lundi 4 janvier 2021

Les pièces sont en place sur l'échiquier du monde d'après

Si 2020 fut historique au sens de la grande Histoire, nous abordons 2021 dans un véritable contexte de défis que la France, l'Europe, le monde, et avant tout nous-mêmes devront relever.

Et ça commence bien mal avec du côté des opérations extérieures 5 décès et plusieurs blessés ces derniers jours, quand par deux fois des VBL de l'armée de Terre ont rencontré des engins explosifs improvisés sur les pistes du Mali. Le brigadier-chef Tanerii MAURI et les chasseurs de 1ère classe Dorian ISSAKHANIAN et Quentin PAUCHET, puis les sergent Yvonne Huynh et brigadier Loïc Risser, du 2e régiment de hussards de Haguenau, sont tombés. Nous leur rendons hommage.

Ces morts au combat posent inévitablement la question de l'intérêt aujourd'hui de l'opération Barkhane. Quels objectifs pour quels résultats ? Alors que le déploiement au Mali depuis Serval en 2013 va sur ses 8 ans en ce mois de janvier, il était prévisible que l'agenda politico-médiatique viendrait se fracasser contre les réalités de la mission (et en fait, de la guerre, où on meurt).
Conséquence qui n'en est pas une, puisque l'annonce était prévue et préparée depuis l'automne, Barkhane devrait réduire prochainement la voilure, avec le départ de 600 hommes (sur 5 100). Les mêmes effectifs venus en renfort il y a un an pour maximiser les résultats demandés par le Président Macron. Et résultats il y a eu, avec une année 2020 exceptionnelle, en particulier grâce à l'appui (armés ou non) des drones Reaper. Tactiquement il s'agit d'une victoire, même si nous ne tomberons pas ici dans le body counting, et le recours aux IED par les groupes armés est probablement une des conséquences de cette pression exercée par les français. Ce serait donc le bon moment pour entamer un changement de stratégie. 
La Task Force Takuba, constituée d'éléments des forces spéciales de plusieurs pays d'Europe en accompagnement des forces africaines du G5 Sahel nous y aidera t'elle ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais ce partage du fardeau est néanmoins nécessaire pour responsabiliser d'avantage d'acteurs.






En fait, l'analyse des événements, ou déclarations officielles, nous donne certains indices qui tendraient à conclure au crépuscule de Barkhane, et plus généralement des OPEX, dans un grand repli occidental qui laisserait seulement place à l'empreinte légère des forces spéciales ou des drones... Quand dans le même temps, une formule s'impose dans la communication des états-majors des trois armées: la haute intensité.



Ce retour à la préparation d'une guerre dite "conventionnelle" fait désormais l'objet de tous les discours et de toutes les planifications, autant chez les décideurs politiques que chez les officiers ou industriels de l'armement. On y verra en particulier le retour des exercices d'ampleur sur le territoire national (le grand retour du terrain "centre Europe"), y compris dans l'aérien.

Sur le plan matériel donc - ce qui fait finalement le quotidien de ce blog - nous abordons la décennie des ruptures. Les nouveaux véhicules Scorpion continuent leur déploiement dans l'armée de Terre avec l'arrivée du blindé Jaguar, et se pose la question selon moi de l'accélération du programme VBAE (véhicule blindé d'aide à l'engagement) pour le remplacement des VBL après 2025. Le drone Patroller devrait enfin entrer en service.
Même sans salon du Bourget, le programme SCAF va avancer sur son démonstrateur, tandis que les capacités spatiales sont elles renforcées avec le déploiement tout récent du second satellite CSO. 2021 verra surtout si tout va bien la démonstration d'un programme tout aussi secret que stratégique de planeur hypersonique français V-max. Rappelons aussi qu'il s'agit d'une année charnière pour Ariane 6, qui décollera pour la première fois dans un peu plus d'an.

L'année pourrait enfin être exceptionnelle pour le Rafale à l'export (avec en premier lieu la Grèce ?).

A noter que dans l'aviation civile, sinistrée, le choix français d'une rupture technologique dans l'hydrogène sera intéressant à suivre. Il n'y a aucune garantie de réussite, mais les recherches pourraient amener à des évolutions majeures et bienvenues d'ici 2035, en ce qui concerne le design global des appareils futurs. Un tel défi est toujours bon à prendre pour les nouvelles générations d'ingénieurs.

Alors que la pandémie a crispé les peuples tout autant qu'elle aura cristallisé des tensions déjà existantes, la géopolitique de 2020 nous aura donné un avant goût des années qui vont suivre. La situation en Méditerranée Orientale aurait bien pu dégénérer, et la France était en première ligne face à la Turquie, pourtant une alliée dans l'OTAN.
Surtout, c'est le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan qui aura montré ce à quoi nous pourrions être confrontés à court terme. Des conflits gelés qui subitement se résolvent par les armes (anciennes ou nouvelles, et la combinaison des deux) à mesure que les puissances occidentales, USA en tête, semblent se retirer des arbitrages au profit d'autres acteurs plus régionaux (Turquie vs Russie ?). Il faudra voir quelle sera la politique de Joe Biden, mais mieux vaut ne pas s'attendre à une révolution. L'Amérique est tournée vers la Chine.

Mais cessons ici cet exercice prédictif, 2020 nous ayant appris que rien ne sert de se projeter trop en avant. Tous contextes confondus, civil ou militaire, matériel ou immatériel, l'essentiel aujourd'hui semble résider dans la bonne préparation et la robustesse de nos doctrines stratégiques. Le brouillard persiste encore néanmoins sur ce que sera véritablement "le monde d'après".

Pour finir évidemment, je vous souhaite une heureuse année 2021 à toutes et à tous, en espérant donc que celle-ci soit moins... tumultueuse que la précédente. Une pensée particulière pour ceux qui nous défendent ici ou là-bas.


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