mercredi 24 octobre 2018

La Belgique choisit le F-35. C'est grave ?


Le vorace programme JSF F-35 se trouve une nouvelle proie avec l'annonce officielle du renouvellement de la flotte de chasse de la force aérienne belge. Les F-16 laisseront place en 2023 à 34 chasseurs américains F-35, fabriqués par Lockheed Martin. Montant du deal, 3,6 milliards d'euros.

Faut-il le regretter ? Oui, certainement. S'en étonner ? Clairement pas. Tout annonçait la victoire du F-35 américain. A tel point que les français présentaient une offre quasi-désespérée, mais pas incongrue, de façon détachée de la procédure d'appel d'offres, jugeant que le pourtant très alléchant partenariat autour du Rafale, puis plus tard du FCAS européen, qui devait en théorie apporter un retour économique à hauteur de 20 milliards d'euros, n'aurait ses chances que de la sorte.



Même la proposition britannique autour du Typhoon, celle-ci dans le cadre de l'appel d'offres, offrait plus de garanties industrielles pour Bruxelles que ce choix final.

Quoiqu'il en soit, avec cette annonce, Bruxelles distribue les clés de sa souveraineté quelque part entre l'OTAN/Washington, et Amsterdam  (qui, par manque de moyens, cherche à tout prix à mutualiser ses moyens avec son voisin). Bruxelles, cœur de l'Europe politique...
Car outre toute considération technico-opérationnelle (Quel est le meilleur avion ? Quel avion pour quelles missions ?), la Belgique fait simplement le choix de se ranger posément au sein du "club F-35", du club OTAN. Et l'on ressort le désuet argument de l'emport de la bombe nucléaire B61, arme otanienne d'un autre temps.

F-35 est un vampire, au propre comme au figuré. Le programme est un gouffre financier pour les budgets européens (des budgets qui ne vont donc pas dans la R&D continentale), au point d'en faire douter dernièrement le gouvernement italien. Mais l'appareil en lui-même, révolutionnaire dans sa capacité de captation et traitement de données, ne va pas sans ses systèmes et son réseau propres, bien évidemment conçus aux USA, et mis à jour depuis les USA.
Si, soyons honnête, l'OTAN comme les grandes coalitions militaires contemporaines ont toujours été des instruments de standardisation techniques au service du made in America, l'ère du Big Data va consacrer cette tendance comme jamais. 

En France, une rapide revue de presse montre l'expression du regret renouvelé de voir un énième couteau planté dans le dos de l'Europe de la Défense. Les plus audacieux retomberont peut-être dans le Rafale bashing.
Vendre un avion de chasse, instrument stratégique s'il en est, est toujours un signe fort de la coopération entre deux pays, mais ne pas vendre à la Belgique ne changera pas fondamentalement la donne. L'Armée de l'air vole déjà dans un environnement majoritairement américanisé.
Non, la "Team Rafale" trouvera des victoires plus prestigieuses sur des marchés "non alignés" comme la Suisse, ou des puissances émergentes comme l'Inde (ce qui fait mal bien sûr, c'est de constater l'inexorable chute des dominos européens).

D'autant plus qu'un contre-feu devrait venir... de Bruxelles, qui relativement habilement annoncera en même temps la conclusion du programme de modernisation des forces terrestres, CAMO. 1,1 milliard d'euros, tout de même, pour 382 Véhicules blindés multi-rôles (VBMR) « Griffon » et 60 Engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) « Jaguar » du programme SCORPION français. Un contrat export majeur pour l'industrie du terrestre français, et des retombées non-négligeables pour l'économie belge.

Lire sur le blog: La Belgique opte pour SCORPION


Après tout, ne préférons nous pas profiter d'une interopérabilité décuplée dans le domaine terrestre, là où les soldats français sont quasiment les seuls à défendre l'Europe sur les théâtres extérieurs ? Le gain politique et médiatique d'un co-déploiement "boots on the ground" ne sera t-il pas dans le futur plus bénéfique à la PSDC ? 400 véhicules blindés sont tout aussi visibles, si ce n'est plus que 34 avions de chasse.

La Belgique choisit le F-35. Dont acte. Elle fait le choix de renforcer son interopérabilité avec le "club F-35" au sein de l'OTAN, et notamment son premier allié hollandais. Ce sera au détriment de ses capacités souveraines, mais ceci dans la continuité de l'évolution des opérations aériennes contemporaines. Ce sera au détriment du projet européen, que français ou allemands devront aller renforcer avec d'autres. 
Le comble est que malgré le programme FCAS, nous ne sommes toujours pas à l'abri aujourd'hui d'un remplacement des Tornado allemands... par le F-35. 


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