mardi 31 octobre 2017

Azur Drones rachète la pépite bordelaise Skeyetech



Azur Drones, leader sur le marché du drone civil, réalise sa troisième acquisition structurante en neuf mois. Il rachète la société girondine Skeyetech, spécialiste elle de la vidéoprotection par drone.

La société Azur Drones continue sa montée en puissance sur le marché des drones de service, et de sécurité notamment. En bouclant cette année une quatrième levée de fonds de 3,5 millions d’euros (10 millions en tout), la société agrémente les compétences et les espoirs dans un secteur encore balbutiant.

Par ce biais, elle rachète la société girondine Skeyetech, basée à Mérignac au sein du cluster Bordeaux Technowest.
Skeyetech, start-up fondée il y a 3 ans, se positionne comme le leader français des solutions de vidéoprotection par drones avec son offre Drones’Guard. Elle emploie aujourd’hui 15 ingénieurs. Antoine Lecestre et Grégoire Linard, les deux fondateurs de Skeyetech, rejoignent Azur Drones en tant qu’associés et membres du Comité de direction.

Avec cette acquisition, Azur Drones franchit la barre des 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2017. Elle emploie désormais 50 personnes sur quatre sites en France.


Les drones de Skeyetech sont conçus pour surveiller, des sites industriels sensibles, par exemple SEVESO, et fonctionnent selon une solution "plug and play", c'est à dire qu'ils décollent automatiquement de leur plate-forme lorsque des capteurs détectent d’éventuelles intrusions, effectuent ensuite des levées de doutes afin de confirmer et caractériser ces intrusions, puis retournent automatiquement sur leurs bases de recharge. De vrais petits vigiles en somme.

Encore mieux, bien conscient du potentiel bordelais, Azur Drones va concentrer autour de Skeyetech à Mérignac toute la partie recherche et développement du groupe. Est évoqué ici un centre R&D majeur dans le secteur de la défense et de la sécurité. 


vendredi 27 octobre 2017

Le Rafale sème la pagaille en Belgique (suite)


L'offre surprise des français pour le remplacement des F-16 de la force aérienne belge continue de faire son petit effet. Placée en dehors du cadre officiel de l'appel d'offres, elle fait face à des avis négatifs sur sa recevabilité stratégique. Cependant, les 1500 emplois à la clé suffisent à semer le doute à Bruxelles.

Nous en parlions ici au début du mois (lire l'article du 10 octobre), l'offre française pourtant sur le remplacement des F-16 belges divise la classe politique locale. Un partenariat stratégique autour du Rafale, structurant pour l'Europe de la défense, mais néanmoins en dehors du cadre juridique de l'appel d'offres prévu par Bruxelles, auquel participent le F-35 américains et le l'Eurofighter. 

Pour rappel, la raison est que ledit appel d'offres est jugé par beaucoup (euphémisme) comme très largement favorable au F-35 de Lockheed Martin. 34 avions sont en jeu.

Mais la candidature française est-elle valable sur le plan juridique ? Après un premier avis négatif mais qui laissait tout de même la porte ouverte avec le lancement par le gouvernement fédéral de nouvelles analyses juridiques, le journal L'Echo révèle aujourd'hui que la Défense et le cabinet d'avocats Stibbe, resteront visiblement sur leur position. Nouvel avis négatif donc, sur la recevabilité de l'offre française.

L'autre question à ce stade est la suivante: le gouvernement fédéral belge est-il définitivement lié à son appel d'offres ? Il semble que non, et plusieurs personnalités politiques invitent à abandonner dès maintenant la procédure. On passe alors du juridique, au politique. Sur ce point, la manœuvre française est une parfaite réussite.


1500 emplois à la clé grâce au partenariat français ?

Ces derniers jours ont été marqués par plusieurs débats (à écouter en podcast notamment) entre experts économiques, syndicalistes, hommes politiques sur la pertinence de l'offre française.

Car en effet, celle-ci a pour elle deux arguments de premier choix:

  • Un partenariat structurant pour l'Europe de la défense, à qui Emmanuel Macron espère donner le véritable coup de fouet. A Bruxelles, cet argument a vigoureusement réveillé les europhiles! Le partenariat stratégique français irait plus loin que le seul Rafale, et permettrait à la Belgique de monter dans le bon wagon.
  • Des emplois. Selon le syndicat CSC, ce sont 1500 emplois qui pourraient être créés en Wallonie (évidemment côté flamand, on penche plutôt F-35) via les filiales et partenaires de Dassault Aviation. On travaille déjà dans cette région sur les Mirage, mais après ? En comparaison, on estime que les retombées économiques du choix F-35 seront extrêmement limitées, ces dernières étant déjà pour la plupart trustées par le Royaume-Uni (les italiens, qui ont pourtant une usine d'assemblage de F-35, s'en rendent compte).

Ce qui se joue en Belgique est bien un moment déterminant dans la nouvelle impulsion donnée à l'Europe de la Défense. Plus qu'une question juridique, ce sont sur les plans économiques et surtout politiques que la question est désormais posée. 


jeudi 26 octobre 2017

L'Amérique découvre la guerre au Sahel


Le 4 octobre dernier, quatre soldats américains, des bérets verts des forces spéciales, et cinq soldats nigériens trouvaient la mort dans embuscade dans le nord du Niger. L'affaire, d'abord passée presque inaperçue, prend depuis une ampleur grandissante. Le peuple américain (re)découvre la guerre en Afrique, et également l'engagement de leurs alliés français.

Photo: des soldats américains des forces spéciales, pleurent leurs camarades tombés au feu au Niger - Gaston de Garden, AFP.


Les faits: le 4 octobre, des membres des forces spéciales américaines de l'US Army (les fameux "bérets verts") partent en mission dans le nord du Niger. Les 12 américains et 30 nigériens y sont alors pris en embuscade par des dizaines d'adversaires.  4 américains et 5 nigériens trouvent la mort dans les premiers instants.
Tout ce que l'on sait à ce stade, est que les américains circulaient en pick up et non en véhicules blindés, et ont agi sans les français, aussi présents sur zone dans le cadre des opérations Sabre et Barkhane. Ce sont toutefois ces derniers qui ont dû intervenir avec des moyens aériens (chasseurs et hélicoptères) pour évacuer américains et nigériens.

Le corps d'un soldat US est même abandonné sur place, et ne sera retrouvé que deux jours plus tard.

L'affaire choque au pays, où l'on ne veut plus perdre d'hommes après les guerres d'Afghanistan et d'Irak. Cependant le soufflet retombe vite, d'autant plus que la situation au Sahel est mal connue (voir pas connue du tout) de l'opinion publique.

