vendredi 24 mai 2024

Vaisseau européen - Thales et The Exploration Company choisis par l'ESA


L'Agence spatiale européenne a sélectionné Thales Alenia Space et la start-up The Exploration Company pour la prochaine phase du programme de service de livraison spatiale à destination de la Station spatiale internationale. Ariane et l'allemand RFA sont hors-jeu, pour l'instant. 

Images: The Exploration Company & Thales Alenia Space


Est-ce la fin du séduisant projet SUSIE chez Ariane Group ? La société spécialiste des lanceurs, tout comme sa consœur allemande Rocket Factory Augsburg (RFA) n'ont pas passé le stade de la sélection dans le programme de cargos réutilisables (objectif 2028) de l'Agence spatiale européenne. Ce sont le l'industriel Thales Alenia Space et la très ambitieuse start-up The Exploration Company qui ont en effet été choisis pour la prochaine phase, comme l'a annoncé l'Agence mercredi 22 mai, journée qui fera date puisqu'également celle où l'ESA a communiqué les noms des premiers astronautes de la nouvelle promotion européenne (2022) qui partiront à bord de l'ISS en 2026: la française Sophie Adenot (!!) et le belge Raphaël Liégeois. 

Il y avait en tout sept candidatures pour le vaisseau européen, mais quatre véritablement favorites… pour normalement trois places. Il en reste donc une de disponible, budgétée par l'Agence, et des négociations seraient toujours en cours.  

Cette prochaine phase va voir l'ESA remettre 25 millions d'euros aux deux entreprises afin qu'elles avancent durant les deux prochaines années dans le développement d'un vaisseau cargo réutilisable capable d'emporter 4 tonnes de charges utiles en orbite basse (ainsi que d'en ramener 2t sur Terre), en l'occurrence pour les missions européennes de ravitaillement de l'ISS entre 2028 et 2030, date envisagée pour la fin de vie de la station internationale.  

Cette compétition est l'une des première incarnation de la nouvelle politique de l'ESA qui doit voir les offres s'affronter avec comme résultat -espéré- que les coûts comme les délais des missions soient désormais optimisées au mieux. Et ce n'est plus vraiment un développement que l'on finance (celui-ci est finalement largement assumé par le secteur privé), mais un service, et des vols. Et il en est désormais de même au sein de toutes les agences spatiales nationales. C'est l'effet New Space... 

Concernant les candidatures, il y a, selon moi, un choix ici parfaitement consensuel, tant politiquement que médiatiquement, comme souvent à l'ESA:
  • un géant, Thales Alenia Space, historique et binational (franco-italien);
  • une start up estampillée "new space", elle aussi binationale (The Exploration Company est franco-allemande, installée à Munich et Bordeaux) dont la progression et l'ambition sont à récompensées;
  • et des sociétés plus spécialisées dans le lancement, une française (Ariane), une allemande (RFA), entre lesquelles on ne tranche pas, et qui sont poliment renvoyées à leur cœur de métier. Se posera bien entendu la question de l'état d'avancement technique -et financier- de ces deux projets, qui rappelons le ne sont pas encore morts.


La phase suivante sera financée à hauteur de 100 millions d'euros après la réunion ministérielle de 2025, et mènera donc jusqu'aux opérations qui elles débuteront en 2028. 

Mais tout cela n'est qu'un point de départ.

Premièrement, il faut bien sûr rappeler que l'ISS entame la fin d'une glorieuse carrière. Des missions de ravitaillement de 2028 à 2030, puis plus rien, donc, pour nos lauréats. Ce n'est en fait qu'un promontoire. Par la suite, il faudra, pour être viable économiquement, conquérir le marché qui s'ouvrira alors aux privés. Il y a une bonne dizaine de projets très concrets de petites stations spatiales privées, très modulaires, pour l'après ISS. La plupart sont américaines, et il faudra toutes les ravitailler (notons justement que The Exploration Company a un pré-contrat avec Axiom Space).


Deuxièmement, il faudra ravitailler ces stations en vivres et matériels, mais aussi en humains ! C'est là la probable grande rupture évidemment. L'ESA confirme que ce critère d'évolution des capsules réutilisables a été pris compte. De même chez les constructeurs qui ambitionnent très sérieusement d'aborder ce segment du vol habité.  

Troisièmement et enfin, cette analyse des candidatures a non seulement pris en compte le vol, habité ou non, vers l'orbite basse, mais également celui vers l'espace cislunaire ! 

L'Europe n'a pas de programmes lunaire (j'omets volontairement Artémis), de vol habité ou de station spatiale, n'a aujourd'hui aucun lanceur qui vole (rendez-vous pour cela début juillet !), mais elle a au moins le mérite de mettre le pied à l'étrier avec une brique, certes pas la plus onéreuse (c'est donc un choix "raisonnable"), qui s'avère fondamentale dans la future économie de la logistique spatiale qui se met en place.


1 commentaire:

  1. Deux commentaires :
    1- les deux vaisseaux retenus seront construits, l'un en Allemagne (TEC) et l'autre en Italie (Thales Alenia Space). Un peu triste pour la France qui perd peu à peu son leadership en Europe.
    2- le projet Susie était peut être trop ambitieux. Mais peut on avoir des ambitions dans l'espace sans être ambitieux ?

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