vendredi 28 juillet 2023

A Bordeaux, Hynaero veut développer un avion bombardier d'eau européen


Soutenu par Bordeaux Technowest, un nouveau projet aéronautique d'envergure vient de naître en Nouvelle Aquitaine, puisqu'il s'agit pour Hynaero de développer une solution européenne d'avion amphibie bombardier d'eau. 

Illustrations & vues d'artiste: Hynaero


La question des avions bombardiers d'eau est (re)devenue un sujet prioritaire depuis la prise de conscience et la constatation (on peut inverser ces deux formules) du fait que le réchauffement climatique allait largement aggraver le risque d'incendie dans nos contrées. 
En Aquitaine, le choc remonte évidemment à l'été 2022, avec les épisodes de "méga-feux" qui ont frappé la Région, et fait dire dans la foulée à son Président, Alain Rousset, qu'il faudrait dorénavant plus de moyens aériens d'intervention, et mieux encore, plus de moyens souverains (voir les articles dédiés déjà parus sur le blog).



Bref rappel de la situation: un double contexte d'aggravation des crises et de vieillissement des flottes de Canadair -et autres bombardiers d'eau- amène la France, l'Europe, et probablement un grand nombre de pays nouvellement concernés dans le monde à penser leur future flotte d'appareils d'intervention. Le marché devrait donc exploser. 
La France et l'Union Européenne se sont déjà tournées vers les Canadiens -qui produisent la nouvelle itération du Canadair, le De Havilland Canada DH-515- pour négocier le renouvellement de leurs flottes (on parle par exemple d'une commande de 16 appareils pour la Sécurité Civile française), mais des solutions "souveraines", ou du moins continentales, pourraient émerger. On pense aux Belges de "Seagle". On pensera aussi désormais aux Bordelais d'Hynaero, avec son "Fregate-F100".


Hynaero est une start-up qui émerge à Bordeaux. Incubée par Bordeaux Technowest, elle compte profiter du richissime écosystème aéronautique et industriel local. 

Son projet d'avion amphibie bombardier d'eau "Fregate F-100" a l'apparence du vénérable Canadair (biturbine, plan haut), mais possède sur le papier des capacités plus importantes, de l'ordre de 10 tonnes d'eau pour ce qui concerne l'emport. 
Et si un avion de nouvelle génération permet également d'aller plus vite et plus loin (ici pour des missions de 2h30 à 400km de sa base), c'est bien du côté de la conception que les gains principaux sont à trouver, avec en particulier une avionique dernier cri  -enfin- en accord avec la structure de l'appareil, by design.
Un effet qui doit aussi et surtout se faire ressentir au niveau de la maintenance, problématique qui handicape lourdement les flottes vieillissantes de Canadair. 

Cette conception moderne devrait donc permettre d'obtenir une série d'avantages face au leader du marché, et notamment un prix d'achat moins important. 



Comme le Seagle en Belgique, Hynaero doit encore attiser l'intérêt. Si le projet semble bien avoir obtenu le(s) soutien(s) institutionnel(s) du territoire, il faudra générer des coopérations avec les entités privées à même de pouvoir le faciliter, en premier lieu les géants de l'aéronautique. 
Faire naître un nouvel avion de mission est une tâche qui n'est pas mince et demandera énormément de fonds: autour du milliard d'euros probablement, si l'on compare avec les autres programmes similaires.  

En Belgique, si le Seagle arrive à son terme, il est prévu que l'avion vole en 2028 pour une commercialisation en 2030. A Bordeaux, Hynaero devra donc s'inscrire dans un calendrier similaire, visant la fin de décennie. Bataille à venir du côté de Bruxelles et de la course aux financements européens ? 

Même si ce calendrier ne correspond pas au besoin français de renouvellement des Canadair, renouvellement qui aura déjà débuté (avantage clair et net aux Canadiens de DHC), on peut conclure au moins deux choses:
  • la France aura besoin d'autres appareils. Il y a d'ailleurs une vraie volonté politique de se diversifier et de ne pas compter que sur un seul fournisseur. 
  • le marché mondial devrait lui largement exploser, sur les deux hémisphères… 

Il est peut-être temps que la France, pays pionnier de l'aéronautique disposant par ailleurs d'une grande histoire sur le segment des avions amphibies, se relance dans cette course dont les enjeux sont bien plus qu'économiques (sécuritaires, touristiques, et bien sûr environnementaux).  


vendredi 21 juillet 2023

Ex-"PLFS", le Grizzly atterrit à Tarbes !


