mercredi 29 septembre 2021

Pari méditerranéen réussi pour la France


En concurrence avec de nombreux industriels occidentaux, Naval Group remporte finalement le très convoité marché des frégates grecques. Athènes choisit en effet la FDI Belharra. Un contrat estimé entre 3 et 5 milliards d’euros, assorti d'un accord stratégique de tout premier ordre entre les deux pays.

Illustrations: vues d'artiste des frégates Belharra - Naval Group


Deux semaines après l'historique déconvenue australienne - qui on l'assure à l'Elysée, ne change rien à la stratégie française pour l'indopacifique - Naval Group rebondit de la meilleure des manières avec la signature ce mardi 28 septembre à Paris d'un MOU pour la vente à la Grèce de 3 frégates de défense  et d'intervention "Belharra" (+1 en option), la petite sœur très musclée de la classe Aquitaine (FREMM).

Les navires seront fabriqués à Lorient, armés par MBDA et Thalès, et viennent s'intercaler dans le calendrier des livraisons franco-françaises (5 FDI pour la Marine Nationale prévues à ce jour). Les frégates grecques seront ainsi livrées en 2025 et 2026, tandis que la France aura eu la première en 2024, puis les suivantes à partir de 2026.

Pas d'avancée en revanche sur la possible vente de 3 corvettes Gowind, mais des négociations sont en cours.


Cette signature s'est inscrite dans le cadre du partenariat stratégique entre Paris et Athènes. Largement renforcée depuis les tensions avec la Turquie en Méditerranée Orientale à l'été 2020, cette entente se formalise aujourd'hui par un accord de défense de 5 années, établissant le cadre d'une coopération stratégique, d'une coopération en matière de politique étrangère, d'une coopération militaire, et en termes d'équipements de défense.

Ce que rappelle Emmanuel Macron sur Twitter: "Avec la Grèce, nous actons aujourd’hui un partenariat stratégique de coopération en matière de défense et de sécurité. Il vient renforcer notre sécurité collective, notre autonomie stratégique et notre souveraineté européenne".


La Grèce, qui reçoit également ses premiers avions Rafale, et en désire des exemplaires supplémentaires, vient véritablement donner une victoire à la France, cette dernière étant en effet malmenée par ses propres alliés sur le théâtre indopacifique… mais également au Sahel, où les relations avec les autorités maliennes sont ces derniers jours sur un fil ténu, alors qu'un 52ème soldat français, le caporal-chef Maxime Blasco, vient de perdre la vie sur Barkhane.

Ce partenariat méditerranéen (qui évite bien de citer le Turquie) vient de surcroît renforcer la défense européenne, sur le plan stratégique comme industriel, au moment même où le flou règne sur l'avenir du gouvernement allemand, dont les décisions seront - dans un sens ou dans l'autre - structurantes. 

vendredi 24 septembre 2021

Tribunes de la Presse 2021 à Bordeaux

Comme chaque automne, les Tribunes de la Presse font leur retour à Bordeaux pour trois jours de conférence sur les évolutions du monde, s'appuyant une nouvelle fois sur des personnalités de renom. Cela se passe cette année du 14 au 16 octobre au TNBA.

Politique, médias, société, climat, sciences, territoires… les Tribunes brassent large et il y en a pour toutes les sensibilités.
En ce qui nous concerne, nous nous intéresserons particulièrement aux conférences du vendredi soir ("Chine, Etats-Unis, Europe : la guerre froide") et du samedi matin ("Pour changer le monde ? Faites la guerre ou la révolution !"). 

Entrée libre et gratuite, après inscription obligatoire, quel que soit le canal choisi (en présentiel ou online).



mercredi 22 septembre 2021

Inauguration des nouveaux bureaux d'études de Dassault Aviation à Mérignac


Après deux ans et demi de travaux, les nouveaux bureaux de Dassault Aviation à Mérignac ont été inaugurés ce 21 septembre. Face à l'usine d'assemblage, ce bâtiment va contribuer à rapprocher les bureaux d'études de la production.

Ci-dessus: le tout nouveau "bâtiment M" à Mérignac - Dassault Aviation


Ce triptyque de bâtiments, vous l'avez sûrement vu grandir en traversant l'aéroparc bordelais durant ces deux dernières années. Entre l'usine d'assemblage Dassault et le campus Thalès à Mérignac, ce sont 26 000 m², 1 650 postes de travail, 24 espaces collaboratifs modulaires, 9 plateaux projets… ainsi qu'un auditorium qui sont sortis de terre pour constituer le "bâtiment M".

