mercredi 30 mars 2022

A Limoges, Arquus sélectionné par Nexter pour fournir la mobilité du Caesar Mk2

Un mois après l'annonce par Jean Castex de la notification du contrat Caesar Mk2, Arquus a été sélectionné par Nexter pour fournir la nouvelle base roulante du futur canon d'artillerie de l'armée de Terre.

Images: porteur du Caesar à Limoges - Arquus


Déjà concepteur de la base mobilité du Caesar de génération actuelle de l’armée française, Arquus va  poursuivre ce partenariat visant à fournir les capacités de mobilité de nouvelle génération des unités d’artillerie de l’armée de Terre.

Reconnu comme mobile et "rustique", et facile à entretenir, le Caesar de première génération est en effet basé sur un châssis Sherpa Medium conçu et produit par Arquus. Or, le 19 février dernier à Roanne chez Nexter, Jean Castex et Florence Parly ont annoncé une nouvelle vague de commandes, comprenant notamment33 canons canons Caesar de nouvelle génération. De plus, en 2030, c'est l'ensemble des canons CAESAR qui aura été passé à ce nouveau standard Mark II.

Aussi sur le blog: De nouveaux canons CAESAR pour l'armée de Terre


Sélectionné par Nexter, Arquus va donc concevoir et produire intégralement en France (ici à Limoges, sur les images) le porteur du Caesar Mk2. II bénéficiera d’un moteur de 460 chevaux contre 215 sur le modèle actuel. Cette évolution apportera une mobilité tactique supérieure, accroissant encore sa capacité de déplacement en terrain difficile, notamment pour se prémunir des actions de riposte de l’adversaire (il faut bien sûr supposer que les retex ukrainiens sur l'artillerie sont et seront très précisément étudiés). 

Le renforcement des capacités du porteur passe aussi par une augmentation de la charge utile, permettant un emport supérieur en munitions et une protection renforcée.


lundi 28 mars 2022

Dernière chance de voir voler le C-160 Transall dans le sud-ouest

Lundi 28 et mardi 29 mars, le dernier des Transall de l'armée de l'Air passera par Cognac, Bordeaux et Mont-de-Marsan. Ce tour de France marque les adieux d'un appareil mythique qui aura été emblématique de l'époque des grandes OPEX françaises.


Ca y est, après 59 ans de service et certaines missions exceptionnelles*, le C-160 Transall quitte les forces françaises… avant peut-être un jour, la venue d'un successeur (l'hypothétique "A200M"). 

Cette tournée symbolique en 24 étapes passera par le sud-ouest les 28 et 29 mars. Les étapes seront les suivantes: Cognac-Bordeaux ce lundi. Puis Bordeaux-Mont de Marsan mardi. 

Levez donc bien les yeux ! 

*on a même pu voir ces dernières semaines un C-160 Gabriel aller fureter jusqu'aux frontières ukrainiennes. Pas rien comme fin de carrière. 


vendredi 25 mars 2022

Tir d'un missile nucléaire ASMP-A rénové à Cazaux

Après celui de décembre 2020, un Rafale a procédé pour la deuxième fois au test d'un missile ASMP-A Rénové sur la côte Atlantique. Un succès qui renforce la posture de dissuasion nucléaire française, dans un contexte international ultra sensible. 


Il y aurait beaucoup de choses à dire sur l'actualité de cette fin de semaine, que ce soit sur le conflit en Ukraine, les réunions OTAN/UE/CE, ou les accords industriels puisqu'Airbus a d'une part choisi le motoriste Avio associé à General Electrics pour son Eurodrone, et d'autre part s'est allié à Boeing sur le marché allemand des hélicoptères lourds, ouvrant la voix à une européanisation du CH-47 Chinook (on risque d'en reparler).

C'est une annonce peut-être plus discrète, mais in fine plus significative qui attire mon attention aujourd'hui, avec ce mercredi 23 mars 2022 le tir de qualification du missile stratégique Air-sol moyenne portée amélioré [ASMP-A] rénové.

Le tir du missile - dépourvu de charge militaire - a été réalisé depuis la base aérienne 120 de Cazaux, par un Rafale des FAS naturellement. Il a été suivi par les instruments de DGA Essais Missiles à Biscarrosse, ainsi que par le bâtiment Monge pour les mesures. 