De là, le tourbillon médiatique s'emballe, jusqu'à ce 24 octobre, trois semaines après les faits. Le média ABC news, qui s'est procuré des informations auprès de sources présentes durant l'opération, révèle alors les détails de cette mission dramatique.

On y apprend, entre autres, qu'il s'agissait d'une mission de reconnaissance, une rencontre avec des chefs locaux, qui tourna en mission "kill or capture" après qu'une HVT (high value target) liée à Al Quaïda et Daesh, une cible du "TOP 3 au Niger", ait été identifiée dans la région.
Manquant de préparation et de moyens, les hommes interviennent à l'aube, mais trouvent un campement abandonné. Sur le retour, le convoi de 6 à 8 véhicules 4x4 s'arrête à Tongo Tongo vers 8h30, sur demande des nigériens, qui veulent manger. Ils sont alors attaqués par 50 à 60 "terroristes", un nombre qui jamais n'avait été envisagé par le renseignement. Les assaillants sont équipés d'armes automatiques et de mortiers, et très rapidement, les pick up sont endommagés ou détruits.

Un drone est sur zone, mais celui-ci est non-armé. Au bout d'une heure, les français sont appelés et les Mirage de la force Barkhane arrivent alors très vite. Les soldats américains racontent néanmoins qu'en raison de la proximité des deux camps, les avions français ne peuvent se risquer à tenter un CAS (close air support) et se limite à du "show of force".
Un "court moment plus tard", les hélicoptères français arrivent du Burkina voisin pour disperser l'ennemi et évacuer les assiégés. Il s'agit des forces spéciales françaises de l'opération Sabre, chaque hélicoptère de manœuvre transportant également un ou deux membres des US Green Berets.

Mise à jour: d'autres articles fleurissent dans la presse US: ici le Washington Post et NBC News, qui font référence à une seconde équipe américaine présente dans la zone, secrète elle, et qui ne serait pas intervenue.


L'Afrique se rappelle à l'Amérique...

A travers ce récit l'Amérique semble découvrir qu'elle est engagée sur le continent africain. Ce drame a la même ampleur que celui de Benghazi en 2012, lorsque les Etats-Unis avaient trop tardé pour envoyer des renforts lors de l’attaque du consulat qui avait coûté la vie à quatre américains (des contractors) dont l'ambassadeur, Christopher Stevens.

800 soldats américains seraient présents aujourd'hui au Niger, le cœur du dispositif de l'AFRICOM au Sahel, avec deux bases de drones, à Niamey et Agadez. Ils seraient 6 000 sur le continent, dont 1 3000 chez les forces spéciales. 
Au Sahel, la présence américaine est censée «fournir un appui dans la collecte de renseignements concernant la lutte antiterroriste et faciliter le partage d’informations avec les forces françaises et les autres partenaires régionaux»

Ceci est l'héritage de la politique du Président Obama, qui avait voulu marquer un retour des USA en Afrique, près de 20 ans après le traumatisme de Mogadiscio (Somalie en octobre 1993, le drame "Black hawk down").
L'effondrement du groupe Etat Islamique au Levant, et l'éclatement des combattants djihadistes vers d'autres zones de crises pourrait bien amener les USA à renforcer encore cet engagement en Afrique, et plus particulièrement au Sahel.


... et l'Amérique découvre l'opération Barkhane (+ Sabre)

Selon les témoignages pour ABC News, "sans les français, nous aurions perdu tout le monde". Il n'aura pas fallu longtemps en ce jour pour voir fleurir des articles américains sur l'engagement armé des français au Sahel, comme ICI.



Mieux, on redécouvre la fraternité d'arme et la coopération de tous les jours entre américains et français dans la bande sahélo-saharienne. Forces spéciales, moyens de renseignement, logistique, ravitaillement en vol... nombreux sont les domaines dans lesquels les quelques 4000 français présents dans la BSS bénéficient de la coopération américaine. 

Aussi, les américains se posent désormais la question de savoir quel est le véritable niveau de coopération entre les deux alliés de toujours. Lire par exemple (en anglais), "Just How Closely Are US and French Forces Cooperating in Niger ?"

Le soutien logistique, avec le fameux ravitaillement en vol des Caracal de l'Armée de l'air par l'US Air Force (ou les italiens d'ailleurs) est bien sûr un exemple marquant, avec cette Operation Juniper Micron qui dure depuis bientôt 5 ans.
Mais là où le bât blesse, c'est dans le renseignement, et son partage. On fustige aujourd'hui dans les médias américains qu'il n'y ait aucun centre de liaison au Niger entre américains et français. Le 4 octobre, l'opération des Green Berets était menée sans la coopération des troupes françaises (jusqu'à ce fatidique appel de renforts), pourtant louées depuis 2013 au Pentagone pour leur connaissance du terrain africain. Elles n'étaient même pas informées.

La vérité, c'est que de chaque côté de l'Atlantique, chacun tient au secret de ses données et des ses opérations spéciales. Rien de nouveau sous le soleil, c'est la norme en matière de renseignement, y compris entre alliés, et d'autant plus quand il s'agit de puissances tenant à leur indépendance stratégique.

La question qui se pose maintenant, après l'embuscade de Tongo (qui nous rappelle par bien des aspects Uzbin, à nous français), est de savoir si la mission de stabilisation du Sahel face aux groupes armés terroristes ne justifie pas un niveau supplémentaire de coopération, et ceci pour une meilleure préparation. 

Et au diable les sensibilités !


mercredi 25 octobre 2017

La France planche sur une Rafale de contrats en Inde


Avec des perspectives optimistes pour l'avenir commercial et opérationnel du Rafale en Inde, le camp français travaille sa stratégie pour les années qui viennent. En jeu, une centaine d'appareils, tant pour l'Indian Air Force que l'aéronavale.

Image: un Rafale français devant 2 SU-30 indiens lors d'un exercice Garuda - Armée de l'air


A quelques jours de la visite (27 & 28 octobre) de la ministres des armées Florence Parly en Inde, la presse, indienne d'abord, puis française ensuite, s’émeut des avancées vers de nouveaux débouchées pour l'avion de combat français Rafale d'ici 2020.

L'année dernière, l'Inde signait enfin, après des années de négociations, un contrat portant sur la  vente par la France de 36 chasseurs Rafale pour 8 milliards d'euros. Après l'Egypte et le Qatar en 2015, une nouvelle victoire pour la "Rafale Team" constituée de Dassault Aviation, Thalès Group, Safran, et plus largement pour la team France, puisque l'Etat et divers acteurs économiques (du missilier MBDA en passant par Aerocampus) sont aussi impliqués dans ce partenariat stratégique à long terme.