Bâtiment M a été inauguré par les dirigeants de Dassault et les autorités politiques locales ce 21 septembre à Mérignac, et s'inscrit dans la politique menée par l'actuel PDG Eric Trappier de rapprocher conception et production. Ce qui consiste par définition à rapatrier du personnel parisien vers Bordeaux (une partie seulement, et sur la base du volontariat je vous rassure). Cela devrait déjà faire environ 350 personnes fin 2021.

Des bureaux d'études donc, mais aussi des services de développement, de soutien, commerciaux. Civils comme militaires. Egalement, un Command Center Falcon ainsi que des bancs systèmes avions.
 
Mérignac est plus que jamais au cœur de la stratégie de l'avionneur alors que des programmes cadres sont déjà engagés, qui nous amènent dans les toutes prochaines années s'agissant des Falcon, et jusqu'en 2040 et plus encore si l'on parle du combat aérien futur. 


Présentation du site en vidéo (visionner sur YouTube si l'incrustation ne fonctionne pas):



Et l'aéroparc n'a pas fini de se transformer, puisqu'il accueillera en 2023 le "Cockpit" de Bordeaux Technowest, moment où débuteront les travaux de la Cité des Savoirs Aéronautiques et Spatiaux, Tarmaq.



lundi 20 septembre 2021

Les armées avancent sur la maintenance des aéronefs par drones


Dans le cadre des développements du standard du Rafale F, un appel à projets pour l’automatisation de l’inspection d’aéronefs avait été lancé par l'AID, la DMAé, et la DGA. On en connait déjà quelques résultats.

Sources & Images: ministère des Armées.


Rafale "F4" doit projeter le MCO dans une nouvelle ère, celui de la maintenance prédictive, qui devra contribuer, grâce au Big Data et à l'IA, à régler une partie des soucis de disponibilités des flottes d'aéronefs militaires (problème qui épargne assez largement le Rafale d'ailleurs). 

C'est dans le cadre de cette évolution qu'en juillet 2019, l’Agence de l’innovation de défense (AID) a lancé via l’Innovation Défense Lab en partenariat avec la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé), la Direction générale de l’armement (DGA) et l’Armée de l’Air et de l’Espace, un appel à projets « automatisation des contrôles non destructifs (CND) sur aéronefs ». 

En effet, comme le justifie l'administration, la maintenance des aéronefs nécessite l’inspection régulière de ses revêtements ainsi que de réguliers contrôles de l’intégrité de la structure interne de certains points critiques par des moyens dits « contrôles non destructifs ». Ce sont des tâches chronophages et potentiellement dangereuses pour les opérateurs dans le cas des aéronefs de grande hauteur. 

Dans les faits, la proposition de solutions innovantes se traduit par l'emploi de drones:


Sur une vingtaine de candidatures, l'agence a retenu deux entreprises qui ont pu développer, en un peu plus d’un an, un démonstrateur, en lien étroit avec les équipes techniques compétentes des armées:

  • DONECLE, en partenariat avec 8tree et Dassault, propose une inspection 3D automatique des revêtements aéronefs grâce à un drone 100% automatisé. Cette technique permet de détecter et mesurer les défauts de surface tels que des enfoncements, impacts ou perforations. Testée sur des surfaces métalliques et composites, la solution permet en outre des comparaisons avec la maquette numérique de l’avion et le suivi digital de l’évolution des défauts.
  • ROBOPLANET, propose un robot semi-autonome pour les mesures de contrôle non destructif par ultra-sons, qui scanne automatiquement des zones prédéfinies, avec l’assistance d'un logiciel de mise en œuvre et de suivi des acquisitions. Ce robot semi-autonome permet la détection automatique de défauts au cœur de la pièce et le format des données générées assure une continuité numérique avec le logiciel en place de génération de rapports d’inspection.


Au bout du processus, des démonstrations ont eu lieu cet été, le 9 juin, sur la BA 118 de Mont-de-Marsan. 
Des essais qui selon le MINARM "ont permis de mettre en évidence les conditions d’utilisation qui pourraient être envisagées par les forces", devant un quorum d’expert de spécialistes et de potentiels utilisateurs en provenances des armées, de la DGA, de la DMAé, du Service Industriel de l'Aéronautique (SIAé), de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) mais aussi de l’industrie aéronautique.