Et c'est ainsi que ce succès, salué par les autorités, marque l'entrée en phase de production du missile ASMPA Rénové, qui doit entrer en service cette année. Il rejoindra l'arsenal des FAS (Forces aériennes stratégiques de l'armée de l'Air et de l'Espace)… ainsi que celui de la Force aéronavale nucléaire, qu'on a tendance à oublier !

Sur le blog (2007): Un Rafale Marine réalise un tir de missile stratégique ASMP-A


En service depuis bientôt 15 ans, le missile ASMP-A, capable d'emporter une tête nucléaire de 300 kilotonnes, fait l'objet d'un programme de modernisation à mi-vie. Son successeur, l'ASN4G, arrivera au milieu de la décennie 2030. On pense évidemment à la technologie hypersonique.

Ce tir, prévu de longue date, s'inscrit bien sûr dans un contexte stratégique très tendu, durant lequel la France fait d'ailleurs l'usage de 3 de ses 4 SNLE. Un engagement tout à fait historique. 

Lire aussi (2019): Frappe nucléaire dans les Landes


mercredi 16 mars 2022

Florence Parly effectue une dernière visite sur la BA 118


Alors que les Rafale de la 30ème escadre de chasse effectuent des patrouilles au dessus de la Pologne depuis les premières heures du conflit ukrainien, la ministre des Armées Florence Parly était lundi sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan.


A quelques semaines de la fin de leur mandat, la ministre des Armées Florence Parly et la ministre déléguée Geneviève Darrieussecq se sont rendues lundi 14 mars sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, devenue durant les dernières années l'une des principales plateformes des opérations aériennes françaises.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Rafale de Mont-de-Marsan ont été les premiers à assurer, quotidiennement, des missions de police du ciel aux frontières orientales de l'OTAN, en l'occurrence au dessus de la Pologne. Une mission à l'autre bout de l'Europe menée directement depuis la base aérienne 118.

350H de vol (7 à 8h par mission) ont déjà été assurées par la 30ème escadre de chasse, à bord de leurs Rafale F3-R dont c'est le premier engagement opérationnel sur ce standard (on remarque notamment qu'ils sont équipés du missile METEOR). Depuis ce lundi, des Mirage 2000-5 sont aussi déployés de façon permanente en Estonie, ce qui renforce la posture "puissance aérienne" de l'OTAN dans la région. 

Car Mont-de-Marsan -qui abrite également l'Air Warfare Center du CEAM- est bien l'une des implantations métropolitaines les plus mises sous tension par l'étirement du contrat opérationnel. Spécialistes de l'entrée en premier, ses Rafale sont sur tous les fronts, et constituent généralement la pointe des dispositifs français. 

C'est donc un bel hommage aux équipages et mécaniciens, et un signe fort, que cette visite ministérielle. L'occasion aussi de rappeler que la base a fait l'objet de nombreux investissements: une crèche a d'ailleurs été inaugurée ce lundi. 

 

lundi 14 mars 2022

L'Allemagne va remplacer ses Tornado par des F-35


Retournement prévisible à Berlin, qui éjecte finalement le F/A-18 Super Hornet au profit du F-35A dans le programme de remplacement de ses avions d'attaque Tornado. Un choix très atlantiste qui ne remet cependant pas en cause le programme européen SCAF. 

Ci-dessus: F-35 et Typhoon de la RAF britannique. Un binôme que l'on pourra aussi voir en Allemagne en 2030. 


D'abord une révélation dans la presse ce matin. Puis une annonce officielle en ce lundi après-midi: l'Allemagne fait le choix du F-35 pour le remplacement de ses Tornado avant 2030. On parle d'une grosse trentaine d'appareils à ce stade, sans précisions. 

Trois (voire quatre) enseignements :
  • Washington a tout fait ou presque pour torpiller l'offre de Boeing (le F/1-18 Super Hornet tenait en effet la corde sur ce marché en 2020) en ne permettant pas à son appareil d'emporter la bombe nucléaire de l'OTAN, la fameuse B-61 (objet à vocation purement politique aujourd'hui)...
  • … car oui, les Allemands justifient leur choix par la capacité d'emport de la B-61 par le F-35. Le "Nuclear sharing" est assuré.
  • Berlin réaffirme son engagement dans le programme européen SCAF.
  • l'Allemagne commandera d'autres Eurofighter à Airbus, avec une version de guerre électronique. Cette capacité aurait dû initialement être comprise dans la commande de F-18, avec quelques versions "Growler". 