Des Rafale assemblés sur place ?

L'Inde, son armée de l'air notamment, a urgemment besoin d'appareils pour faire face aux enjeux régionaux. Et si elle ne recevra ses 36 premiers Rafale commandés en 2016 qu'entre novembre 2019 et la mi-2022, la France ne compte pas lâcher l’étreinte... Car ce sont près 93 appareils qui sont ici en jeu: 36 supplémentaires pour l'Indian Air Force, et 57 pour la marine locale et ses futurs porte-avions.

Blog: Rafale, F-18, Gripen, F-16... l'Inde attise l’appétit des avionneurs



Seulement, New Delhi compte plus que jamais sur sa politique de développement industriel, le fameux "Make in India".
La France joue donc pleinement la carte du partenariat industriel. Accompagnée d'une délégation de haut niveau, Florence Parly se rendra à New Delhi en fin de semaine officiellement pour entretenir cette alliance stratégique de premier ordre, officieusement pour faire avancer certains dossiers avant la venue d'Emmanuel Macron dans quelques semaines. Elle y rencontrera le Premier Ministre Narendra Modi et son homologue indienne, la ministre Nirmala Sitharaman, et enchaînera les réunions avec des responsables sur des questions liées à la coopération en matière de défense.
Sur le plan économique, le grand événement sera la pose de la première pierre, à Nagpur dans le centre du pays, des installations mises en place par Dassault et son partenaire indien, le groupe Reliance, dans le cadre des obligations d’offsets, signées l’an dernier dans le premier contrat Rafale.

Aussi sur le blog: L'écosystème du Rafale s'engage pour le « Make in India »



Si cet accord industriel va dans le sens du "Make in India", c'est parce qu'à terme, des usines indiennes pourraient produire, en premier lieu des pièces (assez simples comme des éléments de fuselage), et pourquoi pas, assembler des appareils. C'est bien sûr là l'ambition de la partie indienne, et ne le cachons pas, la carte maîtresse des français. Cette hypothèse ne sera imaginable qu'en cas de contrats successifs pour des dizaines, voire centaines de Rafale.

La totalité des 84 Rafale vendus à l'export (24 Egypte, 24 Qatar, 36 Inde) à ce jour sont ou seront 100% "made in France", avec un assemblage final à Mérignac. Si la cadence de production y est (en France) en augmentation, il est fort probable qu'un client export majeur possède un jour sa ligne d'assemblage.


Le PAK FA bat de l'aile

D'autre part, se joue en Inde, désireuse de posséder une flotte hétéroclite (un monomoteur, un bimoteur, et un chasseur lourd), une compétition pour des monomoteurs qui va voir s'affronter le suédois Saab avec son Gripen, et l’américain Lockheed-Martin avec le F-16. Là encore, une production sur place sera le facteur clé. A moins qu'une dernière chance ne soit donnée au chasseur local, le Tejas, dont le développement est pour l'instant un échec. La France, par l'intermédiaire du motoriste Safran, peut ajouter son grain de sable en soutenant le Téjas.

Mais c'est du côté du chasseur lourd que pourrait bien se trouver le psychodrame. Le développement avec la Russie d'un chasseur de 5ème génération, le T-50 PAK FA, a pris beaucoup de retard et... engendré de nombreux surcoûts.
Si le programme FGFA (Fifth Generation Fighter Aircraft) n'a pas vraiment été mis en danger jusque là, il subit actuellement une charge de la part de l’Indian Air Force elle-même, dont le sous-chef d’état-major aux plans, l’Air Vice Marshall BV Krishna, a récemment adressé une note au gouvernement dans laquelle il dénonce des caractéristiques de furtivité « ne répondant pas aux caractéristiques de furtivité souhaitées par rapport à un chasseur comme le F-35, (...) de sorte que des changements structurels majeurs, ne pouvant pas être obtenus à partir des prototypes russes existants, sont nécessaires ».

F-35 le mot est lâché ! Et si Washington remettait en cause la longue hégémonie russe dans l'aviation indienne ?

Après l'Egypte, et l'Inde aujourd'hui, il nous restera cette semaine à évoquer la Belgique, où la perspective de la création de 1500 emplois commence à sérieusement éveiller l'intérêt de Bruxelles pour l'offre française.


mardi 24 octobre 2017

Cycle de conférences Montaigne


De (nouvelles) conférences à Bordeaux, sur les thèmes géopolitiques ou sécuritaires. C'est cette fois-ci dans le cadre des cycles "L’Exercice du pouvoir"; "Questions de géopolitiques", et "Religions et laicité" de l'Université Bordeaux Montaigne.

Les mutations que connaît la société contemporaine interrogent le citoyen et appellent une réflexion collective à laquelle chacun doit pouvoir prendre part, de manière libre et ouverte. L’Université Bordeaux Montaigne, l’une des plus importantes universités d’arts, lettres, langues et sciences humaines et sociales de France, doit jouer un rôle plein et entier dans la construction de ce débat public. 
Les conférences ouvertes que propose Bordeaux Montaigne couvriront 4 thématiques. L’Université souhaite ainsi promouvoir un usage critique des savoirs qui permette de penser ensemble notre monde et ses enjeux.
Chaque conférence, d’une heure environ, se prolongera par un moment d’échange avec l’assemblée.
Dix-sept conférences sont proposées à l’université (domaine universitaire de Pessac) pour le plaisir de la découverte, de l’échange, de l’information.

L’ensemble du programme est à consulter ici, mais nous retiendrons particulièrement:

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Cycle 1 : L’Exercice du pouvoir
Jeudi 9 Novembre 2017 à 18h
Sébastien-Yves LAURENT, Professeur d’histoire contemporaine, Université de Bordeaux.

Jeudi 7 décembre 2017 à 18h
Bernard CAZENEUVE, Ancien Premier ministre et ancien ministre de l’Intérieur.
« Exercer le pouvoir de la Place Beauvau à Matignon »

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Cycle 2 : Questions de géopolitique
Jeudi 11 janvier 2018 à 18h
Rémi CASTETS, Maître de conférences en chinois, Université Bordeaux Montaigne.
« Racines idéologiques de l’islam radical moderne »

Jeudi 18 janvier 2018 à 18h
Marie-Pierre REY, Professeur d’histoire russe et soviétique et directrice du centre de Recherches en Histoire des Slaves de l’Université Paris I. 
« La Russie de Vladimir Poutine, un retour à l’Empire des tsars ? » 


lundi 23 octobre 2017

Douze Rafale de plus pour l'Egypte cette semaine ?