La restitution finale de cet appel à projet s’est déroulée le 7 juillet à l’Innovation Défense Lab permettant de faire le bilan tant sur le fond que sur la forme de ce projet.

Tout comme l'impression additive, il ne fait pas de doute que les drones & robots ont toute leur place dans ce MCO "4.0" qui pourrait considérablement révolutionner les missions des forces armées.


Ci-dessous: des essais avaient déjà été menés avec la Marine en 2020.



vendredi 17 septembre 2021

Fin des illusions dans l'IndoPacifique ?


Nous sommes vendredi soir, 17 septembre, et la semaine se clôture par un fait historique: la France rappelle pour consultations ses ambassadeurs aux Etats-Unis & en Australie à cause de la "gravité exceptionnelle" de l'annonce du partenariat Washington-Londres-Canberra débouchant sur l'annulation d'un gros contrat d'achat de sous-marins à la France.

Ci-dessus: signature du 11 février 2019 > 15 septembre 2021, le "contrat du siècle" n'est plus.


Ce mercredi 15 septembre 2021, les rumeurs se répandent selon lesquelles l'Australie annulerait son partenariat stratégique (le fameux "contrat du siècle" pour Naval Group, remporté en 2016, et confirmé depuis) avec la France.
Nous sommes alors peu à y croire, habitués à ce que les médias australiens médisent sur la technologie des sous-marins français. Pourtant cette fois… c'est officiel. Canberra renonce aux sous-marins français de Naval Group (le système de combat allait lui à Lockheed Martin) pour se lancer dans un nouveau contrat pour - et c'est LA grande surprise - des SNA américains. Avec une participation encore indéterminée du Royaume-Uni. 

Depuis, tout a été dit ou presque.

Le coup de grâce vient évidemment de Washington où l'administration Biden prend décidemment peu soin de certains de ses plus fidèles alliés, Paris n'ayant même pas été prévenu. Mais finalement, Bush, Obama, Trump... Biden, le comportement américain n'est que continuité. 
Et en matière d'armement, on n'oublie pas non plus comment la France fut doublée en juin sur le contrat des avions de chasse suisses.

Quant aux Britanniques, impliqués dans ce nouveau partenariat stratégique dans le Pacifique, "AUKUS", cela touche à la schizophrénie. A Londres, on hurlait à la trahison américaine il n'y a même pas un mois lors de la chute de Kaboul. On s'y gargarise aujourd'hui, se félicitant de la consécration de la stratégie naissante (et post-Brexit) du "Global Britain"... en se moquant bien des naïfs Français, désormais accusés d'être mauvais joueurs. 

La conférence tenue par Joe Biden fut également surréaliste, et d'un point de vue français, humiliante. Etats-Unis en leader, Royaume-Uni et  Australie au second rang… cela rappelle un peu l'aventure irakienne de 2003. 


La France l'Europe hors jeu dans l'Indo-Pacifique ?

La crise diplomatique est là. Et maintenant ? 

La France, tout comme l'Europe vient tout simplement d'être mise hors-jeu par Washington dans le Pacifique, ce qui demeure une décision absolument incompréhensible… incompréhensible oui, car elle était évitable. 
Au prix d'un renforcement politico-militaire certes sans précédent avec l'Australie, l'Amérique se positionne ouvertement face à la Chine en ostracisant un partenaire, la France, qui quoiqu'on en dise compte dans la région. 
Bien plus par exemple que le Royaume-Uni, si fier d'abattre sa carte "Commonwealth", mais dont la jadis glorieuse Royal Navy est aujourd'hui menacée de déclassement radical.  

L'Europe aussi ambitionne d'être un acteur aux antipodes, comme en témoigne la parution cette semaine de sa stratégie en la matière (l'affaire AUKUS est tout autant un camouflet pour elle). Mais à la pointe de la lance, il y avait bien sûr la France qui y a fait un retour très remarqué depuis une décennie. Le dénouement australien y met-il un coup d'arrêt ? Assurément oui… mais pas définitif. 

Il lui faudra en premier lieu bien sûr se tourner vers l'Inde, l'autre acteur majeur de la zone. Et en second, lieu, refonder sa stratégie autour, soit de nouveaux partenaires, soit de ses territoires, comme la Nouvelle Calédonie (le prochain référendum devient un enjeu vital), avec des moyens nettement plus conséquents qu'initialement prévu. 