Le Grizzly a fait sa première apparition sur les Champs Elysées lors du défilé du 14 juillet 2023. Ce véhicule que l'on appelait autrefois "Poids Lourd des forces spéciales" a désormais rejoint le 1er Régiment de Hussards Parachutistes à Tarbes. 

Illustrations: photos des répétitions du 14 juillet, fournies par l'industriel.


A la fin du moins de juin, le 1er Régiment de Hussards Parachutistes (RHP) a reçu les premiers exemplaires de son véhicule de reconnaissance et d’avant-garde aéroportée, désormais nommé dans les armées françaises "Grizzly".  Quelques semaines plus tard, trois exemplaires défilaient déjà à Paris pour le 14 juillet.

Cette dotation s'inscrit dans le cadre de la transformation de l’armée de Terre et d’une différenciation équilibrée de ses grandes unités. La 11e Brigade Parachutiste se verra donc dotée d’un nouveau parc de véhicules d'ici à 2030. Au sein du 1er Régiment de Hussards Parachutistes, le Grizzly remplira des missions de reconnaissance et d'avant-garde aéroportée aux côtés des VBL, déjà produits à l'époque par le même fabricant, Arquus.

Le régiment attend une vingtaine d'exemplaires du Grizzly, sur une quarantaine au total pour la brigade para.


Maintenant, petit retour en arrière: en 2016 (pas si petit le retour finalement), la DGA notifiait à Arquus (Renault Trucks Defence à l'époque) des marchés pour doter les régiments de forces spéciales d'un véhicule de patrouille lourd, le "PLFS", et d'un léger, le "VLFS".

Le programme du poids lourd, successeur du vénérable VLRA, va cependant connaître des difficultés, en partie dues à un jeu en triangle DGA-industriel-COS qui n'a pas été des plus efficient. Finalement, les forces spéciales recevront bien une partie de leurs PLFS cette année, mais à un "standard 2". 

Le Grizzly, "VLFS de première génération" dont la production avait commencé à Limoges (il s'agit d'une évolution spéciale du Sabre, lui même une version du Sherpa Light d'Arquus), atterrit donc finalement en 2023 chez les parachutistes, qui profiteront des capacités étendues de cette bête de 11 tonnes pour leurs missions de reconnaissance et d'avant-garde aéroportée. Le véhicule, avec son moteur de 265 chevaux et sa vitesse maximum de 110 km/h, est en effet conçu pour la grande mobilité en terrain accidenté (rivières comprises).
Aérotransportable par C-130 ou A400M, il est naturellement aussi équipé pour l'intervention, avec quatre postes de tir, dont un pour une arme lourde (mitrailleuse de calibre 50 ou lance-grenade de 40mm). 

Il faudra également, prochainement, parler du véhicule blindé multirôle Serval, très présent dans la LPM, et qui sera notamment la colonne vertébrale des forces françaises de souveraineté (= Outre-Mer). 


mercredi 19 juillet 2023

Publication - sortie du DefTech numéro 6 - « Comment survivre au combat ? »


Un bref mot aujourd'hui pour signaler la parution du dernier numéro de la revue trimestrielle DefTech, consacrée aux innovations technologiques pour la défense et la sécurité.  

Le dossier central du magazine est consacré à la survivabilité au combat, sujet traité pour un vaste nombre de domaines. C'est notamment le cas du spatial, puisque j'ai l'occasion d'y signer un article sur la "furtivité" en orbite, ou comment cacher ses satellites dans un milieu aussi transparent et scrutée que l'espace… 

Vous y retrouverez également quelques plumes connues de la sphère défense.

Le numéro 6 de DefTech est désormais actuellement en kiosque. Bonne lecture.

 

vendredi 14 juillet 2023

Et 26 Rafale pour l'aéronavale indienne !


Invitée d'honneur du défilé du 14 juillet, l'Inde va commander 26 avions de combat Rafale de Dassault Aviation, ainsi que trois sous-marins Scorpène auprès de Naval Group. Une annonce à forte valeur politique qui renforce encore un peu plus le partenariat stratégique entre les deux pays. En revanche, ces signatures ne viendront qu'en 2024. 

Ci-dessus: un Rafale Marine français apponte sur le Charle de Gaulle - Marine Nationale.