Le Président égyptien Abdel Fattah al Sissi arrive en France ce lundi, où il rencontrera Emmanuel Macron. Des contrats pourraient tomber dans l'armement,  et la rumeur voudrait que l'Egypte soit en passe de lever l'option portant sur l'achat de 12 Rafale supplémentaires. Cette option est en effet comprise dans son contrat signé en février 2015 pour 24 appareils. L'Egypte avait été le premier client du Rafale.

Image: l'un des trois premiers Rafale égyptiens à l'été 2015, en sortie d'usine à Mérignac (33) - AFP.


Rappelez vous: à l'hiver 2015, l'Egypte devenait le premier client export du Rafale, dernier né dans la famille des avions de combat de Dassault Aviation. Enfin, après une décennie d'échecs commerciaux (surtout politiques en vérité), le fleuron français trouvait preneur. Le début d'une belle série qui l'amenait ensuite au Qatar et en Inde.
L'Egypte optait donc pour 24 Rafale, avec une option pour 12 appareils supplémentaires. Ce sont ces derniers qui sont aujourd'hui sur la table durant la visite du controversé président Abdel Fattah al Sissi.

Cette hypothèse est préparée en amont depuis des semaines à Paris, où les hauts gradés et fonctionnaires du Caire se relaient.

Comme "toujours" lors de ce genre de visite officielle d'un gros client industriel, les grandes maisons françaises espèrent de grosses retombées économiques.
Dans l'armement, sont évoqués un contrat d'environ 200 millions d'euros en satellite de télécoms (Airbus Space Systems et Thales Alenia Space), 2 nouvelles corvettes Gowind et une FREMM (ce qui ferait la 2ème frégate multimissions égyptienne), des drones tactiques Patroller de Safran, des missiles MBDA, et enfin chez Airbus, 36 hélicoptères NH90 et une dizaine de transporteur A400M.
Oui la liste est longue, et ambitieuse.

[MAJ] La Tribune croît savoir cependant ce lundi matin que la levée de l'option égyptienne pour ces 12 Rafale est bloquée par le ministère de l'économie. Bercy bloque en effet tous les contrats avec l'Egypte, militaires ou civils, en raison d'incertitudes sur les facilités de paiement du pays. On se rappellera d'ailleurs à ce titre les montages financiers réalisés à l'époque entre BPI France et l'Arabie Saoudite pour le premier contrat en Egypte.
Des éclaircissement seront donc nécessaires durant la visite officielle des autorités du Caire.

Dans le même temps, la ministre des armées Florence Parly se rend en Inde, où on parle d'avancées portant potentiellement sur, très concrètement, 93 Rafale (36 supplémentaires pour l'Indian Air Force, le reste pour l'aéronavale). A suivre cette semaine.


vendredi 20 octobre 2017

Tribunes de la Presse 2017, avec François Hollande


La 7ème édition des Tribunes de la presse aura lieu à Bordeaux du jeudi 30 novembre au samedi 2 décembre. Le thème cette année sera celui d'un "monde en pleine (r)évolution". L'occasion de débattre sur les sujets multiples qui nourrissent les bouleversements actuels de notre monde. Le grand témoin de cette édition ne sera nul autre que l'ancien Président de la République, François Hollande.

L'association Les rencontres d'Aquitaine, présidée par Bernard Guetta (journaliste à France Inter), organise pour la 7ème année consécutive les Tribunes de la Presse à Bordeaux. L'événement est devenu en peu de temps un des grands rendez-vous de la saison culturelle bordelaise.
Sur la scène du TNBA (et de l'IJBA pour les ateliers) se retrouvent des philosophes, des journalistes, des historiens, des responsables politiques, des dirigeants d’entreprises, des architectes.... qui viendront parler globalisation, villes-monde, djihad, réseaux sociaux, fake news, démographie, changement climatique…

Des intervenants de renom seront encore une fois présents pendant ces 3 jours: Alain Juppé, Alain Rousset, Sylvie Goulard, Enrico Letta, Matthias Fekl, ou encore Romain Caillet, en pointe en France sur la problématique djihadiste (à voir en cette période d’effondrement du "califat" de Daesh)...

L'invité d'honneur sera bien sûr, dans le cadre des rencontres Sciences Po / Sud Ouest, le Président François Hollande qui viendra donner sa vision "élyséenne" de la mondialisation. Les places étaient chères et sont évidemment parties en quelques minutes. L'intervention sera toutefois retransmises en direct dans un amphithéâtre à Sciences Po Bordeaux (Pessac), et probablement sur Facebook comme ce fut le cas pour Christiane Taubira l'an passé. 


Programme détaillé et inscription en suivant ce lien.





mercredi 18 octobre 2017

Renault Trucks Defense... n'est plus à vendre


Contre toute attente, Volvo Group a mis fin au processus de cession de sa division Government Sales qui regroupe Panhard, Acmat et Renault Trucks Defense. En cause, la faiblesse des offres. le Français Nexter et le belge CMI étaient candidats à la reprise. 

Images - Reuters, RTD

Officiellement mise en vente il y a un an (voir lien ci-dessous) par le suédois Volvo, la division Government Sales du groupe, qui rassemble Panhard, Acmat et Renault Trucks Defense en France, ainsi que Mack aux États-Unis ne sera finalement pas cédée. Les offres reçues ne reflètent en effet pas la valeur de cette division, selon le Deputy CEO et CFO de Volvo, Jan Gurander: « Volvo Group Governmental Sales se développe positivement et s’est construit un carnet de commandes conséquent. Nous avions annoncé notre volonté de céder cette activité, mais les offres reçues ne reflètent pas sa valeur. Nous avons donc décidé de mettre fin au processus de cession ».


Volvo comptait via cette cession se désengager de la défense. La division Volvo Government Sales, si elle ne représente qu'1,5% des ventes du groupe, comprend pourtant des industriels essentiels pour les programmes de l'Armée de terre notamment, et l'emploi en France.
Renault Trucks Defense (RTD), c'est par exemple 1 200 salariés dont une partie à Limoges, la modernisation des VAB, ou la production des 4x4 Sherpa destinés aux forces spéciales.
C'est aussi via Acmat à Saint-Nazaire la militarisation des 3700 Ford Everest qui seront les nouveaux Véhicules légers de transport de personnes non protégé (VLTP-NP) des armées, remplaçant du légendaire P4.




Le français Nexter, ou plus précisément groupe franco-allemand KNDS (KMW & Nexter Defense Systems) et le belge CMI, qui avait fait une offre audacieuse, étaient candidats à la reprise. On évoque une offre de CMI avoisinant les 400 millions d’euros, et une de KNDS entre 300 et 400 millions. Or, Volvo Group attendait lui  entre 500 et 700 millions d’euros de cette vente.