Un danger pour le programme SCAF ?

Disons le franchement, le choix du F-35 en Allemagne n'est pas une grande nouvelle de notre point de vue français. C'est surtout un mauvais signal qu' Angela Merkel a semble t-il tout fait pour éviter d'envoyer, laissant cette responsabilité à la nouvelle coalition au pouvoir. La crise ukrainienne n'y change rien.

Et avec des F-35 partout à ses frontières (Belgique + Pays Bas, Allemagne, Suisse, Italie), il ne manque désormais plus que l'Espagne, qui aura elle un jour bien le besoin de remplacer les Harrier de son aéronavale. Il n'y aura pas 35 36 choix, ce sera le F-35B. 

En bref, les partisans français d'une Europe de la Défense souveraine s'arrachent les cheveux, car avec le F-35, ces pays de l'OTAN s'engagent dans une longue et difficile relation avec Lockheed Martin. Transferts de données tactiques, dépassements de coûts, et autres problèmes de maintenance à prévoir… mais cela, nous l'avons déjà développé. Et leur choix doit être respecté.   

Faut il s'inquiéter pour le programme SCAF (système de combat aérien futur) donc, dans lequel France, Allemagne et Espagne sont à ce stade engagés ?
Berlin réaffirme aujourd'hui son engagement dans ce programme. Il faudra bien remplacer en Europe tant les Rafale que les Eurofighter, mais politiquement, Olaf Scholz va devoir donner certaines garanties à la partie française, en poussant par exemple Airbus à enfin valider la notification de la phase 1B du SCAF qui doit mener au développement du démonstrateur NGF (next generation fighter). 

Les autorités françaises n'ont pas encore réagi. Ni Dassault Aviation qui ne cesse d'alerter -encore ces derniers jours- sur un choix allemand du F-35. 

Nous attendons donc une réponse rapide, sans quoi l'ambiance autour du SCAF pourrait largement se détériorer. Or, ce n'est plus le moment de se perdre en hésitations.


mercredi 9 mars 2022

La haute intensité : enseignements à J+15


Près de deux semaines se sont écoulées depuis le lancement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Invasion tout à fait illégale sur le plan du droit international, de surcroît marquée par diverses violations du droit international humanitaire. En ce qui nous concerne, le temps d'une première analyse est venue s'agissant des réalités d'un conflit de haute intensité.

Disclaimer: ne bénéficiant d'aucune légitimité militaire et ne m'autoproclamant pas stratège, je ne me base ici que sur mon expérience et mes connaissances en matière de doctrine et savoir-faire occidentaux afin de déterminer: qu'aurions nous fait ? Aurions pu faire ? Ferions ? Ferons dans un hypothétique futur

 

  • Terrestre : des pertes russes équivalentes à la moitié de la force blindée française


L'offensive terrestre russe en Ukraine mobilise un peu moins de 200 000 hommes, aujourd'hui quasiment tous engagés dans les opérations selon le renseignement américain (jusque ici particulièrement fiable et surtout transparent).
Des premiers indices laissent même à penser que des mouvements de relève ont déjà débuté depuis le territoire russe, ce qui n'était a priori pas planifié pour si tôt. Des matériels (et pas les plus récents) sont même dépêchés depuis l'extrême orient.

Tout a été dit ou presque sur les objectifs de guerre à court terme de Vladimir Poutine. Même si un certain mystère demeure, il semble que pour la plupart, ils n'aient pas été atteints en temps voulu. 

La défense des troupes ukrainiennes à la fois sur certaines lignes de front, mais également en profondeur, et sur l'arrière, complique largement l'invasion russe telle que planifiée initialement. Mais d'autres sont plus à même d'analyser cette situation que moi (lire par exemple les points quotidiens de Michel Goya ou d'Olivier Kempf).
Sur le plan technique, les innombrables images du conflit montrent une recrudescence des MANPADS et ATGM de conception occidentale qui ont largement prouvé leur terrible efficacité contre les blindés, hélicoptères et avions. De plus, on commence à voir apparaître des optiques de vision nocturne ou vision thermique dans les groupes de défense, tandis que les troupes russes, pour la plupart, en sont privées.

