Cela devait arriver, commencer quelque part en Europe. Conséquence directe de la nouvelle politique diplomatique américaine, brutale, le Portugal annonce par la voix de son ministre de la défense (jeudi 13 mars dans la presse locale) qu'il ne prévoit plus de se doter du chasseur F-35 de Lockheed Martin. Le choix se fera donc en faveur de matériels fabriqués par des alliés "qui seront à nos côtés en toute circonstances". "La position récente des États-Unis, au sein de l'OTAN et sur la scène géostratégique internationale, doit nous inciter à réfléchir aux meilleures options, car la prévisibilité de nos alliés est un atout majeur à prendre en compte". Les mots sont forts.
Si le Portugal n'a encore rien signé avec les Etats-Unis pour le remplacement de ses 28 F-16, l'armée de l'air avait indiqué au printemps 2024 que le choix se porterait sur l'avion furtif américain, en raison de l'interopérabilité que ce dernier offrait avec les pays de l'OTAN. Lisbonne préparait donc cette transition sur "deux décennies", menant des ateliers sur la "cinquième génération". Le montant du renouvellement avait été chiffré à 5,5 milliards d'euros.
L'élection de Donald Trump, et surtout la conduite de son administration depuis, constituent donc évidemment un bouleversement qui mène à ce revirement majeur. Ironique, quand on sait comment un tel marché aurait pu être retourné par les Américains par le passé, au hasard, en Suisse…
Et alors que le schisme transatlantique se porte visiblement sur le terrain industriel et commercial, avec pour ce qui concerne la défense un véritable mouvement de défiance des Européens qui s'inquiètent ENFIN de leurs dépendances technologiques, en particulier s'agissant du F-35 et de ses restrictions d'utilisation, plusieurs pays dans le monde (et donc, aussi en Asie) doutent désormais du fournisseur historique. Au grand dam du complexe militaro industriel américain, dont les valeurs s'effondrent en bourse.
Le Portugal n'est certes pas la plus grande armée d'Europe, mais une trentaine de Rafale ne serait pas de trop sur le flan sud européen, d'autant plus que ces derniers seraient projetables vers l'est aux côtés des appareils et ravitailleurs français. Ce serait une façon pertinente pour Lisbonne de participer à la défense de l'Europe.
J'ajouterai enfin trois éléments:
- attention, il s'agit de la décision d'un gouvernement démissionnaire. De nouvelles élections législatives sont prévues en avril. Il faudra donc voir le point de vue des partis politiques;
- la compétition (non datée) sera probablement ouverte aux trois appareils européens. Sur ce point, l'Eurofighter offre une interopérabilité avec les Espagnols, et le Gripen suédois fait sens (prix et capacités);
- Emmanuel Macron était en visite d'Etat au Portugal il y a deux semaines, pour évoquer notamment les sujets défense, avec par exemple la vente de canons Caesar. Hasard ?
C’est encourageant de voir un pays européen envisager de se tourner vers un appareil européen. Mais attention, rien n’est encore conclu. Et une paix, même bancale, en Ukraine pourrait ramener les américains dans la course. D’autant que des droits de douane (200 % sur le Porto ?) pourraient y aider.
RépondreSupprimerPar contre, les Gripen et l’Eurofighter (équipé du nouveau Glass Cockpit) ne sont pas ITAR free. De ce point de vue, le Rafale a un avantage indéniable. Dans tous les cas, c’est une excellente nouvelle pour l’industrie de défense européenne. Espérons qu’il y en ait d’autres.
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