Bientôt le retour des Rafale M sur la chaîne d'assemblage de Mérignac ! Après l'Indian Air Force -qui possède déjà 36 Rafale, et en commandera surement d'autres à l'avenir-  c'est la Navy qui va recevoir ses chasseurs français ! Ces Rafale Marine seront destinés au pont du second porte-avions indien, l'INS Vikrant. 

Même si l'on sait depuis plusieurs mois que le Rafale est sorti grand vainqueur des tests (sur tremplin) organisés par la marine indienne face au F-18 de Boeing, le doute a longtemps plané pour savoir quand cette commande de 26 appareils serait annoncée. Le 14 juillet était fortement pressenti, en raison de la visite d'Etat du Premier Ministre Narendra Modi.. mais dans ce domaine, il n'est jamais très bon de crier victoire trop tôt. 
Mais les choses se sont désormais clarifiées, la marine indienne veut ces capacités, et nous voilà donc avec un partenariat franco-indien qui se renforce, encore. 

L'accord concerne bien 26 Rafale M, et 3 sous-marins Scorpène supplémentaires. Pour rappel, MDL (Mazagon Dock Shipbuilders) et Naval Group achèvent de construire en Inde une flotte de 6 Scorpène. Le contrat  a été passé en 2005. 

S'agissant du Rafale M, l'Indian Navy gagne là un formidable outil, largement plus moderne que ses Mig-29 de l'aéronavale.  pourrait avoir en fait besoin du double). Elle y gagne de surcroit un certain niveau d'interopérabilité avec les Français, mais aussi avec une partie de sa propre armée de l'air. 
La Marine indienne comptait initialement prendre 57 nouveaux appareils. Il reste donc peut-être une marge d'évolution. 

En ce qui concerne les chiffres: aucun pour le moment. Ces annonces préfigurent de négociations qui dureront environ un an, si tout va bien, pour des signatures qui auront donc lieu en 2024. 

Il y a bien un chiffre, très symbolique: avec 310 appareils exportés ou destinés à l'être, le Rafale devient plus vendu à l'étranger que le Mirage 2000 ! 

Allez, petit plaisir : qui pour la suite ? Nous regarderons attentivement du côté de l'Indonésie (déjà cliente, mais qui paye par tranches successives), de la Colombie, de l'Irak, et même éventuellement de l'Arabie Saoudite qui vient de se voir refuser 48 Eurofighter, et qui se cherche donc un appareil.


Et enfin, bon 14 juillet à toutes et à tous ! 


mercredi 12 juillet 2023

La Loi de programmation militaire 2024-30 votée et promulguée pour le 14 juillet


La Loi de programmation militaire pour la période 2024-30, en débat depuis environ 2 mois au sein des deux assemblées, est votée cette semaine. Le Président de la République la promulguera dans la foulée, pour le 14 juillet. Le parcours 
parlementaire aura été quasiment sans embuche, et une fois n'est pas coutume, parsemé de débats souvent très intéressants. La France affronte ainsi avec une certaine assurance (assurance à 413 milliards d'euros) la décennie 2020, tout en préparant la suivante.

Ci-dessus: à l'Assemblée Nationale, ça passe largement ce 12 juillet. Le Sénat vote le 13.


Au cœur d'une semaine tout à fait stratégique, qui voit notamment se dérouler un Sommet de l'OTAN historique à Vilnius, ainsi qu'un 14 Juillet où l'Inde, invitée d'honneur, doit annoncer la commande de 26 Rafale M et 3 sous-marins Scorpène, voilà que la structurante Loi de programmation militaire pour la période de 2024-30 va être adoptée parfaitement dans les temps, comme l'espérait l'exécutif. 

D'un montant de 413 milliards d'euros (en fait 400, plus des ressources exceptionnelles à dégager), un record, elle place la France dans la tendance globale qui anime le continent - et le monde. A noter que cet effort avait été initié par la France dès 2017, nous partions alors de très loin, très bas. A noter également que si ce chiffre de 400 milliards est impressionnant sur le papier, la somme s'étale sur une période assez longue de six ans. De quoi relativiser donc.    

Sur le blog: La France engage son "pivot" à 413 milliards d'euros



Nous ne reviendrons pas trop longuement aujourd'hui sur le contenu, et les listes (!), mais rappellerons simplement que le ministère semble avoir travaillé sa copie afin de combler des trous dans la raquette bien identifiés (la défense anti aérienne, l'artillerie longue portée, les drones..), tout en choyant quelques domaines qui ne sont pas les plus visibles, que l'on parle du spatial ou du champ immatériel avec le cyber.