Aussi et surtout, on sait désormais que l'Etat-Major ukrainien bénéficie, sous délai d'une à deux heures seulement, de renseignement IMINT (croisé avec du SIGINT), directement traité par les analystes Américains, ce qui facilite grandement la prise de décision sur le terrain. 

Mais alors que les grandes opérations de siège n'ont même pas commencé, tout est donc en place pour générer de l'usure chez l'occupant, qui reste au demeurant largement supérieur. Le flou informationnel persiste s'agissant des pertes dans les deux camps, même si les Ukrainiens ont acquis une maitrise impressionnante de la communication en temps de guerre (futur cas d'école ?). Des sites comme Oryx constituent la seule base de référence à ce stade

De surcroît, plusieurs choses choquent : tout d'abord, la catastrophe logistique russe. Celle-ci ne suit pas (entonnoirs routiers, pannes & abandons, rasputitsa), est au mieux insuffisante, et harcelée. Pour plus de développements, allez lire "Du Génie dans les opérations en Ukraine" chez Mars Attaque.
Le train français, qui a quand même un belle expérience en la matière au Mali, doit observer attentivement les manœuvres en cours, d'autant plus que la France va renouveler prochainement sa flotte de camions militaires. Or les camions constituent la majeure partie des matériels perdus dans ce conflit.

Mais encore, la maîtrise du ciel ne semble pas assurée contrairement aux dires des Russes. La bulle est perméable dans les couches basses, et des avions d'attaque SU-25 ukrainiens mènent quelques rares missions, tandis que les drones armés TB-2 d'origine turque sont encore là, employés avec parcimonie certes, mais avec un impact psychologique dévastateur, propagande et culture meme à l'appui (la Turquie se frotte les mains !). 
De notre point de vue, il s'agit pour la France de trouver rapidement une bonne formule s'agissant des drones armés. Le Bayraktar TB-2 n'est pas un drone MALE comparable au Reaper, et son évolution à basse altitude, combinée à sa faible empreinte radar, semblent lui donner un gros avantage sur le terrain. Sans solution technologique à portée, la question se posera donc rapidement d'armer les nouveaux drones tactiques Patroller de l'armée de Terre. Ou mieux encore, sauter une étape en investissant massivement dans les munitions rodeuses. 

Enfin, évoquons la théorie qui voudrait que l'armée russe n'ait volontairement pas engagé ses moyens les plus modernes, les deux tiers des pertes blindées étant constituées de matériels soviétiques. 
C'est un constat que je n'arrive pas à totalement partager, tant ce choix semble, pour un occidental, peu rationnel. Il faudra selon moi surtout regarder la réalité des modernisations effectuées dans l'armée russe. Y a t-il eu un effet vitrine bien servi par une habile communication ? Le niveau élevé de corruption a t-il eu des effets néfastes sur ces réformes et la performance des matériels ? Probablement.

Et que dire des troupes mal équipées ? De la présence de conscrits ? Des positions à peine défendues ?

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Une batterie russe laissée à la merci d'un tir de contre-batterie ukrainien.

A partir ce premier bilan, on constate qu'un tel niveau d'attrition décimerait l'armée française en quelques semaines, mais réfléchir en terme de masse n'a pas grande valeur selon moi ici, pour deux raisons: premièrement, les opérations majeures de l'Occident ont été menées depuis 1990 dans un esprit libérateur (Irak, Afghanistan, Mali, ou même Libye), avant que la situation sécuritaire ne se détériore durant la phase de "nation building". Aussi, l'armée américaine en Irak ou française au Mali n'a jamais eu affaire à un tel niveau de résistance militaire ou civile. Il s'agit là d'une terrible erreur d'appréciation de la part des Russes, qui d'une certaine façon se sont auto-intoxiqués à l'écoute de leur propre discours. A titre de comparaison, la France n'aurait jamais pu mener une opération éclair comme Serval - modèle du genre - sur un territoire hautement hostile rempli de missiles portatifs.

Deuxièmement, les Occidentaux, Américains compris, cherchent toujours à légitimer politiquement leur intervention par la constitution d'une coalitionDe facto, un conflit de haute intensité impliquant la France aurait peu de chances de se dérouler hors de ce cadre. C'est là bien entendu tout l'intérêt d'une alliance à haut degré d'interopérabilité comme l'OTAN.