Attention cependant à ne pas tomber dans une posture "gaullienne" peu probante au 21ème siècle. 

Sur le grand tableau de la stratégie, l'épisode français est cependant secondaire, car l'information principale est bien la formation de cette coalition AUKUS, ou autrement dit le lancement officiel d'un grand plan face aux ambitions chinoises. Une Chine qui réagira.
Si cette semaine marque la fin des illusions pour certains, elle semble bien poser les jalons d'un nouvel ordre international dans l'IndoPacifique. On peut donc bien parler d'un événement historique. 


mercredi 15 septembre 2021

Airbus propose aux Britanniques un nouvel hélicoptère militaire


Airbus a profité du salon londonien de l'armement pour présenter un nouvel hélicoptère militaire: le H175M. L'appareil semble surtout conçu pour le marché britannique, la Royal Air Force devant renouveler son actuelle flotte de Puma.


Alors qu'on évoque en France des commandes possibles pour venir combler quelques trous capacitaires dans la flotte d'hélicoptères de manœuvre, les Britanniques doivent eux se pencher sur le remplacement de leurs 23 Puma dans le cadre du programme New Medium Helicopter (NMH).

C'est donc lors du DSEI qui se tient à Londres cette semaine qu'Airbus Helicopters a dévoilé maquette et clip de présentation (vidéo ci-dessous) concernant son dernier né: le H175M. Il s'agit bien d'une variante militarisée du H175 civil. 

Tout cela reste bien préliminaire puisque ni Airbus, ni la Royal Air Force n'ont communiqué sur les spécifications du futur programme. Airbus Helicopters se positionne d'ailleurs officiellement comme "dans l'attente" de la publication par le ministère de la Défense des spécifications formelles.
Le prototype à l'image ne semble d'ailleurs pas avoir fait l'objet de grandes modifications par rapport à sa version civile. Il s'agit surtout là d'une annonce. 

En cas de succès, le constructeur européen avance comme argument fort le fait que l'appareil serait assemblé chez Airbus Broughton (y compris pour le marché export), site industriel durement touché par la fin du programme A380. 


Alors quid de l'avenir de ce nouveau venu de la gamme militaire d'Airbus ? Pour l'instant la cible britannique reste bien mince et il devra affronter le AW149 de Leonardo (possiblement aussi le Blackhawk de Sikorsky), mais l'on devine déjà un grand frère conceptuel au H160M "Guépard" qui fera office d'hélicoptère léger en France.

Chez les historiques européens, sur le continent, cela semble en revanche bouché avec des flottes de NH90 et de H225 bien fournies, et quelques commandes encore à venir même si à l'horizon commence à poindre une fin de carrière industrielle pour ces appareils (surtout le NH). D'autant plus que tous les pays n'ont pas la même approche doctrinale, notamment sur la dichotomie léger/moyen/lourd.

Il faudra aussi surveiller le projet de l'OTAN "Next Generation Rotorcraft Capabilities" auquel participent tant la France que le Royaume-Uni, Airbus, Leonardo, et d'où pourraient émerger des programmes de rupture. 


lundi 13 septembre 2021

La Grèce veut 6 Rafale supplémentaires (qui font 24)

Le Premier Ministre grec a déclaré publiquement samedi 11 septembre que le pays avait l'intention de commander non plus 18 Rafale, mais bien 24, afin de renforcer les escadrons de l'Hellenic Air Force.

Ci-dessus: livraison du premier Rafale de l'Hellenic Air Force le 21 juillet - Dassault Aviation


Alors que la France et Dassault Aviation ont bien honoré leur engagement auprès du client grec (en livrant cet été en un temps record les premiers appareils), nous avons désormais la confirmation qu'Athènes compte ajouter 6 Rafale supplémentaires à sa commande passée l'hiver dernier.

Des bruits de couloirs le laissaient penser depuis le printemps, mais la confirmation vient aujourd'hui de la bouche même du Premier Ministre Kyriákos Mitsotákis. Ces appareils rejoindraient les autres sur la base de Tanagra.

Pour rappel, la Grèce a officiellement commandé 18 Rafale, mais 6 seulement sont neufs, et 12 "légués" par l'armée de l'Air et de l'Espace française. 
L'armée française devant également céder 12 Rafale à la Croatie (attention ce n'est pas encore signé), et ne disposant donc plus de marge en la matière, il ne fait aucun doute que les possibles nouveaux Rafale grecs seraient eux des appareils neufs… à ajouter sur la chaîne d'assemblage de Mérignac.