S'il est compréhensible qu'avec les perspectives du marché, Volvo ne brade pas ces quelques bijoux de famille, on pourra regretter l'occasion manquée de voir réunies sous la même bannière plusieurs majors de l'armement terrestre européen, notamment fournisseurs des armées françaises. 



mardi 17 octobre 2017

Désormais trop à l'étroit à Dax, DCI étend l'activité du CIFH dans les Landes


DCI est à l'étroit à Dax ! Le groupe de conseil en défense et sécurité a signé un protocole de mise à disposition de plate-forme aérienne avec l’EAR (association Entente aéronautique rionnaise ) et la commune de Rion des Landes. Une partie des activités de formation des pilotes d'hélicoptères militaires y sera délocalisée.

Illustration: les EC120 Colibri (ou "radis", ça marche aussi) de la société Helidax, branche de DCI, à Dax dans les Landes - Helidax


Vu sur Sud Ouest, jeudi 12 octobre, en mairie de Rion des Landes, a eu lieu la signature tripartite du protocole de mise à disposition de plate-forme aérienne de la commune. Le bénéficiaire sera DCI, et plus précisément le CIFH, le centre international de formation hélicoptères.
On apprend également dans le journal que sont prévus à Rion trois stages de neuf semaines par an pour deux à six stagiaires, qui apprendront à réaliser des tours de piste en double commande ou en solo élève.

Comme vous le savez si vous suivez ce blog, la société DCI (Défense Conseil International), via sa filiale d'HéliDax, possède une base école pour la formation des pilotes d'hélicoptères de l'EALAT (école d'aviation légère de l'Armée de Terre) depuis 2010, à Dax.
Plus tard, en 2015, fort de son succès, le modèle était étendu à l'international avec l'ouverture du CIFH, qui joue pleinement depuis son rôle au "soutex", le soutien aux exportations (DCI est également impliquée sur la formation des opérationnels clients du Rafale).


Aussi sur le blog: La première promotion koweïtienne brevetée au CIF-H de Dax



Cette véritable externalisation et l'utilisation d'appareils civils ont permis de réduire le coût de l'heure de vol de 2300 à 1100 euros. En cause, la consommation de carburant et surtout la maintenance. Aussi, là où l'EALAT utilisait 53 hélicoptères Gazelle et 175 personnels, Helidax semble faire mieux avec moins de machines et 50 employés. Selon l'Armée de Terre elle-même, 100% du besoin exprimé est rempli par 36 hélicoptères, et ce notamment grâce à un taux de disponibilité record de 90% !  (données datées de 2015) 
De plus, Hélidax est maintenant sollicité pour des heures de substitution, c'est à dire que les régiments entretiennent directement leurs compétences via l'école de Dax, économisant ainsi des appareils militaires bien peu disponibles.



Lors de la signature à Rion les Landes, Antoine Beorchia (sécurité et qualité hélicoptères) et Fabrice Revel (formation hélicos et avions) du CIFH ont confié que l’aérodrome de Dax était désormais trop chargé, peut-on lire dans l'article de Sud Ouest. Le nouveau terrain « nous permet, aussi, de nous ouvrir sur le massif forestier, très prisé et bien moins encombré. »

Dernier détail, qui a son importance: la mise à disposition du site a été conclue et signée à titre gracieux pour une durée de deux ans, renouvelable une fois. En contrepartie, DCI assure la sécurité de l'enceinte (notamment contre les dégradations de... sangliers !) en s’acquittant de la pose d’une clôture de protection d’un coût de 3 404,30 €, très précisément.


lundi 16 octobre 2017

Thomas Pesquet en visite au CEAM de Mont-de-Marsan


Avant les célébrations de Toulouse pour les 20 ans de la Cité de l'Espace, Thomas Pesquet a fait un détour par l'Aquitaine. Il a notamment visité l'un des poumons de l'innovation aérospatial du pays, le CEAM de Mont-de-Marsan. L'occasion également de passer par Bordeaux et l'Airbus Zéro-G.

Photos: Twitter & Facebook CEAM, Thomas Pesquet


Véritable star depuis son départ à bord de l'ISS il y a bientôt un an pour la mission Proxima, Thomas Pesquet n'en finit plus d'être demandé.
C'est l'Armée de l'air qui a eu l'honneur de l'accueillir (honneur réciproque pour l'invité) sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, plus précisément au CEAM.

Le CEAM est le centre d’expertise aérienne militaire (anciennement appelé le centre d’expériences aériennes militaires). Composé de 25 unités et de 700 experts, il est le centre d’innovation de l’Armée de l’air, où se construiront les capacités opérationnelles futures de l’institution.
Le CEAM a de plus développé ces dernières années un Air Warfare Center, et concentre ses experts autour des trois piliers constitutifs d’une capacité opérationnelle de première ligne : la doctrine, les équipements et l’expertise tactique du combattant.

L'astronaute a pu en profiter pour voir les Rafale du CEAM et du Normandie Niemen (escadron français créé sur le front de l'est durant la Seconde Guerre Mondiale), pas anodin si l'on signale qu'il était lors de sa visite accompagné de son collègue russe Oleg Nivtiski.

Pour rappel, Thomas Pesquet est bien pilote... mais pilote de ligne et non de chasse, dans une tradition bien française puisque contrairement à la conquête spatiales américaine par exemple, la "caste" des spationautes français est restée très civile.



Et avant d'être l'invité d'honneur des 20 ans de la Cité de l'Espace à Toulouse ce dimanche, l'astronaute français s'est également rendu chez Novespace à Bordeaux (Mérignac), seule société au monde à proposer du vol en gravité zéro, à bord de son Airbus Zéro-G.






vendredi 13 octobre 2017

La Revue Stratégique 2017 est en ligne ! Grandes ambitions teintées de lucidité



Le monde de la défense l'attendait fermement, la voici. La Revue stratégique officiellement demandée au Ministère des armées par Emmanuel Macron a été présentée le 11 octobre au Président de la République en Conseil de défense, puis officiellement rendue publique par la  ministre des Armées Florence Parly ce 13 octobre. Décryptage.

NDA: ceci est une analyse "à chaud" (plus longue que prévu d'ailleurs), susceptible de subir des modifications dans les jours à venir. 


Après deux Livres Blancs en 2008 et 2013 respectivement demandés par Nicolas Sarkozy puis François Hollande, Emmanuel Macron a pris lors de la campagne électorale de 2017, puis de son élection, la décision d'une part, qu'un nouveau document devrait être rédigé, et d'autre part qu'il ne prendrait cette fois pas la forme d'un pavé de +300 pages (dont plus grand monde ne voulait sous cette forme), mais d'un document plus court, publiable dans l'année même: la fameuse "Revue stratégique de défense et de sécurité nationale".