Ce qui nous amène à la puissance aérienne…


  • Aéro et aéroterrestre: un bilan qui pose problème

De ce que l'on peut confirmer, la Russie a perdu au moins 11 appareils depuis l'entrée dans le conflit. La pire catastrophe ne concerne pas la chasse, mais la destruction d'un transporteur IL-76 avec 150 parachutistes à bord. 

Ces pertes sont dramatiques (notamment le samedi 5 mars), et le seraient encore plus si elles continuaient sur ce rythme. Il est néanmoins concevable que l'on soit dans la fourchette comptable inhérente à ce type d'engagement. 

Là où le bât blesse, c'est sur l'absence de soutien aérien. Les Russes semblent combiner plusieurs handicaps: manque de munitions guidées et pods de désignation (même les images officielles venant de Russie montrent des appareils munis de bombes lisses et pod roquettes), ce qui implique de voler à basse altitude à portée des missiles Stinger. Surtout, l'absence quasi totale de soutien aérien rapproché montre une absence de coordination interarmées, et probablement pire encore, de confiance mutuelle: les troupes au sol ne comptent pas sur leur aviation, l'aviation ne compte pas sur les troupes au sol pour la destruction des moyens anti-aériens qui la menace.

A titre de comparaison, les troupes occidentales ont réussi - en partie grâce à la qualité de leurs JTAC - en Afghanistan et au Levant à réduire le temps d'intervention du close air support à 10 minutes seulement. Une capacité dont ont d'ailleurs fait les frais les mercenaires de Wagner en février 2018 à Deir Ezzor (à leur grande stupéfaction selon les témoignages).

La problématique est bien entendu la suivante: la France pourrait-elle le faire seule ? Ma réponse pourra surprendre: "oui, et mieux". Mais pas plus de quelques jours, et pas à l'échelle de l'Ukraine. Nous manquons pour cela d'appareils (et de pilotes, la rotation serait épuisante), et surtout de munitions. La puissance aérienne de l'Occident relève à 90% de l'US Air Force.

Sur le volet aérien, le retard russe sur l'OTAN est donc considérable. La Russie semble dans ce conflit moins capable que l'armée de l'Air française ou la Royal Air Force britannique, même prises en dehors d'une coalition. 


Concernant les hélicoptères, le bilan est aussi important (au moins 11 pertes en 14 jours), ce qui n'a rien de surprenant dans un environnement saturé de MANPADS. Très présents dans les premiers jours, on les voit beaucoup moins depuis. On les voit surtout désormais évoluer tout seuls. 

De nombreux appareils auraient également été détruits au sol. Attention à ne pas connaître un destin à l'afghane. 

Les occidentaux sont eux passés maîtres dans l'usage des hélicoptères, mais, depuis le Vietnam, et à quelques moments spécifiques en Irak, cela s'est déroulé dans un ciel totalement dépourvu de menaces. Prenons plutôt l'exemple de la Libye en 2011, où l'ALAT française a mené des raids depuis la mer (PHA de classe Mistral) contre les forces loyalistes pourtant équipées en défense AA. Ces raids ont été menés par nuit noire, ce qui demande une expertise absolument exceptionnelle. Et rare. 

Cela semble pourtant être la condition absolue de la survivabilité des hélicoptères sur un théâtre de haute intensité.


  • Point maritime
Il y a peu à dire sur le volet maritime, si ce n'est que la Mer Noire est fermée aux navires de guerre, et que la flotte russe, semble hésiter à mener l'assaut.

Des missiles de croisière ont été tirés depuis la mer néanmoins (700 au total si on comptabilise le volet terrestre), mais sans réduire considérablement le potentiel ukrainien, notamment sur les bases de l'ouest.

La surprise, c'est que même à distance de sécurité, la marine russe a perdu un patrouilleur flambant neuf (2018). Le Vasily Bykov, attiré dans un piège, aurait en effet été touché par un tir de lance-roquette multiple depuis la côte, ce qui semble confirmé ce mercredi 9 mars.  

Une opération occidentale aurait bien entendu appuyé bien plus fort sur le levier maritime, dont elle a joui pleinement par le passé: missiles de croisière, missions aéronavales… une opération amphibie est plus risquée sans une couverture aérienne totale. 