Cette année, un premier groupe de pilotes HAF est formé par l’armée de l’Air, ainsi que 50 techniciens grecs au Centre d’Entraînement à la Conversion (CTC) de Dassault Aviation à Mérignac.

 

vendredi 10 septembre 2021

A Bergerac, la poudrerie Eurenco s'empare de Manuco


EURENCO annonce l’acquisition de la société MANUCO, spécialiste de la fabrication de nitrocellulose énergétique à haute performance.


Le Groupe EURENCO fait partie de ces acteurs discrets mais tout à fait stratégiques de la BITD nationale. Vous m'en donnez d'ailleurs régulièrement des nouvelles et je vous en remercie ! 

Mais Eurenco, c'est avant tout le leader européen dans le domaine des poudres et explosifs et leader mondial des additifs pour carburant.
Et en cette rentrée, le groupe annonce l’acquisition de la totalité de la société MANUCO (un de ses sous-traitants), dont il possédait déjà 50%. Manuco est située comme Eurenco à Bergerac.

Le communiqué dévoile également la signature d’un contrat d’approvisionnement de 5 ans avec le groupe espagnol Maxam (qui était justement le possesseur des autres 50% de Manuco).


Manuco développe, fabrique et fournit de la nitrocellulose énergétique pour les industries de la défense et civiles (poudres de chasse essentiellement). Avec plus de 50 références dans toutes les qualités de produits et une capacité de production élevée, l'entreprise fournit un service global et un support technique à des clients dans plus de 20 pays à travers le monde. Elle emploie à Bergerac 76 personnes pour un chiffre d’affaires de 17 M€.

lundi 6 septembre 2021

Avec 8,5 milliards d'euros de financement, le SCAF entre dans le dur


Après un accord avant l'été, la France, l'Allemagne et l'Espagne ont paraphé lundi 30 août le document officialisant le lancement des phases 1B à 2 du système de combat aérien futur (SCAF). Cela ouvre la voie à un financement de 8,5 milliards d'euros et au développement du démonstrateur qui volera au plus tard en 2027.

Ci-dessus: maquettes du NGF et de "remote carriers" au salon du Bourget en 2019.


La rentrée stratégique ne traîne pas, et le premier sujet industriel sur la table concerne le SCAF. Si le programme a fait d'immenses pas en avant au printemps, nous voici dans le temps des officialisations. Cela commence par un accord intergouvernemental, signé le 30 août par les ministres Florence Parly, Annegret Kramp-Karrenbauer et Esperanza Casteleiro LLamazares, représentantes des trois pays membres, qui prévoit les modalités et les financements qui mènent à la phase critique du démonstrateur. Des démonstrateurs en réalité puisque la formule prévoit en l'état un avion de combat de nouvelle génération (le "NGF"), et deux modèles d'effecteurs déportés (des drones).

Les CEMAA des pays partenaires se sont également entendus sur une visée opérationnelle commune.

Le tout s'inscrit dans le cadre très structurant du calendrier politique allemand. En effet, le Bundestag devra valider l'engagement allemand APRES les élections fédérales du 26 septembre. Un engagement qui sera normalement respecté.

L'accord associe en arrière plan la DGA française, le BMVg allemand, et la DiGAM espagnole. Dans le détail, la phase 1B durera entre 32 et 40 mois et bénéficiera de 3,5 milliards d'euros. Suite directe, la phase 2, celle du démonstrateur, obtient environ 5 milliards avec comme deadline 2027. Les pays participent à hauteur égale.

Sur ce point particulier "des milliards", on notera que le SCAF prend là un énorme avantage sur son concurrent britannique (+Italie +Suède) Tempest, dont les financements s'annoncent compliqués à trouver. Dès qu'on rentre dans le concret…


Répartition industrielle

La suite, c'est bien sûr dans les prochaines semaines la signature des contrats entre industriels. C'était le premier "accord" annoncé au printemps après un hiver riche en déclarations, et les négociations se poursuivent encore. 



