vendredi 13 avril 2018

Les drones ravitailleurs ont de l'avenir dans l'aéronavale


Après Boeing cet hiver, c'est maintenant Lockheed Martin qui apporte sa contribution au programme de drone ravitailleur embarqué pour l'US Navy. Le numéro 1 mondial de l'armement a présenté un concept d'aile volante à même d'être embarquée sur les porte-avions américains. La Navy semble miser gros sur cette solution de rupture. 

Illustrations: Lockheed Martin, Boeing, General Atomics. Ci-dessus, une vue d'artiste de l'aile volante de Lockheed ravitaillant un F-35C de l'US Navy.


A l'aube de la décennie 2020, annoncée comme déterminante en termes de ruptures stratégiques, le Département américain de la Défense a lancé plusieurs programmes technologiques phares qui pourraient révolutionner la façon de faire la guerre (IA, big data, robotique, hypervélocité...). Et c'est notamment le cas dans l'aéronautique, nous avions déjà par exemple évoqué le cas des hélicoptères convertibles, où seuls les Etat-Unis sont aujourd'hui en pointe. Mais allons donc jeter un œil du côté de l'aéronavale, avec le programme MQ-25 "STINGRAY". 



Alors que le projet de drone de combat embarqué (X-47B, qui a mené plusieurs campagnes de test en mer) est pour le moment mis de côté, la marine américaine mise désormais sur un drone capable de ravitailler en vol ses chasseurs F-18, ou un jour, F-35C. Il s'agit du programme CBARS (Carrier-Based Aerial-Refueling System), ou désormais MQ-25 "Stingray".

Le but est bien sûr, et c'est un leitmotiv désormais dans les forces aériennes modernes, de donner l'allonge nécessaire aux chasseurs afin que ces derniers puissent percer la bulle défensive "A2/AD" (la fameuse défense anti-aérienne, partout dans les médias actuellement s'agissant du cas syrien) tout en disposant d'une base d'opérations, ici le porte-avions, à l'abri d'une contre-mesure ou contre-offensive potentielle.
Cette notion d'allonge, on la retrouvait également avec les hélicoptères hybrides, conçus pour porter des hommes en profondeur en territoire ennemi.

Si dans les forces aériennes dites classiques (autrement dit, l'Armée de l'air), on connait l'importance stratégique des tankers ravitailleurs, sans qui aucune mission ne serait réalisable aujourd'hui, il en est  autrement dans l'aéronavale, force de projection par nature, donc potentiellement à même d’œuvrer dans un ciel hostile. C'est là qu'intervient notre drone ravitailleur. 



Une cible de 72 drones est évoquée, chacun pouvant emporter quasiment 15 000 livres (7 tonnes) de carburant jusqu’à 500 milles d’un porte-avions, doublant l'endurance des chasseurs / bombardiers.

Les industriels américains Lockheed Martin, Boeing, et General Atomics (Northrop Grumann a abandonné la course à l'automne 2017) furent ainsi appelés à révéler leur concept... Ce qui fut fait en décembre dernier par Boeing, qui dévoilait morceau par morceau une maquette de son projet de drone ravitailleur (illustration ci-dessous). Un design innovant de drone furtif, d'une taille respectable, proche de celle d'un chasseur F-18.

Le MQ-25 de Boeing, imaginée ici ravitaillant un F-18 de la Navy - Boeing

L'appareil à double empennage présente un fuselage bombé avec une prise d'air sur la partie supérieure, le faisant ressembler à un caisson de carburant volant, ce qu'il est littéralement. 
Boeing, l'industriel le plus en avance sur son projet, réalise déjà des essais moteur et prévoit des tests de roulage cette année sur porte-avions.