La mission fut confiée le 29 juin à la ministre des Armée Florence Parly (tout juste entrée en fonction après la démission de Sylvie Goulard) par le président de la République.

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale se définit comme tel, je cite:
"destinée à fixer le cadre stratégique de l’élaboration de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, qui doit porter notre effort de défense à 2% du PIB à l’horizon 2025. Elle tire les leçons de l’évolution, depuis le Livre blanc de 2013, d’un contexte stratégique instable et imprévisible, marqué par une menace terroriste durablement élevée, la simultanéité des crises, l’affirmation militaire de puissances établies ou émergentes, l’affaiblissement des cadres multilatéraux et l’accélération des bouleversements technologiques. La Revue examine dans ce contexte les intérêts de la France, son ambition pour sa défense et en déduit les aptitudes prioritairement requises pour nos armées.
Placée sous l’autorité de la ministre des Armées, cette Revue a été conduite par un comité de rédaction composé de 18 membres, représentants des institutions civiles et militaires et de personnalités qualifiées notamment issues de la société civile et présidé par Arnaud Danjean, député européen. Le comité a consulté un ensemble représentatif d’élus, de responsables publics et privés ainsi que de chercheurs, en France et à l’étranger, en particulier en Europe. Au bilan, le comité a auditionné ou s’est entretenu avec 140 personnalités françaises et étrangères et a effectué quatre déplacements à l’étranger (UE, OTAN, États-Unis, Allemagne et Royaume-Uni)."

Voici donc en ce vendredi 13 octobre 2017, la revue stratégique, que vous et moi sommes libres de consulter. Décrite sur le site du Ministère comme "une analyse lucide et volontariste pour préparer la prochaine loi de programmation militaire", on ne peut nier que ce format d'une centaine de pages (en 321 points) rend le document plus accessible aux citoyens.


Cliquer sur ce lien pour accéder au document
(une synthèse de 4 pages est également disponible)





L'analyse de ce document s'avère relativement simple. Très honnêtement, sa dénomination même de "revue stratégique" lui convient absolument, tout comme sa description citée plus haut ("une analyse lucide et volontariste pour préparer la prochaine loi de programmation militaire"). En aucun cas il ne s'agit d'un contrat opérationnel.


L'Etat du monde

Lucide pourquoi ? Le comité de rédaction, avec à sa tête le député européen Arnaud Danjean, plutôt connaisseur de ces sujets, est bien conscient que cette publication ne révolutionne rien, dans la mesure où, et cela est signalé dès l'introduction, nous sommes dans la continuité de 2013: l’érosion de la puissance occidentale, l'émergence de la Chine, l'activité véhémente de la Russie, les zones de crises, le terrorisme globalisé, les ruptures technologiques présentes ou à venir, le climat comme facteur de conflictualités... tout cela était déjà appréhendé, constaté, assimilé il y a 5 ans.
Comme le disait Arnaud Danjean lors de la présentation à la presse ce matin, «on ne va pas inventer de nouveaux concepts, ni de nouvelles doctrines, ce dont nos forces ont besoin c’est de visibilité».

Car entre temps donc , la France a dû faire face comme rarement à la violence - exacerbée il est vrai - de la géopolitique mondiale, et souvent bien plus que la plupart de ses partenaires. Avec des attentats terroristes très meurtriers sur son Territoire National, et un niveau d'engagement en opérations extérieures d'une rare d'intensité et simultanéité, les forces françaises fonctionnent sur un rythme intenable à moyen terme. Des constats s'imposent donc... afin de prendre les décisions politiques qui en découlent, fixer un cap, comme dirait le Président. C'est le tant attendu objectif de remontée en puissance que tous les candidats à l’élection présidentielle avait promis.

Pour qui travaille dans le milieu stratégique (dans toutes ses largeurs), la première partie du document (parties A & B) semble être, après une première lecture, une juste synthèse des enjeux mondiaux pris en compte depuis maintenant quelques années déjà. Ces constats sont donc pour la plupart déjà assimilés par les opérationnels, les industriels, les chercheurs... et on l'espère par les décideurs politiques. Pour les non-initiés en revanche, la lecture pourra s'avérer très instructive en ce qui concerne les rapports de force et la réalité d'un champ de bataille, en 2017, et à l'horizon 2030. C'est n'est pas un mal, nous y verrons là encore une fois une démarche pédagogique très "macronienne".

Aussi sur le blog: Le SGDSN imagine les chocs stratégiques de 2030



Les premières réactions entendues ici et là font ressortir cependant un manque de... panache, mais sûrement était ce en attendre trop d'un document produit en à peine 3 mois.

La remise de la revue stratégique par le comité de rédaction le 6 octobre à la ministre - photo Arnaud Danjean sur Twitter

Autonomie stratégique...

Voici mots pour mots l'intitulé de la partie C qui définit notre stratégie de défense, à la page 52. Une partie qui aurait pu s'avérer la plus captivante à découvrir. Mais brisons d’emblée les fantasmes ! Ce manque de panache que j'évoque quelques lignes plus haut peut entièrement être attribué au contenu de cette 3ème partie. En effet, le document ne se contente ici que de poser sur papier les grands principes de la vision stratégique française en 2017. Pas de détails, pas de chiffres, pas d'annonce sur l'augmentation du volume des forces et des matériels, pas de problématique du second porte-avions... frustrant n'est ce pas !? Mais répétons le, ce n'est pas un contrat opérationnel.

Non ce n'est pas en ça que cette partie sur la stratégie du pays est intéressante, mais plutôt pour son aspect très "français", ou devrait-on dire son aspect en accord avec les objectifs de la première puissance militaire et diplomatique de l'Union Européenne.

Comme à l'habitude, la doctrine gaullienne est rappelée, sacralisée, c'est bien sûr l'autonomie stratégique. En ce sens, et c'est écrit dès la préface signée Emmanuel Macron, la dissuasion demeure la base de notre politique stratégique. Forces navales et aériennes stratégiques seront maintenues et modernisées, le débat n'a même pas lieu d'être. Les relations internationales, telles qu'observées ces dernières années n'encouragent pas à baisser la garde. Au contraire, l'hypothèse d'un conflit de haute intensité est aujourd'hui envisagée avec grande attention.