Ce qu'on sait aujourd'hui, c'est que la répartition industrielle devrait se faire de la façon suivante: Dassaut Aviation (maitre d'œuvre sur le futur avion) hérite naturellement de points tout à fait stratégiques comme les commandes de vol (un gros point d'affrontement en matière de propriété intellectuelle), au total 38% de la charge, quand Airbus DS obtient le reste, mais à partager de façon égale entre Allemagne (les remote carriers ou le cloud de combat) et Espagne (furtivité et capteurs). Thalès ou MBDA sont impliqués, tout comme Satnus, Indra, FCMS...

Safran, MTU et ITP ont la charge de la motorisation, même si le démonstrateur volera a priori avec les M88 du Rafale. 

A noter que la France garde ses particularismes, à savoir un volet nucléaire, ainsi qu'un autre aéronaval, ce qui ne lui interdit donc pas de réfléchir à d'autres vecteurs comme l'US Navy avec son drone de ravitaillement en vol... ;)

Objectif: 2040.


vendredi 3 septembre 2021

Une rentrée tête basse


L'été stratégique rime rarement avec vacances. C'est même souvent la saison des tensions, des grandes campagnes militaires. L'an passé par exemple, nous faisions le bilan d'un été très agité en Méditerranée Orientale, nouvelle preuve du "retour des Etats-puissance". Tout ceci est lié sans tout à fait l'être.. mais la rentrée 2021 marque bien une nouvelle étape dans le processus: la fin de cette "Guerre de 20 ans" entamée par l'Occident en 2001.

Ci-dessus: la France a contribué lors de l'opération Apagan à l'évacuation de 3000 personnes.


Nous aurions presque pu - ou dû - attendre la date du 11 septembre et son triste anniversaire pour publier ce billet. C'était en réalité le projet, mais cela a t-il encore du sens maintenant que Kaboul est tombée… depuis le 15 août déjà ?

Le retrait américain d'Afghanistan, prévu de longue date, s'est finalement - et comme on pouvait le redouter - déroulé dans une atmosphère de panique absolument historique, le pouvoir mis en place depuis 20 ans s'étant complétement désagrégé en plein cœur de l'été (en suivant de son armée), ouvrant aux Talibans, d'abord les principales provinces du pays, ensuite sa capitale et donc, le pouvoir.
La cohue qui s'en est suivie, les images de l'aéroport de Kaboul, s'inscrivent bien malheureusement dans l'Histoire. D'une RESEVAC, nous sommes passés à l'une des plus vastes entreprises d'évacuation humanitaire jamais vues.


Certes la France avait officiellement quitté l'Afghanistan depuis 2014, les combats depuis 2012. Certes nos services de renseignement et notre diplomatie alertaient depuis des mois sur le fait qu'il était préférable de quitter le pays avant la fin du retrait US (dès le printemps en vérité, ce qui attira à Paris les critiques des alliés et surtout des ONG). Certes… enfin… le travail d'évacuation mené par la communauté internationale, pays de l'OTAN en tête, a été exemplaire de professionnalisme comme de courage. 
Mais au final, le bilan est dramatique. Il n'y a qu'à lire les témoignages des vétérans, qu'ils soient Français, Américains, Australiens… tous sont aujourd'hui touchés au cœur, car c'est quelque part leur héritage qui s'évapore. Tous consentent aussi à reconnaître que l'issue était dramatiquement prévisible.

Pour ceux qui comme moi ont littéralement été forgés intellectuellement par la Global War on Terror* décrétée par l'administration Bush Jr (dont le SecDef Donald Rumsfeld est décédé cette année, comme un symbole), ayant vécu le 11 septembre et ses conséquences à l'adolescence, ce qui impactera directement sur le contenu des programmes universitaires dans les années 2000, le retour des Talibans au pouvoir marque bien la fin d'un ère.

Pour le Président Biden, c'est une humiliation choisie et assumée. Pas besoin d'être cynique pour deviner que dans quelques semaines, son opinion publique lui aura pardonné cet affront, et cela même si le pire était à craindre, et que le pire est arrivé: dans le chaos, un double attentat qui causa la mort de 85 personnes dont 13 Marines. Le moment est dur pour l'Amérique, mais Kaboul n'est pas Saïgon.  



La fin des grandes OPEX ?

Kaboul est le cimetière du "Nation Building" peut-on lire ici et là. Très franchement, qui peut le contredire ? L'épisode libyen marquait déjà un ultime avertissement.
La chute du pouvoir afghan rappelle une autre débandade, évitée de justesse, qui est celle de l'Irak face à l'EEI. L'Irak, justement l'autre grand symbole des années Bush.

