nos satellites?"

(...)

"Depuis quelque temps, alors que nos voisins changeaient en partie la nature de l'espace, qu'avons-nous fait ? Pas grand-chose, a-t-elle affirmé. Pas assez en tous cas. Non, nous ne sommes pas protégés contre ces menaces. Non, l'espionnage et les actes offensifs, ça n'arrive pas qu'aux autres. Oui, nous sommes en danger, nos communications, nos manœuvres militaires comme nos quotidiens sont en danger si nous ne réagissons pas. Il s'agit de conserver notre liberté d'appréciation, d'accès et d'action dans l'espace demain comme aujourd'hui".

(...)

"La France est et sera une puissance spatiale. Cela signifie que nous allons garder notre liberté d'accès à l'espace. Cela signifie que nous nous donnerons les moyens d'agir et de surveiller. Cela signifie que nous construirons une véritable autonomie stratégique spatiale".


L'enjeu pour aujourd'hui, demain, après-demain

On le sait, la maîtrise des espaces (le cyber inclus) est la nouvelle préoccupation majeure des grandes puissances. Et en ce qui concerne l'information, autrement dit la clé, outre les câbles sous-marins, tout passe évidemment... par l'espace et le réseau satellitaire. Car comme l'ensemble du secteur civil (et en vérité, notre vie quotidienne), tous les grands programmes militaires en sont dépendants, dans toutes les armées, et ce d'autant plus que ces forces misent dorénavant sur la fusion de données.

Le cas d'espionnage, de "reniflage" que révèle la ministre n'est en rien surprenant pour qui suit, même de loin, les activités spatiales. Rappelons qu'outre les satellites espions russes, ou les missiles anti-satellites chinois, il y a également un vaisseau américain, le X-37B, constamment en orbite autour de la planète sans que l'on ne sache très bien ce qu'il y fabrique...
Il est en revanche intéressant que Madame Parly fasse le choix d'en informer aussi ouvertement le grand public. A raison finalement, puisque prise de conscience il doit y avoir. 

Derrière les trois grands, dans l'ordre USA, Russie, Chine... la France fait figure de puissance plus que crédible dans le domaine spatial, et en Europe, de leader. Y compris dans le militaire.
Une Europe dont tout l'intérêt est de comprendre qu'elle a sa carte à jouer. Sciences, économie, souveraineté, stratégie et influence... l'espace est d'ores et déjà la porte d'entrée d'un futur plus serein.


La loi de programmation militaire 2019-2025  prévoit un budget de 3,6 milliards d'euros pour le spatial, qui permettra le renouvellement de toutes les capacités, des  satellites d'observation (CSO) et de communication (Syracuse), ainsi que la modernisation du radar de surveillance spatiale Graves.

Au Ministère des Armées, une équipe travaille actuellement sur un rapport que présentera la ministre au Président de la République d'ici la fin de l'année. A ce moment sera publiée la stratégie spatiale de défense. Ce que nous suivrons très attentivement sur ce blog. Quelle sera la réponse française par exemple, à l'incongrue annonce par Donald Trump de la création d'une "Space Force" pas spécialement désirée au Pentagone ? Quel sera également, notre point de vue s'agissant du droit face au risque d'une militarisation, directe ou indirecte, des orbites ?

Selon Florence Parly, la France ne se refusera aucune voie.

L'espace "stratégique" est un sujet d'étude grandissant, un sujet qui verra dans les années à venir de plus en plus de gouvernements, et probablement surtout d'entreprises, s'y consacrer de façon prioritaire.
L'UED qui se déroule aujourd'hui et demain a pour thèmes la jeunesse, l'Europe, l'innovation... Très classique. Pourtant, nul doute que dans la tête de chaque acteur de la Défense Nationale désormais, les pensées sont un peu plus tournées vers les étoiles. 


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