La seul frégate de la marine ukrainienne a été sabordée. 


En conclusion, quels enseignements préliminaires tirer de ces deux semaines de conflit ? 

A l'ère industrielle, l'invasion d'un pays représente manifestement un coût faramineux, même pour la Russie, qui a selon toute vraisemblance sous-estimé la tâche. Une nouvelle phase semble débuter tandis qu'une guerre d'usure s'installe. Sous le coup de sanctions économiques sans précédent dans l'Histoire, combien de temps la Russie pourra t-elle tenir face à des Ukrainiens taillés pour causer des micro coupures au quotidien ?

Prédire les prochaines semaines relève toujours de l'exercice dangereux. Il ne faut pas de plus, oublier la part d'irrationnel qui peut encore jouer son rôle. Il paraît que le renseignement français comptait sur la rationalité de Vladimir Poutine pour ne jamais déclencher ce conflit.

Côté français, on peut toujours débattre de qui de la roue ou de la chenille est la plus appropriée dans l'arme blindée (la boue semble toujours gagner à la fin), du nombre de frégates, ou de notre retard en matière de drones. Une chose est certaine, nos sociétés comme nos armées ne sont pas préparées à supporter un tel coût humain et matériel. Il y a peu de chances qu'elles le soient d'avantage dans 10 ans. Mais l'épreuve que traverse l'Europe aujourd'hui nous sert autant d'avertissement que d'apprentissage. 


lundi 7 mars 2022

Dassault Aviation au sommet, mais inquiet au sujet du SCAF


Avec le Covid qui s'éloigne dans le rétroviseur, Dassault Aviation confirme son année 2021 exceptionnelle. Portée par le Rafale, 2022 s'annonce encore plus folle. Mais des choix stratégiques se présentent. 

Source: Dassault Aviation


Dassault Aviation présente comme on pouvait s'y attendre des résultats 2021 en hausse. Ce fut en effet une année exceptionnelle durant laquelle 100 appareils ont été commandés pour 12,1 milliards d'euros: 49 Rafale et 51 Falcon. Le chiffre d'affaires du groupe s'établit lui à 7,2 milliards d'euros. 

On notera donc que l'avionneur n'a pas inscrit à son résultat 2021 les commandes Rafale des Emirats (80), de l'Indonésie (42), ou encore du supplément grec (6). Il y a d'ores et déjà du lourd pour les chiffres de 2022 donc.

30 Falcon et 25 Rafale ont été livrés (l'Indian Air Force a par exemple quasiment toute sa flotte). 

Concernant ces derniers, Eric Trappier, PDG, confirme que l'on va bientôt passer à une production de 3 appareils par mois à Mérignac, même si "seulement"13 Rafale seront produits cette année 2022. 

Pour la France, Dassault Aviation compte sur l'année 2023 pour la commande de la Tranche 5 du Rafale (42 avions pour l'instant), à livrer à partir de 2027. 

Il réalisera aussi les commandes de vol de l'Eurodrone. 

D'autre part un 4ème Atlantique 2 a été modernisé chez Dassault, tandis qu'un 5ème (sur 7) est en phase finale.

Sur le système de combat aérien futur, le SCAF, le groupe commence ouvertement à se montrer impatient, via la parole d'Eric Trappier, qui considère que si la Phase 1B du développement n'a pas encore été notifiée, c'est en raison de l'absence de décision chez Airbus DS en Allemagne. Le PDG évoque d'ailleurs des retards actuels qui seront forcément la cause de retards futurs sur la production du NGF (next generation fighter) prévue pour 2040 dans son standard initial. 

En bref, la pression est mise sur Airbus pour une signature rapide. 

Tout cela pourrait aujourd'hui largement dépendre du nouveau contexte stratégique qui voit l'Allemagne se lancer dans un immense effort de modernisation de sa défense. Au profit du F-35 et du SCAF en même temps ? La question concentre à la fois les inquiétudes et les espoirs.


vendredi 4 mars 2022

Le Tigre au standard Mk3 pour 2029



La France et l'Espagne lancent avec Airbus Helicopters le programme d'hélicoptère de combat Tigre MkIII, pour 4 milliards d'euros. L'Allemagne devrait suivre  dans le courant de cette année. La France possède 67 Tigre.