Nucléaire compris, nous retrouvons en fait logiquement les 5 grandes fonctions stratégiques énoncées depuis le Livre Blanc de 2008:
  • Dissuasion
  • Protection
  • Connaissance et anticipation
  • Intervention
  • Prévention

Dans ces 5 principes résident l'ensemble des capacités de défense et de sécurité du pays, la justification de notre modèle d'armée voulu comme "complet et équilibré". Un modèle qui nécessitera une remontée en puissance s'il veut perdurer face aux enjeux de 2030, et garantir nos intérêts vitaux. C'est inscrit noir sur blanc dans le document (p.53), qui fait mention des programmes de modernisation en cours.

Cette autonomie est également assurée par notre BITD (base industrielle de technologie et de défense, forte de 200 000 emplois) et notre capacité à innover pour anticiper et faire face aux ruptures, dans le numérique notamment. Globalement, les nouvelles technologies imprègnent les objectifs définis par la revue stratégique.
Là encore, rien de nouveau, mais un rappel nécessaire. Il est fait mention de l'export d'armement et de la concurrence internationale.

La page la plus intéressante du document ! Elle résume la doctrine d'autonomie stratégique française



....et ambition européenne

Si cette partie sur la politique stratégique de la France ne surprend pas, prenons là donc dans son entièreté. 

Cette politique est extrêmement marquée par une volonté de multilatéralisme (encore une notion chère à E. Macron). L'Alliance atlantique y est citée comme la clé de nos partenariats, mais on évoque aussi les accords bilatéraux (la Grande Bretagne notamment, malgré le Brexit), les organisation internationales, l'ONU et son Conseil de Sécurité en tête, et surtout... l'Union Européenne.

L'UE est prioritairement citée dans les premiers paragraphes de cette 3ème partie, avant même le chapitre sur l'autonomie stratégique.

Il y a ici le ressenti d'une vraie volonté, d'un vrai souffle que tente d'instiguer la France envers ses partenaires européens. Le discours du Président prononcé à la Sorbonne le 26 septembre dernier, y est même cité. Emmanuel Macron y avait en effet souhaité la construction d'une culture stratégique européenne.

Sur le blog: Emmanuel Macron plaide pour une culture stratégique européenne



Problème: la revue stratégique française n'est pas la revue stratégique de l'Union européenne. Si la France a selon moi raison de considérer que l'Europe toute entière fait face aux mêmes enjeux et a de ce fait besoin de sa propre autonomie stratégique, cette dernière ne semble pas prête, ou du moins décidée, à se ranger derrière l'étendard "France". Cette approche très directe est certes audacieuse, mais probablement vouée à l'échec, car trop franche justement.
Toutefois, la vocation de cette énième déclaration d'amour de la France à l'UE pourrait simplement être de marquer les esprits, et sonne avant tout comme un pari.

Dans ce cadre continental, l'Allemagne ET le Royaume-Uni sont cités comme les principaux partenaires en matière d'opérations, d'industrie (un avion de 5ème génération), de renseignement. Suivent l'Espagne et l'Italie qui ont un paragraphe commun.


La fin des Livres Blancs ?

Alors, quel impact sur le futur ? La revue stratégique a tout d'un document généraliste et relativement court-termiste... "et en même temps", est maintenant la base officielle sur laquelle va reposer l'une des plus importantes lois de programmation militaire de la Cinquième République.

Si les objectifs promis sont tenus sur le quinquennat, à savoir la planification d'une remontée en puissance budgétaire à 2% du PIB en 2025, dans cette LPM et ses multiples problématiques (les programmes d'équipement et notamment la question d'un ou plusieurs porte-avions, que tout le monde attendait dans cette revue) que sera fixée la ligne concrète à suivre au cours de la décennie 2020/30, strictement on l'espère malgré la contrainte du déficit budgétaire, véritable Epée de Damoclès.

Ce format, produit en 3 mois seulement contre un an pour un LB, au prix tout de même de quelques deadlines ardues à tenir on le devine, a de fortes chances de s'imposer comme une publication quinquennale, ou comme le furent les deux dernières LB, la marque laissée par un nouveau chef des Armées.

Quoiqu'on pense du résultat, ce travail d'actualisation, de synthèse, méritait d'être réalisé. Il est la première pierre d'un chantier décisif. A mon sens, la cohérence globale de la Revue stratégique, dont le contenu est partagé entre ambition et lucidité sur nos capacités, est sa principale réussite. Nous évitons pour l'instant le syndrome de la lettre au Père Noël.



BONUS: intervention d'Arnaud Danjean dans Le Talk du Figaro.




jeudi 12 octobre 2017

Grandes manœuvres interarmées pour l'exercice Brillant Mariner de l'OTAN



L’impressionnant exercice maritime de l'OTAN, "Brillant Mariner", se déroule cette année du 29 septembre au 13 octobre au large des côtes méditerranéennes françaises. Réunissant 13 nations et quelques 3500 militaires, Brillant Mariner implique aussi des unités des autres armées, à travers la présence d'hélicoptères de l'Armée de terre et de l'Armée de l'air.

Images: Marine Nationale, OTAN, Armada Española



Les marins se plaignent qu'on ne parle pas assez d'eux sur Pax Aquitania ! Toute occasion est donc la bonne pour évoquer la Royale (d'autant plus que des Tigre et Caracal sont ici de la partie).
De -très- grandes manœuvres se déroulent actuellement en Méditerranée. Il s'agit de l'exercice de l'OTAN "Brillant Mariner" qui réunit 13 pays et plus de 3500 personnels. 

Du premier au dernier plan sur le pont du BPC Mistral: H225M Caracal, NH90 Caïman, Tigre

Ce sont plus d'une vingtaine de bâtiments qui participent à l'exercice: des frégates/destroyers, sous-marins, porte-aéronefs, ravitailleurs, chasseurs de mines… et de nombreux moyens aériens, hélicoptères ou chasseurs (comme les Harrier espagnols).
La force de surface se décompose à première vue tel quel: 9 navires français, 3 espagnols dont le porte-aéronefs (LHD) Juan Carlos Primero, 2 britanniques, 2 danois, 2 turcs, 1 grec, 1 canadien, 1 italien, 1 allemand, 1 portugais, 1 norvégien et 1 néerlandais.

On notera bien sûr que les américains sont absents de la flotte, qui est presque exclusivement européenne.

Comme vous avez pu le constater ci-dessus, l'impressionnante force multinationale est composée non seulement de navires, mais aussi d’éléments des Armées de terre, de l’air, et des forces spéciales. Nous y apercevons notamment des hélicoptères de l'ALAT (Tigre et Caïman) et de l'Armée de l'air (le Caracal). Pour les régiments d'hélicoptères français, ces entraînements aux opérations depuis le BPC rappellent la Libye en 2011.
Remarque: ces hélicoptères ici en photos ne faisaient pas officiellement partie de l'exercice, en tout cas selon le dossier de presse, où il n'est fait mention que d'un Caïman et d'un Lynx de la Marine.