Mais d'un point de vue militaire, cet échec doit être relativisé. Comme souvent sur ces théâtres de COIN (contre-insurrection), il n'y a pas eu de défaite militaire pour les nations occidentales, mais une guerre longue et coûteuse, dont le crédit politique s'est naturellement épuisé au cours de deux décennies. En réalité, le trait était tiré sur ces déploiements dès 2008 et l'élection de Barack Obama. 

Et comme tous les ans depuis 2016 (et l'élection de Donald Trump), l'Europe se pose la question de son indépendance stratégique. Pour quels résultats ? Réussir Takuba au Sahel - dans un cadre nettement moins "intensif" que l'Afghanistan - serait déjà un accomplissement. Ayons l'honnêteté de viser des objectifs à notre portée.
Il semble aussi que le sentiment d'abandon, de trahison même, soit le plus fort à Londres, où les commentaires sur la faillite afghane sont les plus véhéments. Le Royaume-Uni, démontrant un comportement exemplaire sur le terrain jusqu'aux dernières heures, a été pris de court par le retrait US, et réalise que sans confiance dans sa special relationship avec Washington, l'ambitieuse stratégie post-Brexit du "Global Britain" sera bien complexe à mettre en œuvre.

Les Britanniques ont été exemplaires jusqu'au bout à Kaboul. Une valeur sûre.

Et l'on reparle donc de déclin américain, ou occidental. A tort. La Maison Blanche a choisi un autre chemin. Elle lègue la question afghane aux acteurs régionaux (Turquie, Qatar, Iran, Pakistan… Inde, Chine).
En réalité, rien ne déraille véritablement du cadre prédéfini, car la fin de ces aventures militaires au Moyen-Orient vient clore un chapitre stratégique, tandis qu'un autre a déjà débuté. Ce dernier est présent dans tous les discours, et concerne bien sûr le renouveau du jeu des puissances, avec en fond la préparation à un hypothétique conflit de haute intensité. 

C'est pourquoi, et c'est un avis personnel pas forcément partagé dans le milieu, il me semble que l'on voit aujourd'hui la fin de l'ère des OPEX. Pas par manque de moyens, mais parce qu'il faudra peut-être une génération pour que le pouvoir politique d'une démocratie occidentale se risque à déployer des troupes sur le long terme loin de son territoire. 
Pour la France, la fin de l'opération Barkane - en vérité transformation - anticipée par le Président Macron en est un signal supplémentaire. L'avenir des interventions fait place nette à l'empreinte légère, aux drones, aux forces spéciales… à la formation et au soutien de forces locales quand cela est possible (oui sur ce point, le Mali est malheureusement le plus grand des défis). Il n'est pas impossible non plus que les "proxies" se multiplient, comme durant... la Guerre Froide. 

Un mal pour un bien ? C'est envisageable. D'une part car nos armées doivent entamer un nouveau cycle consacré à la haute intensité, tout en gardant une importante capacité de projection, surtout dans le cas français (Afrique où résident nombre de nos ressortissants, zone Indo-Pacifique).

D'autre part car contrairement aux idées reçues, les mécanismes de sécurité collective de la communauté internationale montrent des signes de réussite. Oui, depuis 1991, c'est d'abord l'ONU avec ses OMP, puis ici l'OTAN (bien loin de son ancre européenne), dont l'action tombe en disgrâce. Pendant que d'autres jubilent devant ces échecs. 
Pourtant au global, malgré les blocages, la corruption, les attentats… cela fonctionne. Un continent comme l'Afrique est plus que jamais en mesure de gérer une crise via l'intervention d'acteurs régionaux, à condition cependant que la communauté internationale assure un soutien logistique et financier adéquat.

Avec la chute de Kaboul, l'Amérique, l'OTAN et la communauté internationale tournent une page difficile, payant le prix de mauvaises décisions prises il y a maintenant 20 ans. Le terrorisme lui n'a pas disparu, mais ses sanctuaires subissent une pression appuyée et continue. Passé la honte, il convient désormais de se remettre en ordre de marche, car la boussole stratégique indique un nouvel horizon. 


*Le terme est abandonné par l'administration Obama, qui tout en multipliant très largement l'emploi des drones contre les groupes terroristes, préfèrera inscrire comme héritage stratégique son fameux pivot-Pacifique qui doit repositionner les USA face au défi chinois.