Aussi, il y a les choses, très importantes, dont on parle peu, et qui ponctionnent les budgets de façon conséquente. Il y a l'inflation bien sûr, mais aussi la rénovation d'une multitude d'infrastructures, la hausse des pensions, la maintenance, l'attention primordiale qui doit être apportée à la réserve opérationnelle…

Les partisans de la "masse" -cause perdue ?- feront la mou certes, mais l'analyse en profondeur de la LPM et de ses objectifs montre une volonté claire de renforcer le squelette plutôt que le muscle. Autrement dit, on ne change pas de modèle, malgré la guerre en Ukraine, mais au contraire, on le soigne. 

On prépare également l'avenir avec les études sur le porte-avions de nouvelle génération (1 exemplaire acté, un second à l'étude), le Rafale F5 et sa collaboration avec un héritier du drone furtif nEUROn, et autres programmes plus ou moins connus qui progressent (SCAF, MGCS, EPC…).


Du côté du format des armées, il n'y aura donc pas de rupture. Si la haute intensité reste le mantra du moment, la projection demeure la clé de voute, avec au sommet de la pyramide doctrinale, une dissuasion modernisée à grand frais.

Les livraisons vont elles s'étaler au delà de 2030, ce que ne se cache pas de regretter l'industrie de l'armement terrestre, peut-être la plus lésée ici. Dans l'aéronautique en revanche, qui en doutait ? Heureusement les commandes exports viennent combler les trous (oui pour le Rafale, moins certain pour les hélicoptères). 
Les Sénateurs -de droite- ont bien tenté, en vain, d'ajouter des équipements à la liste, de compresser les calendriers de livraisons, mais la commission mixte paritaire du 10 juillet réunissant Députés et Sénateurs a finalement donné lieu, après plusieurs jours d'intenses négociations, à un accord qui fait essentiellement la part belle au lissage budgétaire dans l'exécution de la LPM. Le budget du ministère des Armées (43,9 milliards € en 2023) augmentera finalement à hauteur de 3,3 milliards d'euros par an en 2024 et en 2025, de 3,2 milliards en 2026 et en 2027, puis de 3,5 milliards par an entre 2028 et 2030. Il était en effet reproché au gouvernement actuel de reporter le plus gros de l'effort après 2027.

Plusieurs questions, comme celle, épineuse, d'un fonds d'investissement pour la défense, restent en suspens et reviendront sur le devant de la scène à court ou moyen terme. Cela nous donnera donc l'occasion de les évoquer.


En bref, et pour ne pas s'éterniser: disons que l'essentiel est là. Un effort budgétaire ambitieux (faire plus était probablement impossible) dont la trajectoire apparait maitrisée, une classe politique rassemblée - miracle !- et des débats relativement sains dans les hémicycles, ainsi que des opérationnels qui semblent avoir obtenu ce qu'ils désiraient. 

Reste désormais à tenir la ligne, car dehors, il y a tempête. 


vendredi 7 juillet 2023

La saison 3 de la Red Team Défense déclare la première guerre spatiale

Un mot pour signaler la sortie -ou du moins la révélation- de la 3ème saison de la Read Team défense de l'AID, Agence pour l'innovation de défense. Pour cette troisième et dernière mouture, les auteurs nous emmènent notamment dans l'espace. Une première. 

Illustrations: © Red Team Défense.


En moins de quatre ans, la Read Team défense, collectif d'auteurs (écriture et dessin) d'anticipation mandaté par l'AID pour réfléchir au futur de la guerre dans une logique "out of the box", est devenue dans le petit monde de la défense ce que la série Black Mirror est à la pop culture. Imaginatif, possible plutôt que probable… mais systématiquement dérangeant !

Les saisons 1 et 2 ont abordé tout un florilège de futurs où des ruptures technologiques avaient une influence directe sur le déroulement des conflits, allant ainsi de sujets très prégnants (piraterie et révoltes de population de l'hémisphère sud, dérive des fake news, crise climatique ou énergétique qui dégénère en vastes conflits, démocratisation des armes hypersoniques…), à d'autres plus inattendues dans nos sociétés en paix (tout ce qui touche aux neurosciences ou à la génétique). 

La plupart des scénarios se déroulent entre 2040 et 2070.