Ci-dessus: un Tigre du 4ème Régiment d'hélicoptères des forces spéciales.


Après l'Eurodrone - et avant le SCAF ? - voici qu'une nouvelle signature vient lancer un autre programme très attendu chez Airbus: celui du Tigre "MkIII".

La DGA et la DGAM (Dirección General de Armamento y Material) ont notifié à Airbus Helicopters par l'OCCAR (Organisation Conjointe de Coopération en matière d'Armement) un contrat de 4 milliards d'euros pour le développement, de production et de soutien initial du programme Tigre MkIII. Celui doit permettre une large modernisation de l'hélicoptère de combat européen.

60 appareils sont concernés, 42 pour la France et 18 pour l'Espagne. La France dispose d'une option pour 25 appareils supplémentaires, elle qui dispose d'une flotte de 67 Tigre.
Cela a longtemps été incertain, mais l'Allemagne rejoindra bien le programme dans les prochains mois, elle qui va connaitre une hausse historique de ses investissements de défense, en raison de la guerre en Ukraine. 

Chez nous, Safran, Thales, et MBDA sont bien sûr impliqués. 

Le Tigre MkIII est prévu pour effectuer son premier vol en 2025, mais la France recevra les siens à partir de 2029, l'Espagne 2030.

Même si les évolutions sont différentes selon le pays, le Tigre, formidable machine de combat (on l'a vu en Libye, ou au Sahel), va connaitre des upgrades à plusieurs niveaux, à commencer par sa connectivité. Un peu à la manière du Rafale F4, si l'on devait faire un parallèle. 
L'hélicoptère sera pleinement intégré à la numérisation du champ de bataille, avec partage de données tactiques en temps réel, et prise de commande sur des effecteurs déportés (drones). L'armement va également être revu, avec notamment un nouveau missile Mistral, un nouveau missile Air-Sol "MHT", des roquettes guidées… 


Mais tout ou presque est détaillé dans le schéma ci-dessous communiqué par le constructeur: 

Cliquer pour Agrandir.

mercredi 2 mars 2022

Vers une flotte de 20 ravitailleurs pour l'armée de l'Air


L'invasion de l'Ukraine rebat les cartes en Europe. Le format des armées françaises pourrait en être bouleversé à court terme. Et cela pourrait commencer par l'augmentation majeure de la flotte de ravitailleurs dans les forces aériennes. 

Ci-dessus: un MRTT et deux Rafale de la 30ème escadre en patrouille au dessus de la Pologne. Notez que les Rafale sont en configuration Air/Air et équipés de 2 missiles METEOR chacun.


La Lettre A révélait ce mardi 1er mars que la France envisage sérieusement de commander 5 avions ravitailleurs Airbus A330 MRTT pour l'armée de l'Air et de l'Espace. Cette commande deviendrait de surcroît impérative en raison du nouveau contexte stratégique qui frappe l'Europe. La commande de MRTT était déjà passée en 2020 de 12 à 15 appareils. 6 "Phénix" sont à ce jour en service dans l'armée de l'Air et de l'Espace.

Autre dossier, l'accroissement de la flotte de transport, qui se ferait sur A400M, voire un nouvel appareil médian (la rumeur "A200M" revient souvent mais n'aurait pas les faveurs d'Airbus). 

Dans le même registre de la projection, sachez que la France se déploie en Roumanie grâce au MRTT, pour les hommes et femmes, au C-130 pour les munitions, mais aussi et surtout grâce à deux Antonov qui étaient à l'extérieur de l'Ukraine au moment de l'invasion. Les appareils convoient actuellement des blindés (AMX-10 RCR, VAB, VBL).


Concernant les opérations et le volet chasse cela se passe dans le ciel polonais pour l'instant, avant l'Estonie mi-mars (pour les Mirage 2000-5). Des Rafale de la 30ème escadre de chasse décollent quotidiennement de la base de Mont-de-Marsan, rejoints par un ravitailleur (Istres) et un E3-F Awacs (Avord).

La question de l'augmentation de la flotte de Rafale va inévitablement se poser. Elle est déjà préconisée dans un récent rapport parlementaire. 

En bref les temps sont exceptionnels et sitôt l'élection Présidentielle passée, nous devrions en apprendre d'avantage.