Une maquette 1/1 du Stingray de Boeing a été dévoilée cet hiver - Boeing

Et c'est maintenant au tour de la très célèbre division Skunk Works de Lockheed Martin de dévoiler en ce mois d'avril ses concepts de MQ-25 "Stingray".
On y découvre une aile volante furtive, aux ailes repliables, capable d'être lancée depuis les catapultes électromagnétiques des porte-avions américains de nouvelle génération, et de jouer la "nounou" (terme utilisé à l'heure actuelle lorsqu'un chasseur sert de ravitailleur pour un autre chasseur, via des bidons de carburant) pour le F-35C.

A noter que fatalement, là où Boeing montre son drone ravitaillant un F-18, Lockheed en profite bien évidemment pour montrer son F-35C à l'oeuvre.

Il ne s'agit certes que de concepts, mais Lockheed devra dès cette année proposer un démonstrateur, s'il veut rattraper son retard sur Boeing.

(concept) Les MQ-25 de Lockheed Martin, sur le pont d'un porte-avions - Skunk Works
(concept) Les ailes du Stingray de LM sont repliables - Lockheed Martin

L'US Navy semble tenir particulièrement à ce projet, l'usage de drones embarqués lui offrirait un outil "sacrifiable" à même de renforcer les capacités d'action de son aéronavale dans un conflit de haute intensité, le type même de guerre qui ne relève malheureusement plus aujourd'hui du fantasme. C'est d'ailleurs pourquoi la mise en service d'un tel appareil pourrait intervenir dès 2021, une date ambitieuse oui, mais pas non plus improbable, tant les technologies ont été expérimentées par les forces armées et les industriels susmentionnés dans les années récentes.

Il est de plus probable que l'on voit apparaître la chose ailleurs, comme en Chine. Oui, mais en France ? Nous qui disposons d'une aéronavale comparable (pas numériquement bien sûr, mais dans l'usage de CATOBAR) à celle des américains*, et de ce fait une des plus performantes au monde, n'avons pas encore envisagé une telle solution.

Problème: les britanniques, empêtrés dans le Brexit, pourraient bien lâcher le projet de drone de combat dans lequel ils s'étaient engagés à nos côtés. Un programme qui aurait pu, dans sa facette "navale" voir l'émergence d'un ou plusieurs concepts de drones embarqués catapultables. Aujourd'hui seul le démonstrateur européen nEUROn (maître d'oeuvre Dassault Aviation) a pu réaliser des essais en mer, en vol seulement, dans l'environnement du porte-avions Charles de Gaulle.

Selon le PDG de Dassault et Président du GIFAS Eric Trappier, si les anglais venaient à lâcher le projet de drone de combat furtif, les travaux réalisés pourraient être utiles s'agissant du système de combat aérien futur, qui pourrait lui être réalisé avec comme principal partenaire l'Allemagne. Seulement, pas de mention de l'aspect naval ici, qui sans aucun doute intéressera moins les allemands que les anglais.

Il n'est cependant pas trop tard, puisque la nouvelle LPM verra le lancement des premières études sur le futur porte-avions de la Marine Nationale. Il paraît évident que la solution du drone naval de ravitaillement arrivera sur la table. Et la première difficulté ne sera certainement pas technologique,  nous aurons en effet avancé (#optimisme) sur les drones de combat furtifs d'ici là. Non il s'agira plutôt de surmonter le fait que cet appareil navalisé, limité de facto à l'emploi franco-français, ne serait commandé qu'à un très faible nombre d'exemplaires.


General Atomics ne propose à ce jour qu'une version navalisée de son Avenger

Remarque: la question ne se pose pas en revanche, pour le Corps des Marines, ou même des aéronavales comme celles du Royaume-Uni ou de l'Italie, qui disposent (/eront) de chasseurs à décollage court ou vertical comme le F-35B. Ces forces sont en effet adaptées, non pas à la projection de force, mais plutôt à la protection d'une flotte (pouvant elle-même embarquer une force d'intervention). Elles n'en demeurent pas moins concernée par la problématique du déni d'accès.


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