Pour cette troisième saison, ce sont deux scénarios qui sont révélés. « Face à l'hydre » évoque un monde où les connaissances sont transmises d'humain à humain par voie numérique. De là se répand un flot continu de connaissances à travers toutes les strates des populations. Des connaissances qui comportent naturellement les savoirs militaires.
L'autre scénario, « La ruée vers l'espace », est celui qui nous intéressa le plus aujourd'hui, puisqu'il concerne l'avènement de la première guerre spatiale. Une guerre pour les ressources dont l'exploitation robotisée et massive par des entreprises privées à partir des années 2040 va entrainer les premiers affrontements entre humains dans l'espace… et donc les premiers homicides.


Ce scénario est particulièrement intéressant dans le sens où il adopte une feuille de route tout à fait crédible, qui voit le coût de l'accès à l'espace s'effondrer durant les années 2030, permettant le lancement d'une véritable ruée vers les ressources du système solaire. 
Deux éléments "plausibles" viennent encore s'ajouter à la tangibilité du récit: l'exploitation est très largement automatisée d'une part, et d'autre part, les acteurs, après toute une série de crises, commencent à déclarer des ZEE (zones économiques exclusives) autour de corps célestes comme la Lune. Une pratique aujourd'hui interdite par le traité sur l'Espace de 1967, mais autour de laquelle les évolutions juridiques concernant les ambitions lunaires américaines et chinoises devraient nous alerter. Je pense ici par exemple aux fameuses "safety zones" mentionnées par les Accords Artemis, que la France a signés avec Washington en 2022. 

En bref, avec ce scénario, nous ne sommes finalement pas si loin de la prospective. 


Tout est disponible sous forme de teasers multimédias sur le site de la Red Team, ou sur différents canaux de diffusion dont Instagram, Youtube … ou même la presse écrite. 

Comme d'habitude on attendra l'automne afin de pouvoir trouver en librairie la publication de cette nouvelle saison.

A noter qu'il s'agit de la dernière saison de la Red Team, puisque le contrat -comme le budget, assez conséquent- arrive à son terme. Néanmoins, la formule a conquis en France, est même scrutée à l'étranger, et devrait donc être prolongée à travers un nouveau mandat, dont on nous signale que la forme aura encore évolué. 


mercredi 5 juillet 2023

Ariane 5 nous laisse seuls face à la crise... avant l'espoir ?

Ce soir, mercredi 5 juillet 2023, se déroule le dernier lancement pour Ariane 5. Le 117ème. La mission est non seulement historique, mais tout à fait stratégique puisqu'il s'agit de placer sur orbite deux satellites, dont Syracuse 4B, satellite de communication militaire des forces armées françaises. L'occasion de rappeler qu'Ariane 5, c'est une formidable épopée. Mais l'occasion également de constater que le mythique lanceur européen laisse derrière lui un grand vide. 

Ci-dessus: la dernière Ariane 5 sur son pas de tir le 5 juillet 2023 - Centre Spatial Guyanais.


A l'heure où j'écris ces lignes, le lancement n'a pas encore eu lieu au CSG de Kourou (ce sera très probablement mercredi en Guyane, mais jeudi à l'heure de Paris). Il ne fait pourtant guère de doute que la DGA, le Commandement de l'espace et l'ensemble des forces armées pourront très bientôt compter sur les services du satellite Syracuse 4B, l'un des maillons essentiels du renouvellement des capacités spatiales de défense françaises. Car en effet, avec plus de 95% de taux de réussite en 23 ans, ce 117ème vol du lanceur lourd européen devrait se passer de façon optimale. 

La fiabilité du lanceur Ariane 5 a longtemps, très longtemps, été l'un des arguments phares qui l'ont aidé à se hisser tout en haut d'un marché qu'elle a dominé durant quasiment 20 ans, à une époque où la Russie et l'Amérique n'innovaient plus, et où la Chine n'affichait pas encore ses ambitions. 

Aujourd'hui, c'est SpaceX qui présente désormais le meilleur taux de réussite avec sa Falcon 9, qui n'a pas connu d'échec depuis 2016 et plus de 200 vols. Une Falcon 9 dont les cadences s'accélèrent. Elle était tirée tous les 6 jours en moyenne en 2022, on devrait être sous la barre des 4 jours en 2023.  


La crise de lanceurs européens

Bien des superlatifs peuvent accompagner ces au revoir à Ariane 5, mais comme un symbole, ce porte-étendard de l'accès indépendant à l'espace des Européens laisse ces derniers orphelins. Car Ariane 6 n'est pas prête, et la petite Vega-C inquiète. Il est fort probable qu'aucune des deux ne vole en 2023. Voilà l'Europe est sans lanceur. 