Brillant Mariner propose un scénario simulant une crise impliquant un pays membre de l’OTAN, permettant d’entraîner l’ensemble des participants aux opérations aéromaritimes dans tous les domaines de lutte en mettant tout particulièrement l’accent sur le caractère expéditionnaire d’un déploiement de la NRF.
Le contre-amiral Olivier Lebas, commandant la Force aéromaritime de réaction rapide française (FRMARFOR), exerce d'ailleurs le commandement des unités engagées pendant l’exercice. L'Etat-major interallié et interarmées œuvre depuis le BPC Mistral, parfaitement dans son rôle de bâtiment de commandement et de projection.

Cet exercice vise à préparer la composante maritime de la NRF (NATO Response Force) et notamment l’état-major français, qui en prendra le commandement à partir du 1er janvier 2018, pour une période d’un an. 
Il est important de noter que c’est la quatrième fois depuis 2007 que la Marine nationale assume ce commandement. Elle est surtout l’une des 5 seules forces navales à avoir cette capacité de commandement, avec les marines du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie, et bien sûr des Etats-Unis.

Un AV-8B Harrier II décolle de nuit du LHD Juan Carlos I

MH-60R Sea Hawk danois

Commandos de marine du Danemark

La rade de Toulon bien remplie avant de débuter l'exercice otanien



mardi 10 octobre 2017

Le Rafale met la pagaille en Belgique. Mirage F1 et Super Etendard... s'exportent !


Gros débat en Belgique sur le recevabilité de l'offre française s'agissant du chasseur Rafale. D'autre part, certaines légendes de la chasse tricolore sortent de leur retraite ! En effet, des Mirage F1 vont être vendus à des entreprises privées américaines et sud-africaines. Direction l'Argentine pour les Super Étendard de l'aéronavale.

Illustration: Rafale et Mirage F1CR lors de la cérémonie de retrait de ces derniers en juin 2014 à Mont-de-Marsan.


Le Rafale divise la classe politique belge

Comme prévu, l'offre française concernant l'appel d'offres belge pour ses futurs avions de chasse a mis une belle pagaille. Bref résumé: il y a un mois, à la surprise générale, Rafale International décidait de ne pas répondre à l'appel d'offres de la Belgique qui se cherche 34 avions de combat pour 2023. En cause, un cahier des charges clairement orienté en faveur du F-35 américain. Mais la France ne se retire pas totalement, au contraire de Saab ou de Boeing, elle proposera un partenariat de gré à gré. L'Etat Français, et non plus seulement la Rafale Team, tente donc là un vrai coup.


Cette situation met bien entendu la Belgique dans une position politique et juridique délicate. D'une part elle doit se prononcer sur la recevabilité de l'offre française, hors du cadre de l'appel d'offres (le "Request for Government Proposal", RfGP), et ce même appel d'offres est largement décrédibilisé avec le retrait de trois candidats. Il ne reste que le conglomérat Eurofighter et Lokheed Martin

Or, mercredi dernier, à la sortie de la commission de la Défense de la Chambre, le Ministre de la défense Steven Vandeput a clairement sous-entendu que l'offre française serait rejetée, ne s'inscrivant pas dans le cadre juridique de l'appel d'offres.
Toutefois, dans l'opposition, des voix réclament désormais l'abandon de la procédure de RfGP. Pour David Clarinval, chef des libéraux à la Chambre, "sur ce dossier, comme sur bien d’autres, les ministres n’ont pas à donner d’avis personnels. La décision revient au gouvernement et les ministres doivent la défendre"

Trois partis politiques (MR, Open VLD et le CD&V) seraient disposés à analyser en profondeur la proposition française.

Si les chances sont très minces pour le Rafale, ce sont plusieurs enjeux qui apparaissent dans ce dossier. Les divisions belges réémergent, entre flamands et wallons, le F-35 (déjà choisi par les Pays-Bas) pouvant favoriser économiquement la partie flamande du pays, quand la Wallonie profiterait du partenariat industriel proposé par Dassault Aviation notamment. 
De plus, et ce n'est pas anodin, la Belgique joue semble t-il sa place dans le projet de futur avion de combat européen, dont on ne sait pas encore clairement qui en sera leader (Allemagne et France ? Quid des anglais ?). En optant pour l'avion américain, elle conforterait son rôle dans l'OTAN, mais se mettrait probablement en marge de tout programme aéronautique européen.


Pendant ce temps, c'est le grand vide-grenier

Si les français doivent user d'audace pour vendre le Rafale, il est en ce moment bien plus simple d'écouler nos très chers appareils retraités ! Mis sous cocon depuis le retrait du service actif, Jaguar, Mirage F1 et Super Etendard s'envolent vers une nouvelle carrière.

On commence avec les vénérables Jaguar, dont 31 exemplaires gardés sous "cocon" depuis près de 12 ans devraient prendre la route de l'Inde où ils serviront de réserve de pièces détachées pour les Jaguar toujours en service sur place. Ces avions d'attaque au sol avaient quitté l'Armée de l'air française en 2005. Les rumeurs cet été faisaient état d'un don de la France à l'Inde... histoire de soigner les relations et favoriser de futurs achats de Rafale.

Deuxièmement, le gros morceau: la société sud africaine Paramount a annoncé le 5 octobre l'acquisition auprès du gouvernement français de 4 Mirage F1 pour des prestations d'entrainement auprès de forces armées. Une entreprise qui rachète des chasseurs ? Cela n'est pas nouveau et tendrait même à se développer. Pour preuve, en juillet dernier, la société américaine ATAC (Airborne Tactical Advantage Company), filiale de Textron, annonçait l'achat de 63 appareils Mirage F1 à la France, qui serviront de "plastron" aux pilotes de chasse, c'est à dire de cibles en simulation de combat. Les Mirage F1 ont été retirés de l'Armée de l'air en 2014.

Enfin, la grande histoire continue entre l’Aviación Naval Argentina (aéronovale) et le Dassault Super Etendard.  Le gouvernement argentin a confirmé l’achat de 5 Super Étendard Modernisés pour un montant de 14,23 millions d’euros. Comme dans les contrats cités plus hauts, les pièces détachées, et particulièrement les moteurs, sont fortement demandées. Ici ce sont 10 moteurs Atar 8k50 qui feront partie du lot, mais aussi des pièces détachées et un simulateur de vol.
Le Super Etendard Modernisé a lui quitté la Marine Nationale l'an dernier, pour laisser place sur le porte-avions au "tout Rafale".

Souhaitons bon vent à ces appareils de légende des forces françaises !