Au salon du Bourget (19-25 juin 2023), on pouvait découvrir sur le superbe pavillon du CNES toutes les réussites de l'Agence spatiale française, réalisées avec l'Europe ou d'autres pays comme le Japon, la Chine… On pouvait suivre des tables rondes sur la durabilité, divers projets scientifiques, sur Ariane 6 ou le Centre Spatial Guyanais... voir et écouter des astronautes ou futur.e.s astronautes. En tendant l'oreille on pouvait cependant entendre des inquiétudes, ainsi qu'un joli couac de communication:    


Le Directeur du CNES tentera de rétropédaler dans la journée (CNES, ESA, ArianeGroup et Arianespace communiquent sur Ariane 6, c'est trop !), et l'on parle aujourd'hui d'une estimation officielle qui sera donnée à la rentrée pour le premier vol d'Ariane 6, mais le petit monde du spatial l'a compris: ça sera 2024.  

On ne refera pas l'histoire: le programme Ariane 6 a été voté à la fin de l'année 2014, en pleine panique, et aura dû se dérouler sous de lourdes contraintes industrielles, économiques, et même sanitaires ! Pendant ce temps, SpaceX s'appropriait le marché, faisant même sauter le verrou psychologique à l'ESA et à l'UE, qui sont désormais clientes du groupe d'Elon Musk. 

Le monde du spatial a radicalement changé depuis une dizaine d'années. L'Europe était leader sur les segments des lanceurs et des satellites. Elle court désormais derrière l'Amérique et la Chine (marché fermé en ce qui la concerne). 

Lire sur le blog - Spatial européen: des projets, pas de stratégie


Au delà de l'ambition politique, la vérité est surtout que l'on ne lutte pas avec les mêmes armes que SpaceX et plus globalement, que le New Space anglo-saxon. Il nous manque en Europe, et les budgets, et les marges de manœuvre qui vont avec. 


Un nouvel espoir ? 

Pas de panique ! Ariane 6 volera, sera performante, et son carnet de commande est déjà bien rempli. Elle ouvrira surtout la voie à une série d'évolutions qui remettra l'Europe en selle, sera le fer de lance du renouveau. En tout cas ici on y croit. 

Mais attention cependant, car au salon du Bourget comme aux Assises du New Space (5&6 juillet), commence à poindre une autre forme d'inquiétude, qui concerne cette fois les start-up du "new space" français. En effet, ces dernières sont désormais nombreuses (une grosse soixantaine), et quelques unes -que nous ne citerons pas, pas de jaloux !- se démarquent très clairement dans ce qui ressemble à un peloton de tête. Autrement dit: levées de fonds de séries A et B, embauches massives, médiatisation… et génération de revenus pour une minorité d'entres elles.

Toute la problématique réside dorénavant dans le fait qu'il ne suffit pas de se féliciter de ce dynamisme, pour finalement lâcher ces entreprises dans une mortelle compétition avec le reste de l'Europe où les ambitions prédatrices vis à vis de la France ne sont même plus dissimulées. Par exemple, l'Allemagne (mais nous pourrions citer les Britanniques, les Italiens..) a des projets et pousse donc, bien que maladroitement, ses jeunes entreprises en ce sens. En France, notre new space, qui doit déjà déployer quantité d'énergie pour obtenir des financements suffisants à son développement, implore aujourd'hui les décideurs politiques d'utiliser le levier fondamental, mais trop souvent oublié, qui a fait le new space américain: la commande publique.    

Si dans le secteur civil, la démarche semble très (trop ?) complexe au vu de certaines lourdeurs structurelles, ici, on parie déjà qu'une majeure partie des gagnants se trouvera du côté de ceux qui ont su aborder le marché militaire, voire sécuritaire.. et maritime notamment. Nous sommes très très loin en France des budgets alloués aux USA par le Pentagone, mais néanmoins, les ambitions sont là, et c'est une chance, un avantage concurrentiel pour nos entreprises. Cela concernera nécessairement et prioritairement le secteur satellitaire -tous domaines confondus, de l'opérateur à l'exploitation de données- mais aussi celui des lanceurs, puisqu'une composante "lancement réactif" pourrait voir le jour à moyen terme, et possiblement concerner le monde des micro-lanceurs


Ariane 5 s'en va, et avec elle, l'ancien monde. On sait déjà au moins une chose sur le nouveau monde: il faudra se battre pour s'y faire une place.